Lorsqu'elle accède à la direction de la Drupa en novembre 2012, Sabine Geldermann est d'emblée amenée à prendre une décision importante. Le débat sur la durée du salon fait rage: les exposants insistent pour que les deux semaines soient raccourcies pour la prochaine édition de 2016. La principale motivation est la baisse d'intérêt pour l'évènement.
...

Lorsqu'elle accède à la direction de la Drupa en novembre 2012, Sabine Geldermann est d'emblée amenée à prendre une décision importante. Le débat sur la durée du salon fait rage: les exposants insistent pour que les deux semaines soient raccourcies pour la prochaine édition de 2016. La principale motivation est la baisse d'intérêt pour l'évènement. Manuel Mataré, le prédécesseur de Geldermann, réagit tout d'abord laconiquement à l'appel en déclarant au Deutscher Drucker: "Cette discussion a cours depuis que la Drupa existe. Pour mémoire, le salon à ses débuts durait trois semaines" (ndlr: les premières éditions s'étendaient sur 16 jours). Il se dit malgré tout disposé à réfléchir avec les exposants à une version de douze jours, voire onze ou peut-être même dix au besoin. Mais hors de question pour la Messe de faire plus court. Peu de temps après, la discussion prend un tour inattendu. Mataré déclare que l'organisation de la Drupa envisage d'en augmenter la fréquence: tous les trois ans au lieu de quatre. La riposte semble surtout le résultat d'un savant calcul visant à compenser la perte de journées d'expo. Rapporté à une période de douze ans, un rythme trisannuel signifie quatre salons au lieu de trois. Même avec une éventuelle version à dix jours, la perte au final ne représente que deux journées d'expo. L'option est probablement poussée par la Ville de Düsseldorf: les hausses de prix et de chiffres d'affaires générées par le public de chaque Drupa sont de nature à réjouir l'économie locale. Mataré dévoile son plan au même moment qu'il annonce son intention de renoncer à la fonction pour raisons personnelles. Il revient à sa successeur Sabine Geldermann de calmer le jeu et de discuter des différentes options avec toutes les parties concernées. HP a déjà fait part de son désintérêt pour une édition 2015, bientôt rejointe par Heidelberg et KBA. Motif: une présence digne de ce nom à la Drupa tous les trois ans coûterait trop cher. KBA prévoit déjà qu'un salon trisannuel se traduira par des stands plus petits, présentant moins d'équipements, ce qui serait dommageable pour la stature mondiale de la Drupa, réputée pour être un show "heavy metal". Heidelberg fait en outre remarquer que le rythme de quatre ans correspond justement au cycle de développement des nouveaux produits. Tant et si bien que le Comité Drupa, composé de représentants de l'organisation, des fédérations professionnelles et des exposants (dont KBA et Heidelberg) se réunit le 2 novembre 2012. Résultat: la Drupa continuera de se tenir tous les quatre ans et l'édition 2016 est ramenée de quatorze à onze jours. Début 2015, les cartes semblent distribuées différemment: le comité décide qu'au-delà de 2016, le salon se tiendra tous les trois ans, et à chaque fois en mai. Donc, pour la première fois, en 2019, puis en 2022 et 2025. Claus Bolza-Schünemann, CEO de Koenig & Bauer et président du conseil consultatif de la Drupa, explique ainsi ce revirement: "Internet et les technologies numériques ont profondément modifié le processus de production graphique. De nouvelles applications et solutions se développent, lesquelles ouvrent de nouveaux marchés. En même temps, les technologies innovantes, telles que l'impression 3D, l'électronique imprimée et l'impression fonctionnelle, bénéficient d'un intérêt croissant. Il est plus important que jamais que nous offrions à nos clients un aperçu des technologies les plus récentes. L'ambiance générale à la drupa de 2016 - la première de Sabine Geldermann - est positive et optimiste. Le salon réduit à onze jours a attiré proportionnellement plus de visiteurs que les deux semaines de l'édition 2012 (260 000 contre 314 500). À l'entrée, tout le monde reçoit une dragonne rouge, où il est écrit en caractères blancs: " See you at drupa 2019". Mais la prochaine édition n'aura pas lieu en 2019, comme cela a été annoncé partout, mais en 2020. Au fil des conversations qu'elle a pu avoir pendant le salon, les exposants lui ont dit souhaiter voir maintenir le caractère unique de la Drupa: de vastes stands accueillant des démonstrations pratiques de leur parc de machines. Or un tel investissement n'est supportable que sur un cycle de quatre ans. Geldermann fait donc machine arrière. Le choix de 2020 n'est toutefois pas sans conséquence pour le calendrier: le salon international de l'emballage Interpack et la Drupa vont avoir lieu dans la foulée. Geldermann ne prévoit toutefois pas de gros problèmes: "Il existe un chevauchement d'environ 120 participants qui seront présents aux deux salons et ils ont annoncé vouloir faire le nécessaire." Pour résoudre ce conflit d'agenda, on imagine de déplacer l'ouverture de la Drupa 2020 à la fin juin plutôt qu'en mai - au grand dam de plus d'un exposant, car la fin du salon coïncidera ainsi avec le début des grandes vacances. L'objection est rencontrée par l'organisateur au début 2017: le salon est de nouveau avancé d'une semaine. Et une bonne nouvelle n'arrivant jamais seule: la construction de la nouvelle et futuriste Salle 1 (à l'emplacement des anciens halls 1 et 2) se poursuit comme prévu ; celle-ci sera donc prête pour la Drupa. À la mi-février 2020, Messe Düsseldorf fait savoir que les salons Interpack et Drupa "restent à l'agenda comme prévu", mais que les évolutions autour du coronavirus font l'objet d'une surveillance attentive. Quelques semaines plus tard, un certain nombre d'évènements programmés en mars, comme ProWein, sont postposés. La Messe respecte les directives anticoronavirus des autorités allemandes, mais se veut rassurante: "Il n'est pas actuellement question de reporter l'Interpack et la Drupa, respectivement prévus en mai et en juin." Début mars, HP Indigo et Heidelberg tiennent leurs propres évènements en ligne où sont dévoilées leurs nouveautés à découvrir lors du salon à venir. Mais quelques jours plus tard, la Drupa est de nouveau renvoyée à plus tard. Nouvelle date: avril 2021. "Une décision difficile", dit l'organisateur, mais: "Le risque d'infection est tout simplement devenu trop grand." Pour beaucoup d'entreprises, la persistance de la crise du coronavirus rend une participation aux grands évènements plus qu'incertaine. Mais il y a autre chose. Comme le fait remarquer, par exemple, Bobst: "Le nombre d'évènements et de salons pour le secteur a sensiblement augmenté ces dix dernières années. En même temps, toutes sortes de nouveaux moyens de communication permettent aujourd'hui de partager l'information." Le constructeur, qui aurait normalement dû occuper une part substantielle du Hall 10, jette l'éponge, préférant miser sur des démonstrations diffusées en direct. Xerox, Komori et Heidelberg annulent elles aussi leur participation à l'édition 2021 - et la liste des désistements ne fait que s'allonger. La Messe raccourcit encore le salon, qui passe à neuf jours: "Une durée encore suffisante pour montrer des machines en fonctionnement, ce qui reste l'un des points forts de la Drupa." Plus tard encore, les exposants sont exceptionnellement autorisés à diminuer la surface d'exposition réservée, "pour réduire la pression sur les coûts et les budgets." En octobre, l'organisation tient son nouveau crédo: "L'avenir des salons professionnels est hybride." Ce même mois, elle lance le premier d'une série d'évènements "Drupa Preview" en ligne. Lors de cette première sur Zoom, Sabine Geldermann souligne que ce type de rassemblements virtuels doit être vu comme un complément au salon proprement dit: "Ils ne le remplacent pas." Et pourtant début décembre, la messe est dite: la Drupa est définitivement annulée. Une Virtual Drupa de quatre jours est annoncée pour avril 2021. Renouant avec le rythme quadriannuel, la prochaine édition figure désormais à l'agenda pour 2024. Nul doute qu'une fois le coronavirus sous contrôle et après évaluation de toutes les expériences virtuelles et hybrides, le Comité Drupa ne manquera pas de se pencher une fois de plus sur la question.