La direction de Sappi Europe a annoncé le 10 octobre dernier la fermeture de l'usine de Lanaken aux syndicats et au personnel, entrainant la perte de 650 emplois. Malgré de nombreuses périodes de chômage temporaire au sein de l'usine de Lanaken, les représentants du personnel ne s'y attendaient pas. Les services centraux établis à Maastricht seraient également concernés. La direction explique sa décision par un marché de plus en plus tendu et par une erreur stratégique dans le choix d'augmenter ses prix. Ce qui a poussé ses clients à se tourner vers la concurrence. Avant le site de Lanaken, l'usine de Stockstadt, en Allemagne, a également subi le même sort, avec une fermeture qui est aussi prévue au cours du premier trimestre 2024.
Depuis cette annonce, la production est restée à l'arrêt, reflétant l'opposition du personnel face à la direction, et devrait reprendre cette semaine. Les travailleurs libéreront les stocks progressivement, au fur et à mesure de l'avancement de la production. " Les travailleurs ont perdu confiance et se demandent pourquoi ils devraient encore travailler pour une multinationale qui les abandonne, eux, leurs familles et la région ", ont expliqué les syndicats. " Nous avons fait savoir que les travailleurs ne redémarreraient la production que sous certaines conditions. Il doit y avoir une incitation financière pour regagner la confiance de tous : permanents, temporaires et intérimaires ". La direction de Sappi Lanaken a quant à elle fait savoir qu'elle garantirait un bon plan social.
Surcapacité et pression sur les coûts
Suite à cette première fermeture, Sappi a déclaré être toujours confronté à une surcapacité importante en papier graphique, l'obligeant à prendre de longues périodes d'arrêt commercial coûteux. " Alors que le récent surstockage des clients diminue, il est devenu très clair que la demande ne reviendra pas aux niveaux antérieurs. Combinée à la pression sur les coûts des intrants, nous ne pensons pas que cette situation, provoquée par des facteurs indépendants de notre volonté, s'améliorera dans un avenir prévisible ", a déclaré Marco Eikelenboom, PDG de Sappi Europe.
A l'annonce de la fermeture de l'usine de Lanaken, Sappi a également pointé un ralentissement économique mondial persistant " plus sévère que prévu ", la dépression des marchés et l'instabilité géopolitique. Ce qui exerce une " pression importante sur Sappi, en particulier en Europe ". En vue d'une entreprise durablement résiliente, Sappi évalue l'avenir de toutes les facettes de l'entreprise en fonction de la dynamique du marché et des segments de marché qui seront les plus forts à l'avenir. " Nous étudions la meilleure façon de réduire les coûts globaux fixes et autres frais généraux ".
Priorité à l'emballage
Steve Binnie, CEO de Sappi Limited, a également commenté: "Sappi continue de se positionner pour la croissance et l'augmentation de la rentabilité conformément à l'objectif stratégique de notre groupe Thrive25. Il s'agit notamment de réduire l'exposition au segment du papier graphique tout en élargissant la présence de Sappi dans les emballages, les papiers spécialisés, la pâte et les biomatériaux. Les investissements récents dans nos activités opérationnelles en Afrique du Sud, en Amérique et en Europe témoignent de cette priorité. Nous continuerons donc à examiner la viabilité de toutes nos opérations et à apporter des modifications si nécessaires. "
Pour Sappi, la priorité de l'activité européenne est désormais de développer le segment de l'emballage et des papiers spéciaux, en particulier dans les emballages flexibles, les papiers fonctionnels, les étiquettes adhésives, etc.
Le ministre flamand Brouns réclame un remboursement de 14,2 millions d'euros
Le ministre flamand du Travail, de l'Economie et de l'Innovation Jo Brouns (CD&V) souhaite récupérer jusqu'à 14,2 millions d'euros d'aide auprès de l'usine limbourgeoise de Sappi. " Au total, 14,2 millions d'euros peuvent potentiellement être récupérés ", selon Bram Bombeek, le porte-parole du ministre. Il s'agit de 11,8 millions d'euros d'aides via le mécanisme de soutien aux entreprises à haute intensité énergétique et de 2,4 millions d'euros d'aides à la transformation stratégique. Jo Brouns demande également la création d'une task force spéciale.
Les usines de Lanaken et Stockstadt
L'usine de Lanaken a une capacité de production de 165.000 tpa de pâte et produit 530.000 tpa de papier couché sans bois. La capacité de production de l'usine de Stockstadt est quant à elle de 145.000 tpa de pâtes et de 220.000 tps de papier couché et non couché sans bois. Ces papiers sont principalement vendus sur le marché européen de l'impression. Sappi Europe compte actuellement 10 usines, 15 bureaux de vente et 5.500 employés et produit les marques de papier graphique Magno, Quatro, Vantage, Royal, Galerie, GalerieArt.
Inquiétude sur l'avenir du tissu industriel limbourgeois
A Lanaken, Sappi représentait le plus gros employeur. Un plan social solide devrait être conclu avec les syndicats d'ici Noël. Sappi prévoit également de vendre les entrepôts afin de permettre une nouvelle activité économique sur le site. Mais l'organisation patronale indépendante VKW Limburg se montre plutôt inquiète quant à l'avenir du tissu industriel limbourgeois. Ruben Lemmens, directeur général de VKW Limburg, a en effet réagi à l'annonce de la fermeture de l'usine de Sappi : " Cette fermeture est malheureusement également conforme à ce contre quoi non mettons en garde depuis longtemps et nous espérons envoyer un signal plus que clair qu'il est vraiment temps d'intervenir pour soutenir nos entreprises manufacturières et renforcer la position concurrentielle de nos entreprises opérant à l'international. " L'organisation patronale pointe différents problèmes : la hausse structurelle des coûts salariaux (+26% sur quatre ans), des permis de plus en plus stricts, des coûts énergétiques plus élevés par rapport aux régions environnantes et les charges administratives de plus en plus lourdes. Ruben Lemmens avertit si rien ne change : " Les déceptions ne feront que s'accumuler. Nous recevons de plus en plus de signaux d'alarme de nos membres et entendons des sons d'autres entreprises, souvent multinationales, qui sont loin d'être favorables. "