Tout d'abord, que disent les chiffres sur les investissements publicitaires en Belgique? L'association belge des annonceurs United Brand Association (UBA) et United Media Agencies (UMA) ont récemment dévoilé la part des investissements médias numériques et offline effectués par les annonceurs en Belgique. Le récent benchmark UBA/UMA a été réalisé sur base des données des agences cumulées avec les montants des investissements déclarés par les annonceurs. On apprend ainsi que si les médias offline dominent le marché, le digital est en nette progression, arrivant en troisième position des médias publicitaires les plus consommés en 2021.
...

Tout d'abord, que disent les chiffres sur les investissements publicitaires en Belgique? L'association belge des annonceurs United Brand Association (UBA) et United Media Agencies (UMA) ont récemment dévoilé la part des investissements médias numériques et offline effectués par les annonceurs en Belgique. Le récent benchmark UBA/UMA a été réalisé sur base des données des agences cumulées avec les montants des investissements déclarés par les annonceurs. On apprend ainsi que si les médias offline dominent le marché, le digital est en nette progression, arrivant en troisième position des médias publicitaires les plus consommés en 2021. En 2021, le digital a représenté un peu plus d'un tiers (34,3%) de l'investissement média, contre 30,1% en 2020. Cinq grands groupes économiques représentent plus de 60% des investissements dans les canaux digitaux: le transport, les services, l'alimentation, la distribution et les télécommunications. Parmi les formats publicitaires digitaux les plus plébiscités, on retrouve en tête les réseaux sociaux (9,8%) et le display ou bannières (8,6%), suivis du SEA (6,9%) et de la vidéo en ligne (6,8%). "Ce n'est pas un scoop, l'évolution du mix média évolue très clairement vers le digital", dit Patrick Steinfort, directeur sortant de la Belgian Association of Marketing (BAM). "La presse magazine généraliste souffre particulièrement de la popularité croissante du digital. Cela est dû à un effet générationnel. Les personnes qui se retrouvent aujourd'hui dans le secteur des médias sont des 'Digital natives' qui ne connaissent que les médias digitaux. La nouvelle génération n'a pas ou pas une bonne connaissance des autres médias offline comme Rossel ou IPM. Il y a donc un biais de cette génération sur le choix et la sélection des médias", explique Patrick Steinfort. On retrouve le même mouvement générationnel du côté des annonceurs. "De plus, le digital fait en sorte qu'il est possible de faire des achats médias au niveau mondial. Ce qui profite aux annonceurs internationaux puissants. Par rapport aux autres médias, le digital offre aussi l'avantage de mesurer en temps réel l'impact des campagnes." Pour Emmanuel Briard, CEO de l'agence créative Hungry Minds, l'influence du secteur des jeux vidéo n'est pas à négliger. "Il ne faut pas oublier que le jeu est un secteur très inspirant pour les créatifs. Aujourd'hui, le premier média entre les mains des jeunes qui arrivent sur le marché du travail et comme clients est la Playstation, bien avant la télévision, les magazines et les quotidiens. Les marques doivent donc parler soit sur les jeux soit comme les jeux. C'est-à-dire soit les marques achètent de la publicité sur les jeux soit elle crée une interaction avec le public comme un jeu. C'est vers cela que nous nous dirigeons." Le digital s'impose, mais les médias offline représentent encore 65,7% de l'investissement média en Belgique. La télévision arrive en tête (36,3%), viennent ensuite la radio (14,7%), l'affichage OOH (7,9%) et la presse (6,4%). La répartition des investissements dans les médias publicitaires montre une prédominance de la TV et des médias digitaux. À pratiquement 10% des dépenses média, la publicité payante sur les réseaux sociaux arrive 3e du classement général des médias, après la télévision et la radio. Pour information, les investissements publicitaires dans les éditions digitales sont repris dans la catégorie "digital". Par ailleurs, notons que le benchmark UBA/UMA a aussi des limites puisque les médias publicitaires imprimés sont réduits à la presse et à l'affichage extérieur. Or le direct mail est un autre canal de communication qui a toute sa place dans un mix média, en particulier dans le secteur du retail. Selon les chiffres de MDB/Nielsen, le publipostage arrive en cinquième position dans le classement des plus gros médias offline en termes de dépenses (TV, quotidiens, radio, OOH, mailing). Le publipostage a représenté 6,3% des investissements publicitaires en 2021, en progression de 3% par rapport à 2020 (mais inférieur à 2019). Si on tient compte des chiffres de l'UBA avec les dépenses publicitaires en ligne, la part de marché du direct mail tombe à 4%. La nouvelle étude de l'UBA fait la lumière sur une tendance intéressante qui était déjà tangible: la convergence des médias offline et online. Pour Hugues Rey, président de l'UMA, la frontière entre médias offline et online ne fait plus sens. "Une part grandissante des revenus des éditeurs presse, audiovisuels et même des afficheurs se retrouve dans les investissements dans les canaux vidéo, display ou autre digital. Il serait bon d'entamer dès demain une réflexion sur une autre découpe des segments médias". Ce constat illustre aussi la réaction nécessaire des médias offline face à la montée du digital. Par exemple, "on remarque que la presse quotidienne a fait une migration violente vers des plateformes digitales pour récupérer des parts d'audience", évoque Patrick Steinfort. Pour Emmanuel Briard, le métier d'une agence média ou créative s'est complexifié avec la multiplication des différents types de médias. "C'était beaucoup plus facile il y a trente ans quand on signait un bon de commande pour un spot TV, un sport radio et une pub magazine. Aujourd'hui, c'est devenu plus compliqué. La notion de média est d'ailleurs devenue tellement large qu'on ne parle plus de média, mais de 'touchpoint' dans notre jargon (point de contact de la marque, NDLR). En tant que créatif, nous devons pouvoir décliner une idée non pas en trois ou quatre médias, mais en 15, voire 30 touchpoints. En télévision, on retrouve par exemple plus de chaînes et du streaming qui concurrence Netflix. La plateforme va d'ailleurs aussi commencer à intégrer la publicité. En radio, il y a aussi les podcasts... C'est devenu plus compliqué à gérer pour les agences média qui doivent faire preuve de plus de pertinence et c'est plus de travail pour les agences créatives. Une campagne sur les médias sociaux peut par exemple demander jusqu'à 60 bannières différentes." Difficile de ne pas faire le lien avec le concept très médiatisé de métavers depuis que l'entreprise Facebook est devenue Meta et que Mark Zuckerberg voit dans le métavers la plateforme informatique du futur. Après tout il s'agit d'un environnement virtuel et immersif directement issu de l'univers des jeux vidéo et qui parle particulièrement aux jeunes. "Pour moi, le métavers est un touchpoint de plus. Son arrivée crée une certaine fébrilité... comme à chaque fois. Pour certaines marques (luxe, fashion, loisirs, cible Y-Z...), c'est une opportunité de se démarquer mais c'est loin de bouleverser tout l'écosystème", confie Emmanuel Briard. Du côté des agences, Johan Vandepoel, CEO de l'association des agences de communication ACC remarque également un positionnement de plus en plus flou de celles-ci. "Il devient difficile de mettre les agences dans des cases, car elles allient toujours plus de disciplines différentes. Tout le monde est en train de faire un peu de tout et de se positionner sur les spécialités des autres. C'est le plus grand changement dans le secteur. On voit plein d'agences spécialisées à la fois dans le content marketing, le RP, l'événementiel, le team building, le digital, le branding and design, la publicité... Chacun essaie de prendre des parts de marché dans tous ces domaines. Par conséquent, il y a aussi de plus en plus de collaboration entre agences de sorte à créer un écosystème qui peut tout offrir aux clients. En parallèle, les clients ont eux aussi de plus en plus besoin de partenaires en communication qui sont capables de gérer tous les touchpoints et d'y mettre de l'ordre." Dans le secteur des imprimeries numériques, il n'est pas non plus rare de les voir se diversifier et se transformer en agence de communication à 360° avec des services pour le web et les réseaux sociaux. Est-ce que cela impacte pour autant les agences de communication? Pour Johan Vandepoel, cela reste deux mondes différents avec un coeur de métier centré sur la production d'un côté et différents profils de talents de l'autre. "Les agences de communication se démarquent avec des talents créatifs et de stratégistes." Pour Patrick Steinfort et Emmanuel Briard, la concurrence est partielle. "Tout dépend du type de clients. Entre un grand compte et un petit annonceur, les besoins ne sont pas du tout les mêmes. Par ailleurs, l'infrastructure et l'intelligence qui peuvent être concentrées dans une agence de communication ne correspondent pas à ce que l'on va retrouver dans le département communication d'une imprimerie. Dans les grandes infrastructures d'agence de communication, on retrouve des profils pointus comme des stratégistes, des designers, des copywriters". Quant à Emmanuel Briard: "Notre valeur ajoutée et ce qui nous différencie c'est l'élaboration d'une stratégie en amont qui peut prendre plusieurs mois. On va adresser une stratégie, amener la partie créative, décliner sur les différents touchpoints et on utilise aussi des technologies spécifiques de marketing comme le CRM. Les imprimeries auront intérêt à travailler avec un client en tant que one stop shop sans avoir besoin de faire de la stratégie". Selon Johan Vandepoel, la durabilité est une autre tendance à ne pas négliger dans le secteur des agences de communication et de publicité. "Les annonceurs deviennent de plus en plus vigilants. Ils veillent à ce que leurs campagnes soient en ordre, d'une part avec la réglementation, et d'autre part, avec les enjeux climatiques. Ce qui pousse les agences à se réorganiser à la fois pour devenir climatiquement neutres en tant que société et pour assurer une production en faveur de la neutralité ou la compensation carbone. Cela va forcément impacter le média planning. Les annonceurs vont amener les agences à développer des alternatives dans le sens de la durabilité. Il faudra soit adapter le planning média soit neutraliser les émissions carbone. Mais à long terme, il faudra aller vers le zéro carbone", dit Johan Vandepoel. Emmanuel Briard le confirme: "La durabilité n'est plus un élément de différenciation, c'est devenu le minimum vital si on ne veut pas sortir du marché". Parmi les débats rencontrés, le CEO d'HungryMinds s'est par exemple déjà retrouvé à faire la balance entre une publicité OOH papier versus digitale (LED) pour un annonceur particulièrement sensible au développement durable. "Ce qui amène à se poser plein de questions autour du transport, du papier, de la colle, du recyclage... Aujourd'hui, on attend aussi des créatifs d'amener des idées pour faire marcher l'économie circulaire dans le cadre des campagnes. J'ai par exemple vu de jolis sacs créés à partir d'anciennes bâches d'affichage." Pour Emmanuel Briard, le choix d'un média relève de l'expérience client. "Il y a une opportunité pour le print, mais il faut se demander à quel moment il devient pertinent dans l'expérience client. Prenons l'exemple d'une personne qui a réservé des vacances dans une belle villa en Espagne. Elle sera beaucoup plus touchée de recevoir du propriétaire un courrier avec une belle photo qui lui souhaite la bienvenue et qui lui explique son séjour que de recevoir le même contenu par e-mail. De même pour une invitation de mariage, on préfère un joli carton à une invitation Facebook." Ce qui revient à dire que le print reste pertinent dans le marketing relationnel et l'ultra-personnalisation de la communication pour fidéliser le client. "On fait moins d'imprimés, mais mieux. L'imprimé devient un produit de luxe et d'exception et plus un produit de masse", dit Emmanuel Briard. Un mix média diversifié, combinant publicité en ligne et hors-ligne, reste le bon moyen de maximiser les performances. De plus, chaque média a ses points forts et spécificités. À l'inverse des pop-up et campagnes d'e-mailing, par exemple, le direct mail et autre imprimé publicitaire sont perçus comme une forme de communication non intrusive. Ils ont aussi l'avantage d'être tangibles et plus ou moins durables dans le temps. Tandis que les spots radio, TV et la publicité en ligne sont de l'ordre de l'immédiateté et de l'éphémère. Le type de contenu et l'intention seront donc différents d'un média à un autre. Il a par ailleurs été montré qu'en matière de messages publicitaires, les canaux traditionnels inspirent davantage confiance que les canaux digitaux. Ce qui peut être un atout pour diffuser du contenu plus sérieux et détaillé. L'étude Nielsen Trust in Advertising 2021 le révèle: deux tiers des consommateurs belges, de tout âge, font davantage confiance aux messages publicitaires diffusés sur les canaux offline. La télévision et la presse en tête. Pour Patrick Steinfort, il n'y a pas de règle absolue en matière de mix média: "Tout dépend de l'objectif et des personnes que l'on veut cibler. Il est clair que certaines cibles, les jeunes, sont concentrées sur le digital, tandis que d'autres ne sont pas facilement atteignables via ce canal. Vous serez donc plus impactant auprès des jeunes sur les médias digitaux que sur les médias traditionnels même digitaux. Une publicité sur le site web du Soir ne garantit pas de toucher les 20-25 ans, par exemple. Par contre, si vous voulez toucher les 40-60 ans, associer plusieurs médias devient intéressant, car le digital seul ne suffira pas à toucher cette tranche de la population." Pour conclure: "On a tendance à dire que plus personne ne lit un journal papier ou regarde la télévision, mais c'est faux. Les chiffres parlent d'eux-mêmes. La TV est le plus grand média et les journaux existent toujours. Analysons plus finement les médias. Qui est dans la cible? Qui a du pouvoir d'achat? Les lecteurs de magazines et des quotidiens sont peut-être moins nombreux et plus âgés, mais ils détiennent encore la plupart de la fortune en Belgique. Si je suis une banque ou un vendeur de voitures, je dois y penser", dit Emmanuel Briard.