En tant que consultant, le Nîmois Ludovic Martin (48 ans) accompagne les PME et imprimeries françaises dans leur stratégie e-commerce et web-to-print (w2p).. Il tire son expertise de sa carrière dans la publicité et le design graphique et de son passage à l'imprimerie en ligne Exaprint (Cimpress) en tant que directeur de la stratégie e-commerce. Il est aussi l'auteur du blog Print.Watch dédié à l'actualité de l'imprimerie en ligne et conférencier.
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"Aujourd'hui, un imprimeur doit être actif en ligne pour survivre"
Selon le consultant français Ludovic Martin, l'imprimé devrait retrouver sa place dans le mix marketing des entreprises. Les entreprises prennent progressivement conscience que que le marketing digital est moins écologique que l'utilisation du papier.

En tant que consultant, le Nîmois Ludovic Martin (48 ans) accompagne les PME et imprimeries françaises dans leur stratégie e-commerce et web-to-print (w2p).. Il tire son expertise de sa carrière dans la publicité et le design graphique et de son passage à l'imprimerie en ligne Exaprint (Cimpress) en tant que directeur de la stratégie e-commerce. Il est aussi l'auteur du blog Print.Watch dédié à l'actualité de l'imprimerie en ligne et conférencier. Globalement, comment s'est porté le secteur du web-to-print en 2021?LUDOVIC MARTIN: "En fin d'année, l'imprimerie en ligne a commencé à retrouver des niveaux de croissance proches de l'avant-Covid. Les principaux imprimeurs en ligne disent qu'ils sont encore un peu en retrait par rapport à 2019, mais on sent un rattrapage et une accélération sur la fin de l'année. Le premier semestre 2021 a été très calme, notamment en raison des reports d'événements. Les activités ont commencé à bien reprendre avec la levée des restrictions sanitaires et la période de vacances jusqu'en décembre, période de la nouvelle vague Omicron. Ce qui est assez encourageant parce qu'on sent que dès qu'il y a des perspectives sanitaires positives le marché réagit de nouveau très vite. Il y a aussi de bons niveaux de commande malgré la pénurie de papier et l'inflation. En 2021, le secteur du w2p a aussi été marqué par le rachat de Crello par Vistaprint, le concurrent direct de Canva, une plateforme de conception graphique qui monte en puissance. Vous dites même sur sur votre blog que Canva est un 'game changer' et 'disrupte les imprimeurs en ligne'. Que voulez-vous dire?LUDOVIC MARTIN: "L'année 2021 a vu de nouveaux opérateurs apparaître sur le marché du web-to-print. À commencer par Canva qui a rapidement changé les règles du jeu et bousculé les acteurs établis de longue date. Beaucoup d'imprimeurs européens ont intégré Canva à leur site internet comme éditeur en ligne. Ensuite, Canva a commencé à modifier sa stratégie en développant une offre web-to-print sur son site internet suite à un partenariat avec Kornit Digital (fournisseur de solutions d'impression numérique textile, NDLR). Canva est une jeune entreprise en pleine croissance et elle pousse les autres opérateurs à se remettre en question et à revoir leur modèle. Le groupe Cimpress est celui qui a réagi le plus rapidement via Vistaprint avec le rachat de Crello, le concurrent direct de Canva, et son changement de nom par Vista. Avec le rachat supplémentaire la banque d'images Depositphotos et de 99designs auparavant, Cimpress crée un écosystème qui met la conception graphique digitale et print au premier plan. Par ailleurs, on voit aussi qu'Adobe change ses formules avec sa nouvelle offre Creative Cloud Express (ndlr: une application conçue pour la création de contenus visuels destinés aux réseaux sociaux, NDLR), qui est assez proche de Canva." Vous remarquez aussi une tendance à contre-courant dans l'impression à la demande...LUDOVIC MARTIN: "Ce qui se passe dans le print on demand (POD) est très intéressant à observer et très surprenant, car on est plutôt dans une industrie en baisse. Or l'impression à la demande en marque blanche a complètement explosé pendant la crise sanitaire avec des API comme Gelato et Printful, qui ont annoncé d'importantes levées de fonds. C'est à l'opposé de la dynamique du marché de l'imprimerie. Le POD amène aussi les imprimeurs, aussi bien en ligne que traditionnels, à s'interroger sur leur manière de distribuer leurs produits. Les webshops et le marketing digital sont devenus des pratiques courantes, mais ce n'est que la partie émergée de l'iceberg. Beaucoup d'activités se passent maintenant de manière invisible avec des connexions entre sites (grâce aux API, NDLR)) et beaucoup d'opérateurs s'y intéressent." Vous dites que même les imprimeurs traditionnels s'intéressent à l'impression à la demande. Que voulez-vous dire?LUDOVIC MARTIN: "Des imprimeurs de taille moyenne commencent à se regrouper via des fusions ou en étant rachetés par des holdings qui leur donnent une plus grande dimension. Elles ont alors les moyens de se développer sur le marché de l'impression à la demande, soit auprès de leurs clients existants soit auprès de nouveaux clients. En France et en Belgique, c'est assez nouveau de voir les imprimeurs offline se regrouper puis se lancer en ligne. Jusqu'à présent, ils étaient bloqués par leur capacité d'investissements et les coûts marketing. Aujourd'hui, on arrive à des tailles d'entreprises qui ont la capacité d'engager des développeurs IT et des spécialistes du marketing et de rivaliser avec des acteurs du web-to-print." Devient-il vital pour les imprimeries traditionnelles de concurrencer ou d'embrasser l'e-commerce?LUDOVIC MARTIN: "Oui, clairement. Je dis toujours à mes clients imprimeurs: 'Ne pensez jamais que vous n'êtes pas concernés par l'imprimerie en ligne. Vos clients achètent déjà probablement sur internet, mais vous ne le savez pas, et ces commandes vous échappent.' Lorsque les clients ont besoin de quelque chose très rapidement, ils vont aller le chercher sur internet plutôt que d'attendre un devis. En tant qu'imprimeur, il faut se dire qu'on se lance en ligne et qu'on propose des services digitaux d'abord pour conserver ses clients avant d'en gagner de nouveaux. Cette prise de conscience est d'autant plus importante depuis la crise sanitaire, les confinements et la généralisation du télétravail. Avoir une présence en ligne aujourd'hui est indispensable pour la survie de l'imprimeur, car c'est un canal de prise de commande important et aussi un moyen d'étendre sa zone de prospection." Comment un imprimeur traditionnel peut-il alors tirer son épingle du jeu face à la concurrence des grands acteurs?LUDOVIC MARTIN: "Les opportunités sont à voir du côté des produits de niche. Les applications grand format de qualité peuvent aussi être une piste, mais il faut faire attention aux coûts de transport et à ne pas abimer le produit lors de la livraison. On peut aussi aller chercher de nouveaux clients avec du packaging ou des applications décoratives. Je crois beaucoup aux produits de niche sur lesquels la concurrence est plus faible et la qualité très importante. Si on veut proposer les mêmes produits que les grandes plateformes, il faut alors miser sur le circuit court. La niche locale est aussi très importante. C'est un atout de pouvoir laisser la possibilité aux clients le retrait des commandes sur place, de visiter l'imprimerie et de discuter avec son fournisseur. En jouant sur le circuit court, la proximité, l'authenticité et la production locale, il est alors possible de proposer les mêmes services en ligne avec des prix un peu supérieurs à ceux des grands concurrents. De plus, dire que le bilan carbone est plus bas en raison des trajets de transport raccourcis est devenu un argument de taille." Quels conseils donneriez-vous aux imprimeurs qui démarrent de zéro dans l'e-commerce?LUDOVIC MARTIN: "Je préconise de se lancer le plus vite possible sur le marché pour aller se confronter aux clients. Pour cela, il faut des technologies qui permettent d'aller vite. Ne pas partir d'une plateforme de vente grand public, mais d'opter pour une plateforme adaptée au monde de l'imprimerie qui est très spécifique. C'est un des domaines les plus difficiles dans le commerce électronique, car il y a une multitude d'options qui entrent en jeu pour déterminer le tarif des produits. Ensuite, il faut pouvoir produire en un temps record pour garantir les délais de livraison. C'est assez complexe. Vouloir tout développer en interne de A à Z au niveau informatique est un projet qui peut prendre plusieurs années. C'est prendre le risque d'arriver avec quelque chose qui sera déjà obsolète parce que le marché aura changé entre-temps. C'est pourquoi je conseille de privilégier des plateformes pensées pour l'imprimerie avec des budgets raisonnables et sur lesquelles l'imprimeur peut configurer ses produits en toute autonomie sans avoir besoin d'un développeur. C'est la tendance du low-code qui permet de construire des sites avec un minimum de développement informatique. Ensuite, c'est un apprentissage permanent par essai-erreur. Il est illusoire d'attendre que tout soit parfait pour se lancer. Confrontez-vous le plus vite possible au marché et évoluez avec le feedback des clients." Enfin, quelles sont vos prédictions 2022 pour l'imprimerie en ligne?LUDOVIC MARTIN: "Les regroupements vont continuer dans les mois à venir pour gagner en puissance, performance et capacité d'investissement, notamment dans les pays de plus petites tailles. La Belgique qui est un marché très concurrentiel entre les opérateurs nationaux et les pays frontaliers est aussi concernée. L'imprimerie va donc continuer à s'orienter de plus en plus vers le commerce électronique. Par rapport à 2021, on devrait observer un premier semestre plus dynamique grâce à la vaccination et le retour de certains événements et salons professionnels. Globalement, je pense que l'on devrait dépasser les niveaux de 2021, voire revenir à ceux de 2019. La guerre entre plateformes de design en ligne devrait s'intensifier. Sans oublier Amazon, qui selon moi, attend gentiment en embuscade le bon moment d'attaquer (ndlr: Amazon développe une offre d'impression à la demande via Amazon Prints et Amazon Merch, NDLR)... En 2022, une chose sur laquelle toute l'industrie devrait se mobiliser au niveau européen c'est le combat contre les fausses allégations et les idées reçues sur le papier. Selon moi, l'imprimé va retrouver sa place dans le mix marketing des entreprises qui devraient progressivement découvrir la face cachée du marketing digital en termes de coût réel, de performances et d'impact environnemental. Des clients découvrent par exemple qu'un mailing papier est beaucoup plus efficace que des Adwords."
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