Les encres UV sont utilisées depuis les années 60 du siècle dernier. Exposés à une lumière UV, les photoinitiateurs présents dans l'encre déclenchent un processus chimique irréversible de polymérisation qui en provoque le durcissement accéléré. Le séchage ne résulte donc pas de l'évaporation d'un solvant ou de l'absorption dans le support, comme avec les encres offset traditionnelles. Les lampes UV à mercure classiques présentent toutefois des effets indésirables, à savoir la formation d'ozone et un dégagement de chaleur. Un système d'extraction est dès lors nécessaire sur la presse pour évacuer l'ozone, et ces lampes doivent aussi être refroidies (de même éventuellement que les imprimés). L'industrie travaille dès lors depuis une dizaine d'années à la mise au point de solutions permettant de pallier ces inconvénients à travers des dispositifs moins énergivores : les lampes UV " basse énergie ", déclinées sous les abréviations LE-UV, H-UV ou HR-UV, et les LED.
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Les encres UV sont utilisées depuis les années 60 du siècle dernier. Exposés à une lumière UV, les photoinitiateurs présents dans l'encre déclenchent un processus chimique irréversible de polymérisation qui en provoque le durcissement accéléré. Le séchage ne résulte donc pas de l'évaporation d'un solvant ou de l'absorption dans le support, comme avec les encres offset traditionnelles. Les lampes UV à mercure classiques présentent toutefois des effets indésirables, à savoir la formation d'ozone et un dégagement de chaleur. Un système d'extraction est dès lors nécessaire sur la presse pour évacuer l'ozone, et ces lampes doivent aussi être refroidies (de même éventuellement que les imprimés). L'industrie travaille dès lors depuis une dizaine d'années à la mise au point de solutions permettant de pallier ces inconvénients à travers des dispositifs moins énergivores : les lampes UV " basse énergie ", déclinées sous les abréviations LE-UV, H-UV ou HR-UV, et les LED. Grosso modo, les trois techniques UV disponibles s'appuient toutes sur le même principe : le durcissement d'une encre spéciale par polymérisation. Les lampes à mercure classiques émettent un large spectre de longueurs d'onde dans le domaine UV (entre 200 et 450 nm). Le procédé LE-UV agit sur un spectre plus étroit (330 à 450 nm) tandis que le LED-UV est ciblé sur 385 nm. Les photoinitiateurs contenus dans l'encre doivent donc être sensibles exactement à cette longueur d'onde. LE-UV et UV-LED ne libèrent pas d'ozone. Le LE-UV est moins énergivore que le séchage UV conventionnel, mais le LED-UV est encore nettement plus économe que le LE-UV, ce qui a son importance en termes d'émissions de CO2. Heidelberg propose malgré tout les deux solutions : " Le LE-UV est plus économique que le LED-UV si l'on regarde la hauteur de l'investissement et les coûts d'exploitation. " Les lampes à vapeur de mercure classiques donnent d'ailleurs matière à débat, l'utilisation de ce métal étant interdite depuis 2013 compte tenu de son danger pour l'environnement et la santé. Le mercure est également proscrit dans l'UE à partir de 2020 - sauf quelques exceptions. Les lampes à mercure des sécheurs restent momentanément tolérées dans les presses d'imprimerie en tant que " grandes installations industrielles ". Le séchage UV (indépendamment de sa variante) a un avantage évident : les feuilles imprimées sortent sèches de la presse, ce qui est naturellement apprécié dans une imprimerie. Une encre qui sèche rapidement n'est pas absorbée dans le papier. D'où une image plus nette aux couleurs plus intenses sur les supports non couchés. On peut aussi imprimer plus rapidement le verso, avec moins de gâche, et le risque de maculage ou de rayures est réduit, ce qui produit donc moins de déchets au final. Plus besoin non plus d'appliquer un vernis ou une laque de protection, l'utilisation d'une poudre antimacule devenant ainsi pratiquement superflue. La suite du traitement des feuilles d'impression (amalgame suivant, ennoblissement ou pliage) pose de ce fait aussi moins de problèmes. La poussière de poudre a moins tendance à se déposer partout sur la presse et les autres équipements, ce qui nécessite moins de nettoyage et d'entretien. Pour autant, beaucoup d'imprimeries hésitent encore. Les presses à séchage UV sont en effet plus onéreuses à l'achat. Une parade peut consister, par exemple, à faire installer des sécheurs LED-UV sur des presses existantes. Mais cela n'évacue pas les autres coûts : les encres UV sont plus chères que les conventionnelles ; les encreurs, plaques, blanchets et produits de nettoyage sont également différents. À chaque entreprise donc de peser le pour et le contre. Sans oublier non plus d'autres réserves critiques comme les risques potentiels des encres UV pour la santé. La Fédération allemande de l'industrie graphique BVDM a publié dès 2018 un rapport d'état des lieux sur l'utilisation et le séchage des encres UV, avec une analyse de leurs avantages et de leurs inconvénients. Cette publication était une réaction face au flou persistant et au débat régnant autour de la technologie UV - laquelle ne limitait plus ses applications à l'impression d'emballages, mais commençait à être de plus en plus utilisée pour la production de magazines et d'imprimés publicitaires. Deux questions critiques restaient toujours sans réponse en 2018, constatait la BVDM : " Les imprimés UV sont-ils vraiment problématiques pour le recyclage des vieux papiers ? " et " L'utilisation d'imprimés UV entraîne-t-elle des risques sanitaires potentiels du fait que les imprimeries, par manque de méthodes de mesure, ne sont pas à même d'apporter une réponse concluante quant au degré de durcissement réel des encres UV ? ". Des questions qui se posent avec d'autant plus d'acuité que le champ d'application de la technologie UV dans l'industrie graphique ne cesse de s'élargir. La réponse à la première question fait encore l'objet de recherches, dit la BVDM [ndlr. : lire plus loin]. Mais la fédération répond définitivement à la seconde dans son rapport Produktsicherheit von UV-Druckerzeugnissen, de juin 2020, fondé sur ses propres tests et analyses de l'effet du durcissement UV sur la santé des utilisateurs (finaux). Les photoinitiateurs et acrylates présents dans les encres UV non durcies sont potentiellement dangereux pour la santé en cas de contact avec la peau, les yeux ou les muqueuses. Le personnel des imprimeries qui recourent à de telles encres doit dès lors porter des tenues de travail protectrices. Ces risques sont toutefois minimes si les encres sont polymérisées à coeur par la lumière UV. Reste la grande interrogation : comment savoir si le durcissement est effectivement achevé ? L'imprimeur n'est pas en mesure de le contrôler lui-même, dit la BVDM. Seul un laboratoire peut le faire dans de bonnes conditions. Les imprimeries sont surtout attentives à la résistance au frottement et aux éraflures de l'encre durcie. Si celle-ci paraît suffisante, alors l'imprimé est considéré sec et on peut le façonner sans l'abîmer. Les détracteurs de la technologie UV doutent toutefois que, même ainsi, l'imprimé soit sans danger pour l'usager final - tout risque est-il exclu si le durcissement n'est pas total ? Pour sortir de l'impasse, la BVDM, en collaboration avec la fédération professionnelle allemande de l'industrie des encres et vernis d'imprimerie (VdL), a réalisé une étude approfondie entre juillet 2019 et mars 2020. L'étude a postulé un " scénario du pire ", afin qu'un éventuel risque pour la santé soit détecté à coup sûr. Et si aucun danger n'était mis au jour, tout doute serait ainsi levé sur les circonstances éventuelles susceptibles de déboucher sur un risque. Les analyses toxicologiques ont dès systématiquement retenu les relevés les moins favorables. On a pris comme cobaye (fictif) une personne ayant une masse corporelle de 60 kg et qui lit chaque jour une publication de 80 pages en humidifiant son doigt avec de la salive pour tourner chaque page. La publication comporte des pages à fort taux d'encrage et le degré de durcissement des encres offre juste la résistance aux éraflures suffisante pour rendre possible le façonnage ultérieur de l'imprimé. Les feuilles-tests ont été imprimées sur la Heidelberg Speedmaster CD 102-7 LX du centre de R&D du spécialiste du séchage UV, IST Metz. Cette presse a été spécialement équipée de trois types de sécheurs UV (conventionnel, basse énergie et LED), afin que chaque variante puisse être testée. Pour le papier, on a employé aussi bien un couché mi-mat que de l'offset sans bois. Le premier tirage de référence s'est opéré à bas régime (6 500 feuilles/heure) et sous une puissance de rayonnement maximale de manière à obtenir un durcissement complet. On a ensuite imprimé à différentes vitesses, avec des variations aussi bien de l'intensité de rayonnement que du nombre de sources lumineuses. On a ensuite tenté de déterminer en laboratoire, à l'aide de fluides censés simuler la sueur et la salive, si des photoinitiateurs et des acrylates de l'encre sont transférés au sujet (pour être ensuite ingérés par la bouche). Lorsque c'était le cas, on a rapporté les quantités décelées aux strictes valeurs-limites existantes, pour voir s'il pouvait être effectivement question d'un risque sanitaire. La méthode, la procédure d'analyse et les grandeurs mesurées sont décrites in extenso dans le rapport de la BVDM - cette information sort toutefois du cadre du présent article. L'essentiel est la conclusion que la BVDM tire de ses observations : " En résumé, on peut affirmer que, même dans des conditions (de durcissement) défavorables et partant d'hypothèses prudentes, il n'y a pas de risque pour le consommateur à craindre des imprimés produits en offset UV plano. " Fortes des résultats des tests de la BVDM, les imprimeries peuvent d'ores et déjà se sentir rassurées quant à l'innocuité d'application du séchage UV. Entre-temps, le fabricant d'encres Hubergroup travaille à permettre aux imprimeurs de constater le degré de durcissement de leurs imprimés par eux-mêmes, sans devoir faire appel à des conditions de laboratoire. L'entreprise a ainsi annoncé l'année dernière le système breveté " NewV cure ". En cours de fabrication, Hubergroup ajoute à ses encres UV un " marqueur " spécial destiné à servir plus tard d'indicateur de durcissement. Voici comment ce test opère en pratique. Partant des données d'une commande, le logiciel détermine l'endroit de la feuille d'impression présentant le taux d'encrage le plus élevé. Le conducteur prélève un échantillon de la feuille et place cette éprouvette dans un liquide révélateur. Au bout de quelques minutes, la présence du marqueur dans l'échantillon est mesurée électroniquement et le degré de durcissement peut être directement constaté. L'industrie planche aussi sur l'autre question laissée sans réponse selon la BVDM (à savoir les problèmes que poseraient les imprimés UV dans le recyclage des vieux papiers). Ingede est l'organisme chargé de mener des recherches sur le désencrage des vieux papiers pour le compte des papetiers adhérents. Voilà des années que l'association met en garde contre le fait que les encres UV durcies, contrairement aux encres conventionnelles, sont très difficiles à éliminer du papier recyclé. Il en résulte une pâte contaminée par des particules d'encre qui restent visibles dans le papier neuf. Ingede appelle dès lors à la mise au point de nouvelles encres UV compatibles avec le processus de désencrage conventionnel. Hubergroup a relevé le gant début 2018 en annonçant un projet de recherche conjoint avec Ingede visant à dégager une solution à ce problème : " Le défi est de parvenir à cet objectif sans nuire aux caractéristiques d'imprimabilité des encres. " Hubergroup dit disposer depuis d'une encre UV facilement désencrable. Siegwerk, autre fabricant, a lui aussi annoncé l'année dernière avoir mis au point une encre LED-UV facile à désencrer. Siegwerk avait commencé sa quête d'une nouvelle formulation en 2017, en collaboration avec le papetier Stora Enso. Il voit aujourd'hui des possibilités d'application aussi bien en LE-UV/H-UV et LED-UV que pour les encres UV conventionnelles.