Avec 183 milliards d'unités vendues par an, Tetra Pak est le leader incontesté des emballages en carton pour l'industrie alimentaire. Ses "briques" sont populaires dans tous les coins et recoins du monde depuis des décennies. Pour autant, le géant de l'emballage n'entend pas se reposer sur ses lauriers. Il investit au contraire des montants colossaux chaque année en R&D pour perfectionner son offre. Nous avons demandé à Stefan Follet, Key Account Director chez Tetra Pak Benelux, quels étaient actuellement les sujets chauds dans le secteur.
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Avec 183 milliards d'unités vendues par an, Tetra Pak est le leader incontesté des emballages en carton pour l'industrie alimentaire. Ses "briques" sont populaires dans tous les coins et recoins du monde depuis des décennies. Pour autant, le géant de l'emballage n'entend pas se reposer sur ses lauriers. Il investit au contraire des montants colossaux chaque année en R&D pour perfectionner son offre. Nous avons demandé à Stefan Follet, Key Account Director chez Tetra Pak Benelux, quels étaient actuellement les sujets chauds dans le secteur. E&E: Commençons par les "facts & figures" de Tetra Pak. Stefan Follet: "Tetra Pak est une entreprise mondiale comptant plus de 25 000 salariés répartis sur 53 usines, 29 filiales et 93 bureaux de vente, sur les cinq continents. Notre activité repose sur trois piliers. Outre la production d'emballages, nous sommes aussi fabricants des équipements de traitement permettant de pasteuriser, homogénéiser, stériliser, doser, etc. les aliments et les boissons, ainsi que des machines servant à les soutirer. Même pour après la phase de conditionnement, nous avons une multitude de solutions servant à préparer les boissons emballées pour la distribution, comme des encartonneuses, des tunnels de rétraction et des palettiseurs. Le troisième pilier de Tetra Pak est celui du service technique. Nous veillons à ce que nos machines produisent au maximum en assurant une maintenance efficiente et des dépannages extrêmement rapides par nos propres équipes de techniciens." Vous faites beaucoup de recherche-développement, probablement. "Effectivement. Nous disposons de six centres de R&D dans le monde. Notre modèle économique s'appuie sur l'innovation et une approche proactive des tendances du marché. Et c'est bien ainsi que nous l'entendons. Certainement aujourd'hui qu'il y a tant à faire en matière d'emballages, sans compter les exigences ajoutées par les réglementations." Sur quoi votre R&D met-elle l'accent? "Dans le domaine des machines, l'automatisation est un thème important. Les clients actifs dans le secteur laitier ou les jus de fruits surtout doivent composer depuis déjà un certain temps avec des marges étroites et une forte concurrence. Une situation encore aggravée par une inflation élevée et la hausse exponentielle des prix de l'énergie. Ils sont dès lors demandeurs de machines de remplissage pouvant combiner de hautes vitesses avec une consommation d'énergie réduite, ce qui constitue une manière particulièrement efficace de compresser leurs coûts d'exploitation." La R&D concerne-t-elle aussi vos emballages? L'extérieur ne semble pas avoir vraiment changé. "Ce n'est qu'une impression. Car nos emballages ont entamé une véritable métamorphose voici environ trois ans. Comme nous souhaitons contribuer activement à un environnement plus propre, nous ambitionnons de faire en sorte que les emballages Tetra Pak soient entièrement fabriqués en matériaux renouvelables et/ou recyclés. La démarche se veut circulaire: les emballages doivent être entièrement recyclables à la fin de leur cycle de vie. Les propriétés barrières conservent naturellement une importance majeure. La fonction primaire d'un emballage est et reste la protection des produits de nos clients, et ce en conservant les vitamines, les minéraux et les valeurs nutritionnelles et en prévenant l'altération des aliments. Pas question d'y toucher, car l'empreinte écologique du gaspillage de nourriture est encore pire que celle des matériaux d'emballage. Mais nous continuons à chercher des manières de rendre les emballages existants plus écoresponsables. Et nos efforts portent leurs fruits: nos 'briques' sont plus respectueuses de l'environnement depuis 2018." Et en quoi le sont-elles? "En tout état de cause, nous sommes déjà très bien cotés sur le plan écologique, car les briques sont composées de 70% de carton certifié FSC. Le système de collecte belge, avec les sacs bleus, permet déjà de recycler 90% de nos emballages. Les briques contiennent aussi 25% de polyéthylène (PE), qui sert à la fois comme barrière contre l'humidité extérieure et pour les bouchons. Nous avons trouvé une alternative plus respectueuse de l'environnement sous la forme d'un PE d'origine végétale: un bioplastique à base de canne à sucre provenant d'exploitations certifiées sous gestion durable. Depuis 2018, nous remplaçons systématiquement le PE fossile par ce matériau végétal, ce qui contribue à encore alléger notre empreinte écologique ainsi que celle des producteurs alimentaires et des retailers. Quand on utilise des matériaux renouvelables, la nature s'en porte mieux. Nous avons par ailleurs lancé dernièrement en France un bouchon à vis refermable en polymères certifiés recyclés. L'anneau de ce bouchon est naturellement de la même matière." Vos emballages ne contien-nent-ils pas aussi de l'aluminium? "En effet. Ils sont composés à 5% d'une couche d'aluminium ultrafine. Ce matériau est celui qui offre la meilleure protection contre l'air et la lumière. Il est recyclé à 90% en Belgique grâce à la collecte en sacs bleus. Notre ambition à terme est toutefois de remplacer l'aluminium par un substitut écologique. Nous explorons activement différentes pistes de recherche en ce sens. Tout le challenge est d'offrir une protection comparable avec un matériau barrière alternatif qui puisse être incorporé aux flux de recyclage actuels." Pourquoi ne pas passer à 100% de PE végétal? "La disponibilité du PE végétal constitue un obstacle important. Il n'en existe pas encore suffisamment à l'échelle mondiale pour remplacer tout le PE d'origine fossile. Mais le secteur met les bouchées doubles pour créer de nouvelles capacités de production. Beaucoup de nos clients, ainsi que les retailers, sont demandeurs. Car il s'agit d'une manière simple de contribuer aux objectifs de développement durable." Le prix est-il un obstacle? Ou le parc de machines? "Nous avons délibérément choisi d'appliquer un prix similaire pour les emballages en PE ordinaire et végétal. La version végétale étant une alternative 1:1 au PE, le parc de machines ne doit pas être adapté. Idem d'ailleurs pour le recyclage, car les deux matières présentent les mêmes caractéristiques. La directive sur les plastiques à usage unique, en revanche, a bien nécessité une modification des machines. Une première législation a imposé le remplacement des pailles en plastique par des exemplaires en carton. À présent, nous étudions le remplacement du plastique autour de cette paille en carton par une solution en papier. Le secteur est encore face à un autre défi pour 2024, car à partir du 1er juillet, tous les capuchons devront rester solidaires des briques après ouverture. Nous avons déjà développé de tels bouchons attachés pour l'ensemble de nos solutions d'emballage. Nous avons entre-temps lancé leur déploiement dans un certain nombre de pays. Le reste de l'Europe devrait suivre rapidement. En outre, la plus grosse partie de l'assortiment de produits à capuchon attaché de Tetra Pak contient moins de plastique. La diminution est de 7 à 15% selon l'option choisie." Comment peut-on atteindre un taux de recyclage de 90% avec des emballages multicouches? "Jusqu'il y a quelques années, séparer ces trois fractions n'était en effet pas une sinécure. Ce qui aujourd'hui ne constitue plus un problème grâce à la technique d'hydropulpage mise en oeuvre par les recycleurs de fibres. Les cartons à boissons sont triturés avec de l'eau dans d'énormes 'machines à laver', ce qui conduit à séparer, d'un côté, les fibres, et de l'autre, le polyal - un mélange de PE et d'aluminium. Les fibres ainsi récupérées seront transformées en papeterie haut de gamme, décorations, papier toilette, etc. La fraction polyal est traitée dans une usine de recyclage pour donner une matière première destinée à la fabrication, notamment, de mobilier urbain ou de meubles de jardin, ou encore de palettes pour la distribution. Les briques belges partent chez des recycleurs d'Allemagne et de France, entre autres. L'important est de savoir que 99,99% de l'emballage se recycle: pratiquement rien ne se perd. La vraie perte se situe au niveau de ces 10% de briques qui ne se retrouvent pas dans le sac bleu pour l'une ou l'autre raison. Je dois naturellement bien reconnaître que nous n'atteignons pas les 90% de recyclage partout. La Belgique est championne de la collecte de cartons à boissons. Mais dans les autres pays, nous sommes tributaires de la législation en vigueur. Nous ne voulons pas fuir nos responsabilités pour autant. Aussi investissons-nous activement dans la création d'installations de tri et de recyclage supplémentaires." D'autres tendances ou défis à évoquer pour votre R&D? "Le développement durable est le thème numéro un absolu. Nous nous efforçons de trouver l'équilibre entre écologie et confort du consommateur. Il serait plus durable de ne pas avoir de bouchon à vis, mais de lui demander plutôt de créer lui-même un bec verseur en coupant un coin. Mais cela, le consommateur n'en veut pas." Comment voyez-vous le marché de l'emballage évoluer? "L'aspect développement durable prendra de plus en plus d'importance, car le consommateur est toujours plus soucieux de l'environnement. Le durable reste donc LE sujet autour duquel la plupart des évolutions et développements vont tourner dans les années qui viennent, notamment sous la pression des législations en vigueur. Pour le court terme, nous devons aussi réfléchir à des manières d'absorber la volatilité sur le marché. Avec la Covid-19 et d'autres évolutions, une pénurie de matières premières s'est développée tant pour les emballages que pour certains composants de machines (semiconducteurs, etc.). Ce qui a entraîné une inflation des coûts des matières premières, de l'énergie et du transport. La guerre en Ukraine a encore renforcé l'inflation et la volatilité. Ce qui ne va certainement pas contribuer à réduire les défis pour tous les acteurs de la chaîne de valeur. Nous n'en traversons pas moins des temps particulièrement intéressants qui nous encouragent à être encore plus créatifs et innovants, ce qui au final constituera un grand pas en avant, tant pour les emballages que pour les utilisateurs et la planète."