Le mois dernier a été marqué par le passage au Parlement européen de la jeune militante climatique suédoise Greta Thunberg (16 ans) et sa participation à la marche de protestation des " brosseurs pour le climat ". On aurait presque pu croire qu'elle avait également fait un crochet par la Packaging Conference pour y inscrire personnellement le thème du climat tout en haut de l'affiche. Cette rencontre, organisée par l'organisation faîtière de l'industrie graphique Intergraf, en collaboration avec la fédération professionnelle de la flexo FTA Europe et les analystes des marchés de Smithers Pira, annonçait un programme d'exposés aussi vaste que prometteur. Nul n'aurait toutefois pu y faire l'impasse sur les rapports tendus entre le développement durable et l'utilisation du plastique dans l'industrie de l'emballage. " Avez-vous la volonté et la capacité de changer votre manière de penser et votre stratégie ? " Une question cruciale que tout acteur du marché de l'emballage se doit de se poser, pense Smithers Pira.
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Le mois dernier a été marqué par le passage au Parlement européen de la jeune militante climatique suédoise Greta Thunberg (16 ans) et sa participation à la marche de protestation des " brosseurs pour le climat ". On aurait presque pu croire qu'elle avait également fait un crochet par la Packaging Conference pour y inscrire personnellement le thème du climat tout en haut de l'affiche. Cette rencontre, organisée par l'organisation faîtière de l'industrie graphique Intergraf, en collaboration avec la fédération professionnelle de la flexo FTA Europe et les analystes des marchés de Smithers Pira, annonçait un programme d'exposés aussi vaste que prometteur. Nul n'aurait toutefois pu y faire l'impasse sur les rapports tendus entre le développement durable et l'utilisation du plastique dans l'industrie de l'emballage. " Avez-vous la volonté et la capacité de changer votre manière de penser et votre stratégie ? " Une question cruciale que tout acteur du marché de l'emballage se doit de se poser, pense Smithers Pira.Promis à une croissance annuelle d'environ 2%, le marché européen des emballages et étiquettes imprimés devrait représenter 86,5 milliards d'euros en valeur en 2022 (2017 : 77,4 milliards), selon l'analyse de Smithers Pira. D'ici-là de grands bouleversements vont se produire au sein des catégories suivantes : les emballages en carton ondulé et compact resteront le principal segment de marché avec plus de 30%, suivis par le carton pour boîtes pliantes (plus de 16%), les emballages souples (près de 23%) et les étiquettes (près de 11%). Un changement est toutefois attendu dans les techniques d'impression utilisées. La flexographie, tout en restant dominante, voit sa part de marché se contracter, passant de 56% à encore plus de 53%, tandis que les procédés numériques sont en croissance, de 1,6% de la valeur de marché totale en 2017 à 5% en 2022.Cette progression des emballages imprimés en numérique (27% en valeur et près de 39% en volume sur base annuelle) se produira surtout dans le segment du carton ondulé. En cause : l'avènement de nouvelles technologies d'impression (en particulier le jet d'encre) et la croissance de l'e-commerce, nécessitant de plus en plus d'emballages d'expédition. Il apparaît en même temps, à la lecture de l'étude, que le plus grand marché des presses numériques, à savoir celui des étiquettes, est actuellement sous pression à cause de l'arrivée de nouvelles applications de l'impression sur carton, plastique rigide et métal, et de l'essor des emballages souples.S'il ne manquait donc pas à Bruxelles de statistiques intéressantes et prometteuses, l'attention se portait surtout sur les autres tendances également pointées par les analystes. Par exemple, l'évolution dans le sens d'une économie circulaire et les législations et réglementations européennes qui vont de pair. Ou encore, les tendances au " cradle-to-cradle ", aux emballages légers, aux plastiques biocompostables ou à la substitution du papier au plastique. Un développement soutenu avec enthousiasme par le président d'Intergraf, Cees Verweij, qui, en réponse à un congressiste sceptique - " D'où va venir tout ce papier ? Combien de forêts va-t-on devoir déboiser ? " - a rappelé la nature éminemment réutilisable des fibres de papier et évoqué la gestion durable des ressources forestières par l'industrie papetière.Toutes ces tendances sont déterminées pour une grande part par l'évolution des comportements des consommateurs. Le monde politique accroît en outre la pression. Ania Krolak (Smithers Pira) évoque l'exemple de l'Islande, où tous les plastiques seront bannis des supermarchés dès 2025 : " Comment allons-nous y arriver ? Le défi est énorme. " Dans une envolée passionnée, Kestutis Sadauskas, directeur Économie circulaire et croissance écologique à la Commission européenne, a ensuite exposé les objectifs ambitieux de l'Europe et les mesures réglementaires en la matière. Pour faire bref, le but est que nous puissions encore vivre agréablement à l'avenir, dans les limites posées par notre planète en termes de changement climatique, de pollution et d'exploitation des ressources, par exemple.Des progrès ont été réalisés, pointe-il : le Plan d'action pour l'économie circulaire de 2015 a entre-temps été mis en oeuvre à 95%. Le moment est donc venu de placer plus haut la barre. Le taux de recyclage des déchets domestiques, par exemple, était de 45% en 2015. Il atteindra 50% l'an prochain, mais l'objectif pour 2035 a été relevé à 65%. En même temps, la quantité de déchets mise en décharge doit être réduite, de 25% en 2015 à 10% en 2035.Les emballages jouent un rôle important dans la poursuite de ces objectifs. Leur recyclage doit s'améliorer : de 22,5% en 2008 à 55% d'ici 2030 pour le plastique, et de 60% à 85% pour le papier. Les producteurs d'emballages sont en même temps confrontés à une nouvelle " responsabilité élargie " (REP), avec des exigences qui, pour ce qui concerne notre secteur, seront soumises à évaluation à la fin de l'année prochaine.La " Stratégie sur les matières plastiques " de Sadauskas vise à ce que tous les emballages en plastique soient réutilisables ou recyclables d'ici 2030. Depuis 2018, le Programme de recherche et d'innovation sur les matières plastiques vise à stimuler les investissements et les innovations allant dans le sens de solutions circulaires. Il est toutefois bien conscient d'une chose : " Nous ne pouvons pas pratiquer une approche 'top down' de cette problématique. L'industrie doit mettre la main à la pâte, parce qu'elle jouera un rôle crucial dans la réussite de ces plans. " Sadauskas se réjouit dès lors de la campagne européenne d'engagement volontaire, par laquelle les entreprises se font fortes de viser, d'ici 2025, la réutilisation d'au moins 10 millions de tonnes de plastiques recyclés pour la fabrication de nouveaux produits. " Je suis curieux de voir jusqu'où différentes industries sont prêtes à aller. "Les plans et mesures réservent une attention toute particulière aux plastiques à usage unique, comme les couverts et les assiettes. Leur interdiction à court terme est d'ores et déjà inscrite dans les astres: "Ils sont la cause d'un énorme gaspillage et provoquent de grands dommages économiques. Nous avons établi un top 10 des objets en plastique les plus jetés et nous misons sur la prévention de ces déchets. Nous allons interdire ce type de produits en tenant compte de la disponibilité et de l'accessibilité financière des alternatives envisageables. " Quand Intergraf lui demande ce qu'il convient d'entendre exactement par " plastique à usage unique ", Sadauskas répond qu'une telle définition existe déjà : " Ainsi, en ce qui nous concerne, un gobelet en papier plastifié est un plastique à usage unique. " Plus tard dans l'après-midi, l'un des orateurs, le Professeur Peter Ragaert, de l'Université de Gand, a dit toutefois regretter cette interdiction, précisément parce que les plastiques à usage unique constituent une excellente matière première pour une réutilisation raisonnée. Pour autant bien sûr que de meilleures conditions de collecte et de recyclage soient mises en place.Sadauskas a semblé se ranger quelque peu à cette thèse en déclarant qu'il considère le plastique comme " un matériau fantastique " : " Le problème tient à la mauvaise utilisation que l'on en fait. Le plastique se jette bien trop facilement. Nous devrions être conscients de sa véritable valeur, et le réinjecter à chaque fois dans la chaîne. Notre politique n'est pas de privilégier le papier par rapport au plastique, ni le verre par rapport au métal. Chaque matériau a ses avantages et ses inconvénients. L'UE à la capacité, en définissant de nouvelles normes, de prendre l'initiative et de créer de nouveaux marchés et de nouvelles opportunités partout dans le monde. "L'alternative compostable, alors ? Sadauskas met en garde contre ce type d'appellation qui, dit-il, est souvent avancé comme une excuse pour jeter sans trier. Mark Shaw, du fabricant britannique d'emballages souples Parkside Flexibles - un avis autorisé, donc -, ne tourne pas non plus autour du pot : " Le compostable n'est pas LA solution. Il est toujours préférable de recycler. " Ce qui n'empêche pas l'entreprise de miser massivement, et avec succès, sur le développement d'emballages compostables pour, par exemple, le café et le thé, le muesli, les barres de snack et les chips. Ceux-ci sont totalement dégradés au bout de 26 semaines à température ambiante, tests à l'appui. Des essais ont également été réalisés dans l'eau de mer, même si Shaw rappelle qu'à l'évidence, il convient d'éviter en priorité que les emballages se retrouvent dans la nature : " Toujours est-il qu'au bout de 36 semaines, ils ont pratiquement disparu. "Avec le projet " Pack4Food ", Peter Ragaert, professeur en " technologie de l'emballage " à l'Université de Gand, se situe à l'interface entre le monde de la recherche et l'industrie. Le projet se concentre sur la fonctionnalité, la commodité et la durabilité des emballages alimentaires, et il vise à stimuler l'innovation dans ce domaine. Le grand public a, selon Ragaert, une perception essentiellement négative des emballages (plastiques), qu'il voit surtout comme des " déchets ". " Et ce, alors qu'ils remplissent justement une fonction centrale dans la prévention du gaspillage de nourriture - un problème bien plus aigu que celui des déchets d'emballages sachant que la moitié des fruits produits dans le monde pourrissent avant d'avoir pu être consommés. "Outre une intensification de l'effort de recherche sur l'optimisation des emballages à base de matériaux alternatifs, il plaide aussi pour une amélioration de la collecte, du tri et de la réutilisation des déchets. Il fait référence à l'introduction du nouveau " Sac bleu " en Belgique pour le ramassage des PMC (bouteilles et flacons en plastique, emballages métalliques et cartons à boissons). Selon les prévisions, cette filière permettra bientôt de recycler 64% de tous les plastiques. L'utilisation de nouvelles techniques devrait aussi permettre d'améliorer la séparation des différents types de plastiques et leur recyclage, pense Ragaert, par exemple, par des méthodes chimiques ou thermiques." Il n'y a pas de solutions simples ", pose Bernd Brandt, conseiller auprès de l'agence autrichienne Denkstatt, spécialisée en développement durable. " Économie circulaire ", " ressources renouvelables ", " réduction des emballages " ou " remplacement du plastique " sont autant de notions qui ne peuvent pas constituer des objectifs en soi: "Au mieux, elles contribuent à la solution souhaitée. " Il plaide pour une approche globale et une stratégie fondée sur les faits, prenant en compte aussi bien l'impact environnemental que les effets économiques des produits et processus tout au long du cycle de vie complet. Des objectifs environnementaux mesurables et des mesures écoefficientes doivent en outre être formulés. Le degré de circularité ne peut jamais être évoqué comme une indication du caractère durable, dit-il. Et de le démontrer par un exemple : compte tenu d'un taux de recyclage de 80%, le conditionnement d'eau potable dans 1.000 bouteilles en verre d'un litre atteint un score plus élevé sur l'échelle de circularité que s'il s'agissait de 1.000 bouteilles en PET, recyclées à 40%. En termes de consommation d'énergie toutefois (y compris les émissions associées de gaz à effet de serre), le verre a un bilan trois fois supérieur.Tout comme Ragaert, Brandt avance que les avantages des emballages dans la prévention du gaspillage alimentaire peuvent très bien être mis en balance par rapport au gain environnemental escompté d'une croisade contre les emballages. Les études chiffrées qu'il a présentées montrent que de meilleurs emballages peuvent conduire à ce que l'on en arrive à jeter sensiblement moins de denrées dans les magasins et les supermarchés. Si une même entrecôte, par exemple, est conditionnée sous vide plutôt que dans une barquette en frigolite, sa durée de conservation passe de 6 à 16 jours. De quoi faire diminuer de 75% les quantités de viande jetées (3% contre 12% auparavant). Du point de vue de l'empreinte carbone globale, l'avantage d'une réduction du gaspillage alimentaire est dix fois supérieur à l'impact total causé par l'emballage. Des tests similaires pour le fromage et le concombre ont livré des résultats comparables. Raison de plus pour Brandt de pondérer davantage toutes les mesures et réglementations dans le domaine du plastique à la lumière des effets négatifs potentiels en termes de durée de conservation des aliments.Enfin, Brandt a relativisé les effets de mesures populaires. Par exemple, le fait de ne pas utiliser de sacs plastiques pendant un an équivaut à économiser les émissions de CO2 d'un parcours en voiture de 14 km. Acheter de l'eau en bouteilles PET réutilisables plutôt que jetables a également un impact carbone limité : l'équivalent de 38 Km en voiture.Ses exemples ont suscité des réactions approbatrices dans le public : " Le type de chiffres que l'on devrait plus souvent pouvoir lire dans la presse. " Soit, mais encore faut-il voir quel effet pourrait en ressortir. Ania Krolak, de Smithers Pira, l'avait déjà dit en début de journée : les souhaits et l'évolution des comportements du consommateur déterminent largement la tendance. Et du haut de ses 16 ans, la militante climatique Greta Thunberg montre le chemin.