Dans les années 90, les développements dans le domaine des capteurs avaient ouvert la porte à une ribambelle de nouvelles applications dans les secteurs les plus divers. L'industrie de l'emballage avait, elle aussi, massivement accroché ce wagon, annonçant son lot de solutions intelligentes appelées à transcender les fonctions traditionnelles des emballages classiques. Sauf que la mise en oeuvre s'est avérée un rien plus compliquée que prévu. Un frein qui ne tenait pas tant à la technologie en soi, mais plutôt à son coût. Il a donc fallu attendre l'émergence de "smart packagings" simples et bon marché pour préparer le terrain à une percée générale. "Et c'est ce qui s'est effectivement passé avec le succès que l'on sait", dit Peter Ragaert, directeur de Pack4Food. "On n'y fait plus vraiment attention, car la technologie s'est tout doucement immiscée dans tous les aspects de notre quotidien. Mais nos emballages sont devenus bien plus intelligents que ce qu'ils étaient voici une trentaine d'années. Et cette évolution se poursuivra dans les années à venir."
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Dans les années 90, les développements dans le domaine des capteurs avaient ouvert la porte à une ribambelle de nouvelles applications dans les secteurs les plus divers. L'industrie de l'emballage avait, elle aussi, massivement accroché ce wagon, annonçant son lot de solutions intelligentes appelées à transcender les fonctions traditionnelles des emballages classiques. Sauf que la mise en oeuvre s'est avérée un rien plus compliquée que prévu. Un frein qui ne tenait pas tant à la technologie en soi, mais plutôt à son coût. Il a donc fallu attendre l'émergence de "smart packagings" simples et bon marché pour préparer le terrain à une percée générale. "Et c'est ce qui s'est effectivement passé avec le succès que l'on sait", dit Peter Ragaert, directeur de Pack4Food. "On n'y fait plus vraiment attention, car la technologie s'est tout doucement immiscée dans tous les aspects de notre quotidien. Mais nos emballages sont devenus bien plus intelligents que ce qu'ils étaient voici une trentaine d'années. Et cette évolution se poursuivra dans les années à venir." Les solutions les plus répandues sont celles qui fournissent un complément d'informations sur le produit emballé. "Le code QR est désormais omniprésent, mais l'étiquette NFC (communication en champ proche, ndlr) gagne elle aussi en popularité, poursuit Ragaert. "Celle-ci est la plupart du temps incorporée dans un autocollant appliqué sur l'emballage et elle transfère des informations au smartphone de l'acheteur. Des données sur l'origine, l'authenticité, etc., mais il peut aussi s'agir de conseils de préparation et de présentation, ou de conservation. Une manière active de faire du 'smart marketing'. La fonction première à l'avenir sera toutefois la protection contre la contrefaçon. La méthode est très efficace, certainement pour les aliments, les produits pharmaceutiques et les articles de marque. Pour peu que le tag NFC soit en liaison avec une base de données, l'authenticité d'un produit est assez simple à vérifier. On planche d'ailleurs actuellement sur des versions imprimables. Celles-ci reviendront nettement moins cher, ce qui laissera peu d'obstacles à une application généralisée de la NFC. Tout comme à celle du 'smart marketing', dont la brasserie Martens s'était faite la pionnière voici quelques années avec sa Kampioenenbier. Une connexion établie via l'appli chargée sur le smartphone donnait vie aux personnages de la série "FC De Kampioenen", qui se mettaient à dialoguer. Avec les évolutions dans le monde de l'impression, il faut s'attendre à ce que ce type de technologie prenne de plus en plus d'ampleur dans les années qui viennent." En parlant de techniques d'impression, une autre nouveauté est sur le point d'exploser, à savoir le "code unique". Chaque produit se verrait ainsi attribuer une sorte de carte d'identité individuelle (par opposition aux codes-barres qui sont affectés au niveau du lot). "Les avantages sautent aux yeux", dit Ragaert. "D'un côté, le traçage peut s'opérer jusqu'au niveau du produit individuel. De l'autre, il est possible de garantir une authenticité inviolable, par exemple en combinant le code avec un tag NFC. Cette solution, je l'admets, demande un logiciel sophistiqué. Mais elle reste tout à fait abordable parce que le code peut être directement imprimé sur l'emballage par les techniques existantes. Pas mal d'entreprises sont d'ailleurs occupées à tester le système, essentiellement, il est vrai, au sein de projets visant à mettre en place une 'logistique intelligente'." Il est question ici d'applications liées à l'Internet des objets, offrant notamment la possibilité d'appeler des informations en temps réel sur des produits individuels, comme la localisation, la température, etc. Le but est surtout de mettre le doigt sur les problèmes pour pouvoir ensuite optimaliser les processus logistiques." Le filigrane numérique est une autre technique d'impression "intelligente" aux perspectives prometteuses. P&G en est l'un des plus fervents zélateurs. Cette multinationale a été à l'initiative en 2016 du projet "Holy Grail", qui s'est donné pour but d'éplucher la technologie dans le cadre d'un vaste consortium d'entreprises de tous horizons. "Elles ont ainsi mis au point ensemble un procédé spécial permettant de doter tout ou partie d'un emballage d'un filigrane imprimé ou d'une certaine texture", explique Ragaert. "On parle ici d'idéogrammes, de logos ou même de codes-barres. Ces motifs sont invisibles à l'oeil nu, mais faciles à identifier avec des caméras spécifiques. La stratégie est à la fois élégante pour lutter contre la contrefaçon, et intéressante pour simplifier le processus de recyclage. Le filigrane ou la texture restent identifiables sur des parties déchirées des emballages. De quoi permettre d'automatiser et affiner le processus de tri d'emballages composites. En associant des codes uniques à différentes compositions d'emballage, il devient possible de séparer différents types de matériaux multicouches. L'Américain Digimarc et le Néerlandais Filigrade ont déjà incorporé cette technique dans leur gamme. En Belgique, Verstraete IML a mis au point une application avec un code Digimarc intégré dans l'étiquette moulée. Le projet 'HolyGrail 2.0' visant à faire passer la technique à la vitesse supérieure a entre-temps démarré." Les systèmes "intelligents" qui semblaient si prometteurs dans les années nonante n'ont toutefois pas grand-chose à voir avec les solutions évoquées plus haut. Ce qui ne veut pas dire qu'ils ont été mis définitivement au frigo. Des "smart packagings" incorporant des indicateurs ou capteurs existent bel et bien. Les plus connus sont les TTI, ou intégrateurs temps-température, qui renvoient une indication visuelle si l'emballage a dépassé un certain seuil de température pendant un laps de temps exagérément long. "L'offre peut être répartie en deux catégories", explique Ragaert. "D'un côté, les étiquettes qui changent de couleur ; et de l'autre, les marqueurs destinés à être lus avec un petit appareil spécial. Les deux technologies ont acquis une certaine maturité au point même de devenir incontournables dans l'industrie pharmaceutique et les banques du sang. Hélas, leur coût élevé constitue ici aussi un frein à une application généralisée. Les TTI ont vraiment beaucoup d'atouts." La prise de conscience est heureusement croissante et nourrit une recherche active de manières créatives d'exploiter au maximum le potentiel des TTI. En Belgique aussi. Par exemple, chez Etheclo qui propose des caisses de transport "intelligentes" et bien isolées pour le secteur de la vente en ligne. Grâce aux capteurs thermiques (en option), les opérateurs logistiques et/ou acheteurs peuvent vérifier, dans l'appli installée sur leur smartphone, à quel endroit la boîte se trouve et si la température n'a pas été dépassée. La société britannique Hanhaa a mis cette technologie à profit pour développer "Parcelive". Cette solution de tracking & monitoring de fret en temps réel permet de surveiller les conditions de transport grâce à une petite enveloppe renfermant différents capteurs: humidité, température, position du paquet (droit ou penché), etc. L'enveloppe, à glisser simplement dans le colis, est en liaison avec le réseau mobile de sorte que l'information peut être appelée de n'importe où. Une fois l'envoi parvenu à destination, il suffit de déposer l'enveloppe dans n'importe quelle boîte aux lettres de la Poste pour la retourner à l'expéditeur. Ragaert: "Un bel exemple de la manière dont l'Internet des objets peut jouer un rôle au service de la traçabilité et de la lutte anticontrefaçon. Nous ne voyons encore aujourd'hui que le sommet de l'iceberg. Il y a fort à parier que l'énorme potentiel des TTI et autres formes de capteurs sera très bientôt exploité dans une multitude d'applications innovantes. Même la barrière du prix pourra être levée. On peut ainsi penser à des caisses réutilisables à capteurs intégrés pour l'e-commerce. De quoi faire d'une pierre deux coups: meilleure traçabilité et réduction de l'empreinte écologique." Ragaert ne s'attend toutefois pas à une mise en oeuvre immédiate des TTI pour toutes sortes de denrées alimentaires, alors que c'était précisément l'idée au départ. "Simple question de bon sens: un dépassement de la température de conservation de disons 2°C pendant un quart d'heure ne veut pas dire que l'aliment est bon pour la poubelle. La relation entre ce qu'on lit sur le TTI et la qualité effective de l'aliment est donc sujette à interprétation, à moins que le TTI n'ait été spécifiquement conçu pour cette denrée. Ce qui n'est possible que moyennant une connaissance approfondie du rapport entre la température et la dégradation de l'aliment spécifique. Et cela, ce n'est pas du tout évident." L'industrie de l'emballage semble aujourd'hui surtout se concentrer sur la mise au point de matériaux plus durables. Le développement de solutions visant à réduire le gaspillage alimentaire semble beaucoup moins à l'ordre du jour. "Alors que la planète souffre beaucoup plus de cette masse de nourriture et de boissons que l'on jette", dit Ragaert. "Certains producteurs continuent heureusement de miser sur cette piste. Un développement intéressant dans ce segment est celui de capteurs intelligents qui mesurent directement la qualité du produit et peuvent potentiellement offrir à terme une alternative à la date limite de conservation. La technique en est encore à ses balbutiement, mais elle a déjà remporté plusieurs succès connus. Ainsi 'RipeSense', de la société néo-zélandaise Jenkins Group, est une étiquette avec un point rouge à insérer dans l'emballage. Les capteurs détectent les arômes dégagés par le fruit emballé et traduisent ces données en degré de maturité. Pour résumer, le point sur l'étiquette va virer du rouge (pas mûr), à l'orange (presque mûr) puis au jaune (bien juteux) en fonction des arômes captés. L'application paraît simple, mais rien n'est moins vrai. Là aussi, la règle prévaut: pour développer ce type d'étiquette ou d'emballage, il faut vraiment bien connaître l'aliment concerné. Et cela vaut également pour les capteurs censés rendre compte de son état d'altération. C'est pourquoi de nombreuses recherches sont actuellement en cours. Ainsi - outre les arômes des fruits - on expérimente aussi avec la détection des amines ou des composés soufrés. Le suivi continu de la qualité des aliments constitue une manière intéressante de lutter contre le gaspillage alimentaire - et donc de réduire l'empreinte écologique. Ici aussi toutefois, le prix constituera une barrière importante à une percée générale. Même de 10 à 20 centimes d'euro par emballage individuel, l'industrie alimentaire trouve encore ça trop cher." Le marché du "smart packaging" semble donc bien sur les rails. Le fait que les développements soient plus lents qu'attendu a beaucoup à voir, dit Peter Ragaert, avec l'attention d'abord portée aux emballages circulaires et à la durabilité. "Donner la priorité à ce thème a été un choix logique. Une prise de conscience commence toutefois à se faire avec l'idée que les "smart packagings" pourraient bien jouer un rôle clé dans la réduction de l'empreinte écologique. En plus naturellement des très nombreux atouts inhérents à ces systèmes. La possibilité que les emballages intelligents deviennent monnaie courante est donc bien réelle, même dans les applications de tous les jours."