Le professeur Peter Ragaert constate avec plaisir que les emballages alimentaires continuent d'évoluer régulièrement, tant du point de vue de leurs propriétés barrières que de leur refermabilité ou de leur aptitude au recyclage. Nous avons évoqué le sujet de long en large avec cet homme qui est également chargé de cours en technologie de l'emballage à la Faculté des bioingénieurs de l'UGent. Pour nous permettre d'y voir plus clair, Ragaert commence par aligner un certain nombre d'exemples pratiques d'innovations dans le monde du packaging.
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Le professeur Peter Ragaert constate avec plaisir que les emballages alimentaires continuent d'évoluer régulièrement, tant du point de vue de leurs propriétés barrières que de leur refermabilité ou de leur aptitude au recyclage. Nous avons évoqué le sujet de long en large avec cet homme qui est également chargé de cours en technologie de l'emballage à la Faculté des bioingénieurs de l'UGent. Pour nous permettre d'y voir plus clair, Ragaert commence par aligner un certain nombre d'exemples pratiques d'innovations dans le monde du packaging.Ces grandeurs peuvent sembler antinomiques, mais, pour Ragaert, capacité barrière et refermabilité ne doivent pas nécessairement s'exclure lorsque l'on parle d'emballages alimentaires. " La contradiction serait plutôt entre facile-à-ouvrir et refermable. "Mais, ajoute Ragaert, l'industrie a mis au point, dans ce domaine également, un certain nombre de manières de combiner ces deux fonctions. L'une d'entre elles a déjà fait une apparition remarquée dans les rayons des supermarchés. " Prenez les sachets souples à maintien vertical (stand-up pouch), munis d'une encoche servant à déchirer le dessus de l'emballage. Une fermeture à pression située juste un peu plus bas permet de le refermer après usage. "Ragaert évoque également à cet égard un sachet flowpack refermable, commercialisé par Macfarlane Labels et Dijkstra Vereenigde sous le nom Reseal-it. " Ici, on a, sur le dessus de l'emballage, une languette à hauteur de l'étiquette, permettant de déchirer le film de manière contrôlée. Le bout de film enlevé peut ensuite être remis à sa place d'origine et y adhérer grâce à la colle qui s'est libérée. " Selon le fournisseur, un emballage doté de ce système Reseal-it breveté peut être ouvert et refermé pas moins de 25 fois, sans affecter la fraîcheur du produit. Il a été mis au point notamment pour la charcuterie, les fruits, le fromage, les biscuits, mais convient aussi pour l'alimentation animale et les produits utilisés dans les soins de santé.Le PeelPaq refermable est proposé par ANL Plastics. Il se présente comme un ravier fermé par un film soudé spécialement mis au point. " Quand le consommateur tire sur la languette, les trois bords de fermeture se détachent du ravier auquel le film reste malgré tout attaché. Il se forme ainsi un couvercle refermable, le quatrième bord faisant office de charnière. "Quand on ouvre un emballage sous atmosphère modifiée (MAP), le mélange gazeux s'en échappe. La refermabilité conserve malgré tout toute son utilité pour ce type de conditionnement. " Une fois l'emballage refermé et mis au frigo, le contenu est mieux protégé contre le dessèchement ou l'humidité qu'avec un conditionnement non refermable. Le procédé fonctionne très bien, par exemple avec un paquet de charcuterie. On peut naturellement aussi enfermer l'emballage une fois ouvert dans une boîte hermétique ou le glisser dans un sachet en plastique, mais cela implique des matériaux en plus. "De nouvelles solutions ingénieuses apparues sur le marché permettent de maintenir le mélange gazeux à l'intérieur d'un MAP. " Les emballages sont conçus de manière telle que leur ouverture ne donne accès qu'à seulement une partie du produit. Amcor Flexibles, entre autres, propose un tel dispositif. Par exemple, un emballage de six tranches de jambon est subdivisé en deux compartiments qui en contiennent chacun trois. Même si l'on ouvre l'un, l'autre reste hermétiquement fermé. Ce type d'emballage assure moins de gaspillage alimentaire, mais consomme davantage de matériau. Son incidence sur l'environnement est néanmoins inférieure à celle d'un emballage classique dès lors qu'une partie même infime du contenu finirait par être jetée. Le gaspillage de nourriture a en effet un impact beaucoup plus élevé dans de nombreux cas que l'utilisation d'un peu plus de matériau d'emballage. "Indépendamment de l'ouverture facile et de la refermabilité, Ragaert voit une tendance très claire à l'utilisation d'emballages, c'est-à-dire de matériaux, moins complexes. Une évolution due notamment à la stratégie européenne sur les matières plastiques qui vise à ce que, d'ici 2030 au plus tard, tous les emballages en matière plastique mis sur le marché soient soit recyclables soit renouvelables. " Mais un certain nombre d'entreprises ont affiché de plus grandes ambitions encore. Ainsi par exemple, Amcor et Danone entendent atteindre cet objectif d'ici 2025 déjà. Le fait est que l'exercice n'est pas évident. Parce qu'il s'agit de consommer moins de matériaux d'emballage tout en gardant idéalement la même durée de conservation. "Dans ce cas d'espèce, moins de matériaux d'emballage, cela veut dire des matériaux plus simples. " Des développements importants dans la chimie des polymères permettent d'obtenir les mêmes propriétés barrières avec des monomatériaux qu'avec des emballages comportant plusieurs couches hétérogènes. Nous parlons ici de plastiques, mais autres matières, comme le verre et le métal, opposent naturellement déjà une barrière efficace. Pour le carton, cette barrière est encore surtout créée par des combinaisons avec une pellicule plastique et/ou éventuellement une couche d'alu. Mais même pour cette couche plastique, des possibilités existent sous la forme de biocoatings. Un revêtement à base d'amidon fournit déjà une bonne barrière contre l'oxygène, mais aucune contre l'humidité. " Ainsi, la société australienne Plantic a mis au point une telle couche à base d'amidon, obtenue à partir de 80 % de matière première renouvelable. Le développement semble intéressant puisque Plantic a été rachetée en 2015 par Kuraray, fabricant mondial d'EVOH, le principal matériau barrière contre les gaz (O2, CO2).Outre la simplification du point de vue de la composition des matériaux d'emballages, Ragaert assiste également à divers développements visant à en faciliter le recyclage après usage. " Une distinction peut être faite entre traitement mécanique, chimique et organique, sous forme de compostage. Le recyclage mécanique ne donne généralement pas de bons résultats avec les emballages multi-couches. Ce genre de complexe haché et fondu ne fournit pas encore un contenu recyclé de bonne qualité en vue d'une utilisation pour sa fonction originelle. Des groupes de recherche et des entreprises planchent actuellement sur des solutions. Un bel exemple en est le projet Refoil associant l'UGent, la KU-Leuven et VKC-Centexbel sous la coordination de Kim Ragaert (UGent). Mené avec des subsides de VLAIO, il vise à étudier et à améliorer la recyclabilité de différents multicouches à base de plastiques. À côté de cela, on voit déjà avec les briques Tetra Pak que l'on parvient à séparer le carton de l'aluminium et du plastique. Ce que l'on peut faire aussi pour les complexes comportant des plastiques différents en dissolvant la colle. Un certain nombre de groupes travaillent aussi sur ce thème. "Mais, outre la dissolution de la colle, plusieurs techniques de ségrégation chimique sont possibles pour obtenir la séparation des plastiques, dit Ragaert. " On peut aussi recycler des multicouches par voie chimique en soumettant un certain plastique à l'action d'un solvant. Un projet en cours chez DSM vise, par exemple, à permettre le recyclage d'un multicouche PA/PE par la dissolution d'un des deux plastiques en vue de leur séparation. D'autres méthodes de recyclage chimique existent déjà par pyrolyse. Sous l'effet de la forte chaleur, la matière est dégradée en molécules de base (par exemple, CO, H2), qui peuvent de nouveau être utilisées pour la production de matériaux. "Ragaert voit certainement des possibilités pour les matériaux plastiques monocouches à propriétés barrières renforcées. La question est toutefois de savoir s'ils peuvent remplacer tous les multicouches. " Certaines choses seront certainement possibles. Comme passer d'un complexe à un monomatériau pour certaines applications, mais je ne vois pas comment remplacer la capacité barrière d'une feuille métallisée, par exemple. Ou le laminé alu pour les sachets à fond plat. Ce n'est pas demain, à mon avis, qu'on lui substituera un film PE monomatière. L'idée d'une seule et unique matière est séduisante, mais je crois qu'il nous reste encore beaucoup de pain sur la planche. "La recherche dans les biobarrières n'est pas encore très avancée, mais c'est plutôt dû au manque d'intérêt du monde de l'emballage. " Entre 2010 et 2012, Pack4Food a mené un projet en collaboration avec différents instituts de recherche et entreprises et avec le soutien financier de VLAIO. Il avait pour objet d'étudier les propriétés barrières de divers bioplastiques. "" Différents bioplastiques mono et multicouches, ainsi que des bioplastiques revêtus, ont été testés dans le cadre de ce projet. Deux emballages en bioplastiques ont, par exemple, été comparés avec un ravier classique en PET et un film multicouche avec couche EVOH, et ce pour un produit alimentaire emballé sous atmosphère modifiée et assorti d'une durée de conservation de 35 jours. Il en est notamment ressorti qu'une barquette en PLA avec feuille d'operculage en papier/AlOx/PLA constituait une solution de remplacement convenable. L'emballage laissait bien rentrer davantage d'oxygène, mais pas au point d'en affecter la durée de conservation. "Le projet a par ailleurs montré la faisabilité technique des bioplastiques en tant que matériaux d'emballage pour différents types de produits alimentaires. Mais il existe aussi une réalité économique, à savoir celle du surcoût lié à ces matériaux. " Vingt-deux entreprises ont pris part au projet, mais trois seulement se sont finalement lancées dans les bioplastiques à l'issue de celui-ci. Six ou sept ans plus tard, le prix s'avère toujours constituer le principal obstacle à la transition. Et quand on parle de bio-PE ou bio-PET, gardons en tête que ces matériaux ne sont pas compostables. " De quoi en faire perdre son latin au consommateur non initié. "Si le matériau est issu d'une source renouvelable, le consommateur peut penser qu'il est compostable et qu'il peut dès lors le jeter. Les consommateurs sont en général assez mal renseignés sur la compostabilité des matériaux. Il n'est pas évident de les informer en plus sur la nature exacte des bioplastiques. "La dernière European Bioplastics Conference du mois de décembre à Berlin a montré que les bioplastiques n'étaient pas encore vraiment sur les rails. " Il est apparu clairement que leur croissance en volume reste inférieure à 4 %. Avec 2 millions de tonnes, la part des bioplastiques ne représente pas encore un pour cent du volume total des plastiques dans le monde (340 millions de tonnes). Il existe, de ce point de vue, un besoin urgent d'un certain nombre de grands acteurs, qui serviront de locomotives aux plus petits. " Plusieurs grandes entreprises planchent sérieusement sur le sujet. " Danone, par exemple, a annoncé des bouteilles d'eau à 100 % en bio PET d'ici 2025."Ragaert est également résolument convaincu que l'utilisation des bioplastiques est inévitable à l'avenir. " Les ressources fossiles ne sont en effet pas infinies ; l'utilisation de matières premières renouvelables est un must. Et ce également dans le cadre de la valorisation de certains flux résiduels de processus industriels au service de nouvelles applications comme les bioplastiques. Une démarche qui s'inscrit parfaitement au sein d'une économie circulaire. "