La IVe révolution industrielle: un thème qui fait couler beaucoup d'encre depuis des années dans tous les secteurs de l'industrie manufacturière. L'automatisation du workflow est en plein essor dans le "Sign", mais la tendance à l'Industrie 4.0 est-elle bien pertinente pour la branche? Pour certaines de ses facettes, et en fonction de l'entreprise, il peut être intéressant d'en étudier les possibilités.
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Jusqu'où le "sign" peut-il s'automatiser?
La demande de produits de signalétique et de communication visuelle ne cesse de croître. Les capacités de production en sign&display sont toujours plus diversifiées et efficientes. Et c'est heureux, car le client se fait plus exigeant sur la qualité de service et la rapidité de livraison. D'où l'importance grandissante de l'automatisation, de la standardisation, de l'intégration des processus et d'une gestion optimale du flux de production. Bref: le secteur est-il prêt pour l'Industrie 4.0?

La IVe révolution industrielle: un thème qui fait couler beaucoup d'encre depuis des années dans tous les secteurs de l'industrie manufacturière. L'automatisation du workflow est en plein essor dans le "Sign", mais la tendance à l'Industrie 4.0 est-elle bien pertinente pour la branche? Pour certaines de ses facettes, et en fonction de l'entreprise, il peut être intéressant d'en étudier les possibilités. L'expression "Industrie 4.0" laisse logiquement sous-entendre que trois autres évolutions majeures ont précédé. La révolution industrielle, qui a commencé en Angleterre à la fin du XVIIIe pour conquérir l'Europe tout au long du siècle suivant, a changé nos existences - et au bout du compte celle de toute la planète - jusque dans les moindres détails. Désormais, on ne travaillait plus dans des ateliers, mais dans des usines. Tout a été rendu plus efficace ; les prix des produits ont baissé ; les artisans se sont faits ouvriers ; et le labeur s'est déplacé de la campagne vers les villes. La première phase de cette évolution a été déclenchée par l'invention de la machine à vapeur et la disponibilité de la fonte. Grâce au déploiement de technologies essentielles, la deuxième phase de la révolution industrielle a pu commencer. Le moteur à combustion, l'électricité, les turbines, l'acier et le pétrole ont accéléré ce développement. La troisième révolution industrielle, à partir de 1950, est due à l'invention de l'ordinateur et à la digitalisation, qui ont permis de communiquer avec le monde entier. Il est ainsi aussi devenu possible de coordonner les productions dans plusieurs pays, engendrant de facto d'énormes économies d'échelle. Si ces trois premières phases ont enrichi nos vies de toutes sortes de manières, elles ont aussi créé de multiples dangers. Les pays sont devenus fortement interdépendants et directement tributaires de la disponibilité des matières premières. Et en même temps, tout le monde est concurrent avec tout le monde. Ce qui peut conduire à des conflits. Mais la menace la plus prégnante de la décennie écoulée est l'aggravation de l'effet de serre et la pollution environnementale qui va de pair, conséquences directes de l'industrialisation planétaire. La quatrième phase va-t-elle y apporter une solution? C'est la grande question. En tout état de cause, elle a fait naître une toute nouvelle menace que nous évoquons plus loin. Le principal moteur de la "phase quatre", à savoir l'Industrie 4.0, est Internet. Le réseau des réseaux nous permet, non seulement à nous, de communiquer partout dans le monde, mais aussi aux machines et systèmes, d'échanger de l'information. Ce qui offre la possibilité de mettre en place des usines intelligentes. Les frontières entre mondes physique, numérique et biologique s'estompent. Le développement n'en est probablement qu'à ses débuts, mais l'incidence sur le quotidien est d'ores et déjà palpable. Nous trouvons parfaitement normal de pouvoir payer partout dans le monde avec le même code et/ou smartphone ; de déverrouiller ledit avec une empreinte digitale ou une reconnaissance faciale ou encore de discuter avec un robot du service-clientèle. Ce dernier exemple est l'illustration que beaucoup de choses restent à améliorer, mais l'application existe et l'amélioration est en cours. Tous les gadgets technologiques avec lesquels nous sommes, consciemment ou inconsciemment, en contact en tant que consommateurs sont également déployés dans les usines modernes. L'Industrie 4.0 est généralement évoquée dans la même foulée que la Smart Industry, l'internet des objets (IoT), le Cloud et l'intelligence artificielle (IA). La combinaison de ces développements contribue à la mise en place de quatre piliers: machines et systèmes sont interconnectés ; ils communiquent entre eux ; et ils sont en permanence (automatiquement) optimisés ; et contrôlés. À ce quatrième pilier du contrôle est intrinsèquement liée le nouveau péril engendré par l'Industrie 4.0, à savoir une totale dépendance d'Internet. Nous utilisons le réseau informatique mondial partout et pour tout, même pour des choses qui sont vitales pour la société. Or Internet est un patchwork extrêmement fragile et instable de protocoles, de normes officielles et standards de fait (dont les développeurs se soucient souvent comme d'une guigne), de langages de programmation et de logiciels. Les gens qui ont conçu Internet ne pouvaient pas se douter que des industries entières allaient fonder leur production et leurs modèles économiques dessus. Un peu comme si nous avions érigé un gratte-ciel sur les fondations d'un chalet de vacances. Les conséquences sont là: des cybercriminels peuvent relativement facilement bloquer des entreprises et des organismes entiers, y dérober des informations sensibles pour les revendre, et même piller des comptes en banque. Celui qui veut se lancer dans l'Industrie 4.0 fera bien de se faire dûment informer sur les questions de sécurité. Et d'être conscient également que la responsabilité et le risque reposent entièrement sur ses épaules. Si les services d'investigation et les autorités se montrent peu ou prou impuissants face aux hackers, on voit mal comment ils pourraient aider les utilisateurs à lutter contre la cybercriminalité. La seule arme est la prévention. Mais revenons-en aux systèmes interconnectés et communicants. Rien de nouveau, direz-vous? Et vous aurez raison. Les premiers pas pour faire dialoguer les systèmes entre eux dans l'industrie graphique ont été accomplis voici plusieurs décennies. La CIP3, puis la CIP4, ont développé des standards, dont les principaux furent les JDF/JMF. Grâce à ces formats normalisés, l'équipement graphique peut envoyer et recevoir automatiquement des informations et les traiter. Ce transfert bidirectionnel s'effectue généralement "à l'ancienne", par le réseau interne, qui est relativement à l'abri des cybercriminels. Pour faire bref, le JDF fait en sorte que toutes les informations électroniques relatives à la commande puissent être utilisées pour régler automatiquement les machines et qu'elles soient en permanence disponibles au bon moment et au bon endroit. Les machines, de leur côté, renvoient les données au système d'information de gestion (MIS), afin qu'elles puissent servir au calcul du coût réel et alimenter les mises à jour d'état. Ce standard est et reste une formidable idée, mais les développeurs des JDF/JMF en ont entre-temps tiré les premières leçons. L'envoi et la réception de l'information du MIS vers la production, et inversement, fonctionnent bien. Les échanges entre machines, en revanche, font perdre en fluidité et compliquent inutilement le processus. La pratique révèle par ailleurs que les utilisateurs n'ont pas besoin d'échanger directement des informations entre les machines graphiques (mais bien entre d'autres équipements ; nous y reviendrons). Cette possibilité a d'ailleurs été enlevée du xJDF, qui a succédé au standard. Autrement dit, l'information ne peut plus circuler qu'entre la machine et le MIS, à charge pour ce dernier de la transférer ensuite vers une autre machine. Le résultat est le même, mais le flux de production et le développement du logiciel afférent s'en trouvent largement simplifiés. L'industrie de la signalétique aura-t-elle un jour son JDF? Ce n'est pas évident. Le développement du JDF n'avait déjà pas été une sinécure, mais une imprimerie présente l'avantage de travailler relativement souvent conformément à des standards. Le choix des produits, matériaux et formats est vaste, mais l'ensemble reste lisible. Il a ainsi été possible de cartographier intégralement le processus de production et de documenter le tout dans une sorte de dossier de travail électronique. En revanche, les activités d'une entreprise de sign&display peuvent énormément varier. Idem pour ce qui est des matériaux utilisés, des machines et de leur outillage, des formats et des méthodes de finition. Les différences entre une commande de covering et celle d'un présentoir de PLV sont plus nombreuses que leurs points communs. La concentration de toutes les variables dans un standard produit un document inutilisable aux proportions monstrueuses. Le besoin de normalisation s'impose malgré tout, au moins au niveau des sous-processus. À côté de la multitude des petites entreprises, on voit apparaître de plus en plus de grandes fabriques de produits de signalétique, qui reçoivent leurs commandes via des boutiques en ligne ou en liaison directe avec des revendeurs. Si trop d'informations doivent être encodées ou transférées manuellement, la rentabilité en pâtit. Certaines commandes sont par ailleurs trop petites pour qu'il vaille la peine de leur attribuer un gestionnaire. Et c'est précisément ce type de problème que l'Industrie 4.0 est censée résoudre en permettant de produire à grande échelle de petits volumes présentant une grande diversité. Les robots et les cobots trouvent peu à peu leur place chez les signaléticiens. Alluscreen à Ichtegem, en Flandre occidentale, a installé l'année dernière un cobot auto-apprenant avec intelligence artificielle de Zünd. L'intégrateur NiniX Technologies a été le responsable de l'intégration. Canon a ainsi livré des solutions intégrales configurées autour d'imprimantes grand format à bras robotisé à l'imprimeur néerlandais Van Vliet Printing, à Hoorn. Le constructeur a collaboré pour la cause avec Zünd Benelux et Rolan Robotics. Un deuxième exemple néerlandais de robotisation peut-être trouvé chez Simian (maison mère de Reclameland, Drukland.nl et Flyerzone), à Westerbroek. Une imprimante grand format Durst y est alimentée en panneaux par un robot muni de ventouses. Les plaques sont empilées dans une cage située derrière la machine où le robot opère des allers-retours. Dans la configuration actuelle, l'opérateur doit encore indiquer lui-même le type de panneau à charger. La saisie de ces données devrait toutefois être automatisée à l'avenir, ce qui demande encore un certain travail de programmation. Les informations de commande devront alors être traitées automatiquement et envoyées au robot. Les instructions pour le robot sont déjà encodées et l'information sur le bon choix de matériaux est incluse dans la commande. Il faut encore régler la conversion entre l'information électronique du système de commande et le format numérique du robot. Rien de bien sorcier techniquement parlant, mais le transfert de l'information peut malgré tout être difficile, notamment parce que l'imprimante utilise un système fermé. La communication automatique entre robots et cobots et le parc de production présente un énorme potentiel pour l'avenir. En plus du chargement automatique des matériaux, l'information de commande peut en principe aussi servir, à la sortie du produit imprimé, pour sa préparation à une étape suivante du processus de production. Auquel cas, l'imprimante doit adresser un signal à deux robots. Grâce à une telle configuration relativement simple, la machine peut continuer à opérer seule pendant un certain temps après que le personnel est rentré chez lui. Des productions autonomes en soirée et pendant la nuit sont d'ailleurs davantage la règle que l'exception dans certaines industries. L'interconnexion entre les systèmes est possible grâce à des API (Application Programming Interface). Ces interfaces de programmation présentent toutefois l'inconvénient de devoir être développées séparément pour chaque connexion. Ce qui suppose par ailleurs que le constructeur des machines joue la carte de l'ouverture en révélant comment la connexion peut être opérée. Mais si les machines et le logiciel le permettent, une infinité de combinaisons est possible. Fabricants de machines et développeurs de logiciels prévoient de plus en plus souvent une possibilité de connexion dans le cloud, par exemple, pour la surveillance et la maintenance à distance. Une fois la liaison établie "dans le nuage", l'accès pour l'échange d'information n'est techniquement plus un obstacle. Ce qui n'empêche pas certains constructeurs de maintenir leurs systèmes fermés pour des raisons de concurrence. Celui qui investit dans une machine aura donc tout intérêt à bien s'informer sur les possibilités de connexion avec d'autres systèmes. Robert Hartman, de chez Dataline, le fournisseur du MIS Multipress, est attentif à la demande croissante d'automatisation dans les entreprises. Le MIS doit y jouer un rôle central. Hartman: "Il arrive de plus en plus souvent qu'un client fournisse un fichier Excel contenant les informations relatives à des centaines de produits. Ceux-ci devant, par exemple, être livrés à des détaillants dans toute l'Europe." Pour le signaléticien, il n'est quasi pas possible (ni d'ailleurs souhaitable) d'expliquer à son client comment son fichier Excel doit être agencé. Une étape intermédiaire de traduction doit donc être prévue pour pouvoir importer les données dans le MIS. Hartman: "Cette information est utilisée pour composer un amalgame, ou forme imprimante combinée. Au système de veiller à ce que la répartition soit la plus efficace possible de manière à éviter tout gaspillage de matériau. Les produits doivent en outre être fabriqués dans le bon ordre. Les signaléticiens et les imprimeurs grand format travaillent de plus en plus dans un régime d'équipes. Les robots assurent le chargement et le déchargement automatiques. Des chariots automatisés transportent les produits imprimés vers le département suivant. Après la finition, ceux-ci doivent être empaquetés automatiquement par point de vente. Tel type de magasin recevra, par exemple, cinq autocollants de sol et trois affiches de vitrine, et tel autre aura droit à trois présentoirs et un kakémono. Toutes ces étapes requièrent un logiciel intelligent. La logistique aval est au moins aussi importante que l'ensemble du processus de production. Le client veut savoir quand il recevra ses produits et il entend pouvoir suivre l'état d'avancement de la livraison. Ce qui suppose une planification bien pensée et automatisée. L'un des sujets qu'Hartman met régulièrement en avant est celui du calcul du coût réel. Dans un environnement de travail fortement automatisé avec intégration des processus, les coûts réels de la production ressortent avec toujours plus de clarté. Hartman: "Dans l'industrie de la signalétique, nous raisonnons encore souvent en termes de coût par mètre carré. Ce mode de calcul est beaucoup trop vague. Un produit est la résultante d'un ensemble de matériaux et de transformations. Plus le matériau est épais et la forme alambiquée, plus la découpe prend du temps. Le monde du sign & print prend de plus en plus conscience qu'il doit calculer autrement. Avec les données disponibles, il devient de plus en plus possible de prendre l'ensemble des variables en compte dans le devis." Un environnement de travail agencé selon les principes de l'Industrie 4.0 est peut-être une ambition exagérée pour le signaléticien moyen. Mais l'évolution n'en est pas moins intéressante quelle que soit l'entreprise. Cette branche d'activité a toutes sortes de challenges à relever et les solutions pour ce faire sont systématiquement entremêlées. D'autres défis surgiront indubitablement au cours des années à venir, mais ceux d'aujourd'hui ne vont pas disparaître pour autant, plutôt empirer. Ainsi, il est toujours plus difficile de trouver du personnel qualifié, si bien que la charge de travail ne fait qu'augmenter. Ce personnel revient en outre plus cher que la concurrence à l'étranger. Et pas uniquement celle des pays dits à bas salaires loin de chez nous. Les charges salariales sont moindres aussi en Europe centrale et dans les pays de l'Est. D'où la nécessité d'automatiser les tâches monotones et répétitives tant que faire se peut. Le travail en devient d'autant plus attirant et plus varié et les coûts de production diminuent. Beaucoup de gains sont encore à engranger dans le trajet amont. Les coûts liés à la préparation du fichier en vue de l'impression peuvent être sensiblement diminués dans beaucoup d'entreprises par une meilleure automatisation. La portée de ces évolutions ne peut être prise à la légère. Tout indique que les productions locales prennent de plus en plus d'importance. Avec les développements géopolitiques, il devient toujours plus difficile de prédire si le niveau d'importations de produits venus de l'autre bout du monde pourra être maintenu. Nous devrons faire beaucoup plus nous-mêmes. L'aspect environnemental joue aussi. Moins de transport, c'est aussi moins de CO2 émis. Dans un environnement de travail automatisé, moins d'erreurs sont commises ; la production est plus prévisible et la qualité constante. Dans un environnement de production contrôlé, il est par ailleurs possible de réduire les déchets et de faire un usage plus efficace des matériaux. Non seulement, les coûts diminuent, mais moins de déchets, c'est aussi mieux pour l'environnement. Ainsi l'Industrie 4.0 peut-elle contribuer à réduire le problème des gaz à effet de serre. D'autant que le client, en plus de se montrer de plus en plus écoresponsable, souhaite être livré rapidement sans s'occuper de rien. Ce qui amène le fournisseur/fabricant à devoir gérer toujours plus de variables dans le processus de production. Toutes ces évolutions prises ensemble nous montrent que nous devons travailler plus intelligemment. Dans une entreprise entièrement organisée selon les préceptes de l'Industrie 4.0, toute l'astuce consiste surtout à rendre le flux de production plus intelligent. Un flux de production intelligent est moins dépendant de l'humain. Car convenons-en, un hall de fabrication où les machines sont à l'arrêt, sans rien produire de toute la nuit, ce n'est plus guère d'actualité.
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