Voilà exactement un an, nous évoquions en ces mêmes pages le besoin d'un esprit d'entreprise positif et la nécessité d'avoir une vision claire de l'avenir. L'un et l'autre ont été rudement mis à l'épreuve depuis. La pandémie de coronavirus l'a encore démontré: la seule chose qui soit sûre dans la vie, c'est que "rien n'est certain". Alex Joos reste malgré tout convaincu que le secteur s'en remettra. Comme il le disait début janvier dans un entretien accordé à la plate-forme Made In: "(Se) réinventer, c'est ce que notre secteur a toujours dû faire. Nous y sommes donc habitués. Changer les choses, et plus vite qu'auparavant. Davantage que dans d'autres secteurs." La principale leçon de l'année écoulée, selon Joos, est que "nous pouvons résister aux crises": "Espérons que les gens auront retenu que même si une douleur ou une crise perdure, on peut toujours s'en sortir."
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Voilà exactement un an, nous évoquions en ces mêmes pages le besoin d'un esprit d'entreprise positif et la nécessité d'avoir une vision claire de l'avenir. L'un et l'autre ont été rudement mis à l'épreuve depuis. La pandémie de coronavirus l'a encore démontré: la seule chose qui soit sûre dans la vie, c'est que "rien n'est certain". Alex Joos reste malgré tout convaincu que le secteur s'en remettra. Comme il le disait début janvier dans un entretien accordé à la plate-forme Made In: "(Se) réinventer, c'est ce que notre secteur a toujours dû faire. Nous y sommes donc habitués. Changer les choses, et plus vite qu'auparavant. Davantage que dans d'autres secteurs." La principale leçon de l'année écoulée, selon Joos, est que "nous pouvons résister aux crises": "Espérons que les gens auront retenu que même si une douleur ou une crise perdure, on peut toujours s'en sortir." Dans le cadre de cette même série d'interviews " 21 over 21" sur Made In, Joos disait aussi s'attendre à ce que la crise du coronavirus accélère un certain nombre de choses: "Pas uniquement chez nous. Aussi dans d'autres secteurs, mais très certainement dans la branche graphique." Il prend comme exemple le fait que les gens vont communiquer beaucoup plus en ligne et par les outils numériques: "L'élément positif est que d'autres manières de communiquer vont de plus en plus émerger." Ce qui doit conduire, selon lui, à une renaissance de l'imprimé: "Nous avons tous un smartphone à portée de main, et plus personne ne s'étonne de recevoir des voeux par e-mail. Et pourtant, on observe depuis quelques années une résurgence de l'envoi de cartes. Manifestement, les gens se détournent volontiers de l'écran pour adresser une carte de voeux classique. Même les jeunes s'y remettent." Ce retour en grâce de l'imprimé authentique a pu se vérifier pendant les fêtes: Bpost a distribué plus de 25 millions de cartes de voeux sur les deux dernières semaines de décembre. Un pic de 3,8 millions a été atteint le 21 décembre, sachant qu'il se distribue environ 5,5 millions de lettres et cartes sur une semaine normale. Selon un article paru dans De Tijd, le volume de courrier sur les neuf premiers mois de 2020 aura été de 12% inférieur à celui de la même période de l'année précédente. L'entreprise postale s'attendait donc à ce qu'il s'envoie moins de lettres et de cartes en fin d'année que pour la même période de 2019. Elle a dû au contraire en traiter de 5 à 10% en plus. S'exprimant dans De Morgen, l'analyste Herman Konings disait n'être pas surpris de cette évolution: "Il n'est pas rare que les gens en reviennent à un passé tactile en réaction à un excès de stimulus numériques. S'envoyer des cartes ou des lettres est une réminiscence d'un geste familier." Le revival du print prend aussi d'autres formes. Ainsi, Jesse Marynen, dirigeant de l'imprimerie malinoise Buroform, déclarait début janvier dans la Gazet van Antwerpen: "Les puzzles sont devenus tellement populaires pendant le confinement qu'on ne trouve pratiquement plus en Europe le carton nécessaire à leur fabrication." La fédération européenne de l'industrie graphique Intergraf se dit persuadée que la roue va tourner pour le secteur: "Ceux qui pensent que 'l'imprimé est mort' nient le besoin pressant d'imprimé dans la vie moderne - celui-ci perdurera, bien longtemps après que la crise du coronavirus aura été résolue." Elle reconnaît toutefois l'incertitude actuelle: "Les évènements virtuels sont devenus la norme ; les consommateurs achètent en ligne et le télétravail siphonne les centres-villes. Ce qui suscite de nombreuses questions pour l'avenir d'un secteur aussi dépendant des produits physiques." La demande de certains produits imprimés est restée relativement stable pendant la pandémie - elle a même augmenté pour certaines entreprises, fabricant notamment des emballages alimentaires et pharmaceutiques - constate Intergraf (lire également l'article consacré aux imprimés d'emballage en page 16 de ce même numéro de Nouvelles Graphiques - ndlr). "Les livres restent aussi très demandés - en ce compris, les livres scolaires, les livres pour enfants et la fiction pour jeunes adultes. L'imprimé est non seulement essentiel, mais il encourage aussi le développement des connaissances, la démocratie et la créativité. Ces avantages vont contribuer à stimuler la reprise et la croissance de l'économie européenne." Selon Intergraf, le secteur graphique peut tirer parti du fait qu'il a entamé sa transformation numérique depuis déjà des années: "Les imprimeries sont au croisement du physique et du digital. Elle traitent des informations électroniques pour fabriquer des produits physiques et les distribuer. Les imprimeries ont développé une expertise dans ces domaines et elles peuvent la mettre à profit en proposant aussi les services numériques à leurs clients à côté des produits physiques intégrés." (Lire également l'article consacré aux flux de production et à la digitalisation en page 12 de ce même numéro de Nouvelles Graphiques - ndlr.) Group Joos en est un bel exemple. En pleine période d'incertitude, l'entreprise a procédé l'an dernier à d'importants investissements ainsi qu'Alex Joos l'a raconté à Made In. On continue de miser sur la communication en ligne avec les clients, tout en déployant une technologie d'impression numérique: "Celle-ci est vraiment en plein essor." La branche aura grand besoin d'une mentalité de gagnants comme celle qui anime les Diables rouges. La première phrase du rapport " La conjoncture dans le secteur papetier, graphique et de l'édition*" du Conseil central de l'économie (CCE) publié fin octobre donne d'ailleurs le ton: "Les conséquences de la pandémie de COVID-19 (ou coronavirus) dominent et éclipsent toutes les prévisions et perspectives." Ce document s'appuie aussi bien sur les prévision de la Commission européenne (CE) que sur les chiffres du FMI, du Bureau fédéral du Plan (BFP), de la Banque nationale de Belgique (BNB) et des différentes fédérations professionnelles. "Sans exception, par rapport aux prévisions d'automne 2019, tous les agrégats ont dû être (très) fortement révisés à la baisse, tant au sein de l'Union européenne et de la zone euro qu'au niveau international. (...) Tous les paramètres ont été perturbés: la demande, l'offre, le marché du travail, le commerce international, les finances publiques." Selon les prévisions de la CE, faites au premier semestre de l'an dernier, la croissance de l'économie mondiale devait être négative (-3,5%) en 2020 avant de redevenir positive en 2021 (+5,2%). D'après cette projection, le net recul de 2020 devrait être compensé par la croissance de 2021. Mais, écrivent les analystes du CCE, des doutes ont commencé à se faire jour dans l'intervalle, quant à la vigueur du redressement économique en 2021: "Il reste donc à voir si le rebond en 2021 sera suffisant pour absorber le ralentissement économique de 2020." Tant au niveau de la zone euro que de l'UE, la CE a ajusté ses perspectives de croissance pour 2020 à la baisse à l'été dernier: -8,7% de PIB pour la zone euro et -8,3% pour l'UE. Le FMI se montrait encore plus pessimiste dans son " World Economic Outlook" de fin juin en prévoyant une croissance négative (-10,2%) pour la zone euro. "Le rebond en 2021 devait être spectaculaire, mais les perspectives de croissance sont systématiquement revues à la baisse", lit-on dans le rapport conjoncturel du CCE. Ainsi, dans le cadre de ses projections d'été, la CE a revu ses prévisions de croissance à la baisse (6,1% pour la zone euro et 5,8% pour l'UE). Selon le FMI, la croissance s'établirait à 6% dans la zone euro. "Ceci met un terme abrupt aux nombreuses années de croissance positive de l'économie européenne. Selon la Commission européenne, nous nous dirigeons vers une reprise en U (l'une des autres possibilités était une forme en V). L'économie va subir un creux important. Le recul de la production et des investissements, combiné à une grande incertitude concernant l'emploi, les revenus et le chiffre d'affaires, conduit à cette conclusion." Le CCE avertit en outre qu'un rebond de l'économie suivant une courbe en V (redressement vigoureux) ou même en U (reprise après un large creux) devient de plus en plus improbable: "Sachant que la reprise de l'économie dépendra principalement de la relance de la consommation, la BNB considère que le scénario d'un redressement de l'économie en forme de racine carrée est de plus en plus probable." (L'explication est la suivante: la croissance cumulative de l'économie à la fin de 2022 serait inférieure de 4 à 5% à la croissance cumulative qui était attendue pour la fin de 2022 durant la période précédant le déclenchement de la pandémie. La croissance cumulative attendue en 2022 sur la base des projections réalisées avant la pandémie ne serait donc atteinte que 2 à 3 ans plus tard, en 2025.) "C'est une indication que l'économie subirait un ralentissement de croissance permanent en raison de la crise du coronavirus. Il est à noter que la probabilité de ce scénario en racine carrée est en hausse ces derniers jours en raison de l'essor important de la deuxième vague de contamination en Belgique et dans l'UE." Le rapport du CCE se concentre ensuite sur le secteur graphique et papetier. "À partir du mois de mars, et en particulier en avril 2020, l'impact dramatique de la pandémie de coronavirus et des mesures de confinement se fait durement ressentir sur le secteur graphique. Les ventes de livres sont en chute libre en raison de la fermeture temporaire des canaux physiques (librairies). Le marché des journaux et des périodiques est confronté à une baisse considérable des recettes publicitaires. Pour 2020, les journaux et périodiques devront tenir compte d'une diminution prévue des dépenses publicitaires de respectivement 21% et 20%. "Les évolutions conjoncturelles confirment que cette crise a une amplitude sans précédent et qu'elle n'épargne nullement le secteur de l'édition et les entreprises papetières et graphiques", concluent les chercheurs du CCE. "En raison de cette crise, le secteur sera plus que jamais confronté à de nombreux défis. Les technologies disruptives et la mondialisation ont redessiné fondamentalement l'écosystème du secteur. À travers différentes stratégies d'innovation, le secteur tente également de répondre aux défis posés par la réalité numérique." Intergraf se plaît à souligner que le secteur a fait la démonstration de sa "capacité d'innovation impressionnante": "Certaines entreprises ont reconverti leur production de manière à pouvoir fournir des équipements de protection individuelle indispensables pour les soignants. D'autres ont rapidement mis sur le marché des produits qui facilitent le respect des mesures d'hygiène et la distanciation sociale, comme des signalisations et des postes de distribution de gel hydroalcoolique pour la désinfection des mains. Et à présent que les gens passent davantage de temps chez eux (et sont plus souvent submergés par les canaux de communication numérique), des possibilités se dégagent aussi pour les fabricants de mailings, qui ont énormément gagné en efficience ( lire également l'article consacré à la publicité toutes-boîtes en page 24 de ce même numéro de Nouvelles Graphiques - ndlr). Intergraf: "D'autres défis encore se profilent à l'horizon, mais ils représentent aussi des opportunités pour ceux qui entendent les relever." Scénarios apocalyptiques et climat d'incertitude mis à part, il reste des lueurs d'espoir. Avec l'arrivée annoncée de vaccins efficaces, entrepreneurs et responsables de la planification commencent à s'échauffer en bord de touche. Ce qui se reflète notamment dans le secteur des salons et de l'événementiel, si important pour l'industrie graphique ( lire également l'article consacré à l'événementiel en page 26 de ce même numéro de Nouvelles Graphiques - ndlr). Début janvier, par exemple, Albert Arp, patron du centre d'expo et de congrès néerlandais Jaarbeurs à Utrecht, disait dans le Financieele Dagblad s'attendre à refaire le plein de visiteurs à partir de la seconde moitié de 2021: "Je suis convaincu qu'en combinant la distanciation, la technologie et la vaccination, nous serons en mesure d'à nouveau organiser des salons professionnels à partir de juin/juillet." Il peut d'ores et déjà observer une demande écrasante sur le marché: "Nous allons vers le semestre le plus chargé de notre histoire. Il va falloir concentrer toute une année dans les quelques mois qui suivront les vacances d'été. Nous affichons déjà complets." Avec la mentalité de gagnants des Diables rouges et la perspective d'un bon second semestre, le secteur se prépare à une année stimulante.