C'est clair, les fournisseurs de systèmes de production numérique ont déjà le marché de l'emballage dans le collimateur. Les fabricants sont de plus en plus nombreux à proposer de nouvelles machines spécifiquement conçues pour imprimer sur ondulé ou sur carton plat pour boîtes pliantes. Les évolutions constantes de la technologie jet d'encre - impression en un seul passage, (très) grand format, papiers forts et épais, qualité élevée - lèvent les obstacles les uns après les autres.
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Le jet d'encre mise sur la croissance dans les emballages
Le segment des emballages est considéré depuis des années comme attrayant et porteur de formidables possibilités de croissance pour les entreprises graphiques. Les volumes impliqués sont colossaux ; le numérique n'y est pas une menace ; et le marché a bien résisté à la crise du coronavirus. L'essor des nouvelles technologies numériques permet en outre d'offrir de nouvelles options: fabrication d'emballages en petites quantités et production à flux tendu, mais aussi impression de données variables et personnalisation.

C'est clair, les fournisseurs de systèmes de production numérique ont déjà le marché de l'emballage dans le collimateur. Les fabricants sont de plus en plus nombreux à proposer de nouvelles machines spécifiquement conçues pour imprimer sur ondulé ou sur carton plat pour boîtes pliantes. Les évolutions constantes de la technologie jet d'encre - impression en un seul passage, (très) grand format, papiers forts et épais, qualité élevée - lèvent les obstacles les uns après les autres. Pour autant, le jet d'encre n'a pas encore vraiment percé à grande échelle sur le marché du carton d'emballage. La structure et la dynamique du secteur sont différentes, par exemple, de celles de l'industrie de la signalétique, où les imprimantes grand format ont été accueillies comme une alternative bienvenue aux techniques existantes, et ont offert de nouvelles possibilités. Sur d'autres marchés, comme ceux du labeur ou des documents transactionnels, le numérique n'a réellement explosé qu'après que la chute des tirages (conséquence de la digitalisation de bon nombre de vecteurs de communication) eut imposé d'autres manières de travailler. Là aussi, il a fallu un certain temps pour que tout le monde apprécie les avantages de l'impression variable et de l'impression à la demande à leur juste valeur. Selon le cabinet Smithers, le marché mondial de l'imprimé représentait 672 milliards d'euros en 2019. Il s'est imprimé cette année-là l'équivalent de 49,5 billions de pages A4, soit 281 millions de tonnes de papier, carton et autres supports. Avec près de 370 milliards d'euros, l'impression des emballages a pris à son compte plus de la moitié de la valeur totale, calcule encore Smithers, et un peu moins du quart (11,4 billions) en équivalents A4. Fin 2019, les analystes s'attendaient plus ou moins à un statu quo en termes de volume global sur les cinq prochaines années, avec une hausse de 1,3% en valeur, pour atteindre environ 718 milliards d'euros en 2024: "D'où l'on peut conclure qu'il existe bel et bien des possibilités de créer une valeur ajoutée supplémentaire." Selon le rapport " The Future of Global Printing to 2024", l'ampleur du changement et la rentabilité future dépendent de différents facteurs, comme: "La technique d'impression, le support, le produit final et la région géographique. Par exemple: la part de l'impression numérique (toner et jet d'encre) dans la valeur totale va augmenter sur cette période, passant de 17 à 20%. Il reste des marchés porteurs, notamment dans l'impression d'emballages et les segments où les imprimeries sont en mesure de produire des tirages plus courts générant davantage de valeur ajoutée." À la sortie de ce rapport de 2019, on ne parlait pas encore de la pandémie. Dans une mise à jour publiée à la fin de l'année dernière, Smithers fait le constat d'une baisse brutale des volumes d'imprimés: la quantité totale de supports d'impression a reculé de près de 10,4% (de plus de 256 millions de tonnes en 2019 à moins de 230 millions de tonnes en 2020). Cette update regarde par ailleurs plus loin, à l'horizon 2030: "À ce moment, les emballages représenteront près de deux tiers du marché mondial de l'imprimé." Une hausse de part de marché qui s'explique notamment par la contraction d'autres segments: si les journaux et périodiques continuent de revendiquer 40% du volume en 2030, ils sont les grands perdants du marché. L'augmentation de la quantité d'emballages - en particulier les packagings souples et les cartons (ondulés) - s'explique aussi notamment par la croissance de la population mondiale et l'urbanisation. D'autres tendances sont à l'oeuvre. La prise de conscience croissante de la problématique environnementale induit un changement dans la demande des consommateurs et des entreprises. Un phénomène encore renforcé par la législation (européenne): le remplacement des emballages plastiques par des alternatives en papier et carton commence à être visible dans les supermarchés. Les fruits et légumes sont de plus en plus souvent présentés dans des barquettes en carton plutôt que sous plastique. Les grands fabricants de produits alimentaires se piquent eux aussi volontiers de participer à ce changement: Coca-Cola a ainsi remplacé à la fin de l'an dernier le suremballage rétractable de ses multipacks de canettes par le "Keelclip" en carton plat. La crise du coronavirus a encore donné un élan supplémentaire à certaines tendances. Ainsi la demande d'emballages d'expédition pour les articles commandés en ligne augmente-t-elle fortement, ce pour quoi les boîtes en carton ondulé ou carton plat conviennent à merveille. Les cartons ondulés dits "à microcannelure" ont aussi le vent en poupe car ils permettent d'alléger au maximum les emballages d'expédition. Toutes sortes de changements se produisent aussi dans le retail, ainsi que l'a constaté l'an dernier un panel d'experts dans le cadre d'un webcast organisé sur le sujet par FM Future. Mesures anticorona obligent, les consommateurs ont été amenés à faire leurs courses dans d'autres supermarchés, où ils ont découvert d'autres produits et marques. À présent que les mesures semblent devoir s'assouplir, les marques et commerçants vont avoir fort à faire pour récupérer (ou conserver) leurs clients. La crise a montré la fragilité des chaînes d'approvisionnement longues et de la logistique afférente. Les stocks de certains produits et matériaux n'étaient pas toujours bien disponibles. Ce qui a poussé les entreprises à chercher des manières de (faire) produire plus près de chez elles. Idem pour les emballages. Une production locale évite d'acheter des stocks trop importants tout en permettant de réagir avec souplesse aux conditions changeantes. Sous la pression surtout de ces dernières tendances, les fournisseurs de systèmes d'impression numérique voient des opportunités sur le marché des cartons d'emballage et entreprennent d'y faire valoir leurs atouts. L'impression numérique, par exemple, rend obsolète la notion de nombre d'exemplaires minimum: il devient possible de produire rapidement de petits tirages - éventuellement en différentes versions (d'essai). L'impression de données variables offre également la possibilité d'ajouter des éléments de sécurité à des emballages (comme des codes uniques, des illustrations et un numérotage). Elle permet de fabriquer simplement et rapidement des prototypes précis, dans le bon matériau et en haute qualité. Et la production peut s'effectuer à flux tendu: au moment où le produit est nécessaire et exactement dans la quantité souhaitée. D'où une forte réduction des stocks d'imprimés (qui risquent moins d'être périmés) et des déchets - avec les diminutions des coûts et les gains environnementaux qui en découlent. Ce ne sont donc pas les arguments qui manquent et pourtant l'impression numérique a encore tout un monde à conquérir sur le marché de l'emballage. Sur un graphique publié par Statista à la fin de l'année dernière, on peut voir un aperçu des techniques d'impression appliquées sur le marché européen de l'emballage. Les procédés conventionnels semblent rester dominants: la flexo, qui représentait encore près de 56% de la valeur de marché en 2017, conserve la tête en 2022, avec 53,4%. En deuxième place, l'offset reste stable avec plus de 29% du marché, suivi par l'hélio, qui passe de 12,6% en 2017 à 11,6% en 2022. Les technologies numériques (toner et inkjet) ont bien entamé leur progression: pointées à 1,6% en 2017, elles devraient atteindre les 5% en 2022. Le potentiel de croissance attendu sur ce marché incite les fabricants de presses numériques à miser de plus en plus sur les emballages, aussi bien en ondulé qu'en carton plat. Ci-après un inventaire (non exhaustif) des différents acteurs et de leur offre. Concernant l'impression des emballages en carton ondulé, il y a lieu de faire une distinction entre "préprint" et "postprint". Dans le premier cas, le "liner", c'est-à-dire la feuille de couverture du carton ondulé, est imprimée préalablement à la production de l'ondulé proprement dit. En "postprint", l'impression s'effectue directement sur le carton ondulé. Pour la préimpression des liners, HP (en partenariat avec le constructeur de presses Koenig & Bauer et le fabricant d'emballages en carton ondulé DS Smith) avait mis au point, déjà en 2016, la PageWide T1100S: une presse jet d'encre en un seul passage de 2,8 mètres de large capable de produire plus de 180 mètres/minute. La version T1190 est venue s'y ajouter en 2018, avec des encres orange et violette en complément des CMJN standard. De quoi encore élargir le gamut et permettre l'impression d'un nombre accru de couleurs de marque spécifiques. Quant à la vitesse, elle est passée à 300 m/min. Koenig & Bauer aussi voit des possibilités dans le jet d'encre. Sa famille RotaJet VL propose des rotatives jet d'encre (très) grande laize en 1,68 et 2,25 mètres de large, équipées de têtes Fuji Samba. Avec une vitesse pouvant atteindre 135 m/min, ces machines ne sont pas exclusivement destinées à une application sur le marché du carton ondulé, dit Koenig & Bauer. Elles peuvent aussi servir à imprimer des matériaux utilisés par des fabricants de revêtements de sol, de panneaux de murs et plafonds, et de pièces d'ameublement. Screen aussi se prépare entre-temps à faire son entrée sur ce marché. Le constructeur collabore depuis quelques années avec le fabricant d'onduleuses BHS au développement de la presse numérique "RSR". RSR est l'abréviation de Roll to printed Sheet in Real time", littéralement de la bobine à la feuille imprimée en temps réel, soit un système dans lequel l'impression (numérique) devient partie intégrale de la fabrication du carton ondulé. Début mars, la société allemande Schumacher Packaging (implantée dans toute l'Europe) a dit vouloir faire installer une première RSR dans son imprimerie de Greven (Allemagne). Selon Schumacher, qui a également été impliquée dans le développement, cette machine de 2,8 mètres de large fait sauter un important goulet d'étranglement dans la production de carton ondulé, grâce à la préimpression à la vitesse de 300 m/min. Le préprint offre un important avantage par rapport au postprint, dit Schumacher: en cas de problème d'impression éventuel, il y a beaucoup moins de matériau onéreux à jeter. La méthode du "postprint" est fort utilisée pour la production d'emballages en carton ondulé. Elle consiste à imprimer directement sur les feuilles ou les plaques d'ondulé, en l'occurrence, en flexographie. Le jet d'encre peut constituer une option intéressante, surtout pour les tirages (plus) courts. Le jet d'encre, contrairement à la flexo, est un procédé sans impact: l'absence d'une forme imprimante à presser sur le carton ondulé diminue le risque d'effet de "planche à lessiver" (causé par les ondulations de la couche intermédiaire) et permet donc d'obtenir une meilleure qualité d'impression. Différents acteurs opèrent déjà dans le segment postprint avec leurs presses jet d'encre. Ce sont souvent des imprimantes à plat grand format convenant également pour le traitement de plaques de carton ondulé. Ces dernières années, on a vu sortir sur le marché de plus en plus de presses jet d'encre en un seul passage opérant à de très hautes vitesses. HP, par exemple, a installé plusieurs PageWide C500 (des machines mises au point en collaboration avec le spécialiste du carton Smurfit Kappa) pour une production efficace de "tirages de un à plusieurs milliers d'exemplaires". De même, Durst a ajouté la SPC 130 à son assortiment en 2016: un système de production en un seul passage capable d'imprimer 9 000 m2 de carton ondulé par heure. En 2016 également, EFI a montré pour la première fois sa presse jet d'encre Nozomi C18000 pour le carton ondulé, et Koenig & Bauer a dans sa gamme une presse jet d'encre conçue pour ce marché: la CorruJet. Et d'autres acteurs continuent de se presser au portillon. Xeikon a, par exemple, clairement affiché ses ambitions pour le marché du carton ondulé en annonçant l'an dernier une nouvelle plate-forme jet d'encre appelée Idera. Les presses numériques sont déjà présentes depuis un certain temps sur le marché du carton plat pour boîtes pliantes. Xerox dispose ainsi d'une version spéciale de l'iGen5, capable également de traiter les cartons épais. Xeikon a dans sa gamme deux rotatives à toner spécifiquement destinées à ce segment: le modèle d'entrée Xeikon 3050 et la Xeikon 3500 haut de gamme. HP Indigo a mis au point la 30000 spécialement pour ce marché et a encore annoncé de nouveaux modèles l'an dernier: la 35K (pour les feuilles jusqu'au B2) et la 90K bobine-feuilles pouvant aller jusqu'au format B1. L'essor de la technologie jet d'encre est visible dans ce segment aussi. Screen a déjà mis à disposition le système jet d'encre recto JetPress 750S tout en planchant, en partenariat avec sa filiale Inca, sur une nouvelle presse feuille à jet d'encre spécifiquement destinée à l'impression sur carton plat ou ondulé: la SpeedSet 1060 de format B1 annonce une productivité de 11 000 feuilles/heure. Dans le format B1, Screen doit rivaliser avec les presses jet d'encre de Landa et Komori. Les deux constructeurs ont collaboré à la genèse de cette machine: Landa a déjà installé un certain nombre d'exemplaires de la S10 auprès d'imprimeurs d'emballages, et Komori être prête à en lancer sa propre version, l'Impremia NS40. Ces presses sont actuellement plafonnées à 6 500 feuilles/heure, mais Landa promet de porter la cadence à 13 000. Pour le reste, Koenig & Bauer et Durst ont construit ensemble la VariJet, une presse hybride pouvant combiner offset et jet d'encre. (Heidelberg en revanche a entre-temps quitté ce marché en mettant fin l'an dernier au développement de la Primefire lancée en 2016.) Il ne fait aucun doute que d'autres acteurs se présenteront. On s'attend par exemple à ce que Bobst et sa filiale Mouvent planchent ensemble sur une machine jet d'encre. Ricoh aussi pourrait avoir donné un avant-goût des développements futurs avec l'annonce de sa presse feuille jet d'encre de format B2 Pro Z75. Avec l'émergence des presses numériques sur le marché de l'emballage, les évolutions dans le domaine de la finition méritent aussi d'être mises en exergue. Des acteurs réputés tels que Kama disposent aujourd'hui d'un portefeuille de produits spécialement destinés aux petits tirages, comme, par exemple, la plieuse-colleuse automatisée FlexFold 52i. De plus en plus de machines sont également mises sur le marché pour la découpe et le rainage à partir d'un exemplaire, notamment chez SEI Laser et HighCon. L'ennoblissement, avec par exemple une dorure et un vernis, ne connaît plus non plus de limites ; toutes les techniques possibles sont disponibles auprès de fournisseurs tels que MGI, Kurz et Scodix. Pour résumer, la technique numérique semble donc prête pour la production d'emballages en carton plat ou ondulé, également et surtout pour les petits tirages. Les tendances semblent favorables. La demande potentielle est là et les réponses sont adaptées. La percée ne semble toutefois pas devoir être immédiate, comme l'écrivait l'expert Tim Sykes en 2019 dans la revue Packaging Europe. Il subsiste en effet un grand besoin d'emballages génériques en grands volumes livrables rapidement. Si les techniques d'impression numérique brillent par leur flexibilité et leur rapidité, ce n'est pas le cas du reste de la chaîne (donneur d'ordre, conception et production, façonnage et utilisation finale). Les changements prennent du temps, surtout quand le ROI des nouveaux investissements reste incertain. Sykes considère malgré tout que la transformation numérique à l'oeuvre dans la société pourrait avoir un effet de catalyseur à terme. Avec l'essor du commerce électronique, le vendeur et/ou la marque bénéficie(nt) d'un lien beaucoup plus direct avec le consommateur, ce qui devrait conduire à une communication plus personnalisée - notamment via les emballages. En outre, Sykes ne pouvait pas encore prévoir en 2019 l'accélération d'un certain nombre de tendances par la crise du coronavirus. Le moment pourrait donc être propice pour les entrepreneurs graphiques actifs au sein et à l'extérieur de l'industrie de l'emballage d'accéder au marché en pleine croissance des packagings imprimés en numérique.
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