L'ironie de l'histoire n'avait pas échappé au président du jour, Didier Haazen. L'organisateur de " l'événementpost- événement " n'a en effet jamais mis les pieds à l'Adobe Max. Haazen, cela dit, aurait aussi bien pu faire " comme si ". Il était tellement à l'aise pour en parler qu'on l'aurait volontiers vu parcourir le Centre des congrès de la Cité des Anges (LACC) parmi les 14 000 visiteurs recensés un mois auparavant. Les années aidant en effet, Haazen a appris à se forger une idée assez juste de l'Adobe Max, désormais internationalement reconnu comme la grand-messe du logiciel créatif.
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La réalité augmentée et l'expérience utilisateur, piliers d'un avenir créatif
Le centre d'expertise VIGC à Anvers a organisé pour la troisième fois son événement After Adobe Max (AAMAX). Une centaine de visiteurs avaient convergé ce 15 novembre vers le centre d'affaires Bluepoint d'Anvers. Objectif de la journée : suivre les exposés de designers venus parler de leur travail et écouter le témoignage de quelques personnes de retour de l'Adobe Max de Los Angeles.

L'ironie de l'histoire n'avait pas échappé au président du jour, Didier Haazen. L'organisateur de " l'événementpost- événement " n'a en effet jamais mis les pieds à l'Adobe Max. Haazen, cela dit, aurait aussi bien pu faire " comme si ". Il était tellement à l'aise pour en parler qu'on l'aurait volontiers vu parcourir le Centre des congrès de la Cité des Anges (LACC) parmi les 14 000 visiteurs recensés un mois auparavant. Les années aidant en effet, Haazen a appris à se forger une idée assez juste de l'Adobe Max, désormais internationalement reconnu comme la grand-messe du logiciel créatif.L'envoi d'un faire-part d'Adobe au VIGC pour le remercier d'avoir organisé l'AAMAX eût été amplement mérité. Le centre d'expertise revenait donc pour la troisième fois sur le rendez-vous annuel du géant du logiciel à Los Angeles.Le but de l'Adobe Max est essentiellement de faire la promotion des produits Adobe, ce qui n'enlève rien à son intérêt sur un plan plus général. Étalé sur trois jours, le congrès créatif attire chaque année davantage de visiteurs en Californie. Ceux-ci viennent des quatre coins du monde et paient leur ticket d'entrée bien au-delà des 1 000 dollars. Comptez même aux alentours de 2 000 USD participation au précongrès comprise. Qu'un événement d'entreprise au prix aussi exorbitant attire un public nombreux au point de poser des problèmes de capacité au gigantesque amphithéâtre du LACC est pour le moins surprenant.Pour faire bref, la raison d'être de l'Adobe Max est de présenter les nouvelles caractéristiques des produits Creative Cloud - la suite logicielle dont les éléments les plus connus, à savoir Photoshop, InDesign et Illustrator, font partie de la boîte à outils standard de pratiquement tout graphiste ou metteur en page du Benelux. Outre les grandes célébrations plénières, avec des démos des nouveautés en matière de fonctionnalités, de projets et d'applications logicielles, on y a droit à des interviews de célébrités et des présentations de top-designers. Ce en plus de quoi, des dizaines de sessions informatives se tiennent dans des locaux séparés du LACC, où les congressistes se pressent en rangs serrés.L'énorme intérêt mondial d'utilisateurs extrêmement motivés de Creative Cloud s'y affiche en contraste criant avec les activités promotionnelles de l'éditeur au Benelux. Adobe brille en effet chez nous par son absence lors des salons et événements ; les démonstrations et la communication de l'information au plan local sont largement laissées au marché.D'où la décision du VIGC de relever le gant une fois encore, pour organiser, dans la droite ligne de l'événement américain, une matinée axée sur trois sessions informatives parallèles. Le programme de l'après-midi s'articulait autour de séances plénières, avec notamment Dimitri Stevens, de l'institut de formation LAB9, luimême vétéran de l'Adobe Max. Stevens s'était fait fort de relater en une demi-heure tout ce qu'il y avait à retenir du congrès. Le souffle lui a presque manqué : tant il y avait à dire.La plus grande nouvelle était probablement l'introduction de Photoshop pour l'iPad Pro, la version " professionnelle " de l'iPad. Il existait déjà des applis donnant accès à une partie des fonctionnalités pour le smartphone ou la tablette. Une version complète sortira donc pour l'iPad en 2019. L'iPad Pro n'a jamais jusqu'ici égalé le succès de la version grand public. Gageons que Photoshop va contribuer à la rendre plus attrayante pour l'utilisateur professionnel.L'idée sous-jacente à la version iPad est que l'utilisateur puisse facilement basculer son travail de son ordi vers sa tablette. Ce qui peut être, par exemple, bien pratique pour le designer en déplacement chez son donneur d'ordre. Il peut ainsi intégrer directement les modifications dans Photoshop. Autre argument en faveur d'une version iPad : quand le créateur est pris d'une inspiration soudaine, dans le train par exemple. Il peut naturellement ouvrir son laptop et se mettre à l'ouvrage, mais un iPad est tout de même plus facile à transporter dans sa sacoche.L'environnement de travail et les formats de fichiers sont identiques à ceux de la version desktop de Photoshop. La synchronisation des fichiers via les différents environnements de travail s'effectue dans Creative Cloud. Adobe promeut cette approche depuis des années. Avec Photoshop sur l'iPad, l'infonuagique prend encore plus d'importance pour l'utilisateur.Le lancement de la nouvelle version de Photoshop à Los Angeles fut une belle occasion de resserrer une fois de plus les liens avec Apple. Photoshop est un logiciel relativement lourd, qui pose de solides exigences au hardware. La collaboration avec Apple était donc bienvenue pour lui permettre de donner le meilleur de luimême sur l'iPad. La relation entre les deux entreprises s'était passablement refroidie, depuis la décision de Steve Jobs, numéro un d'Apple, de ne pas prendre en charge Flash - la plate-forme d'animation Web d'Adobe - sur l'iPad. Ce qui a signé l'arrêt de mort de Flash, Adobe ayant depuis lors surtout travaillé ouvertement avec Microsoft. À l'Adobe Max toutefois, Scott Belsky, responsable produit, est monté très amicalement sur scène avec Phill Shiller, chef de la division marketing d'Apple. Un moment que Dimitri Stevens a lui aussi jugé assez particulier.D'après Stevens, le fil rouge de l'Adobe Max 2018 fut la réalité augmentée (RA). En de multiples lieux pendant le congrès, on pouvait assister à des démonstrations où un coup d'oeil à l'écran du smartphone ou de la tablette suffisait à distinguer des ajouts faits au monde réel. L'exemple le plus connu d'une application RA réussie est la version smartphone de Pokémon Go, jeu immensément populaire voici quelques années. La RA en tant qu'application print-to-web constitue une extension intéressante pour l'imprimé. Stevens a montré en cours d'exposé un exemple d'un morceau de carton coloré, qui se métamorphosait en une construction 3D à travers l'oeil de la caméra d'un iPad.Si son potentiel a été largement décrit dans la littérature, la RA ne trouve encore à s'appliquer qu'à faibles doses. Une chaîne d'ameublement peut, par exemple, montrer sur l'écran d'un mobile ce qu'un nouveau canapé va donner dans le salon. Un designer peut figurer un présentoir à côté d'un rayon dans un supermarché. Les possibilités dans le domaine de l'éducation et des loisirs sont innombrables.La RA se révèle davantage problématique quand il s'agit de concrétiser les idées. Créer du contenu n'a rien d'évident ; la plupart des designers ignorent même par quel bout commencer. Les conditions pour un éditeur RA abordable sont néanmoins désormais réunies. Avec iOS 12, la RA a le vent en poupe. La technique trouve en effet à s'exprimer beaucoup mieux sur les iPads et iPhones tournant sous la dernière version du système d'exploitation pour mobiles d'Apple. Avec Project Aero, Adobe saute à pieds joints dans le créneau AR du marché. Ce logiciel conceptuel offre la possibilité d'incruster un fichier Photoshop dans un enregistrement vidéo et de l'ancrer en un point choisi dans la réalité - tout comme cela se pratique pour la RA. Dans un fichier Photoshop multicalques, le spectateur reçoit une représentation 3D des différentes couches, et il lui est possible de manoeuvrer " à travers les calques ".Pendant la démo, Project Aero était combiné avec des fichiers provenant de l'éditeur 3D Adobe Dimension. En un tournemain, le design 3D d'une chaussure Adidas a été placé virtuellement dans le rayon d'un magasin. L'application est quelque peu comparable au Studio Store Visualizer d'Esko. Project Aero peut constituer un développement intéressant pour les concepteurs d'emballages ou servir à des fins de démonstration dans le segment du retail.Les Sneak Peaks constituent un moment clé de l'Adobe Max. Des développeurs viennent y lever un coin du voile sur des logiciels peut-être appelés à sortir sur le marché. L'occasion est belle de se faire une idée des concepts sur lesquels ils travaillent, même si l'expérience des éditions antérieures a montré que la plupart de ces applications ne voient jamais le jour. Un outil destiné aux designers d'emballages est cette fois sorti du lot. Le placement des visuels sur le modèle pliant d'une boîte dans Illustrator est une opération qui tient traditionnellement du casse-tête. Le projet Fantastic Fold apporte une solution au problème grâce à une animation 3D automatique du pliage de l'étui. Il suffit de faire glisser les images sur la boîte virtuelle en 3D, pour que les éléments du design soient automatiquement mis en place au bon endroit. Ainsi, pour les besoins de la démonstration, même un origami complexe a pu être transformé en un design multicolore par simple cliquer-déposer. Pour ceux qui veulent découvrir de visu comment ça marche : toutes les démos des Sneak Peaks sont disponibles sur YouTube.Stevens a été frappé lors de cette édition par l'attention accordée à l'analogique et à l'artisanal. Au Community Pavilion, l'espace salon de l'Adobe Max concentrant les stands et les ateliers, une énorme file se formait devant une presse à épreuves manuelle. Pendant ce temps, un attroupement plus gros encore s'amassait devant quelques presses de sérigraphie. Stevens : " Le public semblait découvrir un engin tiré d'un film de science-fiction. "La présentation de Bart Van de Wiele a été la contribution d'Adobe à l'AAMAX 2018. En tant que collaborateur d'Adobe, il a livré un certain nombre de tutoriels au public de Los Angeles. Pour expliquer les motifs qui poussent Adobe à mettre ou non certaines applications sur le marché, Van de Wiele a parlé à Anvers du rôle du " ressenti " dans le développement d'un logiciel. Une expérience agréable ou déplaisante détermine si l'utilisateur va ou non refaire usage d'une application à l'avenir.Van de Wiele : " Ce qui compte, ce n'est plus uniquement la manière dont une app fonctionne ni ce à quoi elle ressemble. C'est la façon dont elle est ressentie. " Il prend l'exemple des sites Web qui s'ouvraient auparavant sur une animation, avec en-dessous un bouton " skip intro ". Même si le design était vraiment beau, cette intro était perçue comme une expérience négative.De plus en plus de plates-formes voient le jour, notamment autour de la réalité augmentée ou du voice control, qui ouvrent autant d'opportunités pour le monde de l'entreprise. Van de Wiele : " Ces évolutions sont importantes, pas exclusivement pour les designers, mais pour l'ensemble de l'industrie, pour le tourisme, la grande distribution et les commerces. Au risque de choquer, je dirais que la Belgique est vraiment en retard. " Le défi pour Adobe est de faire en sorte que toutes les applications soient les plus accessibles possible. Ce pour quoi un rôle majeur est dévolu à Adobe XD (Experience Design), application sur laquelle l'éditeur travaille d'arrachepied. Celle-ci permet aux designers de plancher sur le développement d'une appli en étroite collaboration avec le donneur d'ordre. Un prototype se crée ainsi en équipe, en parfaite entente entre le marketeur et le concepteur. Van de Wiele a montré la nouvelle possibilité permettant de développer automatiquement plusieurs versions d'une appli en différentes langues. " XD n'est pas uniquement destiné à l'écran de l'ordinateur. À terme, il sera utilisé pour tout. De la commande vocale jusqu'au tableau de bord de votre voiture. "L'importance des designers ne doit pas être sous-estimée, pense Van de Wiele. " Les designers créent des entreprises et occupent des fonctions importantes dans les organisations. La demande de designers expérimentés est particulièrement forte. Nous devons évoluer vers une situation de créativité connectée, pour avoir la possibilité d'être créatif au moment où cela s'y prête le mieux. Fini de se dire : je dois être à 9 heures au poste et être créatif. Les gens travaillent de chez eux ; et ce ne doit plus nécessairement être sur l'ordinateur de la société. Creative Cloud est disponible partout, et les utilisateurs doivent avoir accès à tous les logiciels. "Les visiteurs de l'AAMAX ont eu droit à un aperçu de l'univers du designer contemporain avec la présentation de Jeroen Michiels, de Wunderman Brussels. Avec son agence, il s'occupe de données, d'analyses et de création. Et d'enchaîner comme une mitraillette les exemples de cas de campagnes, notamment pour la Loterie nationale, pour laquelle une série de jeux vidéo a été développée.Wunderman Brussels a mis au point le concept du design " atomique ", où le travail ne se fait plus sur l'ensemble du nouveau projet : site Web, appli ou jeu. Au lieu de cela, l'agence développe une série de composants modulaires (" atomes "), à partir desquels les applications sont construites de manière méthodique et efficiente.Le designer danois Michael Flarup a parlé de sa spécialité : la conception d'icônes. Flarup conçoit, pour le compte d'entreprises de tous horizons, les minuscules idéogrammes des applis affichées sur les smartphones ou les tablettes de monsieur Tout-lemonde. Même si sa spécialité s'inscrit typiquement dans le monde moderne, les concepts de base que Flarup a développés pour le public rappelaient surtout l'artisanat du graphiste des temps révolus. Déjà à l'époque, il fallait travailler au millimètre carré, par exemple pour la création de timbres-poste, de tampons ou de formulaires.Flarup est passé maître dans la conception dimensionnable. Ses icônes sont aisément reconnaissables à leur format réduit, et leur design correspond intimement à l'expérience de l'appli pour laquelle elles sont créées. Deux autres règles d'or de Flarup : le design doit être unique, pour ne pas être confondu avec celui d'une autre icône, et l'utilisation de texte est absolument proscrite.L'enthousiasme communicatif de Flarup a permis au public de redécouvrir cette évidence : tout ce que nous voyons autour de nous est le fruit d'un design. Même les icônes sur notre téléphone sont le résultat d'une réflexion créative. On aurait donc tort de sous-estimer l'importance des designers.
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