2019 avait encore été une relativement bonne année pour le direct mail. Tout comme les autres médias " classiques ", le vecteur publicitaire postal souffre de la concurrence croissante du " online " (e-mail et Internet). Selon les chiffres de Space (basés sur MDB Nielsen, eMarketer et nos appréciations propres), les dépenses dans les médias classiques ont accusé l'an dernier un recul des 3,8 % par rapport à 2018. Les investissements publicitaires y sont passés sous la barre des 4 milliards d'euros, avec un total de 3,8 Md?. Toujours selon une estimation de Space, l'online a progressé de 11,8 %, à plus d'un milliard d'euros (1,116 Md?).
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2019 avait encore été une relativement bonne année pour le direct mail. Tout comme les autres médias " classiques ", le vecteur publicitaire postal souffre de la concurrence croissante du " online " (e-mail et Internet). Selon les chiffres de Space (basés sur MDB Nielsen, eMarketer et nos appréciations propres), les dépenses dans les médias classiques ont accusé l'an dernier un recul des 3,8 % par rapport à 2018. Les investissements publicitaires y sont passés sous la barre des 4 milliards d'euros, avec un total de 3,8 Md?. Toujours selon une estimation de Space, l'online a progressé de 11,8 %, à plus d'un milliard d'euros (1,116 Md?). Le direct mail a quant à lui reculé de 1,1 %, ce qui reste mieux que la moyenne du marché. Les investissements en courrier publicitaire adressé se sont ainsi élevés à près de 275 millions d'euros (montant calculé sur la base des tarifs à payer à bpost). La plus grosse chute est à mettre au passif des journaux, des périodiques et de la presse gratuite, qui encaissent des baisses respectives de 7,2 %, 4,9 % et 23,1 % par rapport à 2018. Même la publicité à la télévision a décliné de 4,6 %, ce média restant numéro un malgré tout. Ce déclin, le secteur du direct mail le ressent lui aussi. Sans être en voie de disparition, il est tout de même en contraction. " Je dois avouer que l'année dernière fut la première où nous avons noté un recul. Lequel est lié à une baisse de volume à l'échelon national ", dit Daniëlle Vanwesenbeeck, dirigeante de MasterMail et avocate du direct mail. " Le volume diminue au niveau de la Poste, ce qui finit par se ressentir tôt ou tard. J'en ai encore parlé dernièrement avec une entreprise qui envoyait systématiquement son rapport annuel par courrier postal. À présent, elle diffuse un e-mail signalant que le document est disponible sur son site. " Elle fait aussi remarquer que ceux qui choisissent le direct mail le font désormais de manière très intentionnelle. Pour tout ce qui touche au " branding ", c'est-à-dire l'image de la marque, les annonceurs privilégient le numérique. Mais lorsqu'il s'agit de promouvoir une vente, l'approche est différente. " Je le vois bien, certaines entreprises qui ne juraient que par le numérique il y a quelques années, en reviennent aussi au mailing. On ne peut pas tout vendre par courrier électronique. Surtout les produits premium, à haute valeur ajoutée. Une BMW ou une Audi ne se vend pas par e-mail. Le secteur automobile a pratiqué des coupes sombres dans les budgets ces dernières années, mais il en a vite vu le résultat sur ses ventes. D'où le retour à davantage de mailings. Sur la pente descendante, le direct mail ? Non. Il reste très bon pour vendre certains produits et services. Pour sortir du lot avec le bon produit au bon moment ", dit Vanwesenbeeck. Pascal De Greef, encore récemment Sales & Marketing Director et membre du comité exécutif " Mail & Retail " et désormais VP Parcels & Logistics EurAsia de bpost, qualifie les chiffres 2019 de " très bons par rapport à d'autres médias. Nous continuons naturellement de perdre du terrain. On investit toujours moins en direct mail, c'est un fait. " Pour lui, ces chiffres en matière de direct mail sont quelque peu biaisés. bpost utilise en effet une définition différente du reste du marché. En termes généraux, tout ce qui est envoyé aux clients et prospects pour les besoins d'une marque constitue une communication marketing. Cela peut aller d'une offre dans le cadre d'une journée portes ouvertes à un pur message d'image adressé aux groupes-cibles. Mais pour bpost, seule une offre commerciale dans un message publicitaire est un mailing. Et le tarif direct mail - moins cher - est uniquement applicable à ce type d'envoi. Un message relationnel destiné à mettre la marque in the picture ne répond pas à cette définition et est donc considéré comme courrier postal ordinaire. De Greef prend comme exemple la situation sur le marché de l'énergie. Après la libéralisation, de nouveaux acteurs ont démarché les clients d'Engie Electrabel (ex-monopole) avec des offres alléchantes. Les différents opérateurs ont depuis trouvé leurs marques et les efforts de marketing ont évolué dans le sens de la conservation de la clientèle. De Greef : " Si Engie Electrabel trouve que des personnes clientes depuis cinq ans méritent une attention particulière et leur adresse une carte de remerciement, tout le monde sait qu'il s'agit d'un mailing. Or l'envoi ne tombe pas sous la définition de direct mail de bpost parce qu'il ne contient pas d'offre commerciale. " Le secteur de la banque et de l'assurance sort lui aussi d'une vague de consolidations, et la conservation de la clientèle y est plus importante que son acquisition. Si la nouvelle entité résultant d'une fusion communique avec les clients existants pour leur dire que rien ne va changer et que le service reste identique, ce n'est pas du direct mail dans la logique de bpost. " Nous observons un glissement vers le relationnel dans ces secteurs, sans toutefois pouvoir y accoler un montant ", poursuit De Greef. " La raison est simple : à partir du moment où ces envois ne peuvent prétendre au tarif direct mail commercial, mais qu'ils tombent sous le coup du tarif ordinaire, le secret de la correspondance prévaut. Nous n'avons donc pas le droit de demander des chiffres ni de vérifier le contenu. " On peut toutefois estimer que ces missives de marketing relationnel constituent de 10 à 15 % du trafic postal. De Greef : " Un courrier sur les dix reçus dans la boîte aux lettres serait donc de nature relationnelle. " Les entreprises sont toutefois suffisamment créatives pour combiner relationnel et offre commerciale afin de pouvoir bénéficier malgré tout du tarif direct mail plus intéressant. Celles qui ont les dates de naissance dans leur fichier de données sont ainsi nombreuses à envoyer une carte d'anniversaire à leurs clients. Le destinataire se voit proposer, par exemple, 10 % de ristourne sur présentation du carton lors de sa prochaine visite. Et cette offre transforme le message relationnel en message commercial. L'opérateur postal est et reste le maillon le plus critique dans la chaîne du direct mail. On peut imprimer tout ce qu'on veut, mais sans personne pour diffuser l'imprimé - personnalisé ou non - l'aventure s'arrête là. C'est pourquoi l'évolution des tarifs et de l'offre de services de bpost touche également le secteur graphique. De grands changements ont été introduits pour 2020 : nouvelle hausse tarifaire (logique : si on envoie moins, les coûts doivent être répartis sur un nombre d'unités réduit et le prix par envoi individuel augmente) et adaptation par bpost de son modèle de distribution. Primo, les tarifs postaux : en hausse d'année en année. Les clients savent, dit Pascal De Greef, que s'ils basculent vers le numérique tout en étant moins " physiques ", l'impact sur le volume total de courrier sera négatif. Ce qui se répercutera sur le prix. À coûts globaux égaux, les frais d'envoi ne peuvent qu'augmenter. Pour De Greef, la discussion avec les clients est difficile, mais pas impossible. Les clients de la Poste font aussi leurs comptes, dit-il. Il prend comme exemple l'envoi de grands volumes de factures. " Vous vous dites, j'ai chaque mois un flux de facturation d'un million d'unités. Vous allez digitaliser et vous pouvez envoyer, disons, 30 % de ces factures sous forme électronique. Conséquence : les 70 % vont revenir plus cher. Mais si on fait la somme de cet affranchissement plus coûteux sur les 70 % de factures papier, l'économie sur les 30 % numériques reste globalement la même. L'incitant pour passer au numérique subsiste : 'at the end, they make money'. " Secundo, le processus de distribution. bpost a également quelque peu changé les règles. Ce qui revient à dire - en très raccourci - que le service de courrier diminue, alors que le prix augmente. Sauf si on est disposé à payer - encore - plus... Quoi qu'il en soit : depuis mars de cette année, les mailings et les envois publicitaires non adressés ne sont plus distribués que quatre jours sur la semaine. Exit le vendredi. bpost laisse actuellement le choix entre deux moments de distribution : les lundi et mardi ou mercredi et jeudi. Celui qui opte pour l'une de ces deux possibilités a l'assurance que son mailing tombera dans les boîtes aux lettres au moment choisi (c'est-à-dire, un jour ou bien l'autre). Ce qui a un prix. S'il laisse la Poste déterminer elle-même le jour de la semaine où le mailing sera distribué (selon la formule " Week Certain ", soit un certain jour de la semaine), il payera moins. Avec quelques nuances, souligne De Greef : " Nous avons consacré beaucoup de temps à expliquer nos intentions à nos clients annonceurs, afin de dégager un modèle qui soit optimum pour eux. Ce qui nous a conduits à identifier deux grands moments. Vous avez le lundi-mardi et le mercredi-jeudi. La raison en est que différents objectifs ont été formulés lors de la consultation. " Et d'en donner deux exemples. Les retailers apprécient que leurs mailings - adressés ou non - arrivent dans les boîtes aux lettres des consommateurs en début de semaine - lundi ou mardi. En effet, les actions annoncées dans les folders envoyés commencent le mercredi. " Nous avions là un gros potentiel que nous pouvions capter avec une offre très simple : on le fait de toute façon le lundi ou le mardi parce que tous les autres jours ne sont pas intéressants pour nous ", résume De Greef. D'autres secteurs (automobile, télécom, énergéticiens) préfèrent le mercredi ou le jeudi. Leurs produits et services demandent un certain temps de réflexion. On ne décide pas de ces choses sur le moment. Autrement dit, le weekend s'y prête bien. L'invitation à une journée portes ouvertes du samedi et/ou du dimanche ne doit pas non plus tomber au dernier moment dans la boîte aux lettres. Le mercredi ou le jeudi dans l'idéal, selon l'analyse de bpost. Les clients de la Poste préfèrent éviter le vendredi. Au moindre retard, leur mailing risque d'arriver après le weekend (et la journée portes ouvertes), avec toutes les conséquences en termes de contacts potentiels manqués, de weekend de réflexion perdu, etc. Ce qu'en dit De Greef : " Au final, le modèle est créé en fonction de l'input du client. Nous n'avons pas encore eu une seule indication d'un client qui envisagerait de nous quitter à cause de notre changement de schéma. L'offre Advertising est très simple : " cher annonceur, vous avez le choix entre deux moments (lundi-mardi ou mercredi-jeudi) et l'afflux des campagnes publicitaires se distribue de manière naturelle sur ces deux créneaux. Y compris le non-adressé. " Quelles sont les implications pour les imprimeurs et les routeurs (qui ont d'ailleurs rapatrié une bonne partie des activités d'impression sur des presses numériques) ? " La question des tarifs s'est beaucoup complexifiée. Mais le marché n'est pas suffisamment au courant ", regrette Daniëlle Vanwesenbeeck. " Il y a un tarif administratif et un tarif commercial. Et dans le commercial, on peut choisir entre " Week Certain " et lundi/mardi ou mercredi/jeudi. Le courrier commercial n'est plus distribué le vendredi. Ce qui est difficile à comprendre pour les clients. L'objectif premier de la Poste est l'optimisation de son propre système de production. Ce qui va se faire au prix d'une grande perde de flexibilité. Nous devons aussi déposer le courrier plus tôt. Tout cela, nous devons l'expliquer aux clients. Pour la première fois depuis longtemps, je n'y vois rien de positif. La Poste nous rend la tâche très difficile. " bpost continue de promouvoir le média direct mail auprès des annonceurs. Les entreprises actives dans la " chaîne de valeur du mailing " le font aussi. Et cet effort semble nécessaire car, comme dit l'adage, loin de yeux, loin du coeur. Daniëlle Vanwesenbeeck donne une fois par an un cours sur le direct mail dans l'enseignement supérieur, et les étudiants "...se demandent de quoi elle parle ", dit-elle. " Ils sont entièrement focalisés sur le digital. Je dois leur expliquer ce qu'est le direct mail et ce qu'il peut faire. Je dois les réveiller. Le savoir-faire et l'expertise sont en train de se perdre. Je pense que sur toute la durée des études en marketing, pas même un jour n'est consacré au direct mail. " Chez bpost aussi, on observe que la connaissance du média régresse. Pascal De Greef : " Quand on disait direct mail auparavant, tout le monde avait bien entendu parler de sa valeur intrinsèque par différents canaux. Le média mailing se vendait sans beaucoup d'argumentation. On savait qu'un certain retour d'investissement y était lié. Ce temps est révolu. Nous devons investir beaucoup plus pour démontrer la valeur de notre média. " Le média et bpost sont sollicités par les annonceurs à quatre niveaux : créativité, ciblage, ROI et soutenabilité. Autant de défis qui doivent être relevés par l'opérateur postal. Prenez la créativité. Il y a vingt ans, vous aviez les agences marketing, qui détenaient l'expertise nécessaire à l'élaboration d'un mailing. Ces agences DM ont pratiquement disparu et dans le peu de celles qui restent, le numérique a pris énormément d'importance. Une réponse est à présent attendue de bpost, selon de Greef : " bpost a décidé de réengager des gens capables d'assurer l'aspect créatif. Nous pouvons ainsi aller chez le client avec quelques designs élaborés. Des maquettes que l'on peut toucher. Pourquoi faisons-nous cela ? Parce que la différence avec le digital est dans le tangible. Vous avez beaucoup plus de chances de convaincre quelqu'un si vous avez quelque chose à lui mettre dans les mains. " Du point de vue du ciblage, bpost entend travailler les prochaines années à rendre les données disponibles conformes au RGPD et à les étendre. Le but : pouvoir proposer des fichiers de groupes-cibles intéressants aux entreprises, afin qu'elle puissent à leur tour envoyer des mailings pertinents. On est en train de sonder les annonceurs sur leurs attentes en termes de retour sur investissement, et celles-ci seront ensuite comparées aux résultats effectifs (taux de réponse, ventes). Ces résultats serviront à tenter de convaincre d'autres clients du ROI potentiel du direct mail. Et pour ce qui est du durable, bpost dit avoir "...fait le nécessaire pour rendre l'empreinte du direct mail 100 % neutre du point de vue des émissions de CO2. Pour une bonne part, de notre propre initiative, et le peu que nous ne pouvons pas encore neutraliser est compensé en partenariat avec différentes associations ", assure De Greef. À la question de savoir si le direct mail n'est pas mort, il répond " Nous faisons en sorte que le direct mail soit toujours vivant. Nous aidons avec le travail créatif, nous fournissons des adresses et nous avons une justification basée sur le ROI pour les gens qui doivent convaincre leur patron d'avoir fait le bon choix avec le mailing. Plus un certain nombre de choses que nous donnons comme cartouches à nos commerciaux s'ils butent sur un 'non-believer'. De quoi le convaincre qu'un média comme le direct mail a absolument sa place à côté des autres, y compris le digital. " Le processus de distribution à la Poste a connu une certaine évolution au fil des ans. Les frontières entre les différents intervenants se sont estompées. Il y a une vingtaine d'années, les tâches étaient encore bien réparties. Une agence de marketing direct fournissait le travail créatif ; un imprimeur s'occupait de la personnalisation (souvent limitée à imprimer le nom et l'adresse du destinataire) et du dépôt à la Poste. Cette délimitation est à présent moins claire. Comme mentionné plus haut, bpost élargit également son champ d'action avec des activités de création et de ciblage. Pascal De Greef : " Tous les intervenants font cela : les routeurs, les créatifs... Et pour tout dire, nous trouvons cette tendance positive. Seul impératif : nous devons bien sentir jusqu'où nous pouvons aller. Parce que tôt ou tard, un champ de tension va apparaître si les différentes parties prenantes commencent à piétiner leurs plates-bandes respectives. C'est le seul inconvénient. Mais augmenter la chaîne de valeur d'un guichet unique ne peut être que positif. " MasterMail a ouvert la voie dans ce domaine, notamment en profitant du développement des techniques d'impression numérique. L'entreprise a repris une partie des activités d'impression à son compte. On part d'une feuille blanche pour aboutir à une enveloppe personnalisée - prête à expédier. D'autres entreprises ont osé une transition partielle ou intégrale vers le numérique ces dernières années. Et ce aussi bien des PME que des grands acteurs comme Group Joos, à Turnhout, ou Symeta (Groupe Colruyt). La question est de savoir si l'offset a encore droit de cité. " On en fait encore ", dit Daniëlle Vanwesenbeeck, " mais moins qu'avant. L'annonceur qui veut de la flexibilité dans l'envoi de ses mailings passe au digital. S'il a le temps, il peut opter pour l'offset. " Elle constate toutefois que les décisions des annonceurs concernant le texte et les images des mailings arrivent toujours plus tard. Avec des dates de dépôt qui elles sont immuables (par exemple, weekend portes ouvertes d'une chaîne de magasins), il faut bien imprimer en numérique. Vanwesenbeeck : " Cela coûte plus cher. Pour réduire les coûts et privilégier l'offset, il faut être bien organisé. Nous voyons en revanche que les folders sont encore souvent imprimés en offset. " Cette évolution a également changé la nature des mailings. On voit de moins en moins de publipostages de masse : des imprimés envoyés en une seule fois à, disons, 500 000 adresses. Ils ont été remplacés par une masse de mailings plus petits. " La fréquence des mailings augmente, mais le nombre d'envois par dépôt diminue ", confirme Pascal de Greef, de bpost. " On fait beaucoup plus de targetting ", dit-il, " des communications ciblées sur un public restreint. Ce qui reflète un peu ce que l'on a aussi dans le monde numérique. Les messages et la publicité y sont vus différemment sous l'influence du marketing automation. L'impact sur le monde de l'imprimerie et l'opérateur postal est énorme. On est en train d'évoluer d'une campagne nationale nécessitant d'affréter 5 ou 6 camions venus apporter un million d'envois vers une livraison ininterrompue de quantités beaucoup plus petites. En termes de volume global, on est loin du compte : la somme de tous ces petits lots ne fait jamais un million. Nous y perdons à chaque fois une part de marché. Parce que les clients peuvent faire mieux et de manière plus fine. " Ce qui veut dire aussi que les imprimeurs doivent gérer des tirages plus courts. Daniëlle Vanwesenbeeck dit aussi que le mailing a gagné en intelligence. " On sélectionne et différencie davantage au sein d'un même mailing. Ce n'était pas le cas avant. Il serait inconcevable aujourd'hui qu'un jeune de 18 ans reçoive le même mailing qu'une personne de 65 ans. " Tout bien considéré, le monde du direct mail/marketing est victime de son propre succès. Les annonceurs vont travailler de manière plus ciblée. Ce qui veut dire des quantités moindres, mais qui ont autant voire plus de chances de succès. Un mailing envoyé à 60 000 exemplaires au lieu de 100 000, sans diminution du nombre absolu de réponses, cela fait une différence considérable en charges d'exploitation. Soit un taux de réponses de 2 % sur 100 000 mailings, c'est-à-dire 2 000 réactions. Si le nombre de réactions reste de 2 000 pour 60 000, le taux de réponse est nettement supérieur : 3,3 %, Le coût par réponse baisse lui aussi - ne fût-ce que du fait des 40 000 timbres-poste en moins à acheter. En même temps, toutes les parties prenantes de la chaîne de valeur habituées à fonctionner avec de grands volumes se retrouvent sous pression. Elles doivent trouver davantage de clients pour continuer à remplir leur capacité. Ou racheter d'autres acteurs et consolider leurs activités. Le nombre de nouveaux venus sur le marché du direct mail est actuellement égal à zéro. Daniëlle Vanwesenbeeck - qui a commencé en 2004 avec MasterMail, (" un peu l'une des dernières arrivées ") - dit ne pas avoir connaissance de nouvelles initiatives. Il n'est plus non plus aussi évident de se lancer dans le direct mail, dit-elle : " Celui qui savait se débrouiller avec Word et Excel pouvait encore s'en sortir, mais plus maintenant. ". Les dépenses des annonceurs en médias classiques ont baissé de 3,8 % en 2019. De tous les médias " papier ", c'est le direct mail qui a connu l'évolution la plus positive - une baisse limitée à 1,1 %. Le DM arrive cinquième en part de marché dans le classement des médias classiques. Le calcul des dépenses en direct mail est basé sur les tarifs à payer à bpost. Pour les autres médias, on se fonde sur les prix de l'espace. Les coûts liés au développement créatif et à la production (film, impression) ne sont pas comptabilisés. Les plus gros utilisateurs de mailings dans notre pays sont les enseignes de la grande distribution, Colruyt, Delhaize et Carrefour en tête. Les chiffres MDB/Nielsen attribuent à ce secteur 72 % des dépenses en direct mail pour 2019 (sur la base des tarifs postaux - hors coûts de production, donc). Les dépenses du retail étaient alors encore en augmentation : de 3,1 % par rapport aux 69,1 % de 2018. Ce qui place bpost dans une situation très inconfortable. Le jour où les retailers décideront de basculer davantage vers l'e-mail ou un autre média en ligne, les revenus " mailings " de l'opérateur postal chuteront brutalement. Pascal De Greef, de bpost, concède cette dépendance sectorielle. Avec leur système de fidélité, les retailers sont de plus en plus à même de développer une approche sur mesure de leurs clients. Les promos sont différentes d'un client à l'autre, ce que seule l'impression numérique permet de réaliser. Les retailers envoient un mailing contenant des promos personnalisées tous les quinze jours en moyenne. Ce à quoi Delhaize ajoute un toutes-boîtes non adressé hebdomadaire. Carrefour alterne entre direct mail et dépliant : une semaine le mailing, l'autre semaine le folder. Colruyt n'envoie pratiquement plus que des mailings. Les retailers impriment leurs envois en interne (Colruyt) ou sous-traitent à de grosses imprimeries. Les petits imprimeurs et les routeurs disposant d'une capacité d'impression ne sont pas éligibles pour ces envois en masse des chaînes de distribution. La part des supermarchés dans leur clientèle est d'ailleurs assez réduite. Après le retail, les plus " gros " investisseurs en direct mail sont les " services ", avec une part de 13,3 % (mais en net recul : -15,8 %), l'équipement de bureau et de maison avec 1,7 %, le transport avec 1,5 % et l'alimentaire : 1,2 %. Juste avant la Saint-Nicolas 2019, Vavantas (habillement, jouets, chaussures...) a fait distribuer en toutes boîtes une carte postale proposant une checklist aux enfants. Ladite liste faisait plusieurs propositions, comme chanter des chansons pour le Grand-Saint, lui faire un dessin et bien sûr écrire sa liste de souhaits. Avec une petite flèche pointant vers " Regarde dans le folder en ligne sur www.vavantas.be et choisis ! " Les enfants pouvaient ainsi feuilleter virtuellement le dépliant sur le site. Pour DSC (Direct Social Communications), agence de communication spécialisée en fundraising, le mailing reste la principale manière de recruter des donateurs à l'ère du numérique. " Je me suis rendu en février aux États-Unis pour un congrès consacré à la collecte de fonds. La conclusion était claire : le direct mail n'est pas mort, même dans les pays très avancés dans le fundraising digital ", dit Ludo Longin, directeur général de DSC. Le mailing est le moyen par excellence d'entrer en contact avec le plus grand nombre de personnes possible. C'est comme pêcher dans un étang pour pouvoir ensuite déployer d'autres activités avec les répondants. Le premier cadeau basé sur le mailing est l'occasion de les appeler, de les remercier et de leur faire d'autres propositions (comme l'appel à une domiciliation mensuelle). Longin dit malgré tout sentir la pression du " digital ". Mais le digital seul ne fonctionne pas ; par contre, il est utile comme support amplificateur (e-mail, sites Web d'info complémentaire). " Le direct mail a un taux de réponse de 8 %. Du 0,8 % avec un e-mail est déjà exceptionnel. Avec l'e-mail, les rentrées tombent à 10 %, soit une baisse de 90 %. " L'e-mail est meilleur marché, c'est vrai. Mais au final, le direct mail ne coûte pas plus cher. Mieux même, dit Longin, le mailing est de moins en moins onéreux. Le seul poste de coût en augmentation est celui des frais de port. " Tous les autres diminuent. Je viens du monde de la production des mailings et je fréquente encore mes anciens collègues. J'ai commencé chez DSC en 2007, et c'est clair, le direct mail coûte moins cher qu'à l'époque. La pression sur les imprimeurs et les routeurs doit être incroyable ", dit-il DSC envoie encore de gros mailings : de 100 000 à 200 000 en une seule fois. La grande tendance au sein de ce " mass mailing " est de procéder de manière beaucoup plus segmentée. " Un même mailing comporte donc un nombre beaucoup plus élevé de variantes ", dit Longin. Ce qui nécessite de changer de technique d'impression. La part de l'offset a fortement diminué. Longin : " Je pense qu'à présent, nous imprimons à 90 % en numérique. L'évolution sur les trois dernières années a été énorme. " bpost est aussi un acteur important dans le domaine du courrier non adressé. La formule est utilisée par beaucoup de commerçants, notamment locaux (boutiques de vêtements, marchands de meubles, etc.). bpost peut en principe distribuer jusqu'à 3 pièces de courrier non adressé par tournée. Du fait de l'adaptation de son modèle de distribution (remise du courrier non urgent réduite à quatre jours), la capacité de bpost à diffuser les folders non adressés en toutes-boîtes a également diminué. Ce qui a aussi des conséquences pour la production de ce type d'imprimés, Pascal De Greef : " Auparavant, le facteur avait cinq jours pour emmener les imprimés non adressés avec lui. Aujourd'hui, la concentration sur les lundi-mardi et mercredi-jeudi ne lui laisse plus que deux moments. La capacité disponible a été adaptée à ce nouveau schéma. " BD-MyShopi, concurrent de bpost, dépose une fois par semaine une liasse de folders des chaînes nationales. Aucune des deux parties ne dévoile de chiffres sur les quantités de non-adressés. Quelle est la position du direct mail en Belgique dans le contexte européen ? Selon Pascal De Greef, de bpost, plus on va vers le Nord, plus le degré de digitalisation augmente. Et inversement vers le Sud. La Belgique est au milieu. Ce qui a des conséquences pour la position du direct mail. Car plus le numérique progresse, moins les boîtes-aux-lettres reçoivent de mailings. L'attitude des Postes nationales joue un rôle important à ce niveau. Au Danemark, par exemple, la distribution du courrier non urgent (dont fait partie le direct mail) est limitée à une fois par semaine, notamment du fait de la digitalisation poussée de la communication B2C. " En imposant un seul passage par semaine, on a ramené la valeur du mailing à zéro et anéanti le marché national du direct mail ", regrette De Greef. Voici une bonne cinquantaine d'années, marketing direct et mailing étaient synonymes. Le marketing direct, aujourd'hui, c'est beaucoup plus qu'un envoi publicitaire avec l'adresse du destinataire dessus : - Années septante du siècle dernier : le direct mail est surtout l'affaire des entreprises de vente par correspondance (Damart, 3-Suisses, Concordia Mail) - Dans les années quatre-vingt, et avec l'essor de l'ordinateur individuel et de l'imprimante laser, il devient possible de présenter un mailing comme un envoi unique, surtout si le nom du destinataire est répété plusieurs fois dans la lettre. Les coûts diminuent et l'informatique permet d'ordonnancer de grandes quantités de données. Au cours de cette décennie, le monde des affaires au sens large se met à découvrir les avantages du direct mail pour sa communication, aussi bien B2B que B2C. Les éditeurs de journaux et de magazines adoptent aussi le direct mail. Le secteur automobile est également fort actif. Le fichier des conducteurs est disponible et il est même utilisé pour des mailings sans rapport avec la voiture. Le secteur de la vente à distance reste le principal utilisateur du direct mail. - Années nonante : le direct mail poursuit sa croissance. Les premiers programmes de fidélité font leur apparition chez Delhaize et GB/Carrefour. Depuis l'introduction de la loi relative à la protection de la vie privée en 1992, deux grandes bases de données ne sont plus disponibles : les listes d'électeurs et le fichier automobile. L'effet s'en fait surtout sentir vers la fin de la décennie. Il s'envoie de moins en moins de mailings de masse. - Années 2000 : Internet est la grande vedette. Beaucoup d'investissements vont dans ce sens, mais il est encore trop tôt. La bulle finit par éclater. Les entreprises de vente par correspondance sont déjà actives sur Internet, mais les mailings et catalogues restent importants. Vers la fin de la décennie, Internet reprend du poil de la bête, avec la pénétration des PC et de l'ADSL qui rend possible l'Internet rapide (connexion permanente et plus de communication téléphonique à établir). Le nombre d'entreprises actives dans les services de direct mail diminue. Plusieurs ténors mettent la clé sous la porte. - Années 2010 : les géants de la vente à distance ont totalement raté le train de la vente en ligne. Ils déposent le bilan l'un après l'autre. Les e-commerçants prennent la place laissée vide en opérant surtout en ligne. Le règlement européen sur la protection des données (RGPD) sème le doute dans les entreprises. Le smartphone se développe et gagne en importance pour la vente en ligne. Le digital est la nouvelle norme. L'impression numérique devient dominant, tant pour le texte que pour les images (en quadrichromie). Les tirages de mailings baissent d'année en année. La grande distribution maintient le média à bout de bras. Connaissez-vous le paradoxe du DM ? Plus les entreprises mettent de l'ordre dans leurs données, plus elles peuvent opérer de manière ciblée, et moins elles doivent envoyer de mailings. Inversement, plus la qualité des données est médiocre, plus elles doivent ratisser large pour obtenir une quantité suffisante de répondants. Une segmentation judicieuse aide à toucher les bons groupes-cibles. Elle permet d'obtenir un taux de réponse équivalent en chiffres absolus tout en imprimant et en expédiant moins. Les entreprises peuvent aussi maintenir le niveau de diffusion, mais faire augmenter le taux de réponse grâce à cette segmentation plus précise. L'impression numérique offre désormais la possibilité d'envoyer un grand nombre de versions différentes. Dans les deux cas, tout est une question de coûts et de rendement par réponse.