La décision de reporter, puis finalement d'annuler, la Drupa était inévitable, dit Bolza-Schünemann: "En pleine pandémie, il n'y avait pas d'autre solution." Cette dix-septième Drupa depuis la première édition de 1951 aurait dû être la dixième vécue en personne par Bolza-Schünemann à Düsseldorf. Il l'attendait donc avec impatience. "Ce salon a toujours quelque chose de magique. On le ressent, même en mode virtuel. Mais nous aimerions tant pouvoir nous retrouver et toucher vraiment les machines et les produits. Espérons que la dix-huitième édition de la Drupa, en mai 2024, soit de nouveau un salon physique, et que la Covid-19 sera alors définitivement derrière nous."
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La décision de reporter, puis finalement d'annuler, la Drupa était inévitable, dit Bolza-Schünemann: "En pleine pandémie, il n'y avait pas d'autre solution." Cette dix-septième Drupa depuis la première édition de 1951 aurait dû être la dixième vécue en personne par Bolza-Schünemann à Düsseldorf. Il l'attendait donc avec impatience. "Ce salon a toujours quelque chose de magique. On le ressent, même en mode virtuel. Mais nous aimerions tant pouvoir nous retrouver et toucher vraiment les machines et les produits. Espérons que la dix-huitième édition de la Drupa, en mai 2024, soit de nouveau un salon physique, et que la Covid-19 sera alors définitivement derrière nous." En filigrane du programme de Virtual Drupa se dessinait l'espoir d'un avenir meilleur dans lequel l'industrie graphique aura toujours un rôle prépondérant à jouer. Ce que Drupa résume sobrement dans le slogan "Embrace the future". Mais pour cette fois, les dix-huit salles d'exposition réparties grosso modo selon les différentes disciplines comme la prépresse, l'impression, la finition et les supports, avaient fait place à un portail en ligne déployé sur un éventail de thèmes. Quatre jours durant, deux livestreams parallèles ont proposé un programme succinct de discours, tables rondes, conférences et présentations sur les thèmes majeurs de l'intelligence artificielle, de l'économie circulaire, du consommateur connecté et de l'économie de plate-forme. Cinq forums ou "touchpoints" mettaient en avant des sujets comme les emballages, l'impression 3D, le textile et l'innovation. Plus 125 webinaires d'une demi-heure chacun en moyenne ont été animés en direct par une partie des plus de 200 exposants. Lors d'une Drupa physique à Düsseldorf, le programme d'exposés et de conférences est souvent relégué au rang d'activité secondaire. Beaucoup de visiteurs voient dans les diverses sessions et rencontres l'occasion de trouver une chaise où se poser, pour se soulager les pieds et grignoter un bout tout en espérant avoir quelque chose d'intéressant à écouter - avant de repartir à l'assaut des halls remplis d'aciers rutilants. En l'absence de machines, l'attention des visiteurs de la Virtual Drupa s'est reportée sur le contenu. Lequel était généralement de fort bon aloi pour les orateurs des programmes en livestream. Les exposants avaient toutefois dû composer sans leurs stands spectaculaires et se couler dans le moule uniforme du format du portail. Ils ont eu droit à une visioconférence Zoom au moment convenu, laquelle laissait souvent peu de place à l'interaction avec les visiteurs virtuels (qui n'avaient en outre aucune conscience de leur présence collective). D'où un méli-mélo de présentations professionnelles, de Powerpoints classiques et de discours marketing parfois faciles. Sur le fond, les contributions ont varié de lancements de produits à des démonstrations de machines en passant par des aperçus de l'assortiment et des témoignages de clients. Aussi bien le premier que le dernier jour, Michael Gale s'est chargé de rendre le sujet de l'intelligence artificielle (IA) un peu plus tangible. Ce journaliste américain est l'auteur du livre The Digital Helix, qui explique comment les entreprises doivent s'adapter pour prospérer à l'ère du numérique. Gale est convaincu que chaque entreprise va être confrontée à l'IA, indépendamment de sa taille. D'ici 2030, 70% de la croissance du PIB mondial viendra des machines et de l'intelligence artificielle, pense Gale. Il incombe dès lors à tout entrepreneur d'en creuser les possibilités s'il ne veut pas rester à quai. Gale a ainsi donné une liste à cocher au visiteur de la Virtual Drupa: "Pouvez-vous gagner de l'argent avec cette solution en moins de 90 jours?", "Pourra-t-elle évoluer au-delà de ces 90 premiers jours?" et encore "Visez haut: votre niveau de performances doit s'en trouver amélioré d'au moins 200%." Des constructeurs de presses tels qu'Heidelberg, Komori et Koenig & Bauer s'efforcent d'apporter des réponses en recourant à l'IA pour optimiser les prestations de leurs machines et proposer des services comme l'entretien préventif. D'autres comme Global Graphics, par exemple, ont insisté sur la nécessité de l'IA pour la personnalisation de masse des imprimés. Dataline également a joué la carte de l'IA: "Il faut que ce soit plus rapide, sans erreur et moins cher. L'automatisation n'est pas 'en option', la question n'est pas de savoir si, mais quand", a déclaré Dirk Deroo. Le thème du durable a aussi été très bien balisé avec une présentation de la Britannique Gabrielle Walker, auteure, conférencière et consultante spécialisée dans le changement climatique et l'économie circulaire. Elle a profité de la "Journée de la Terre" pour esquisser des problématiques environnementales préoccupantes, mais surtout pour souligner le changement d'attitude accéléré des entreprises et des secteurs: "Au cours des 18 derniers mois, le sujet a été mis partout à l'agenda, et des engagements ont été pris à un rythme accéléré pour ramener les émissions de CO2 à zéro d'ici 2050." L'industrie graphique elle aussi peut y contribuer activement et en outre aider d'autres entreprises à atteindre leurs objectifs. Ce qu'a par exemple fait le papetier Mondi lors de la table ronde qui a suivi: "Le papier détermine de 50 à 75% de l'empreinte carbone d'un produit graphique." L'entreprise compense ses émissions de CO2, notamment en investissant dans une centrale hydroélectrique au Brésil, et elle vise une réduction de 70% d'ici 2050. Si le portail avait été un plan d'occupation, les emplacements laissés vides par des parties prenantes comme Agfa, Canon, Screen, Xerox et Ricoh auraient sauté aux yeux. Mais il y avait suffisamment à voir, d'autant que des exposants ayant déclaré forfait pour le salon physique avaient opté pour une présence virtuelle. Ce qui n'a naturellement pas débouché sur l'avalanche de grandes premières typique de la Drupa, mais quelques nouveautés ont malgré tout pu être épinglées ci et là. EFI, par exemple, a annoncé le lancement de "Mcorr", version réduite de la gigantesque presse jet d'encre Nozomi pour le carton ondulé. Fujifilm a dévoilé la Jet Press 750 S High Speed, une fois et demie plus rapide que sa presse feuille B2 à jet d'encre existante. Bobst a amélioré la presse numérique à étiquettes Mouvent LB701-UV. Et Komori a sorti la série Advance de ses presses offset Lithrone. Des promesses ont aussi été remplies. Koenig & Bauer avait, par exemple, levé le voile l'an dernier sur sa dernière génération de presses offset, mais en annonçant aussi à l'époque la nouvelle VariJet 106 hybride offset/jet d'encre. Celle-ci a effectivement été montrée, et elle sera disponible sur le marché plus tard dans l'année. Idem pour la presse jet d'encre Impremia NS40 de Komori (basée sur la nanotechnologie de Landa). Benny Landa s'est d'ailleurs mêlé au tout dernier moment à la Virtual Drupa, mais sans show spectaculaire cette fois. Son intervention s'est limitée à quelques messages vidéo. Il a préféré laisser l'imprimerie française Groupe Prenant relater ses expériences avec la presse, d'où sont dernièrement sorties 900 éditions spéciales du magazine Elle Decoration: 200 pages destinées aux bloggeurs et influenceurs. Rien n'a été dit sur la rotative Landa promise de longue date, mais Landa a dit vouloir "remettre le paquet" à la Drupa 2024. Comme on pouvait s'y attendre dans le sillage de l'édition 2016, le jet d'encre était encore omniprésent. La Virtual Drupa a ainsi servi de tremplin à Riso pour se profiler avec la "presse feuille à jet d'encre la plus rapide au monde": la Valezus T2100. Konica Minolta a montré la KM1E. Et Kyocera voit aussi des opportunités dans le marché professionnel pour la presse jet d'encre TaskAlfa Pro 15000c. Comme toujours, le débat sur le juste choix technologique a été vif. Xeikon y a contribué, par exemple, avec une présentation des marchés et des applications, tout en livrant un plaidoyer pour l'avenir du toner. Intervenant en tant qu'invité chez Bluecrest, l'analyste Marco Boer voit cet avenir réservé au jet d'encre sur le marché transactionnel. On notait aussi avec un intérêt certain la présence de Manroland Goss, désireux de conquérir le marché des cartons d'emballage avec l'offset rotatif. Le constructeur travaille depuis plus de deux ans sous le nom de projet "ROSA" à la presse "Varioman C: line", qui fera l'objet d'une première installation test en Allemagne en fin d'année. "L'avenir de l'imprimé, c'est l'imprimé", a témoigné, en direct des États-Unis, le professeur émérite, gourou du print et vétéran de la Drupa, Frank Romano. "Mais pas l'imprimé traditionnel tel que nous le connaissons aujourd'hui." Hormis du côté des emballages, Romano voit les volumes de papier diminuer dans tous les segments. L'impression numérique peut certainement offrir une réponse, mais à plus long terme, le secteur graphique devra regarder au-delà du papier: "Demain, il faudra pouvoir imprimer sur le plastique, le textile, les revêtements de sol, le métal, le bois ou le verre." Mais le principal marché de croissance est selon lui l'électronique imprimée: "C'est ça, l'avenir." Un sujet dont il n'a pratiquement pas été question pendant cette Virtual Drupa. Gageons qu'il en ira autrement en 2024.