Gerold Linzbach, numéro un d'Heidelberg jusqu'en 2017, a été à l'origine d'un virage important pour le constructeur de presses allemand. Ses plus belles années semblant derrière elle, le moment était venu pour l'entreprise de déployer une nouvelle stratégie. Celle-ci s'est focalisée notamment sur un élargissement de l'assortiment, avec l'ajout de machines numériques et une attention accrue portée au workflow.
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Gerold Linzbach, numéro un d'Heidelberg jusqu'en 2017, a été à l'origine d'un virage important pour le constructeur de presses allemand. Ses plus belles années semblant derrière elle, le moment était venu pour l'entreprise de déployer une nouvelle stratégie. Celle-ci s'est focalisée notamment sur un élargissement de l'assortiment, avec l'ajout de machines numériques et une attention accrue portée au workflow. Lorsqu'il a pris ses fonctions, M. Linzbach a ouvertement exprimé son étonnement quant au mode de fonctionnement de l'industrie graphique. "Comment se fait-il que tant de personnes se baladent dans l'atelier?" Le CEO d'Heidelberg venait du monde de la chimie, où la règle pour le personnel est de se tenir autant que possible éloigné de l'environnement de production. Une question de sécurité, naturellement, mais aussi la volonté que le processus industriel puisse s'exécuter de la manière la plus efficiente. Toujours est-il que, dans la vision de Linzbach, l'imprimerie devait, elle aussi, devenir un environnement sans personnel. Un rêve ultime déjà devenu réalité dans divers segments de l'industrie manufacturière: une usine où l'éclairage peut rester éteint, la production ne nécessitant pas la présence de collaborateurs. Ainsi ne voit-on pratiquement plus d'ouvriers s'affairer autour des machines à papier et carton. Des chariots élévateurs autonomes y vont et viennent, exécutant leurs tâches sans faillir. Dans les PME des industries métalliques, il est désormais tout à fait normal que les machines continuent de tourner jusqu'au matin, après que les travailleurs sont rentrés chez eux en fin de journée. Le concept ne manque pas d'attrait. Les nouveaux investissements dans les machines s'amortissent beaucoup plus rapidement ; les frais de personnel et les coûts de malfaçons diminuent spectaculairement dans une production devenue entièrement prévisible. Reste la question de savoir si le secteur graphique sera bien inspiré de poursuivre un tel idéal. L'entrepreneur graphique moyen doit composer avec une grande variabilité de travaux, des délais serrés et un marché capricieux. Ce qui n'empêche le sujet de continuer à alimenter les conversations. Fabrication "dans le noir" (lights-out) ou l'imprimerie en tant que "black box", pour qui et où en est-on? L'automatisation sur et autour de la presse constitue une partie de la solution pour une production optimale. Les machines présentées par Heidelberg depuis l'avènement de Linzbach sont des modèles d'ingéniosité technique. Fini de s'échiner à fabriquer des presses toujours plus rapides ; le nouveau défi consiste à accélérer et automatiser les basculements de travaux. Heidelberg met désormais sur le marché des machines conçues pour une production ininterrompue sous le label "push to stop". L'afflux constant des plaques, du papier et des autres consommables étant assuré, la presse ne s'arrête que le temps nécessaire à la préparation - ultrarapide et entièrement automatisée - du travail suivant. Plus tôt dans l'année, Wilco, imprimeurs de livres établi à Amersfoort (Pays-Bas), a évoqué ce principe comme étant la principale motivation de son achat de huit presses Heidelberg Speedmaster XL 106. Avantage supplémentaire: les performances et la qualité d'impression sont moins tributaires du conducteur. Mais même avec des machines au top, le principe du "push-to-stop" ne peut tenir la route que grâce à Prinect, le logiciel de gestion du flux de production d'Heidelberg. Linzbach voyait de ce fait dans le workflow le principal pilier de sa vision de l'automatisation. Aujourd'hui, l'offre de presses numériques a quelque peu été reléguée à l'arrière-plan chez Heidelberg, mais l'attention portée au workflow est restée. L'idée d'une production entièrement autonome s'inscrit parfaitement dans la vision globale du constructeur. Depuis l'introduction de Prinect, l'ambition a toujours été de proposer une solution de flux intégrale pour l'ensemble du processus graphique, de la prise de commande jusqu'au produit fini. Le rachat du développeur Zaikio y a encore rajouté un nouvel élément, à savoir le réapprovisionnement (automatique) en matériaux et consommables. Le software présente un aperçu des fournitures nécessaires, en ajoutant l'option de laisser le système les commander directement auprès des fournisseurs. Zaikio a annoncé pour cette année la sortie de Mission Control, un logiciel qui collecte et partage les données de l'ensemble de la chaîne de production, y compris celles des fournisseurs, promet-on. Heidelberg avait déjà auparavant déclaré tendre vers la passation de commandes et la réservation de maintenance en mode automatique sur la base des données machine. Zaikio va jouer un rôle majeur dans cette perspective et renforcer en outre le partenariat entre imprimeurs et brocheurs. Avec les possibilités et modules de Prinect et Zaikio, la fabrication "dans le noir" devient une réalité plus tangible, mais elle ne concerne qu'un groupe-cible limité d'imprimeries-usines entièrement automatisées. De nombreuses entreprises graphiques cherchent plutôt à élargir leur offre, en proposant aussi de l'impression numérique, des applications de signalétique, des emballages et des étiquettes, en plus des travaux offset conventionnels. D'où l'intérêt d'aller éclairer sa lanterne auprès d'autres constructeurs de presses. Peter Minis, Marketing Manager de Komori, à Utrecht, dit être de plus en plus souvent questionné concernant le workflow. Minis: "La matière est complexe. Nous utilisons KP Connect, un outil destiné à augmenter le plus possible la productivité en connectant les machines et les réseaux. Nous parlons à cet égard de connected automation et le tout fonctionne dans le Cloud. Tout part de la nécessité de réduire au maximum les apports humains." À côté de l'offset, Komori mise aussi de plus en plus sur les presses numériques. Le champ d'attention de KP Connect est toutefois plus large, précise Minis. "Nous ne nous contentons pas d'interconnecter nos propres presses offset, équipements numériques et machines de finition ; nous le faisons aussi pour le matériel d'autres fournisseurs. D'où une multitude de variantes et de possibilités. À la base, nous connectons l'équipement de production au MIS (système d'information de gestion, ndlr)." Tout part du raccordement au matériel et au logiciel existants du client. Komori défend de facto les systèmes ouverts. Minis: "Avant, nous appelions cela DoNet, pour Digital Open Architecture Network. C'est la base de KP Connect. Nous ne fabriquons pas d'équipements de prépresse, mais nous veillons à ce que l'utilisateur puisse établir une connexion avec, par exemple, des systèmes de Kodak ou de Screen." Avec KP Connect, Komori ne vise pas la mise en place d'une imprimerie-boîte noire, dit Peter Minis. "J'ai moi-même vu beaucoup d'entreprises au Japon où la production se déroule totalement dans le noir. Surtout des rotativistes certes, mais c'est en principe possible. Notre objectif pour le moment n'est pas d'éteindre la lumière, mais bien de réduire la nécessité d'interventions humaines. Le concept light-out est bien joli et sonne bien comme slogan. Mais il n'est pas le but principal de KP Connect, qui est d'augmenter la productivité et de veiller à ce que nos clients soient florissants. L'imprimerie-boîte noire ne doit pas être une fin en soi." Une augmentation de production requiert d'automatiser le plus possible les processus, du prépresse jusqu'au postpresse. Les données qui en découlent sont collectées au maximum, explique Minis. "On peut comparer avec une montre fitness comme beaucoup de gens en portent au poignet. Celle-ci mesure de nombreux paramètres comme la tension artérielle, le pouls ou le nombre de pas effectués. En s'appuyant sur ces informations, on peut prendre des décisions mieux fondées: par exemple, dois-je faire plus de sport ou pas. KP Connect fait un peu la même chose. La présentation sous forme synthétique de l'énorme quantité d'informations récoltées sur la machine permet de prendre de meilleures décisions. On voit tout de suite le degré de productivité et les possibilités offertes de l'améliorer." Les flux de production hybrides sont eux aussi pris en charge. KP Connect dispose d'un programme de planification automatique qui détermine où les travaux doivent aller en fonction de la priorité, des coûts, du tirage et d'autres paramètres. "Nous avons investi beaucoup de temps ces dernières années pour faire converger au maximum l'offset et le numérique. Avec les Impremia IS292s et Impremia NS40, plus besoin de supports spéciaux: on peut simplement imprimer sur du papier offset. Nous avons adapté le procédé offset pour que l'imprimé soit immédiatement sec. Ainsi avons-nous fait en sorte qu'il soit possible d'alterner rapidement et automatiquement entre les deux procédés sur la base du taux d'occupation, des coûts, des préférences et du temps disponible." Dans un environnement d'impression numérique, il est important de limiter les interventions humaines au maximum. Les machines sont conçues pour les petits tirages et les exemplaires uniques, ce qui ne peut être rentabilisé que par une production autant que possible automatisée. La plupart des gains sont à récolter au niveau de la préparation des commandes, mais le fait qu'un même opérateur puisse desservir plusieurs machines peut aussi générer des économies. Voilà longtemps que les grands fabricants de presses fournissent des systèmes de gestion avec leur matériel. Un tableau de bord et un système de reporting permettent de s'y retrouver facilement dans l'ensemble des paramètres. L'information est également consultable dans une appli sur le smartphone. Minis: "Grâce à KP Connect, la direction peut se concerter avec le personnel pour voir si la productivité est suffisamment élevée et si les objectifs sont atteints. Il est également facile de comparer les équipes de jour et de nuit. Nous surveillons la consommation de matériaux et programmons les entretiens sur la base des données. La machine ne passe pas encore elle-même commande des nouveaux consommables, mais c'est vers cela que nous allons. Avec KP Connect, la fondation est déjà là." Collecter les données est quelque chose qui se fait depuis des années, poursuit Minis. "La différence avec le flux de production actuel est que nous pouvons beaucoup mieux nous y prendre. L'utilisateur peut mieux interpréter l'information car celle-ci est présentée de manière claire. On peut désormais parfaitement comparer les différentes données entre elles et faire des prévisions." Au final, le choix du MIS ou du système prépresse revient au client lui-même, considère Minis. "Ce n'est pas à nous de gérer ces tâches, mais nous voulons pouvoir nous y raccorder. Le MIS gère les commandes ; nous y ajoutons les données machine. Nous avons entre-temps pu composer une offre assez vaste et nous veillons naturellement à ce que l'intégration soit bien réglée. Les schémas de coupe sont directement transmis à nos massicots Apressia. On peut voir dans notre showroom une telle machine capable d'orienter le papier par elle-même et d'exécuter automatiquement l'ensemble du programme. Nous rattrapons aussi notre retard grâce à l'intégration avec MBO, qui fait désormais aussi partie de Komori.".