WIM GRYMONPREZ: En l'occurrence, Centexbel-VKC mise surtout sur l'intégration du recyclat dans les nouveaux matériaux. Ainsi ressort-il de la vision de Wim Grymonprez, Business Development Manager de Centexbel-VKC, l'ex-Centre flamand du plastique. Sur le principe, Grymonprez rappelle que le recyclage mécanique a encore la préférence par rapport au chimique, qui revient très cher. " Au point que, dans bien des cas, il est encore plus efficace en termes d'émissions carbone d'incinérer certaines fractions plutôt que de les recycler par la voie chimique. Nous pratiquons le design from recycling, plutôt que le design for recycling ", explique Grymonprez. " Nous avons la connaissance des plastiques, mais nous ne sommes pas des designers. Nous pouvons conseiller les entreprises sur l'incorporation de matériaux recyclés: celles qui ont un produit en plastique et souhaiteraient y ajouter du recyclat. Si je le fais, que dois-je modifier dans 'mes' paramètres? À quoi dois-je faire attention, et est-ce seulement possible? Et quid des approvisionnements? Ce matériau est-il disponible sur le marché? Nous assurons un accompagnement sur tous ces points. "
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WIM GRYMONPREZ: En l'occurrence, Centexbel-VKC mise surtout sur l'intégration du recyclat dans les nouveaux matériaux. Ainsi ressort-il de la vision de Wim Grymonprez, Business Development Manager de Centexbel-VKC, l'ex-Centre flamand du plastique. Sur le principe, Grymonprez rappelle que le recyclage mécanique a encore la préférence par rapport au chimique, qui revient très cher. " Au point que, dans bien des cas, il est encore plus efficace en termes d'émissions carbone d'incinérer certaines fractions plutôt que de les recycler par la voie chimique. Nous pratiquons le design from recycling, plutôt que le design for recycling ", explique Grymonprez. " Nous avons la connaissance des plastiques, mais nous ne sommes pas des designers. Nous pouvons conseiller les entreprises sur l'incorporation de matériaux recyclés: celles qui ont un produit en plastique et souhaiteraient y ajouter du recyclat. Si je le fais, que dois-je modifier dans 'mes' paramètres? À quoi dois-je faire attention, et est-ce seulement possible? Et quid des approvisionnements? Ce matériau est-il disponible sur le marché? Nous assurons un accompagnement sur tous ces points. " Nous avons posé quelques questions ciblées à Wim Grymonprez afin d'en savoir plus. Un exemple concret pour illustrer le principe du design from recycling? WIM GRYMONPREZ: Procter & Gamble nous a consultés sur la manière d'incorporer du recyclat dans ses emballages en HDPE produits par moulage-soufflage. Ce qui posait de multiples questions: comment assurer l'approvisionnement en matières premières, quels tests effectuer et comment transférer la matière aux fournisseurs des bouteilles extrudées. On partait d'une certaine matière première à laquelle on souhaitait ajouter un recyclat de même nature, présentant les mêmes caractéristiques de transformation et avec la contrainte supplémentaire d'offrir le même résultat final. " Cette recherche complète pouvait rentrer dans le cadre d'un dossier de recherche FEDER. Et quelles sont les difficultés pour le fabricant d'emballage? WIM GRYMONPREZ: " L'incorporation d'un recyclat nécessite bien des cas d'adapter les paramètres de production pour rendre le regranulat de nouveau transformable. Car transformer du recyclat, ce n'est pas la même chose que de la matière 'vierge'. Par exemple, un polypropylène (PP) plusieurs fois recyclé doit être rendu plus liquide parce que ses chaînes deviennent plus courtes. Ce qui rend l'extrusion plus compliquée, car la matière d'oeuvre est plus fluide que ce que vous aviez auparavant. Auquel cas, vous avez deux options: ajouter un 'booster' pour épaissir un peu l'un, ou un peroxyde pour liquéfier légèrement l'autre. Tous les plastiques se recyclent-ils aussi bien? WIM GRYMONPREZ: " Vous avez les recyclats 'propres' comme le PP et le PE, deux matières faciles à recycler, mais il y a aussi, par exemple, la fraction coulante. Le plastique se recycle notamment par flottation: ce qui flotte en surface et ce qui sédimente au fond. Beaucoup de transformateurs ne veulent pas de la fraction coulante car elle contient, par exemple, du PVC, qui demande un traitement spécifique. Mais comme il faut souvent payer pour évacuer cette fraction, on peut aussi la considérer comme une 'matière première bon marché'. Nous avons ainsi développé un certain nombre de nouveaux produits pour des applications de voirie avec une entreprise. Le recyclage des bouteilles PET est lui aussi entièrement sous contrôle avec le système de collecte en sacs PMC. L'application de recyclat n'y pose peu ou prou pas de problèmes. Le flux est très pur car la filière des bouteilles PET est très facilement retraçable. Il est dès lors parfaitement possible de le réinjecter dans des applications alimentaires. Pour les polyoléfines, c'est déjà plus compliqué. Parce qu'en plus des aliments, celles-ci sont utilisées aussi pour des emballages d'herbicides, de détergents ou d'huiles moteur. Ce qui complique leur réutilisation dans des applications alimentaires, comme du film d'emballage ou une bouteille de lait, mais ne pose aucune difficulté pour la fabrication de jerrycans de 5 litres de carburant ou de produits chimiques. " Outre la contamination, y a-t-il d'autres problèmes avec certains types de recyclats? WIM GRYMONPREZ: " Un problème annexe tient au fait que le matériau recyclé (issu du mélange de tous les recyclats utilisés) n'a pas la même couleur que la matière neuve. Personne ne veut d'une boîte de conserve cabossée. Il en va de même d'un emballage qui n'aurait pas la couleur habituelle. On n'achète pourtant jamais un article pour son emballage, mais pour ce qu'il contient. Peu de gens arrêtent de fumer à cause des photos sur le paquet de cigarettes, mais seule une minorité de consommateurs est prête à accepter une variation dans l'emballage d'un produit qu'ils achètent depuis des années. Certaines marques de lessives, par exemple. Le recyclage chimique n'est pas toujours une solution d'après vous? WIM GRYMONPREZ: " Il faut un mix de procédés, et les deux systèmes doivent se compléter. Le recyclage va gagner en importance à l'avenir. Et c'est nécessaire si l'on veut atteindre les objectifs européens. Le recyclage chimique représente actuellement 2 ou 3% selon certaines sources. Cette part doit donc sensiblement augmenter. Le recyclage chimique est encore cher ; le mécanique est nettement meilleur marché. Le recyclage mécanique n'est pas la panacée ; le chimique est donc un complément bienvenu. Malheureusement, la tendance en matière de recyclage chimique est encore trop à 'l'écrémage': on sélectionne les flux les plus intéressants pour les recycler chimiquement. Certains types de recyclage chimique n'acceptent pas les polyamides à cause de la réaction avec l'azote. On ne veut pas non plus de PVC à cause de la corrosivité. Ces molécules ont un effet négatif sur le rendement du recyclage chimique. Je conçois très bien que l'idée est d'optimiser les processus, mais les deux techniques se font ainsi concurrence. Je pense que l'apport de l'industrie chimique peut certainement créer de nouvelles possibilités. Sa connaissance des processus chimiques peut constituer une plus-value pour le secteur du recyclage. Elle doit faire en sorte que le recyclage chimique de 'flux contaminés' puisse se dérouler de manière plus optimale, par exemple en procédant d'abord à une séparation chimique, pour seulement ensuite passer à la dépolymérisation. Le recyclage chimique doit produire des 'produits de base' pour la fabrication de nouveaux plastiques, et il peut de cette manière aussi apporter une solution pour la réutilisation d'applications alimentaires. Mais si vous avez uniquement du PS, PP ou PET pur, non destiné à des applications alimentaire, optez pour un recyclage mécanique. " À quels exemples de recyclage chimique pensez-vous concrètement? WIM GRYMONPREZ: " Ionica aux Pays-Bas est, il me semble, un très beau projet de recyclage chimique pour le PET. Mais on y travaille sur un flux très pur, et je continue donc de me poser des questions sur la rentabilité économique. Le PET est tellement bon marché. Pourquoi recycler à grand frais quand on peut produire du neuf pour moins cher? Pourquoi est-il tellement intéressant pour Umicore de collecter les vieux GSM? Parce qu'ils contiennent des métaux nobles, qui ont de la valeur. On collecte les câbles électriques pour le cuivre et le reste doit être jeté car c'est un déchet plastique. Il se recycle actuellement environ 500 000 tonnes en chimique, et 4 000 000 tonnes en mécanique. Et ce alors que l'Europe a fixé un objectif de 10 000 000 tonnes pour 2025. Ce n'est pas avec le seul recyclage chimique qu'on va combler ce trou. Nous devons aller vers un meilleur tri, une meilleure identification. Et mieux prendre conscience que le plastique n'est pas le pollueur numéro un de la planète. Les plastiques ne se retrouvent pas dans les océans par le fait du transformateur ou de son application, mais à cause du client final qui le jette dans la nature. Si nous comprenons tous cela, il reste de l'espoir. " Et le secteur des plastiques est largement en avance sur l'industrie textile, où le recyclage était très anecdotique jusqu'il y a peu (on travaillait surtout sur la réutilisation ou la récupération comme chiffons ou combustibles). On songe, par exemple, à l'initiative Ceflex (Circular Economy for Flexible Packaging), qui vise activement à rendre les emballages souples plus durables. PECP, la plate-forme des fabricants de polyoléfines pour une économie circulaire, oeuvre également en ce sens. " Est-ce suffisant? WIM GRYMONPREZ: L'industrie est face à un défi gigantesque: le recyclage de 10 millions de tonnes de plastiques d'ici 2025. Nous en sommes en ce moment à environ 4,5 millions de tonnes. Il nous reste donc quatre ans pour faire 2,5 fois mieux. On n'y arrivera jamais. C'est pour cela que je prône le principe du design from recycling. Nous produisons environ 60 millions de tonnes de plastique en Europe. Et nous en recyclons à peine 4,5 millions. La fin de la production de plastiques neufs entraînerait l'arrêt de nombreux secteurs. Non seulement la fabrication d'emballages alimentaires, mais aussi la construction et l'industrie automobile, par exemple, qui ne peuvent se passer du plastique. C'est toute la vie qui s'arrête. Il faut que les gens le sachent. C'est pour ça qu'ils doivent mettre leur emballage recyclable dans le sac PMC. " Que préconisez-vous pour améliorer le tri des emballages? WIM GRYMONPREZ: " HolyGrail est un bel exemple de processus de tri. Il perturbe très peu le processus de récupération total en faisant appel à un filigrane numérique qui fait partie intégrante du design de l'emballage. Je suis moins partisan d'un traceur qui prendrait la forme d'un certain colorant destiné à être révélé sous lumière infrarouge. Ce colorant peut en effet provenir de n'importe où dans le monde et on ne sait jamais exactement ce qu'il y a dedans. " Que dites-vous au citoyen qui a une aversion au plastique? WIM GRYMONPREZ: " À peine 40% des plastiques servent à fabriquer des emballages. Le plastique a une fonction très utile. En tant qu'emballage, il contribue même à réduire l'empreinte carbone totale en prolongeant sensiblement la date de conservation minimale des aliments. Un concombre enveloppé dans un film plastique reste frais jusqu'à 28 jours, au lieu d'une poignée s'il n'est pas emballé. Alors je dis: utilisez cet emballage et recyclez-le. Dans certaines applications, un même film peut être constitué d'un grand nombre de couches différentes (jusqu'à 11 dans une feuille de 45 µm d'épaisseur). Un recyclage mécanique est alors pratiquement impossible. D'un point de vue économique, mieux vaut à mon avis l'incinérer en récupérant l'énergie. Je n'ai aucun problème avec cela. Actuellement, 5% du pétrole est transformé en plastiques et 5% est consommé sous forme d'énergie pour fabriquer ceux-ci. Le reste est immédiatement brûlé sous forme de carburant ou de combustible. Quand on veut s'attaquer à un problème, il faut appliquer la règle des 80-20. Si l'on veut résoudre la problématique des émissions de CO2, commençons donc plutôt par les carburants. Je préférerais d'abord les convertir en plastiques, plutôt que de les brûler tout de suite. Et ainsi je fabriquerais beaucoup d'emballages, pour garantir une longue durée de conservation de mes aliments, tout en gardant la possibilité d'encore récupérer de l'énergie en les incinérant. Je sais que je ne recueillerai aucune adhésion politique pour ça, mais je suis un homme pratique qui réfléchit rationnellement. J'aimerais bien une fois en discuter avec quelqu'un comme Anuna De Wever ou Greta Thunberg. On ne peut pas se passer du plastique. La Covid-19 a montré que les plastiques sont un très bon matériau. Leur utilisation est de nouveau en hausse. Ce n'est pas négatif. Le plus gros problème est la culture du jetable de beaucoup de gens. " Votre avis sur les bioplastiques comme alternative? WIM GRYMONPREZ: " Sur l'ensemble du cycle, l'empreinte CO2 d'un PE biosourcé est supérieure à celle d'un PE obtenu à partir de pétrole. Le gros de cette empreinte découle du fait que la matière première (par exemple, la canne à sucre) doit être récoltée et transportée. Le coût et l'impact du transport sont supérieurs à ceux d'un PE pétrosourcé. Quand on voit tout ce qu'il faut faire pour cultiver, récolter et transporter la canne à sucre jusqu'à l'usine... et il faut encore la transformer en plastique. Le sucre de canne subit d'abord un processus de fermentation qui le transforme en alcool. Cet alcool doit ensuite être synthétisé pour en faire de l'éthylène. Le même éthylène que celui qu'on obtient à partir du pétrole dans des colonnes de craquage. La fabrication du bio-PE nécessite donc un certain nombre d'étapes en plus que le PE pétrosourcé. Et celles-ci ne sont pas toujours prises en compte dans les calculs. Et puis, il y aussi toute la perception autour du 'bio'. Certaines entreprises optent sciemment pour le bio-PE en partant du principe qu'il est plus écologique ou parce qu'elles pensent que leur emballage pourra être simplement jeté. Beaucoup de gens supposent: c'est bio, je peux l'abandonner dans la nature et il disparaîtra de lui-même. Rien n'est moins vrai. Le bio-PE a la même composition que le PE ordinaire, et il n'est pas non plus biodégradable. Le mot bio n'a pas nécessairement une connotation positive, et j'y vois un grand défi de communication pour les autorités. Même les matériaux compostables industriellement posent des problèmes en ce moment. On les incinère faute de disposer d'installations désireuses ou capables de traiter directement ces matériaux biocompostables. " Comment se fait-il? WIM GRYMONPREZ: Il y a une différence entre les exigences des normes de compostabilité et la réalité d'une installation de compostage. Celle-ci se situe au niveau des délais définis par la norme par rapport aux temps de séjours effectivement appliqués dans les installations, et ils sont notablement plus courts. Quand on aère ce matériau, il est encore plein de films plastiques. Ce que l'on ne souhaite pas car cela va à l'encontre du processus. Si on doit sensiblement augmenter le temps de séjour, le délai de transformation devient bien trop long et il faut stocker beaucoup trop de matériaux, pour peu qu'on ait de la place pour cela. Le 'home compostable' est aussi un problème. Il disparaît la plupart du temps dans le sac bleu, parce que tout le monde n'a pas un bac à compost à la maison. Ce matériau commence à fondre à 50 °C et il peut plus facilement s'enflammer. Et c'est ainsi qu'on contamine de nouveau les flux de déchets destinés à un recyclage mécanique. " Comment est l'image du recyclé? WIM GRYMONPREZ: " Elle n'est pas positive car les consommateurs en ont une idée biaisée. Les sièges pour enfant en matériau recyclé ont peu de succès, parce qu'ils ne semblent pas aussi fiables que du neuf. Pourtant si le label 'produit selon la norme de qualité ISO 9001' figure dessus, il n'y a rien à craindre. Le recyclé est connoté négativement pour beaucoup. La BQA (Belgian Quality Association) a développé à cette fin un système de certification basé sur ISO 9001 par lequel nous confirmons la déclaration du contenu recyclé. Oerlemans plastics a, par exemple, un certificat attestant que 50% de ses housses sont utilisées par le fabricant de briques Wienerberger pour stabiliser ses palettes. Ce certificat confirme que cet emballage est qualitativement en ordre, mais qu'il est composé de matériau recyclé. " Cette initiative a le soutien de ValiPac. Avez-vous encore d'autres exemples? WIM GRYMONPREZ: " Pour les sacs poubelles de Powerpack, c'est la même chose. En vertu de la nouvelle réglementation Vlarema, les sacs poubelles utilisés en Belgique doivent être composés à 80% de matériau recyclé depuis 2021. Votre sac poubelle, il doit tenir le coup entre le moment où vous le déposez sur le trottoir et le passage de la benne à ordures. Je ne veux pas un sac poubelle parce qu'il contient 80% de recyclat, mais parce qu'il répond à certaines exigences de solidité et de résistance au percement. La qualité d'abord. Si nous pouvons mettre sur le marché suffisamment de plastiques à base de recyclat qui soient en ordre d'un point de vue qualitatif, la confiance du public dans le recyclé et ses produits va augmenter. " Texte: Erik Kruisselbrink / Photos: Centexbel-VKC, P&G, Vanheede, Werner & Mertz