Johnny Bekaert est un graphiste, illustrateur, dessinateur et typographe belge reconnu dans son milieu et à l'étranger. En 46 ans de carrière, il a fait des parutions dans les magazines Knack et Trends, conçu des logos pour une centaine d'entreprises et créé une trentaine de typographies. Toujours très actif, Johnny Bekaert conclut l'année 2018 avec un livre et une exposition sur ses oeuvres et une imposante charte graphique pour une université française. Il a aussi appris à ne faire que ce qu'il aime et surtout éviter ce qu'il n'aime pas.
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Johnny Bekaert est un graphiste, illustrateur, dessinateur et typographe belge reconnu dans son milieu et à l'étranger. En 46 ans de carrière, il a fait des parutions dans les magazines Knack et Trends, conçu des logos pour une centaine d'entreprises et créé une trentaine de typographies. Toujours très actif, Johnny Bekaert conclut l'année 2018 avec un livre et une exposition sur ses oeuvres et une imposante charte graphique pour une université française. Il a aussi appris à ne faire que ce qu'il aime et surtout éviter ce qu'il n'aime pas.Originaire de Courtrai, Johnny Bekaert vit aujourd'hui à Gand où sa carrière en tant que graphiste indépendant a démarré. S'il se concentre surtout sur la création de logos et la mise en page de livres d'art, Johnny Bekaert s'adonne aussi au dessin et à la création de polices de caractères et de cartes de voeux à ses heures perdues. "Cela me divertit, car je m'ennuie très vite. C'est gai de créer un logo, mais la charte graphique demande beaucoup de temps et d'effort. Il y a plus de 100 pages d'informations techniques sur le positionnement du logo, les couleurs... Alors, je me détends avec le dessin".À ses débuts, Johnny Bekaert publie des dessins humoristiques dans les magazines Knack et Trends, De Standaard et d'autres titres à l'étranger. Entre 1971 et 2011, diverses récompenses couronnent son parcours de designer graphique en Belgique, Italie, France, Allemagne, États-Unis... Et ses oeuvres graphiques sont également publiées aux quatre coins du monde dans des livres de référence spécialisés dans le graphisme ou la typographie. Par exemple, le magazine allemand Novum lui a autrefois consacré une couverture. Johnny Bekaert a aussi eu l'occasion de collaborer pour des fabricants de papier tels que Fedrigoni Italie et International Paper à New York. Son nom est aussi régulièrement cité dans les cours de graphisme à Gand. Commissaire depuis 2008 à la Maison de l'Image à Bruxelles, il coorganise des expositions graphiques qui mettent en lumière des talents belges aussi bien francophones que néerlandophones. Pour certaines expositions, Johnny Bekaert est aussi amené à réaliser lui-même le catalogue. "J'aime beaucoup faire ça et être en contact avec les collègues", lance-t-il. Mais à présent, c'est à son tour d'être mis en lumière jusqu'au 28 décembre. La Maison de l'Image, établie dans le bâtiment du Seed Factory à Auderghem, lui consacre en effet une exposition baptisée "Johnny Bekaert/Font Design". Et l'entrée est libre. Rétrospective, polices de caractères, logos, dessins, affiches et couvertures de livre sont aussi à retrouver dans un catalogue de 256 pages édité en 1000 exemplaires. Livre qui sera également publié en version électronique par un éditeur brésilien. Par ailleurs, Johnny Bekaert trouve aussi le temps d'être auteur de quelques livres et de s'autoéditer.Le succès de Johnny Bekaert n'était pourtant pas tout tracé d'avance. Il se rappelle d'un souvenir d'adolescent où au détour de tests d'orientation au Centre PMS, l'étiquette de non créatif lui avait été collée. "À 14 ans, j'avais annoncé vouloir faire de l'architecture d'intérieur. On m'a répondu que cela allait être dur pour moi, car je n'étais pas du tout créatif. Pourtant, je me sentais déjà très créatif à l'époque. Mais je n'avais pas aimé les questions de leurs tests, entre autres basées sur les taches d'encre de Rorschach. Cela dit, je ne me suis jamais préoccupé de ce diagnostic."Johnny Bekaert a tout de même étudié l'architecture d'intérieur et est sorti de Saint-Luc à Gand en 1971. "Mais je n'aimais pas ça", dit-il. "J'étais déjà passionné par le graphisme et je prenais des cours du soir en création de stand et publicité. Les cours de graphisme n'existaient pas encore à l'époque. Bien que j'étais incompétent et que je n'y connaissais rien, j'ai directement cherché du travail dans le graphisme à la fin de mes études. J'ai ainsi commencé au plus bas de l'échelle en tant qu'aide-graphiste. Je traçais à la main des cadres autour des annonces ". Par la suite, Johnny Bekaert s'installe à Montpellier en France et travaillera dans l'imprimerie AGL (Arts Graphiques Laffitte) pendant six ans. Cette imprimerie familiale existe toujours aujourd'hui depuis deux siècles. "Travailler dans une imprimerie était la seule manière d'apprendre le métier", dit Johnny Bekaert. À l'époque, il dessine aussi des couvertures pour les éditions spéciales auto de Knack, des dessins humoristiques pour le magazine Trends et des bandes dessinées pour un journal local de Gand.Ses collaborations en Belgique le ramènent au pays dans les années 80. Il lance alors l'agence Scritto avec deux autres connaissances. "Nous avons commencé dans le graphisme, puis dévié de plus en plus dans la publicité. Je n'ai pas de feeling avec la publicité, je n'aime pas ça." Il quitte alors Scritto et lance sa propre activité de graphiste indépendant en 1995. Pendant un temps avec son épouse Frida, aussi graphiste. Ils se spécialisent particulièrement dans les logos et les livres d'art, dont la création de couvertures et la mise en page pour de grands éditeurs. "J'aime le travail qui demande du temps, sans être dans l'urgence. Les travaux qui durent assez longtemps pour pouvoir construire quelque chose de solide et de bien pensé." À l'époque, la conception par ordinateur fait son apparition, fini la table lumineuse. "L'ordinateur c'est génial et très efficace. On fait en 30 minutes, ce qu'on faisait avant en deux jours."La création de logos d'entreprise est au coeur des activités de Johnny Bekaert. Il a d'ailleurs créé celui bien reconnaissable de l'Université de Gand en 1985, dont le symbole est un temple bleu. Ce fut le premier client régulier de Johnny Bekaert qui lui a de plus permis de lancer sa carrière. "J'ai toujours fait des logos, c'est ce que j'aime faire et cela marche bien. Créer un logo demande de bien comprendre la vision de l'entreprise ou de l'institution. Le logo doit coller avec l'image de marque que l'on veut donner. C'est une affaire de marketing. Je n'aime pas le marketing, car il y a beaucoup de blabla et les dossiers sont très longs à lire. C'est parfois vague et ardu. Alors, je lis quand même le dossier marketing et je demande ensuite de donner six ou sept mots clés que l'entreprise veut faire passer par son logo. Cela me donne une direction. Bien que je n'aime pas le marketing, j'aime faire des choses compliquées et faire passer des messages. J'aime par exemple créer des logos et sous logos pour de grandes entreprises qui ont plusieurs divisions."Tel fut dernièrement le cas pour l'Université de Valenciennes et du Hainaut-Cambrésis, rebaptisée en 2018 Université polytechnique des Hauts-de-France (UPHF). Cette institution pluridisciplinaire est localisée sur cinq campus à Famars, Valencienne, Arenberg, Cambrai et Maubeuge. "Cette université a des entités très fortes qui ont leurs propres nom, logo et démarche. Il fallait pouvoir retranscrire cela à travers une déclinaison de logos tout en conservant une unité." Le projet de changement de nom a été initié en 2017 avec un repositionnement sur les études polytechniques et les lettres. Un nouveau logo et une nouvelle charte graphique se sont alors imposés. C'est directement à Johnny Bekaert que l'université française a fait appel, dont le recteur connaissait déjà bien le travail.Dans un premier temps, une dizaine de logos ont défilé au fur et à mesure des propositions de nouveau nom pour l'université. "Pendant ce temps, une nouvelle directrice de la communication a été engagée et nous avons dû repartir de zéro. Elle m'a demandé de lui proposer trois logos différents sur base d'une nouvelle étude et de nouveaux mots clés. La seule exigence était de concevoir un logo abstrait." À l'issue d'un vote par différents membres de l'université, la préférence est allée à un logo caractérisé par trois segments circulaires noirs et bleu turquoise. "Ces courbes représentent les mécanismes. Le noir fait appel au monde des entreprises, car il y en a beaucoup dans la région avec qui l'université collabore, surtout dans le domaine de l'automobile, de la construction et du transport. Le bleu représente l'université, comme beaucoup d'autres utilisent, mais il s'agit ici d'un bleu turquoise, plus particulier ". Quant à la police, l'université a opté pour l'Accord Alternate Medium, parmi la sélection de Johnny Bekaert, appréciée pour ses fontes arrondies. Il s'agit d'une police créée par l'Indien Aakash Soneri et est utilisée pour les titres et sous-titres ainsi que le nom "Université polytechnique" dans le logo. Tandis que la typographie des textes courants et la mention "Hautsde-France" dans le logo adoptent la police The Sans, créée par le Néerlandais Lucas de Groot. Johnny Bekaert accorde aussi beaucoup d'importance au choix du papier et préconise depuis toujours des papiers écologiques. Pour les différents supports de communication papier de l'université française, le papier non couché offset Munken Lynx l'a emporté.La charte graphique est toujours en cours de finalisation. On y retrouve le mode d'emploi du logo, des couleurs d'impression, de la typographie, de la papeterie, mais aussi une multitude de modèles de supports de communication. Lettres, cartes de visite, enveloppes, fardes, couvertures de dossier, invitations, affiches, programmes, rien n'est laissé au hasard. Les goodies et outils promotionnels comme les tapis de souris, sacs en tissu, t-shirts, tasses, jusqu'à la signalétique des campus et le lettrage de véhicules y passent aussi. Tout est traduit dans une charte de plus de 120 pages. Au total, quatre logos différents ont été conçus pour l'université et ses différentes entités.La maîtrise de la charte graphique de Johnny Bekaert lui vient directement du Néerlandais Ben Bos, le fondateur du prestigieux studio graphique Total Design. "Quand j'ai débuté avec Scritto dans les années 80, personne ne savait comment faire une charte graphique. Je me suis donc rendu aux Pays-Bas pour rencontrer Ben Bos, qui a notamment créé le logo de Randstad. Il nous a appris à réaliser des chartes graphiques avec de nombreux exemples. Au cours du temps, je les ai adaptées en fonction des évolutions, car à l'époque elles étaient très techniques, détaillées et volumineuses. Aujourd'hui, une charte est beaucoup plus courte et concrète." En matière de graphisme et de typographie, Johnny Bekaert a aussi ses grands maîtres. Tels les typographes belge Lucien De Roeck et français Jean Alessandrini et George Auriol (style Art nouveau), les graphistes anversois Paul Ibou (plus grand créateur de logo selon Johnny Bekaert) et Michel Olyff et le graphiste et typographe français Roger Excoffon. "Quand je ne vois plus rien, je me réfère à eux", dit Johnny Bekaert. Avec une trentaine de polices de caractères à son actif, une dizaine d'autres sont encore en cours de conception. "Je fais cela en gribouillant, en faisant des esquisses quand je suis en pause pour me détendre. Et ces dessins deviennent parfois des lettres."Ce que Johnny Bekaert aime et surtout ne pas faire, nous l'avons bien compris. Mais finalement, que préfère-t-il faire par-dessus tout ? "J'aime tout ce que je fais depuis que je suis indépendant. Je suis libre et je me sens bien. J'ai toujours aimé créer, réaliser, exécuter. Quand je commence à m'ennuyer et que je ne peux plus rien apporter de nouveau à un client, il faut que j'arrête. Après un accident, j'ai décidé de faire uniquement ce qui me plaît. J'aime le travail stérile des mises en page pendant un certain temps et la complexité des logos, mais après je compense en faisant des dessins et des gribouillis. " Et de quelle oeuvre est-il le plus fier ? La réponse restera aussi en suspens. "Je ne peux pas en choisir une, je suis fier de toutes mes oeuvres. Choisir une oeuvre reviendrait à dire que le reste ne vaut rien." À 69 ans, Johnny Bekaert n'est toujours pas prêt de s'arrêter de travailler. "Je continue de travailler, j'aime beaucoup ça. Si je ne travaille pas, je n'existe pas. J'ai besoin de créer des choses. J'aime travailler pour des clients. J'aime aussi faire des dessins pour moi-même, mais ce n'est pas pareil. Quand je dessine pour moi, tout est possible, je suis trop libre."