La réduction des tirages et des délais de livraison rend indispensables une automatisation et une digitalisation poussées de l'ensemble du processus de production graphique. Le constructeur suisse Bobst entend être en première ligne de cette évolution. L'entreprise est, par exemple, déjà connue depuis des années pour l'initiative REVO, partenariat entre différents acteurs du marché qui promeut la standardisation et la digitalisation du processus d'impression complet sous l'appellation " digital flexo " (voir l'encadré). Mais Bobst se plaît à enfoncer le clou. Au point de dévoiler début avril ce que l'on peut appeler une réinvention de l'encrage flexo. Le constructeur s'est en effet attaqué à l'un des facteurs d'incertitude du processus de production flexographique, à savoir l'alimentation de la presse en encre. Dans sa version la plus élargie, cette solution a donné naissance à un circuit fermé qui s'autogère entièrement. L'entreprise investit en même temps dans sa propre technologie jet d'encre à travers sa filiale Mouvent : " L'important en fin de compte n'est pas la technique d'impression appliquée, mais la considération économique sousjacente. "
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La réduction des tirages et des délais de livraison rend indispensables une automatisation et une digitalisation poussées de l'ensemble du processus de production graphique. Le constructeur suisse Bobst entend être en première ligne de cette évolution. L'entreprise est, par exemple, déjà connue depuis des années pour l'initiative REVO, partenariat entre différents acteurs du marché qui promeut la standardisation et la digitalisation du processus d'impression complet sous l'appellation " digital flexo " (voir l'encadré). Mais Bobst se plaît à enfoncer le clou. Au point de dévoiler début avril ce que l'on peut appeler une réinvention de l'encrage flexo. Le constructeur s'est en effet attaqué à l'un des facteurs d'incertitude du processus de production flexographique, à savoir l'alimentation de la presse en encre. Dans sa version la plus élargie, cette solution a donné naissance à un circuit fermé qui s'autogère entièrement. L'entreprise investit en même temps dans sa propre technologie jet d'encre à travers sa filiale Mouvent : " L'important en fin de compte n'est pas la technique d'impression appliquée, mais la considération économique sousjacente. "À l'occasion de son dernier évènement " Labels & Packaging Innovation ", Bobst a accueilli quelque 400 visiteurs. Ceuxci ont pu découvrir un certain nombre de primeurs technologiques : ce n'est pas pour rien que l'entreprise investit chaque année 6 % de son chiffre d'affaires en R&D propre. Et son portefeuille est large : des presses flexo, hélio et jet d'encre jusqu'aux machines de découpe, de pliage/collage et de dorure. De quoi générer un chiffre d'affaires mondial de plus de 1,4 milliard d'euros en 2018 (en hausse de 6,9 % par rapport à 2017). Le bénéfice d'exploitation a toutefois baissé d'environ un quart, à 76 millions d'euros. Ce qui, selon le CEO Jean-Pascal Bobst, est surtout la conséquence des efforts et investissements supplémentaires consentis, notamment dans le domaine des presses numériques et des activités IoT (Internet des objets). Les premiers résultats en ont été présentés à Florence, où Bobst dispose d'un site de production de rotatives d'étiquettes et d'emballages (l'ancienne usine Nuova Gidue) depuis 2015.2 grammes d'encre suffisent en moyenne à imprimer un mètre carré en flexo. Ce qui n'empêche pas les presses flexo conventionnelles - équipées d'un cylindre barboteur ou d'une chambre à racle - de fonctionner avec une réserve particulièrement généreuse d'une encre fluide. En cas de nécessaire changement de couleur (PMS), le nettoyage approfondi du système d'encrage est ainsi rendu particulièrement fastidieux. Pour faire gagner du temps et générer des économies de consommable et autres, Bobst a décidé de remettre le système d'alimentation d'encre de la presse flexo sur la table à dessin. Résultat : une solution en trois parties qui engendre une optimisation considérable du procédé flexographique.D'abord et avant tout, le nouveau système Ink-on-Demand (IoD) tourne résolument le dos aux encriers et chambres à racle traditionnels. Dans un encrage conventionnel, le barboteur et le cylindre tramé tournent dans le sens contraire afin de pouvoir transporter l'encre en direction de la forme imprimante. Dans le système IoD, Bobst a inversé le sens de rotation du cylindre d'encrage, qui tourne donc dans le même sens que le cylindre tramé. Ceux-ci sont en rotation à très faible distance l'un de l'autre. L'encre est désormais acheminée à partir d'un réservoir externe par un court flexible. Le côté distribution de ce tuyau balaie le rouleau d'encrage sur toute sa largeur, assurant l'apport d'un volume tampon réduit mais constant d'environ 30 g d'encre entre l'encreur et l'anilox.Comme la quantité d'encre présente dans le système est toujours très faible, il devient plus simple de nettoyer automatiquement le circuit pour un changement rapide de couleur (PMS).La deuxième composante de la nouvelle solution est désignée par l'acronyme HAL (Highly Automated Liquid), station de mélange compacte et entièrement automatisée, pilotée notamment par un logiciel X-Rite. HAL convient aussi pour le mélange de très petites quantités d'une encre PMS. Ce qui vient bien à point pour les tirages d'essai : le système IoD se contente en effet d'une trentaine de grammes d'encre pour la réalisation de ces quelques impressions. La formule de dosage peut être rapidement adaptée sur la base des mesures et retestée sans attendre, ce qui permet après accord de produire exactement la quantité d'encre PMS requise.Le troisième pilier de la nouvelle approche de la flexographie de Bobst s'appelle DigiColor. Ce système est fondé sur l'impression à partir d'une série standardisée de sept couleurs - les CMJN plus l'orange, le vert et le violet - permettant de simuler la quasi-totalité des tons PMS. Ce procédé ECG à gamme chromatique élargie (Extended Color Gamut) est à la base du projet REVO ( lire l'encadré).Le système DigiColor prévoit à présent une variante claire et une autre plus foncée de chacune de ces sept couleurs d'impression. La presse peut être équipée de deux réservoirs externes pour chaque groupe d'impression, le système IoD assurant une alimentation mélangée à partir de ces deux sources. Les caméras d'inspection montées sur chaque groupe mesurent non seulement la qualité et le bon repérage de l'impression, mais renvoient l'information au système de régulation des couleurs de DigiColor. Il est ainsi possible d'adapter la composition du flux d'encre dirigé vers la forme imprimante d'après la colorimétrie en ligne, de manière à obtenir rapidement le résultat souhaité.Justement, cette solution à quatorze couleurs n'ajoute-t-elle pas une variable, et donc un facteur d'incertitude supplémentaire, au procédé flexo ? Bobst réfute la question : si une commande se déroule entièrement selon le processus standardisé, il n'y aura pas de " mélange sur la presse ". Le système permet toutefois de réagir rapidement et efficacement en cas d'écart. Par exemple, concernant une recommande produite avec des formes imprimantes existantes présentant malgré tout une certaine usure, ou utilisant un autre matériau. Grâce au circuit de contrôle fermé, il est possible de procéder directement aux adaptations nécessaires pour obtenir malgré tout un bon produit fini. DigiColor est même le seul système, dit Bobst, à garantir une valeur delta-E constante entre différentes presses de différents sites et sur différents supports.Bobst lance d'ailleurs " Packaging Connected " afin de garantir la qualité et l'uniformité des impressions. Cette solution fait appel notamment aux systèmes d'inspection d'AVT, à Esko WebCenter et à X-Rite ColorCert. Elle collecte l'ensemble des informations numériques de commande et de couleurs, du prépresse et du système de contrôle en ligne, et les rend compréhensibles - également pour les marques et les donneurs d'ordres.Les systèmes " Ink on Demand " et " DigiColor " ne sont par ailleurs pas intégrables sur les presses flexo existantes. Toutes les nouvelles presses construites par Bobst sont en revanche compatibles. Une presse avec IoD ne coûtera pas beaucoup plus cher qu'une machine conventionnelle, selon Bobst (" nous ne faisons qu'ajouter un servomoteur "). Mais avec tous les capteurs et dispositifs de contrôle, les coûts sont sensiblement plus élevés pour une presse flexo équipée de DigiColor.Si la flexo en tant que technique reste donc toujours susceptible d'innovation et d'amélioration, Bobst voit aussi des opportunités dans la technologie jet d'encre pour réagir à un marché en mutation. En juillet 2017, l'entreprise avait annoncé " Mouvent ", joint-venture créée avec la startup Radex. Les premiers résultats ont été montrés quelques mois plus tard à la LabelExpo de Bruxelles, avec des démonstrations notamment de la " minipresse à étiquettes " compacte LB701-UV, de 170 mm de laize, et la LB702-UV, de 340 mm.Le coeur de la technologie de Mouvent réside surtout dans ses modules de têtes jet d'encre (" Clusters "), qui peuvent être couplés par pas de 170 millimètres jusqu'à la largeur d'impression souhaitée. Ces clusters, qui sont fabriqués pour une grande part avec des imprimantes 3D, se composent chacun d'une tête jet d'encre commandée individuellement avec sa propre électronique et son alimentation en encre. Mouvent, qui produit par ailleurs des encres et des machines de son cru, promet une révolution dans le jet d'encre : " Avec nos encres, la vitesse élevée et le minimum de déchets, nous pensons pouvoir revendiquer un TCO inférieur de 10 à 15 %. "Depuis 2017, la LB702-UV a eu le temps de faire ses preuves sur un site en bêtatest et elle est désormais " entièrement stable ", assure Mouvent. Pendant la démonstration à Florence en tout cas, elle a pu produire à la vitesse promise de 100 m/min. À la LabelExpo 2019 de Bruxelles, qui se tiendra en septembre, une encre blanche sera ajoutée à la série présentée de six couleurs. Bobst y montrera en outre une nouvelle presse à étiquettes hybride, combinant la flexo et le jet d'encre de Mouvent. Mouvent promet aussi des extensions pour la Drupa 2020 : le pas sera alors franchi en direction des marchés du carton plat, du carton ondulé et des emballages souples.