2021 avait encore commencé sous le signe de l'incertitude. À la fin de l'année dernière, la fédération patronale Febelgra et le fonds de formation GRAFOC avaient sondé pour la troisième fois les entreprises graphiques belges concernant l'impact de la pandémie de coronavirus. Pas moins de 89% d'entre elles y rapportaient une baisse de chiffre d'affaires pour 2020 allant de "limitée" à "très conséquente". Et 87% encore continuaient de faire face à une diminution du nombre de commandes. 67% des répondants s'attendaient à ce que certains volumes - et donc les chiffres d'affaires y afférents - ne reviennent plus dans la période post-corona. En cause: la digitalisation accélérée, la fuite des budgets publicitaires et l'essor de la vente en ligne. Près de 45% prévoyaient aussi une contraction structurelle de leurs effectifs.
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2021 avait encore commencé sous le signe de l'incertitude. À la fin de l'année dernière, la fédération patronale Febelgra et le fonds de formation GRAFOC avaient sondé pour la troisième fois les entreprises graphiques belges concernant l'impact de la pandémie de coronavirus. Pas moins de 89% d'entre elles y rapportaient une baisse de chiffre d'affaires pour 2020 allant de "limitée" à "très conséquente". Et 87% encore continuaient de faire face à une diminution du nombre de commandes. 67% des répondants s'attendaient à ce que certains volumes - et donc les chiffres d'affaires y afférents - ne reviennent plus dans la période post-corona. En cause: la digitalisation accélérée, la fuite des budgets publicitaires et l'essor de la vente en ligne. Près de 45% prévoyaient aussi une contraction structurelle de leurs effectifs. Quel est l'état du secteur neuf mois plus tard? Nouvelles Graphiques en a discuté avec un certain nombre d'entrepreneurs graphiques, de fournisseurs et de représentants d'associations professionnelles. Au menu: l'impact du coronavirus, la reprise qui s'annonce, la "nouvelle normalité" et les perspectives d'avenir. En sa qualité de président de Febelgra, Denis Geers a pu observer les efforts déployés par l'industrie graphique pour tenter de résister à la pandémie: "Nous avons remarqué chez Febelgra que beaucoup d'entreprises avaient des questions sur les mesures anticorona et la réglementation en matière de soutien, souvent à cause des nombreuses modifications. Le chômage temporaire pour cause de Covid-19 a été l'une des principales dispositions prises. J'entends aussi dire de mes confrères qu'ils y ont recouru. Il a permis de limiter les dégâts en 2020, même si les chiffres d'affaires ont souffert. Je pense que le premier semestre de 2021 a encore été plus difficile pour beaucoup parce que les volumes sont restés en-deçà des attentes. La situation s'est bien légèrement améliorée à partir de mai, et à présent que les restrictions sont assouplies, je pense que le secteur peut espérer de bons troisième et quatrième trimestres. Nous voyons aussi dans d'autres segments et chez les clients que les affaires reprennent." "Le coronavirus a incité beaucoup d'entreprises à y réfléchir à deux fois avant de se lancer dans de lourds investissements. L'industrie graphique est à forte intensité capitalistique et 2020 a fait peur à tout le monde. Il est temps de tourner la page. Je m'attends à ce que la pandémie qui se termine contribue à accélérer la consolidation dans le secteur. Enfin, l'intention de la Fédération est de mettre sur pied des campagnes ambitieuses visant à promouvoir notre secteur sur un mode positif." Les conséquences de la crise du coronavirus ont été d'emblée visibles, se souvient Jos Steutelings, directeur du VIGC: "Nous avons observé auprès des entreprises un sérieux recul des commandes et du chiffre d'affaires pouvant représenter jusqu'à -60%. D'un autre côté, les faillites ont été relativement rares, même si nous avons noté un certain nombre de consolidations. Le soutien des autorités a clairement aidé. Certains membres du VIGC, tels que Daddy Kate, Buroform et Moderna, pour ne citer qu'eux, ont même procédé à des investissements conséquents. Notez qu'il en a également été de même dans le secteur du grand format. Je préfère voir le verre à moitié plein. J'espère et je crois qu'un certain volume sera présent pour évoluer vers de meilleurs résultats au cours des prochains mois. Certaines imprimeries ont davantage de mal, mais elles souffraient souvent déjà avant la crise. La réouverture prochaine de l'événementiel sera assurément une bonne chose pour l'impression commerciale et le grand format." David Benoit (GRAFOC) se dit pourtant préoccupé: "C'est tendu dans l'industrie graphique depuis déjà des années. Les prévisions annonçant une forte diminution du nombre des entreprises graphiques ont toujours été reçues avec un peu de scepticisme, mais aujourd'hui, ça tombe dru. Pas tant à cause des faillites, mais surtout du fait des consolidations. On dénombre 40% d'entreprises en moins dans la branche sur dix ans de temps, et je pense qu'il faut s'attendre à d'autres bouleversements à terme. La vague de consolidations va se poursuivre - parfois sans faire de bruit." Graphius Group surfe comme nulle autre sur cette vague de consolidations. En tant que CEO du groupe graphique, Denis Geers a été amené à revoir ses plans: "La crise du coronavirus a agi sur notre stratégie de consolidation comme une arme à double tranchant. Nous avons mis un certain nombre de projets potentiels au frigo en mars/avril 2020, parce qu'il y avait trop de restrictions et que la situation à ce moment était très incertaine. Nous les avons toutefois ressortis entre-temps du tiroir. D'un autre côté, il y a eu des accélérations, par exemple, concernant le rachat de L.Capitan, tandis que d'autres dossiers suivaient leur cours normal, comme pour l'acquisition de l'imprimerie Lowyck. Je prévois que de nouvelles opportunités se présenteront, qui n'auraient pas vu le jour autrement." Alex Joos, CEO de Group Joos, a quant à lui perçu des effets très variables: "Nous sommes une entreprise atypique. Les conséquences de la crise du coronavirus ont été différentes au sein des trois entités du groupe - qui ne sont désormais plus que deux. Du côté des formulaires administratifs - l'imprimerie rotative petite laize - nous n'avons rien remarqué au cours des premiers mois. Nous exécutions des commandes passées antérieurement, avec des délais de livraison de quatre à six semaines. Le département spécialisé dans les imprimés transactionnels n'a rien ressenti non plus dans un premier temps. Mais dans la division où nous fabriquons beaucoup de produits de marketing et de retail, le recul a été brutal. Nous avons malgré tout assez vite retrouvé notre niveau normal. Nous avons produit beaucoup de mailings corona pour le marché de la collecte de fonds." "Chez Joos Hybrid, nous avons ressenti un recul à cause de l'arrêt du marché des hôpitaux. Beaucoup d'admissions ont été reportées pour faire place à des interventions liées à la Covid. Nous avons revendu Joos Hybrid entre-temps, une décision stratégique qui a été l'aboutissement d'un processus entamé avant la pandémie. Nous avons un peu craint que la vente n'échoue à cause de la Covid, mais cela n'a pas eu d'influence. Elle a eu lieu comme prévu." Eric Bongaerts, directeur général de Moderna, n'a pas non plus échappé à la crise du coronavirus après un début 2020 sur les chapeaux de roue: "Nous avons eu une hausse de chiffre d'affaires d'environ 25% sur les trois premiers mois. Nous avons alors été très occupés. Jusqu'à ce que le coronavirus débarque et ça a dégringolé à partir d'avril. Le chiffre d'affaires a baissé de 30% en quelques mois. Après l'été, la situation est un peu revenue à la normale, mais nous étions toujours en confinement. Le recul a concerné aussi bien les folders que les livrets. Plus de brochures de vacances, plus de culturel ni d'événementiel - tout ce pour quoi nous imprimons des plaquettes ou des catalogues était annulé. Ce qui a engendré une perte de chiffre d'affaires de 20% en 2020." "Sans le coronavirus, nous aurions eu une super-année, qui aurait été la conséquence des grosses faillites de 2019 et 2020. Roto Smeets et Corelio ont déposé le bilan. Grafix et Hoorens Printing ont fermé leurs portes par après. Une énorme capacité d'impression a ainsi disparu du marché. J'ai calculé que 57% de la capacité en heatset s'est envolée sur les cinq dernières années." Bongaerts reste optimiste: "Les trois premiers mois de cette année ont encore été assez calmes, après quoi le commerce a repris du poil de la bête. Nous sommes aujourd'hui au même niveau que l'an dernier. Ça va toujours mieux après la traditionnelle pause estivale." Willem Vangeel, Operations Director de Brepols, revient sur la période écoulée: "En tant qu'éditeur d'agendas et d'articles de papeterie, nous avons noté que le marché du retail est resté relativement stable. Quand une crise survient, le marché business-to-business - soit tout ce qui a trait aux budgets marketing - est le premier touché. Ce marché a donc sensiblement reculé." "Nous sommes aussi un brocheur indépendant, et nous travaillons en sous-traitance pour les imprimeries, essentiellement pour la production de beaux livres. Nous avons ressenti un effet clairement négatif lié au fait que les musées n'étaient pas accessibles et que les évènements ne pouvaient pas se dérouler, ou qu'ils étaient reportés, parfois même remis à l'année suivante. Beaucoup moins de livres ont ainsi pu être mis sur le marché." Bart Lauwaert, responsable Ventes & Marketing de Grafische Groep Matthys, a vu la demande d'abord dégringoler, puis finir malgré tout par se redresser: "Lors du premier lockdown de l'an dernier, tout s'est arrêté. Au début, nous en sommes restés à la moitié du chiffre d'affaires. Le robinet s'est tout simplement tari. S'occuper de belles choses était soudainement devenu un luxe que plus personne ne pouvait se permettre. Les gens avaient d'autres chats à fouetter. Les choses se sont améliorées tout doucement et nous avons bouclé l'année 2020 sur un chiffre d'affaires à 75% de celui de l'exercice précédent. Pour être honnête, il faut dire que 2019 avait été notre meilleure année dans l'absolu. 2020 a donc été raisonnablement du même niveau que les années antérieures. De quoi relativiser le problème." Quand la pandémie de coronavirus s'est déclarée, Four Pees se trouvait en plein déploiement d'une nouvelle stratégie d'entreprise. Le développeur et expert en automatisation approche de plus en plus les clients directement, et plus exclusivement par l'intermédiaire de revendeurs. Les conséquences des mesures anticoronavirus pour les utilisateurs finaux ont été immédiatement ressenties par Tom Peire, CEO de Four Pees. "Nous avons noté au début une réaction de panique chez tous les clients - comme chez tout le monde sans doute. Mais en mars-avril, les choses ont commencé à se mettre en place. Puis, tout a remonté en flèche chez nous - même si ce n'était pas le cas chez tous les clients." "Certains se sont trouvés moins occupés et ont pu consacrer le temps ainsi libéré à des projets d'optimisation et d'automatisation. Le but était d'être prêt pour le jour où la situation reviendrait à la normale. Nous avons de ce fait pu faire de bonnes affaires." Certains clients ont malgré tout suspendu leurs contrats de support & maintenance, dit Peire. "Pas un centime n'est rentré en caisse pendant une période prolongée. D'autres ont carrément dû fermer l'entreprise. Ça a effectivement été pénible. Nous avons eu, sur un court laps de temps, beaucoup de questions concernant les possibilités de passer à d'autres produits comme des masques. Ce qui, en fin de compte, n'a débouché que sur peu de nouveaux projets. Ils ont été nombreux à s'intéresser à ce type de produits, mais rares sont ceux qui en ont vraiment fait leur beurre. Croire qu'une industrie du Covid allait se mettre en place a été, selon moi, un malentendu à la base. À part pour les pharmaceutiques, je crains que ce ne soit pas le cas. Les entreprises qui ont fait de l'argent avec ça ont à peine gagné de quoi compenser les autres marchés perdus. Cela n'a jamais été vraiment rentable." La crise du coronavirus a encouragé les entreprises à se pencher sur leurs dépenses, dit aussi Dirk Deroo, CEO de Dataline. "Tous les coûts sont passés au crible, y compris les récurrents (cachés). Avec des conséquences pour la gestion du personnel. Les entreprises veulent faire plus avec moins de gens. On veut continuer avec l'effectif qui n'était pas en chômage temporaire pendant la pandémie. Ce qui veut dire: remplacer du personnel par du logiciel." Tom Peire ne dit pas le contraire: "Avec la distanciation sociale, les entreprises se sont retrouvées à devoir produire avec moins de personnel. Si on peut maintenir le niveau de production avec moins de main-d'oeuvre, ou produire plus avec le même effectif, c'est tout bénéfice." David Benoit (GRAFOC) enchaîne sur le constat de Dirk Deroo (Dataline) et Tom Peire (Four Pees): "Nous parlons au nom des travailleurs du secteur. Nous existons depuis trente ans, et cela fait trente ans que l'on manque de techniciens. Rien n'a changé. Plus d'un entrepreneur a été amené à se reconcentrer sur l'essence de son entreprise, avec des dégraissages à la clé. Voilà des années que l'on mise sur l'automatisation - et la tendance se renforce encore plus aujourd'hui - avec pour conséquence qu'il faut toujours moins de personnel. Sans oublier la problématique aiguë du vieillissement. D'ici quatre ou cinq ans, 35% des travailleurs seront atteints par la limite d'âge. Tous ces facteurs font que les arrivées n'arrivent pas à compenser les départs, d'où le nombre croissant de postes vacants dans l'industrie graphique. Nous tenons à jour la liste des offres d'emploi sur PrintmediaJobs, et nous pouvons constater qu'en ce moment, il en a 3% de plus que l'année dernière. Et même 15% de plus qu'en 2018. Elles trouvent difficilement preneur et cela devient toujours plus critique." "Les changements au sein de notre industrie font que l'on exige toujours plus des travailleurs. Pour faire bref: le conducteur de la presse devient de plus en plus un opérateur système. Nous devons adapter les modes de formation en conséquence. GRAFOC promeut résolument l'apprentissage dual, avec un rôle important dévolu aux entreprises. Nous serons ainsi mieux en mesure d'éviter la fuite des expertises et des talents." Pour le VIGC, la crise du coronavirus a été l'occasion de lancer rapidement des expérimentations autour des formations, séminaires et évènements en ligne, dit Jos Steutelings. "Une chose qui a été d'emblée claire pour nous, c'est que nous devions conserver le contact avec notre groupe-cible." Avec l'expérience ainsi accumulée, le VIGC peut aller de l'avant, pense-t-il. "La crise nous a fait globalement comprendre que nous pouvons faire certaines choses autrement. Les cours plus théoriques peuvent parfaitement être dispensés par la voie électronique. Assez étonnement, ils se sont mieux passés que les cours sur site. Question d'accessibilité ; les gens ne devaient pas se déplacer." Les events en revanche ne peuvent être digitalisés que jusqu'à un certain point, a découvert Steutelings. "Les gens peuvent mieux se concentrer quand ils sont sortis de leur environnement de tous les jours et qu'ils participent physiquement à un évènement. Le secret réside dans la combinaison des deux, pense-t-il. "S'il faut faire le déplacement de Turnhout à Amsterdam pour une réunion d'une heure, on privilégie aujourd'hui le digital. Mais notre évènement Het Congres sera de nouveau organisé sur site le 9 novembre à Malines." Et avant Het Congres, le Hackathon européen des Arts graphiques se tiendra de nouveau les 25 et 26 octobre. "Il sera encore une fois entièrement en ligne. La collaboration via Teams a parfaitement fonctionné la dernière fois. Comment faire autrement d'ailleurs si on veut faire communiquer tous ces pays simultanément entre eux?" La collaboration avec Teams a pris rapidement une place prépondérante chez Group Joos aussi, dit Alex Joos. "Le contact avec la clientèle présente désormais une tout autre figure. Cela n'a pas toujours été simple, mais en fin de compte nous avons beaucoup appris. Et nous n'allons pas le désapprendre. Fini de sauter dans la voiture et de se rendre sur place pour un oui ou pour un non." L'année a été bonne pour la branche consultance du VIGC, dit Steutelings. "Les gens sont nombreux à vouloir réévaluer leurs processus et modèles d'entreprise." Les imprimeurs commerciaux pensent à trouver de nouveaux marchés notamment du côté des emballages, des étiquettes et du grand format. Mais cela ne se fait pas du jour au lendemain. Steutelings: "Les emballages et les étiquettes sont des domaines complexes, surtout dans le secteur alimentaire. Par comparaison, les investissements dans le grand format sont relativement abordables. Avec le danger inhérent à tout engouement soudain pour certains marchés. Si tout le monde fait la même chose, on se retrouve de nouveau en situation de surcapacité." Four Pees est elle aussi active dans l'industrie de l'étiquette et auprès des imprimeurs d'emballages, même si ce dernier groupe est plus éloigné de son coeur de métier. Peire: "Pendant tout un temps, les gens n'ont rien pu acheter d'autre que de la nourriture. Certains imprimeurs d'emballages ont d'ailleurs fait des affaires d'or. Quant aux imprimeurs commerciaux, ils ont cherché ce qu'ils pouvaient en faire. Certains se sont tournés vers le grand format et toutes sortes d'autres applications. Un imprimeur de labeur a commencé à faire du papier peint. Indépendamment de la perspective commerciale, je trouve cela fascinant. Ce ne sont pas les évolutions positives qui manquent." Avec les développements actuels, la croissance des nouveaux clients reste relativement stable pour Dataline. Deroo: "En France, elle est même en augmentation. Certains clients existants confrontés à la pression sur les prix souhaitent pouvoir calculer encore mieux et plus vite leurs coûts et temps de production. On observe un surcroît d'intérêt pour les modules capables de générer des devis complexes et qui améliorent la collaboration entre entreprises." Pour les portails et les webshops aussi. Une tendance qui s'explique par le télétravail généralisé, qui conduit à commander davantage en ligne. De gros investissements ont entre-temps été consentis pour l'avenir. En juin 2020, Group Joos a installé une nouvelle Canon ProStream 1800 et sa dernière acquisition est une Canon varioPrint iX3200: "Sur moins d'un an, nous avons investi dans l'impression jet d'encre rotative et feuille, en pleine crise du coronavirus. Ce qui nous a permis de remplacer deux presses offset et trois machines à toner. Nous croyons dur comme fer au marché du jet d'encre." "Moderna vient tout juste de finaliser un investissement de 22 millions d'euros", confie Eric Bongaerts. "Et celui-ci porte déjà bien ses fruits: le fonctionnement est beaucoup plus précis, ce qui influence favorablement nos résultats. J'ai encore décidé pas plus tard qu'aujourd'hui d'investir dans deux robots palettiseurs. Encore une avancée de nature à renforcer notre position sur la carte. Nous continuons d'investir dans l'automatisation, aussi bien en vitesse qu'en qualité." Le Groupe Matthys aussi a opté pour une nouvelle presse: "Pour celui qui voulait investir malgré tout dans une nouvelle machine, l'automne dernier était le bon moment. Nous avons porté notre dévolu sur une Koenig & Bauer flambant neuve. L'investissement était conséquent car nous n'avons qu'une seule presse et c'est notre gagne-pain. Notre tour de dorure à froid Vinfoil va y être transférée et nous serons opérationnels pour l'automne. Nous sommes fin prêts." Denis Geers (Graphius Group) a lancé un nouveau portail en ligne l'an dernier, en plein corona, sous le nom Belprinto: "Nous ajoutons ainsi un nouveau business model - ce qui demande aussi des adaptations internes. Avec le recul, il est bon que nous ayons commencé dans une période relativement calme, ce qui nous a laissé la possibilité d'optimiser notre manière de travailler. À présent, tout est au point, aussi bien en front-end qu'en back-end. Nous visons certainement une croissance et prévoyons de commencer le marketing en septembre/octobre." Chez Brepols, on perçoit une prudente avancée sur le marché: "Nous espérons la poursuite des assouplissements. Le ressenti est important pour nos produits - certainement sur le marché du livre. À partir du moment où les gens pourront retourner dans les musées et participer aux évènements, nous pourrons de nouveau réaliser de beaux livres et des ouvrages de référence. Directement, c'est de la besogne qui revient. Espérons que la campagne de vaccination se termine rapidement, afin que nous puissions retourner à une vie un peu plus normale." Les entreprises doivent à présent faire le bilan et voir ce que l'automne va apporter, pense David Benoit: "Dans d'autres secteurs, nous voyons que ça reprend. Comme notre industrie est davantage en bout de chaîne, je suppose que nous suivrons aussi cette tendance un peu plus tard - même si cela ne sera pas aussi spectaculaire que dans certaines situations précédentes. Je suis convaincu que la demande d'imprimés subsistera en dépit de l'accélération de la digitalisation. Regardez les étudiants - après un an de cours à distance pour cause de coronavirus, ils sont tout heureux de retrouver leurs livres." Une ombre plane malgré tout sur cet alignement de perspectives favorables. Eric Bongaerts (Moderna): "La demande est bien là, mais nous sommes confrontés à une pénurie de papier. Impossible de s'approvisionner à court terme. Moderna a bien du stock, mais encore faut-il qu'il s'agisse du bon papier: "Nous nous sommes couverts pour les travaux en cours. Mais il y aura des problèmes dans les prochains mois pour le planning à court terme. Ça va gâcher la fête. Des productions seront à l'arrêt à la fin de l'année, il faut s'y attendre. Denis Geers (Graphius Group) embraie: "Jusqu'ici, nous sommes parvenus à obtenir le papier dont nous avions besoin, mais de plus en plus souvent avec du retard. Les délais courent: on ne reçoit pas toujours le papier dans les trois ou quatre jours, et cela rend les projets immédiats difficiles à réaliser. Mais ces problèmes touchent toutes sortes de secteurs et les clients se montrent généralement compréhensifs. La hausse des prix du papier est un plus gros souci encore: de 10 à 15%, c'est trop pour être absorbé et nous devons répercuter. Ce que nous faisons naturellement dans les nouveaux devis, mais pour les prix fixes, c'est plus compliqué. Nous allons prochainement écrire à nos clients pour leur expliquer la situation." Chez Brepols aussi, on a remarqué que la matière première se fait rare: "Avant, les délais de livraison pour le papier et le carton étaient de quelques semaines. Aujourd'hui, on en est vite à huit semaines, ce qui va avoir un effet négatif sur les possibilités. Mais dans l'entreprise, nous ne manquons pas d'atouts. La plupart des entreprises achètent le carton gris au format. Nous possédons quant à nous notre propre équipement de découpe et nous sommes flexibles parce que nous pouvons d'ores et déjà constituer des stocks de certains formats standard. Nous sommes donc très réactifs." Bart Lauwaert (Matthys Groep): "J'ai entendu dire par un imprimeur d'emballages que son chiffre d'affaires était arrêté pour l'année. Il ne peut plus se faire livrer de quoi imprimer. Il lui reste les commandes planifiées à fabriquer, mais rien de plus." Bongaerts: "La plupart des clients téléphonent pour demander si quelque chose peut être produit la semaine prochaine. Voici quelques jours encore, j'en ai eu un qui a demandé 150 tonnes de papier pour un folder en grand tirage. Il le voulait pour fin août, mais il peut oublier. Dommage. Mais si cela devient trop difficile pour le client, il se rabat sur un autre média. Une campagne télé au lieu d'un dépliant. Les temps sont durs pour les entreprises graphiques. Deux années de corona et maintenant des problèmes de matières premières."