Pourquoi Puratos a-t-elle créé la fonction de Packaging Development Manager?
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"Les tendances packaging du B2C percolent dans le B2B"
Les notions de design, soutenabilité et confort d'utilisation ne sont plus exclusivement associées aux emballages B2C. Le monde du B2B commence lui aussi à adopter les tendances dominantes du marché de la grande consommation. Les principaux acteurs investissent dans le développement d'un département packaging. Chez Puratos, Tim Van Caelenberg est chargé de relever ce défi avec son équipe. Emballages & Étiquettes Magazine l'a interrogé sur les défis spécifiques rencontrés dans son entreprise, le secteur et le marché B2B en général.

Pourquoi Puratos a-t-elle créé la fonction de Packaging Development Manager? TIM VAN CAELENBERG: "Le marché B2B a de tout temps mis l'accent sur la rentabilité économique. L'innovation en matière d'emballage a ainsi toujours visé à obtenir une fonctionnalité maximale à un coût minimum. Il y a bien eu des initiatives sur lesquelles le label 'durable' pouvait parfaitement être collé. Mais la démarche était d'abord économique avant d'être écologique. On pense au système de rotation de palettes et de conteneurs en plastique. Il en va de même pour les initiatives visant à améliorer le confort d'utilisation. Là aussi, le moteur de l'innovation était d'abord la maîtrise des coûts. Les formes prédécoupées ou les lignes perforées dans les cartons d'emballage en sont de beaux exemples. Cette dernière décennie toutefois, Puratos a vu augmenter la demande d'emballages à la fonctionnalité accrue. Il nous a semblé qu'y répondre était une manière idéale de créer de la valeur ajoutée. Partant de l'optique 'partenaires fiables en innovation', l'idée d'approcher la donnée 'emballage' d'une manière holistique et novatrice a fait son chemin. Un projet ambitieux auquel plusieurs personnes et départements collaborent activement au sein de Puratos. Il était évident aussi que quelqu'un devait apporter vision et structure à l'ensemble pour que tout le monde tire dans la même direction. C'est pourquoi la fonction de Packaging Development Manager a été créée en 2016." Et pourquoi vous à ce poste? TIM VAN CAELENBERG: "Les technologues de l'emballage ne courent pas les rues. De tels profils sont rares, surtout en Flandre. Les quelques personnes possédant une expertise intégrée de l'emballage se retrouvent souvent chez les géants de la FMCG (produits de grande consommation) ou leurs fournisseurs d'emballages. C'est pourquoi nous avons décidé de chercher un candidat qui convienne dans nos propres rangs. La fonction nécessitait aussi une certaine expérience de nos produits et clients pour pouvoir créer la valeur ajoutée escomptée." Vous n'aviez pourtant que peu d'expérience des emballages? TIM VAN CAELENBERG: "Effectivement, mon expertise réside dans la chimie alimentaire, et plus particulièrement la recherche sur les arômes. Dans mes derniers projets à la KULeuven, j'avais étudié l'influence des matériaux d'emballage sur la stabilité des arômes des aliments. J'avais donc bien accumulé quelques compétences, mais mon point fort restait la technologie alimentaire. D'où mon choix d'entrer chez Puratos en 2011 en tant que spécialiste des analyses au département R&D. Quand on m'a proposé d'endosser la fonction de Packaging Manager, je n'ai pas hésité." Avez-vous dû vous recycler? TIM VAN CAELENBERG: "Mon expertise technique était naturellement insuffisante pour assumer la fonction. J'ai d'abord suivi la formation certifiée de spécialiste en emballages du Nederlands Verpakkingscentrum (NVC). Ce que j'ai bien dû faire chez nos voisins du Nord, car l'offre académique était et reste inexistante en Belgique. J'ai ensuite beaucoup discuté avec de nombreux experts en la matière. Mais la meilleure école reste 'le terrain'. Le bagage technique n'est d'ailleurs pas tout. Un packaging manager doit aussi - et peut-être même surtout - être très bon en communication." Comment avez-vous vu le secteur de l'emballage évoluer? TIM VAN CAELENBERG: "La dimension écoresponsable des emballages est assez rapidement devenue le centre de tout. Une tendance qui semble irréversible, et c'est tant mieux. Nos clients - et par extension les consommateurs - veulent davantage de durable: des produits sains, riches en goût et sûrs, produits de manière équitable et transparente, et donc aussi proposés dans un emballage écoresponsable. La crise sanitaire actuelle n'a d'ailleurs fait que renforcer ces aspects. La prise de conscience autour du durable est manifestement présente dans tous les segments de clientèle, du boulanger ou chocolatier artisanal jusqu'à la grosse pâtisserie industrielle. Nos clients nous demandent d'ailleurs de plus en plus souvent de justifier le choix de tel ou tel emballage. En tant qu'acteur mondial du secteur des ingrédients de boulangerie, pâtisserie et chocolaterie, il est de notre devoir de répondre à ces tendances, notamment à travers des concepts d'emballage novateurs." Quelles sont les principales innovations que vous ayez mises en oeuvre? TIM VAN CAELENBERG: "D'abord, poursuivre la professionnalisation du développement et de l'innovation en matière d'emballages au sein de l'entreprise. Le packaging fait en effet partie intégrante de notre stratégie d'innovation et son développement s'opère en symbiose avec celui des nouveaux produits que nous mettons sur le marché. Nous sommes convaincus que l'emballage peut contribuer de manière significative au succès d'un nouveau lancement en B2B également. D'où l'importance cruciale d'une approche interdisciplinaire: ingénieurs-machine, chefs de fabrication, opérateurs, designers... tout le monde se parle. Nous impliquons des spécialistes externes et les fournisseurs au stade le plus précoce de ce développement ; nous étudions la brevetabilité de l'emballage et cherchons activement les possibilités de subsides pour soutenir économiquement nos objectifs. Nous consultons aussi de plus en plus nos pôles de compétitivité flamands, comme Flanders Food et Catalisti, et des associations sectorielles telles que Pack4Food et IAPRI." Comment répondez-vous à la demande d'emballages plus écoresponsables?TIM VAN CAELENBERG: "Les principes Recycler, Réutiliser, Réduire forment les piliers de notre stratégie. Le plus grand gain écologique pour notre secteur réside dans la circularisation des emballages souples et des plastiques durs. On pense aux sachets de poudres de chocolaterie et de boulangerie, aux seaux de fourrage de pâtisseries, etc. Nous devons faire en sorte de simplifier les emballages souples multicouches pour faciliter le recyclage et le rendre rentable. Exemple de réalisation réussie: le nouvel emballage des Smoobees, un type innovant de garniture de pâtisserie sous forme de perles. Ce produit est proposé dans un sachet tubulaire vertical intégralement en polypropylène, y compris l'étiquette qui est collée dessus. Pour nos sachets de poudres aussi, nous nous efforçons de garantir une empreinte minimale et une recyclabilité maximale. Par rapport à quelques années, nous utilisons 400 tonnes de papier kraft en moins sur base annuelle pour conditionner nos poudres. Ce qui a donc nécessité de nombreux changements concernant le choix des matériaux. Mais nous explorons aussi d'autres pistes." Qu'entendez-vous par là? TIM VAN CAELENBERG: "La soutenabilité doit être envisagée dans sa globalité, également en matière d'emballages. On oublie ainsi très souvent que l'empreinte écologique du gaspillage de nourriture est nettement plus importante que celle de nombreux plastiques. Nous accordons de ce fait beaucoup d'attention à un packaging design intégré. Reprenons l'exemple de l'emballage des Smoobees. Grâce à l'application de certains additifs destinés à augmenter la tension de surface des polymères de la couche interne, on obtient ce qu'on appelle un effet lotus, qui contribue à ce qu'il ne reste pratiquement plus rien dans l'emballage après usage. Ce principe, combiné avec un design fonctionnel adapté, nous allons à présent pouvoir l'étudier en partenariat avec trois centres de compétences européens, pour des produits qui ont facilement tendance à coller, comme nos fourrages aux fruits. Ce projet s'inscrit dans le cadre du consortium européen EIT Food." Et tout cela avec des monomatériaux? TIM VAN CAELENBERG: "Nous n'en sommes hélas pas encore là. Le gaspillage alimentaire se combat en premier lieu avec des emballages offrant les propriétés barrières adéquates et qui sont en outre ergonomiques d'un point de vue fonctionnel. Ce qui implique la plupart du temps l'application de structures multimatières, mais sans pour autant exclure l'avantage écologique. Ainsi avons-nous lancé notre produit 'Softgrain' dans un concept de packaging B2B unique en 2020. Ce mélange prêt à l'emploi de graines prétrempées dans un levain liquide peut s'ajouter directement à la pâte à pain. Le produit étant par nature très collant, le risque que le conditionnement - un seau en plastique, par exemple - ne soit pas complètement vidé est donc bien réel. Ce qui, en plus d'entraîner un gaspillage de denrée, a pour effet de compliquer le recyclage. Nous avons dès lors mis au point un conditionnement souple, thermoformé, rempli sous conditions stériles. Le résultat est un emballage 'Softgrain' de format semi-rigide, logé dans une enveloppe souple facile à déplier. De quoi en faciliter la manipulation sans que le produit ne reste collé à l'emballage. Même si le matériau proprement dit n'est pas encore prêt pour le recyclage, le bilan écologique est bien meilleur que celui des traditionnels seaux en plastique. Tout simplement parce qu'il n'y a plus de gaspillage." Envisagez-vous aussi les emballages compostables? TIM VAN CAELENBERG: "Non, parce qu'il n'existe pas encore de possibilités pour traiter ces déchets à l'échelle industrielle. Résultat: les matériaux biodégradables passent souvent à côté de leur objectif. En outre, ils ont une influence négative sur le processus de recyclage des polymères standard, si bien qu'ils finissent la plupart du temps par être incinérés avec les déchets résiduels. Il n'est pas toujours facile d'expliquer ces choix et d'autres au client. C'est pourquoi nous investissons dans des outils de LCA (Life Cycle Assessment), destinés à calculer l'empreinte écologique de nos produits et emballages sur l'ensemble de leur cycle de vie. Tous les facteurs possibles sont pris en compte: exploitation et traitement des ingrédients, emballage, transport, gaspillage de nourriture, recyclage, etc. Mesurer, c'est savoir: seules des données quantitatives permettent de prendre des décisions responsables qui dépassent même votre propre chaîne. Il peut souvent en résulter des choix qui vont à contre-courant de la perception écologique du client et du consommateur. Ainsi, des plastiques recyclables à base de matières fossiles peuvent, dans certains cas, se révéler plus écoresponsables que le papier, le carton ou le verre. La relation entre alimentation, matériaux d'emballage et écologie est encore assez mal connue. Nous devons oser une réflexion active sur le sujet. Par analogie aux nutriscores, l'affichage d'écoscores sur les emballages pourrait offrir une valeur ajoutée." Et quid des emballages actifs et intelligents? TIM VAN CAELENBERG: "Un domaine aussi vaste qu'intéressant à suivre. La tendance au 'digital' a fait son entrée dans le monde de l'emballage. Nous avons déjà à notre actif des projets pilotes visant à tracer nos emballages industriels en ligne par signaux GPS. Nous dotons en outre certains emballages de codes scannables pour permettre à nos clients de les recommander électroniquement par l'intermédiaire de la plate-forme MyPuratos. En matière d'emballages actifs, j'attends moi-même beaucoup des matériaux polymères incorporant des additifs destinés à avoir une influence positive sur la durée de conservation du produit. Ce qui permettra à terme de reformuler certains produits dans le sens d'un 'cleaner label'. Il reste beaucoup de pain sur la planche, mais le secteur est en pleine évolution. Il est sûr et certain que de nouveaux emballages 'intelligents' sortiront sur le marché dans les prochaines années. Du moins s'ils sont compatibles avec la réflexion en matière de développement durable. Dans le domaine des emballages, l'innovation d'aujourd'hui et demain sera placée sous le signe de la 'soutenabilité'. Mais le durable ne doit pas être un objectif en soi. Il doit devenir une manière de penser inhérente à toute forme d'innovation."
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