N'est-il pas infâme, ce bout de plastique déposé au fond des raviers pour absorber l'humidité libérée par la viande? Résolus à s'en débarrasser, Luc van den Broek et Rinze Willemsen se sont attaqués au problème voici déjà plusieurs années. Mais comment faire pour capturer l'humidité d'un emballage de viande sans absorbeur?
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N'est-il pas infâme, ce bout de plastique déposé au fond des raviers pour absorber l'humidité libérée par la viande? Résolus à s'en débarrasser, Luc van den Broek et Rinze Willemsen se sont attaqués au problème voici déjà plusieurs années. Mais comment faire pour capturer l'humidité d'un emballage de viande sans absorbeur? "La GravityTray fonctionne selon le même principe que les pièges à guêpes de fortune qu'on fabrique à l'été en coupant une bouteille PET en deux et en retournant la partie supérieure", explique Van den Broek, directeur technique de l'entreprise elle aussi baptisée GravityTray. "Nous avons conçu la barquette de manière à ce que le jus de la viande s'écoule vers le centre par gravité, drainé par de petits canaux. Le fond est en effet conçu avec une pente allant des bords vers sa partie centrale. L'humidité disparaît dans le réservoir du fond par une petite pipette étanche spécialement prévue. Si on retourne la barquette, le liquide reste confiné dans la chambre inférieure. L'ouverture de la pipette dépassant le niveau du jus, celui-ci ne peut plus revenir dans le compartiment du haut. Nous avons déposé un brevet sur ce principe, et fait ensuite de même sur la technique de fabrication. Le nom GravityTray fait référence à ce principe d'écoulement par gravité." Il n'existait pas non plus de machines permettant de produire de telles barquettes à réservoir intégré. Il a donc fallu, là aussi, en développer une "en interne". La fabrication de l'emballage étape par étape s'effectue comme suit. Tout part d'une barquette thermoformée, dont le fond est strié de canaux convergeant vers son centre. La machine de conception propre commence par perforer des ouvertures dans le fond. Une feuille de fond est ensuite découpée à partir d'un rouleau. La partie réservoir ne peut en effet se confectionner qu'avec une feuille prédécoupée sur mesure. Van den Broek: "Si on déroule le film sur la barquette et qu'on réalise seulement ensuite l'incision, on risque de couper dans le plastique. Plutôt que de souder la découpe directement sur la barquette, nous avions aussi pensé à une pile de feuilles prédécoupées. Mais j'avais déjà eu moi-même l'occasion de constater avec des étiquettes moulées que cette solution n'est pas idéale. La pile se décale et la machine en prend plus qu'il n'en faut... bref, c'est la cata. D'où le choix de découper la feuille de fond au fur et à mesure." La feuille découpée est fixée sur le fond de la barquette par des points de soudure. Le compartiment réservoir ainsi formé est ensuite parachevé par une soudure de contour et un système d'inspection visionique par infrarouge de QiPack en contrôle la parfaite étanchéité. Si une fuite est détectée, la barquette est automatiquement éjectée. Voici un an et demi, le concept avait à ce point avancé que la barquette était prête à passer en fabrication.Nous avons trouvé un fournisseur qui ne voyait aucun problème à construire une telle machine GravityTray. Et il n'a d'ailleurs mis que quelques mois à la fabriquer. Elle trône aujourd'hui dans notre bâtiment d'Oosterhout, où nous avons aménagé voici un an spécialement pour GravityTray. "Nous avons mis beaucoup de temps à trouver le PET le plus approprié", dit Van den Broek. Nous voulions un PET monomatériau. Par le passé, les barquettes étaient uniquement disponibles en PET/PE, le PE servant pour la feuille d'opperculage. Le PET est en effet très difficile à souder. Le PET des barquettes actuelles contient des additifs destinés à les rendre moins rêches, pour pouvoir les désimbriquer facilement en cours de production. Ces additifs les rendent toutefois souvent impossibles à souder. Il nous fallait donc un PET lisse, mais qui reste monomatériau et présente une bonne soudabilité." "Notre première idée était d'ailleurs de fabriquer des barquettes en PP", poursuit Van den Broek. Le hic, c'est qu'une barquette en PP doit avoir une épaisseur minimale de 500 à 600 mµ. Contre seulement 350 mµ en PET. Une fameuse différence en termes de volumes de matériaux. Nous en sommes entre-temps arrivés à une épaisseur de 320 mµ et nous travaillons à la rendre encore plus mince. Cette énorme économie est aussi rendue possible du fait du double fond, qui permet d'obtenir une barquette tout aussi solide avec un matériau plus léger. L'avantage du PET est aussi que la viande et le poisson sont vendus dans les supermarchés sous mélange gazeux. Ce qui, en termes de barrière, n'est pas un problème pour du PET monomatériau, mais bien pour du mono-PE ou mono-PP." Un autre grand avantage du PET par rapport à ces deux matériaux est sa recyclabilité. "Le PP et le PE sont beaucoup moins recyclés à l'heure actuelle, parce qu'il est beaucoup plus compliqué d'en obtenir des flux monomatériaux qui soient propres." Van den Broek reconnaît que les barquettes PET ne sont encore recyclées qu'au compte-gouttes faute d'une masse critique suffisante. La feuille de fond de la GravityTray peut être transparente ou colorée. Il est aussi possible de l'imprimer à des fins de branding, d'où une USP marketing supplémentaire. Pour Van den Broek, la feuille de fond colorée ne pose pas de problème insurmontable pour le recyclage car elle peut être séparée du plastique transparent de la barquette en cours de processus. "Beaucoup de bouteilles PET sont compressées en attendant d'être retransformées en PET. Le supermarché n'a pas la place pour stocker toutes ces bouteilles vides, sans compter le gain de volume pour le transport jusque chez le trieur. Après le déchiquetage chez le transformateur, les différentes couleurs peuvent être séparées en vue d'une nouvelle utilisation. Les granulats colorés peuvent être réutilisés pour la feuille de fond." La production des premières barquettes destinées au marché belgo-néerlandais a été confiée à un thermoformeur de Belgique, explique Van den Broek. "Au vu de l'énorme intérêt international, nous sommes en pourparlers avec bon nombre des entreprises de thermoformage et de matériaux les plus en vue, afin de pouvoir organiser une montée d'échelle par région." Pour informer l'industrie sur l'existence de la GravityTray, l'équipe marketing de GravityTray a juste posté une vidéo sur deux adresses LinkedIn. Celles-ci ont été visionnées plus de 50 000 fois dans la semaine qui a suivi, récoltant une multitude de 'J'aime' et générant des centaines de demandes internationales. "Un résultat exceptionnel pour un sujet ayant trait à l'emballage, et ce sur une première action marketing simple", dit un Luc Van den Broek ravi. Les multiples contacts qui ont suivi avec les nombreuses entreprises intéressées ont permis de confirmer le souhait de la grande distribution et des fabricants de produits de viande et de poisson de se débarrasser au plus vite de l'absorbeur de jus. Van den Broek: "Des producteurs de viande et de poisson nous ont confirmé que la plupart des bactéries résident dans les jus libérés. La séparation des aliments et du liquide serait donc bénéfique pour la durée de conservation, mais le sujet doit encore être étudié." Et outre les consommateurs, les instances officielles aimeraient elles aussi voir la fin des tapis absorbants. "L'absorbeur est un obstacle pour qu'un emballage soit homologué EFSA ou FDA. Il est certes toléré, mais ce n'est pas l'idéal. L'inconvénient de cette feuille absorbante, c'est sa découpe: les bords à vif risquent de libérer des microparticules de plastique pouvant se retrouver dans l'aliment. Pour le reste, l'emballage GravityTray, sans absorbeur, est entièrement monomatériau." Tout en développant GravityTray, les pionniers Van den Broek et Willemsen avaient déjà conscience que l'activité était vouée à prendre une envergure internationale. Un renfort s'annonçait donc nécessaire au niveau tant de la direction que du management. 28 distributeurs internationaux sont déjà prêts à introduire la GravityTray, nous confie Van den Broek.