Les vingt dernières années ont vu l'émergence et l'essor de l'impression numérique des étiquettes. Une presse sur deux aujourd'hui est équipée d'un système d'impression électrophotographique ou de têtes à jet d'encre. Ce qui n'a rien de surprenant au vu des solides atouts des techniques d'impression numérique actuelles. Ainsi, les courts tirages sont devenus économiquement viables par rapport à des procédés traditionnels comme la flexo ou l'offset. De quoi répondre avec succès à la tendance toujours plus marquée au raccourcissement des cycles de vie des produits de grande consommation. Le moment est vraiment venu pour le secteur de l'emballage d'entrer de plain-pied dans l'ère du numérique. Le nombre de presses digitales vendues pour ce nouveau segment reste certes très limité dans l'ensemble des machines destinées à l'impression d'étiquettes, mais tout indique que ce n'est qu'une question de temps
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Impression numérique et emballage: le nouveau duo gagnant
L'évolution de la demande des clients ainsi que les gains de qualité et de vitesse ont donné un coup d'accélérateur à l'impression de production des emballages. Les premières lignes d'impression et de façonnage entièrement numériques dédiées à la production des emballages verront le jour d'ici quelques années.

Les vingt dernières années ont vu l'émergence et l'essor de l'impression numérique des étiquettes. Une presse sur deux aujourd'hui est équipée d'un système d'impression électrophotographique ou de têtes à jet d'encre. Ce qui n'a rien de surprenant au vu des solides atouts des techniques d'impression numérique actuelles. Ainsi, les courts tirages sont devenus économiquement viables par rapport à des procédés traditionnels comme la flexo ou l'offset. De quoi répondre avec succès à la tendance toujours plus marquée au raccourcissement des cycles de vie des produits de grande consommation. Le moment est vraiment venu pour le secteur de l'emballage d'entrer de plain-pied dans l'ère du numérique. Le nombre de presses digitales vendues pour ce nouveau segment reste certes très limité dans l'ensemble des machines destinées à l'impression d'étiquettes, mais tout indique que ce n'est qu'une question de temps Les exigences croissantes des consommateurs ont une influence sur les entreprises, qu'elles poussent à différencier, individualiser et personnaliser leurs produits. L'un des exemples les plus précoces en a été le lancement des Coke Light et Coke Zero par Coca-Cola. Ces lignes de produits ont entre-temps connu une forte expansion et l'on en trouve aujourd'hui toutes sortes de variantes: sans sucre, sans caféine, goût framboise, goût vanille, sans sucre aromatisé au citron, etc. Toutes ces déclinaisons sont en outre commercialisées en une multitude de combinaisons de contenance et de format (33 cl, 1 l, 1,25 l, 1,5 l, bouteilles PET ou verre, canettes). Et ce n'est qu'un exemple de la manière dont une marque peut faire profit de la multiplication des variantes de produits. Les clients individuellement ont des attentes de plus en plus particulières ; ils veulent des produits qui répondent à leurs besoins. La campagne "Share a Coke" a apporté la preuve que l'individualisation et la production de masse multiversion fonctionnent - le limonadier a ainsi montré qu'il avait clairement compris la mentalité des milléniaux et des adeptes du mouvement "moi, moi, moi". "Share a Coke" en est indéniablement l'exemple le mieux réussi. Mais une multitude d'autres marques proposent leurs produits partout dans le monde en différentes variantes de sous-articles et dans un large éventail de formats et présentations. Cette révolution du packaging est déjà en marche et elle n'affecte pas uniquement les grosses sociétés. Les petits fabricants (par exemple, de confitures, de boissons énergétiques ou de soins corporels) sont également conquis. L'essor du commerce électronique et l'émergence de la production à la demande y contribuent de même. Krones, l'un des plus grands embouteilleurs au monde, avait ainsi présenté "Bottling on Demand" au Drinktec de Munich en septembre 2017: un concept de production et d'emballage à la demande permettant à chaque consommateur de commander une boisson personnalisée de son choix - par exemple du jus d'orange en bouteille de 50 cl - et de se le faire expédier en pack de 1, 4 ou 6. Les applications sont légion. Les fabricants de yoghourt, par exemple, peuvent offrir la possibilité aux clients de composer leur propre multipack en ligne, en sélectionnant uniquement leurs goûts préférés. Des milliers d'autres produits pourraient être fabriqués et vendus de cette manière, une méthode déjà fréquemment appliquée par l'industrie automobile pour réduire ses frais de stocks. L'impression numérique des emballages contribue au succès des fabrications sur demande. En mettant en oeuvre les méthodes numériques, les marques et leurs fournisseurs d'imprimés peuvent tester de nouveaux produits avant de les commercialiser. La souplesse des tirages variables leur permet ainsi de limiter les risques et d'éviter des coûts excessifs. La deuxième raison de croire que l'impression numérique va rapidement s'imposer dans le secteur de l'emballage est inhérente à la technologie elle-même. La qualité s'est énormément améliorée sur la dernière décennie. Tant en électrophotographie qu'en jet d'encre, l'évolution en termes de résolution est remarquable: de 600 à 1 200 dpi. À ce niveau de qualité, seul un oeil exercé peut faire la distinction entre numérique et offset. Sans oublier les gains de vitesse, qui sont tout aussi spectaculaires. HP Indigo avait ouvert la voie en 2012 avec des presses numériques comme les HP Indigo 20000 et 30000, pouvant imprimer respectivement sur du film plastique et des feuilles de carton. La 20000 peut atteindre les 34 m/min (et même 45 m/min en émulation trichromie), tandis la 30000 produit jusqu'à 3 450 feuilles/heure en quadrichromie (4 600 en mode émulé). Le jet d'encre n'est pas en reste et a récemment rattrapé son retard. La Jet Press 750S de Fujifilm, par exemple, peut imprimer jusqu'à 3 600 feuilles/heure en 4 couleurs. Cette machine lancée en septembre 2018 serait ainsi la presse numérique quadri la plus rapide du marché du format B2. Kodak se targue de son côté d'être le seul constructeur capable d'atteindre les 300 m/min avec une rotative, et ce à la résolution de 600 dpi sur des bobines de 650 mm de laize, grâce à la technologie Stream développée par Kodak en partenariat avec des intégrateurs comme Uteco. Le constructeur américain, qui met en avant des charges d'exploitation "extrêmement concurrentielles" par rapport à l'électrophotographie, dit pouvoir élever la résolution de la technologie Stream à 1 200 dpi d'ici la prochaine drupa. Avec sa vitesse, cette presse sera ainsi en mesure de concurrencer les procédés d'impression traditionnels. "Nous avons calculé que le jet d'encre revient moins cher pour des commandes jusqu'à 20 000 m2, au-delà de quoi, la flexo est plus rentable", a déclaré Dan Denofsky, responsable des partenariats OEM pour la division numérique. Pour remettre tout cela en contexte, on rappelle que le point de croisement des courbes de rentabilité entre numérique et conventionnel se situait jusqu'ici aux alentours de 10 000 m2. Et dans la technologie feuille à feuille, ce point bascule (actuellement à 5 000 feuilles/heure selon beaucoup d'acteurs) pourrait monter jusqu'à 10 000. L'impression numérique est longtemps restée cantonnée aux petites commandes, mais à mesure qu'elle évolue vers des tirages de toujours plus longue haleine, l'équilibre actuel du secteur commence à s'en trouver perturbé. Ce changement de paradigme devient également possible du fait que le marché n'est plus la chasse gardée de spécialistes. L'entrée en lice de grands constructeurs de presses traditionnelles tels que Koenig & Bauer, Heidelberg ou Bobst a pour effet de diversifier l'offre, de faire jouer la concurrence et de tirer les prix vers le bas. En outre, l'arrivée de ces fabricants généralistes fait bénéficier le marché d'un savoir-faire et d'une maîtrise des moyens à longs tirages. C'est qu'imprimer n'est pas tout: pour faire fonctionner une machine à de telles vitesses, il faut aussi savoir manipuler les feuilles ou les bobines, et les grands constructeurs de presses s'y entendent très bien. La troisième raison qui nous fait supposer que l'impression numérique va continuer à se développer a trait au façonnage et à l'ennoblissement. Les étiquettes ou les emballages sont souvent embellis par une dorure ou du gaufrage à la demande du client. C'est le cas pour les parfums et autres produits de luxe, par exemple, mais pour certaines étiquettes de bière et de confiserie haut de gamme. Bientôt, des hologrammes et des marquages invisibles seront également ajoutés dans un but esthétique ou dans le cadre de la lutte contre la contrefaçon et les ventes parallèles. Certains secteurs comme la pharmacie et l'industrie du tabac sont très demandeurs. On peut aussi imaginer qu'il devienne nécessaire d'imprimer des antennes RFID avec des encres métalliques dans le but d'améliorer l'interactivité de l'emballage et l'expérience de la marque. De quoi leur conférer un potentiel de communication supérieur à ce que permettent aujourd'hui les codes QR. On ne peut passer sous silence le fait que les emballages bénéficient déjà d'un large éventail de possibilités passionnantes offertes par des entreprises comme Scodix et MGI. On parle ici de techniques permettant d'embellir les emballages avec des effets visuels et tactiles (gaufrage, métallisation, dorure, vernis en relief), et ce à des cadences de 4 000 à 5 000 feuilles/heure. Highcon, de son côté, propose des techniques capables de rainer et découper jusqu'à 5 000 feuilles d'emballages par heure. Nous n'en sommes pas encore là, mais nous pouvons d'ores et déjà prédire l'avènement à court terme de lignes de production complètes où un matériau - film ou papier/carton, en feuille ou bobine - sera successivement imprimé, embelli et façonné par un procédé 100% numérique. Une telle configuration serait économiquement viable jusqu'à 20 000 m2 ou 20 000 feuilles, au-delà de quoi la flexographie ou l'offset resteraient rentables. Cette révolution de l'emballage va toutefois obliger les fabricants à revoir l'intégralité de leur chaîne d'approvisionnement. Avec des tirages (petits, moyens ou longs) toujours plus diversifiés, les flux, matériaux, consommables et produits finis devront être gérés très différemment d'aujourd'hui. Des investissements seront nécessaires tant dans l'informatique que dans l'humain (compétences nouvelles). Ce qui requiert une gestion du changement de "A à Z", aussi bien chez les producteurs d'emballages qu'auprès de leurs clients. Le slogan de la drupa en 2016 était "touch the future". Pour 2021 toutefois, le public est invité à "embrasser l'avenir". La visite de la prochaine drupa promet d'être plus passionnante que jamais car l'industrie, comme bien d'autres choses, se transforme à un rythme plus soutenu que prévu. Le salon fourmillera d'indications permettant de réussir l'intégration de tendances majeures telles que la gestion du numérique, à travers une offre de présentations, de débats, de visites guidées et d'expositions visionnaires. Autant d'impulsions que toute entreprise devra tôt ou tard incorporer. Et ainsi les toutes premières lignes d'impression et de façonnage 100% numériques dédiées à la production des emballages pourraient-elles bel et bien être une réalité d'ici quelques années.
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