Le numérique, et surtout l'impression jet d'encre rotative à haute vitesse, est au coeur de toutes les conversations dans la filière graphique. Il n'est pas un salon, semble-t-il, qui ne veuille accrocher l'appellation "inkjet" à son nom, à commencer par la Drupa et l'Ipex. Mais, même si le jet d'encre rotatif rapide s'y entend pour tirer à lui la couverture médiatique, il serait faux de dire que cette technique fait un tabac sur le marché graphique. La grosse majorité des installations livrées à ce jour est allée à des entreprises qui s'en servent pour réaliser des documents transactionnels en couleurs. Les applications plus proprement graphiques, par exemple l'impression de journaux et de magazines, n'ont quant à elles toujours pas décollé. De même, les ventes de presses rotatives à jet d'encre aux secteurs du publipostage et de l'édition restent relativement limitées. À l'opposé de toutes les prévisions qui voyaient dans le jet d'encre le "prédateur de l'offset", je pense que les presses offset ont généré bien plus de chiffre d'affaires ces dernières années que les jets d'encre. Selon mes estimations, pas plus de trente imprimeurs actifs dans le domaine du livre ont installé des presses à jet d'encre. Le nombre de sociétés de mailings équipées en jet d'encre serait plus faible encore. Le système remporte davantage de succès sur le marché du transactionnel et dans le monde des entreprises, avec plus de 500 installations recensées. Et en attendant, tous les compartiments du marché graphique continuent d'acheter des imprimantes à toner.

Même si les ventes de presses à jet d'encre ne flirtent pas encore avec les sommets, le marché voit affluer de plus en plus de fournisseurs, avec des machines toujours plus innovantes et perfectionnées. À la Drupa 2012 (c'est l'an prochain), qui s'annonce une fois encore comme une "Drupa Inkjet", nous nous attendons donc à voir un certain nombre de nouveaux développements. Les systèmes des fournisseurs actuels - HP, Impika, Kodak, Océ, Ricoh Infoprint, Screen et Xerox - devront probablement composer avec la concurrence des solutions de Delphax, KBA, Nipson et manroland, et peut-être même de Heidelberg. Le marché sera-t-il alors prêt à les adopter en remplacement de ses presses offset ?

En première instance, nous devons nous demander pourquoi ces presses ne se vendent pas. Et les causes peuvent varier selon le segment du secteur graphique envisagé. Voyons celui du livre, le compartiment de l'industrie graphique qui a rentré le plus de presses inkjet à ce jour. Celles-ci sont, pour la plupart, en service aux États-Unis, et il s'agit en général de modèles HP de série T ou de systèmes Prosper de chez Kodak. Sauf erreur, à peine cinq presses monochromes et deux couleurs ont été déployées en dehors des States pour la production de livres. Ces machines, à l'évidence, intéressent surtout les Américains. La raison en est qu'elles sont essentiellement utilisées pour des commandes provenant du secteur éducatif : comme les éditeurs mettent régulièrement leurs publications à jour, le monde de l'enseignement a tendance à ne commander que par petites quantités. D'où la demande de presses à jet d'encre. Par ailleurs, les éditeurs nord-américains ne sont que trop conscients du pouvoir d'attraction des livres électroniques (cf. Kindle) et ils ont adapté leur stratégie, notamment en réduisant eux aussi les tirages. En outre, l'énorme augmentation des publications à compte d'auteur a aussi son influence sur le marché de l'édition. Enfin, les éditeurs commencent à peser le coût de l'entretien d'un stock par rapport à ceux d'une impression à l'exemplaire. À mes yeux, les grands éditeurs américains ont, l'un dans l'autre, mieux saisi l'impact potentiel de la technologie sur la production de livres que leurs collègues, ailleurs dans le monde.

Cela dit, pour que le jet d'encre fasse sa percée dans le livre, il faudrait que les maisons d'édition changent leur cadre de référence. Et d'après ce que j'entends, les gros imprimeurs de livres en Europe n'empruntent pas vraiment ce chemin. La plupart des éditeurs peuvent sans doute être attentifs aux économies potentielles d'une impression jet d'encre monochrome pour un retirage, mais rares sont ceux qui envisagent de recourir d'emblée au jet d'encre couleur pour une édition originale.

Un autre secteur où le jet d'encre rotatif pourrait jouer un rôle important aux yeux des observateurs est celui des journaux. Rien actuellement ne semble toutefois confirmer l'hypothèse, aucun gros éditeur de presse ne s'étant à ce jour doté de cette technologie. Certains quotidiens sont bien imprimés sur des presses jet d'encre, mais il s'agit d'éditions réalisées par de grands prestataires graphiques pour une diffusion dans les hôtels, les avions et les centres touristiques. Les éditeurs de presse pourraient théoriquement utiliser des presses jet d'encre pour l'intégralité d'un titre ou pour imprimer leurs pages régionales ou les petites annonces, à côté des cahiers offset. Mais ce n'est pas encore le cas et, à une ou deux exceptions près, je ne pense pas que la chose se fasse rapidement.

L'un des autres développements susceptibles d'avoir une incidence à terme sur la vente des presses concerne les solutions hybrides. Celles-ci associent l'offset et le jet d'encre, les têtes inkjet pouvant être montées directement sur la presse offset ou sur la ligne de façonnage. Elles permettent d'introduire des données numériques dans le tirage offset. Par le passé, Kodak était le seul à proposer ce genre de têtes. Aujourd'hui, une kyrielle de fournisseurs sont actifs dans ce domaine et leur offre rend possible une forme limitée d'individualisation à des coûts très inférieurs.

Les ventes de presses à jet d'encre pour l'imprimerie commerciale et le secteur des journaux sont aussi freinées par divers facteurs techniques. On songe en premier lieu aux supports d'impression et aux encres. Pour l'heure, le jet d'encre requiert des supports spéciaux ou un traitement préalable destiné à garantir une bonne qualité de couleurs sans transpercement. Ces substrats sont généralement 30 % plus chers que les papiers offset standard. Les encres, de leur côté, ne sont disponibles qu'auprès de constructeurs de presses spécifiques et fort onéreuses, elles aussi. Les fournisseurs et les papetiers planchent sur des solutions, mais la demande reste trop confidentielle. Une seule machine à papier suffirait ainsi aisément à répondre à la demande mondiale de supports spéciaux. Une solution plus réaliste serait sans doute de rendre les encres pour jet d'encre davantage compatibles avec le papier offset. Une solution existe déjà aujourd'hui pour certains types de papiers. Celle-ci utilise des pigments spéciaux qui réagissent avec le support. R.R. Donnelley, plus gros imprimeur du monde et constructeur de ses propres presses à jet d'encre (ProteusJet), emploie des encres contenant de tels pigments, qui donnent de bons résultats sur un papier offset ordinaire. Les couchés posent aussi problème aux presses jet d'encre, car l'encre y a du mal à sécher. Mais là aussi, il y a une solution : à savoir, un vernis appliqué après l'impression. R.R. Donnelley (encore) applique déjà cette technologie, qui sera disponible aussi pour d'autres presses dans un proche avenir.

Éditeurs et imprimeurs doivent fourbir leurs armes s'ils veulent pouvoir tirer parti de l'offre plus étoffée qui s'ouvrira probablement à eux dans le sillage de la Drupa 2012. Les éditeurs doivent comprendre la nouvelle dynamique du marché. Quant aux imprimeurs, il leur faut exiger de leurs fournisseurs qu'ils leur concoctent rapidement des solutions aux problèmes d'encres et de vernis. Ils devraient ainsi pouvoir répondre à la demande de leurs clients, qui espèrent voir les prix tirés vers le bas face à la concurrence croissante des médias électroniques.

À quand la numérisation des journaux ?

L'une des promesses des rotatives inkjet à haute vitesse est de changer la manière dont on produit les journaux, notamment par la personnalisation, le "micro-zonage", la publicité ciblée et les très petits tirages. Il faut cependant reconnaître que cela ne s'est pas produit à ce jour. Autant que je sache, aucun éditeur n'a encore acheté un tel système d'impression pour sa propre production de journaux, alors qu'il est notoire qu'ils se sont intéressés à cette technologie.

Ce que l'on a bien pu observer, c'est que de tels systèmes entrent en jeu pour l'impression à l'étranger de journaux dits "internationaux". Nombre d'éditeurs vendent beaucoup d'exemplaires de leur journal en dehors de leur pays. Ces copies peuvent être tirées directement par une imprimerie de journau, dans le pays de destination, là où il existe une demande suffisante. Par exemple, il existe une forte demande de journaux britanniques parmi les vacanciers, en Espagne. Il est donc intéressant pour les imprimeries espagnoles de lancer des tirages de plus de 5.000 exemplaires. Dans d'autres cas, quand la demande est moindre, l'éditeur peut expédier des exemplaires par avion. Mais, quand le journal parvient à son lieu de vacances, le lecteur y découvre les nouvelles avec un jour de retard.

Une autre option s'offre aux éditeurs : c'est de faire imprimer le journal numériquement par un prestataire local, doté de l'équipement adéquat. L'un des premiers exemples en la matière a été celui du Digital Newspaper Network (DNN), fondé par Océ il y a déjà dix ans. Dans ce cadre, les journaux étaient tirés en nour et blanc sur des rotatives Océ à toner. La société britannique Stroma, alors débutante, avait été l'une des premières adhérentes au DNN, installant une Océ DemandStream 8090 pour la production numérique de journaux. La demande a cependant tardé à prendre son essor, ce qui a containt Stroma à explorer d'autres marchés, tels ceux du dession industriel et du livre. Elle a tout de même fini par imprimer un certain nombre de journaux internationaux, dont le New York Times et le Sydney Morning Herald. Depuis, Stroma a étendu ses activités dans le segment des journaux, par des accords de coopération avec d'autres fournisseurs de contenus, dont Newspaper Direct en 2008, Newspaper Club en 2010 et, plus récemment, Newspaper Abroad qui lui ouvre le marché des journaux scandinaves. Stroma a élargi son parc de systèmes Océ, surtout pour servir ses clients en dehors du marché des journaux, mais aussi pour moderniser son activité d'imprimeur de quotidiens.

Début 2011, l'entreprise a posé un important stratégique en installant un système inkjet couleur Océ JetStream 1000, afin de répondre à la demande de journaux en quadri. En même temps, elle a notablement renforcé sa capacité et est en mesure de produire un beaucoup plus grand nombre de journaux. Aujourd'hui, elle imprime chaque nuit 50 à 60 titres différents. Stroma est sans doute actuellement le plus grand producteur mondial de journaux internationaux. Nulle part ailleurs on ne trouve autant de titres dans la même entreprise ! Pendant la journée, Stroma exploite sa JetStream pour la production de livres et de travaux industriels.

Ces journaux sont essentiellements destinés au grand nombre d'étrangers présents à Londres, mais aussi aux clients internationaux des hôtels. Ils sont également livrés aux compag,nies aériennes, telle l'australienne Quantas, qui fournit à ses passagers de première classe l'édition du jour du Sydney Morning Herald at de l'Australian, parfois même avant sa parution en Australie ! Autre exemple : ce membre d'une famille royale proche-orientale qui, revenant du mariage de Kate et William, voulait emporter avec lui un certain nombre d'exemplaires relatant l'événement. Grâce au tirage numérique, les journaux purent être livrés à son jet privé, dans la demi-heure de la commande.

Stroma n'est pas un cas unique de production numérique de journaux, même si le nombre de titres est exceptionnel. Océ a récemment annoncé l'entrée de l'imprimerie belge Symeta au "club" DNN. L'entreprise, qui appartient au groupe Colruyt, utilise sa JetStream 2200 pour imprimer des journaux internationaux à l'attention des hommes d'affaires de passage à Bruxelles. Le premier éditeur de journaux à avoir installé une Océ JetStream, en 2009, était l'Espagnol Avila, qui l'utilise, lui aussi, pour tirer des journaux internationaux.

De son côté, Kodak a également placé un certain nombre de ses systèmes Versamark VL pour l'impression numérique de journaux, notamment chez l'italien Rotomail, qui imprime USA Today sur une Versamark VL 4200, pour le marché italien. À Malte et à Chypre, Miller Distribution tire également une série de journaux sur une Versamark VL. À Londres, l'imprimeur de journaux Newsfax - une entreprise dans laquelle a également investi Malcolm Miller, de Miller Distribution - utilise lui aussi une ligne Kodak pour la production de journaux internationaux. Enfin, Kodak a récemment annoncé que le spécialiste de la transpromo, du marketing et du marché transactionnel, Acierta Transpromo & Billing Solutions, s'était associé avec l'imprimeur de journaux PressPrint pour développer un service d'impression numérique de journaux en Espagne, sur une Versamark VL 4200.

Il reste à savoir si les éditeurs de journaux décideront d'installer leurs propres presses inkjet ou s'ils continueront à faire appel à des prestataires graphiques étrangers, dans les cas où l'expédition par avion ou l'impression conventionnelle délocalisée s'avèrent non rentables, ou encore pour produire des éditions très ciblées en petits tirages. Des propos de ces éditeurs, il ressort que le coût de l'impression numérique leur apparaît toujours comme un obstacle. Nous ne les voyons pas encore réexaminer leur modèle d'affaires, comme l'ont déjà fait certains éditeurs de livres ou entreprises de mailing. Le potentiel de la personnalisation et les liens à établir avec les médias électroniques pour générer des publicités ciblées, ou encore des textes rédactionnels liés à des contenus blogués pour produire des sections micro-zonées, restent à explorer. Peut-être cela se produira-t-il si davantage de prestataires graphiques valorisent leur capacité de nuit pour produire des journaux à distance.

Je m'attends à ce que des journaux financiers spécialisés, tel que l'Investors Business Daily de Los Angeles, distribué uniquement par abonnement et qui reste imprimé à l'étranger par des moyens conventionnels, puissent tirer profit de la technologie de jet d'encre pour développer un nouveau type de journaux. Par ailleurs, je pense que la conversion des éditeurs de journaux à cette technologie prendra encore de longues années. Le jet d'encre reste pour le moment cantonné aux petits tirage sde journaux internationaux dans certains lieux d'affaires ou régions de vacances.

Le numérique, et surtout l'impression jet d'encre rotative à haute vitesse, est au coeur de toutes les conversations dans la filière graphique. Il n'est pas un salon, semble-t-il, qui ne veuille accrocher l'appellation "inkjet" à son nom, à commencer par la Drupa et l'Ipex. Mais, même si le jet d'encre rotatif rapide s'y entend pour tirer à lui la couverture médiatique, il serait faux de dire que cette technique fait un tabac sur le marché graphique. La grosse majorité des installations livrées à ce jour est allée à des entreprises qui s'en servent pour réaliser des documents transactionnels en couleurs. Les applications plus proprement graphiques, par exemple l'impression de journaux et de magazines, n'ont quant à elles toujours pas décollé. De même, les ventes de presses rotatives à jet d'encre aux secteurs du publipostage et de l'édition restent relativement limitées. À l'opposé de toutes les prévisions qui voyaient dans le jet d'encre le "prédateur de l'offset", je pense que les presses offset ont généré bien plus de chiffre d'affaires ces dernières années que les jets d'encre. Selon mes estimations, pas plus de trente imprimeurs actifs dans le domaine du livre ont installé des presses à jet d'encre. Le nombre de sociétés de mailings équipées en jet d'encre serait plus faible encore. Le système remporte davantage de succès sur le marché du transactionnel et dans le monde des entreprises, avec plus de 500 installations recensées. Et en attendant, tous les compartiments du marché graphique continuent d'acheter des imprimantes à toner. Même si les ventes de presses à jet d'encre ne flirtent pas encore avec les sommets, le marché voit affluer de plus en plus de fournisseurs, avec des machines toujours plus innovantes et perfectionnées. À la Drupa 2012 (c'est l'an prochain), qui s'annonce une fois encore comme une "Drupa Inkjet", nous nous attendons donc à voir un certain nombre de nouveaux développements. Les systèmes des fournisseurs actuels - HP, Impika, Kodak, Océ, Ricoh Infoprint, Screen et Xerox - devront probablement composer avec la concurrence des solutions de Delphax, KBA, Nipson et manroland, et peut-être même de Heidelberg. Le marché sera-t-il alors prêt à les adopter en remplacement de ses presses offset ?En première instance, nous devons nous demander pourquoi ces presses ne se vendent pas. Et les causes peuvent varier selon le segment du secteur graphique envisagé. Voyons celui du livre, le compartiment de l'industrie graphique qui a rentré le plus de presses inkjet à ce jour. Celles-ci sont, pour la plupart, en service aux États-Unis, et il s'agit en général de modèles HP de série T ou de systèmes Prosper de chez Kodak. Sauf erreur, à peine cinq presses monochromes et deux couleurs ont été déployées en dehors des States pour la production de livres. Ces machines, à l'évidence, intéressent surtout les Américains. La raison en est qu'elles sont essentiellement utilisées pour des commandes provenant du secteur éducatif : comme les éditeurs mettent régulièrement leurs publications à jour, le monde de l'enseignement a tendance à ne commander que par petites quantités. D'où la demande de presses à jet d'encre. Par ailleurs, les éditeurs nord-américains ne sont que trop conscients du pouvoir d'attraction des livres électroniques (cf. Kindle) et ils ont adapté leur stratégie, notamment en réduisant eux aussi les tirages. En outre, l'énorme augmentation des publications à compte d'auteur a aussi son influence sur le marché de l'édition. Enfin, les éditeurs commencent à peser le coût de l'entretien d'un stock par rapport à ceux d'une impression à l'exemplaire. À mes yeux, les grands éditeurs américains ont, l'un dans l'autre, mieux saisi l'impact potentiel de la technologie sur la production de livres que leurs collègues, ailleurs dans le monde. Cela dit, pour que le jet d'encre fasse sa percée dans le livre, il faudrait que les maisons d'édition changent leur cadre de référence. Et d'après ce que j'entends, les gros imprimeurs de livres en Europe n'empruntent pas vraiment ce chemin. La plupart des éditeurs peuvent sans doute être attentifs aux économies potentielles d'une impression jet d'encre monochrome pour un retirage, mais rares sont ceux qui envisagent de recourir d'emblée au jet d'encre couleur pour une édition originale. Un autre secteur où le jet d'encre rotatif pourrait jouer un rôle important aux yeux des observateurs est celui des journaux. Rien actuellement ne semble toutefois confirmer l'hypothèse, aucun gros éditeur de presse ne s'étant à ce jour doté de cette technologie. Certains quotidiens sont bien imprimés sur des presses jet d'encre, mais il s'agit d'éditions réalisées par de grands prestataires graphiques pour une diffusion dans les hôtels, les avions et les centres touristiques. Les éditeurs de presse pourraient théoriquement utiliser des presses jet d'encre pour l'intégralité d'un titre ou pour imprimer leurs pages régionales ou les petites annonces, à côté des cahiers offset. Mais ce n'est pas encore le cas et, à une ou deux exceptions près, je ne pense pas que la chose se fasse rapidement. L'un des autres développements susceptibles d'avoir une incidence à terme sur la vente des presses concerne les solutions hybrides. Celles-ci associent l'offset et le jet d'encre, les têtes inkjet pouvant être montées directement sur la presse offset ou sur la ligne de façonnage. Elles permettent d'introduire des données numériques dans le tirage offset. Par le passé, Kodak était le seul à proposer ce genre de têtes. Aujourd'hui, une kyrielle de fournisseurs sont actifs dans ce domaine et leur offre rend possible une forme limitée d'individualisation à des coûts très inférieurs. Les ventes de presses à jet d'encre pour l'imprimerie commerciale et le secteur des journaux sont aussi freinées par divers facteurs techniques. On songe en premier lieu aux supports d'impression et aux encres. Pour l'heure, le jet d'encre requiert des supports spéciaux ou un traitement préalable destiné à garantir une bonne qualité de couleurs sans transpercement. Ces substrats sont généralement 30 % plus chers que les papiers offset standard. Les encres, de leur côté, ne sont disponibles qu'auprès de constructeurs de presses spécifiques et fort onéreuses, elles aussi. Les fournisseurs et les papetiers planchent sur des solutions, mais la demande reste trop confidentielle. Une seule machine à papier suffirait ainsi aisément à répondre à la demande mondiale de supports spéciaux. Une solution plus réaliste serait sans doute de rendre les encres pour jet d'encre davantage compatibles avec le papier offset. Une solution existe déjà aujourd'hui pour certains types de papiers. Celle-ci utilise des pigments spéciaux qui réagissent avec le support. R.R. Donnelley, plus gros imprimeur du monde et constructeur de ses propres presses à jet d'encre (ProteusJet), emploie des encres contenant de tels pigments, qui donnent de bons résultats sur un papier offset ordinaire. Les couchés posent aussi problème aux presses jet d'encre, car l'encre y a du mal à sécher. Mais là aussi, il y a une solution : à savoir, un vernis appliqué après l'impression. R.R. Donnelley (encore) applique déjà cette technologie, qui sera disponible aussi pour d'autres presses dans un proche avenir. Éditeurs et imprimeurs doivent fourbir leurs armes s'ils veulent pouvoir tirer parti de l'offre plus étoffée qui s'ouvrira probablement à eux dans le sillage de la Drupa 2012. Les éditeurs doivent comprendre la nouvelle dynamique du marché. Quant aux imprimeurs, il leur faut exiger de leurs fournisseurs qu'ils leur concoctent rapidement des solutions aux problèmes d'encres et de vernis. Ils devraient ainsi pouvoir répondre à la demande de leurs clients, qui espèrent voir les prix tirés vers le bas face à la concurrence croissante des médias électroniques. À quand la numérisation des journaux ? L'une des promesses des rotatives inkjet à haute vitesse est de changer la manière dont on produit les journaux, notamment par la personnalisation, le "micro-zonage", la publicité ciblée et les très petits tirages. Il faut cependant reconnaître que cela ne s'est pas produit à ce jour. Autant que je sache, aucun éditeur n'a encore acheté un tel système d'impression pour sa propre production de journaux, alors qu'il est notoire qu'ils se sont intéressés à cette technologie. Ce que l'on a bien pu observer, c'est que de tels systèmes entrent en jeu pour l'impression à l'étranger de journaux dits "internationaux". Nombre d'éditeurs vendent beaucoup d'exemplaires de leur journal en dehors de leur pays. Ces copies peuvent être tirées directement par une imprimerie de journau, dans le pays de destination, là où il existe une demande suffisante. Par exemple, il existe une forte demande de journaux britanniques parmi les vacanciers, en Espagne. Il est donc intéressant pour les imprimeries espagnoles de lancer des tirages de plus de 5.000 exemplaires. Dans d'autres cas, quand la demande est moindre, l'éditeur peut expédier des exemplaires par avion. Mais, quand le journal parvient à son lieu de vacances, le lecteur y découvre les nouvelles avec un jour de retard. Une autre option s'offre aux éditeurs : c'est de faire imprimer le journal numériquement par un prestataire local, doté de l'équipement adéquat. L'un des premiers exemples en la matière a été celui du Digital Newspaper Network (DNN), fondé par Océ il y a déjà dix ans. Dans ce cadre, les journaux étaient tirés en nour et blanc sur des rotatives Océ à toner. La société britannique Stroma, alors débutante, avait été l'une des premières adhérentes au DNN, installant une Océ DemandStream 8090 pour la production numérique de journaux. La demande a cependant tardé à prendre son essor, ce qui a containt Stroma à explorer d'autres marchés, tels ceux du dession industriel et du livre. Elle a tout de même fini par imprimer un certain nombre de journaux internationaux, dont le New York Times et le Sydney Morning Herald. Depuis, Stroma a étendu ses activités dans le segment des journaux, par des accords de coopération avec d'autres fournisseurs de contenus, dont Newspaper Direct en 2008, Newspaper Club en 2010 et, plus récemment, Newspaper Abroad qui lui ouvre le marché des journaux scandinaves. Stroma a élargi son parc de systèmes Océ, surtout pour servir ses clients en dehors du marché des journaux, mais aussi pour moderniser son activité d'imprimeur de quotidiens. Début 2011, l'entreprise a posé un important stratégique en installant un système inkjet couleur Océ JetStream 1000, afin de répondre à la demande de journaux en quadri. En même temps, elle a notablement renforcé sa capacité et est en mesure de produire un beaucoup plus grand nombre de journaux. Aujourd'hui, elle imprime chaque nuit 50 à 60 titres différents. Stroma est sans doute actuellement le plus grand producteur mondial de journaux internationaux. Nulle part ailleurs on ne trouve autant de titres dans la même entreprise ! Pendant la journée, Stroma exploite sa JetStream pour la production de livres et de travaux industriels. Ces journaux sont essentiellements destinés au grand nombre d'étrangers présents à Londres, mais aussi aux clients internationaux des hôtels. Ils sont également livrés aux compag,nies aériennes, telle l'australienne Quantas, qui fournit à ses passagers de première classe l'édition du jour du Sydney Morning Herald at de l'Australian, parfois même avant sa parution en Australie ! Autre exemple : ce membre d'une famille royale proche-orientale qui, revenant du mariage de Kate et William, voulait emporter avec lui un certain nombre d'exemplaires relatant l'événement. Grâce au tirage numérique, les journaux purent être livrés à son jet privé, dans la demi-heure de la commande. Stroma n'est pas un cas unique de production numérique de journaux, même si le nombre de titres est exceptionnel. Océ a récemment annoncé l'entrée de l'imprimerie belge Symeta au "club" DNN. L'entreprise, qui appartient au groupe Colruyt, utilise sa JetStream 2200 pour imprimer des journaux internationaux à l'attention des hommes d'affaires de passage à Bruxelles. Le premier éditeur de journaux à avoir installé une Océ JetStream, en 2009, était l'Espagnol Avila, qui l'utilise, lui aussi, pour tirer des journaux internationaux. De son côté, Kodak a également placé un certain nombre de ses systèmes Versamark VL pour l'impression numérique de journaux, notamment chez l'italien Rotomail, qui imprime USA Today sur une Versamark VL 4200, pour le marché italien. À Malte et à Chypre, Miller Distribution tire également une série de journaux sur une Versamark VL. À Londres, l'imprimeur de journaux Newsfax - une entreprise dans laquelle a également investi Malcolm Miller, de Miller Distribution - utilise lui aussi une ligne Kodak pour la production de journaux internationaux. Enfin, Kodak a récemment annoncé que le spécialiste de la transpromo, du marketing et du marché transactionnel, Acierta Transpromo & Billing Solutions, s'était associé avec l'imprimeur de journaux PressPrint pour développer un service d'impression numérique de journaux en Espagne, sur une Versamark VL 4200. Il reste à savoir si les éditeurs de journaux décideront d'installer leurs propres presses inkjet ou s'ils continueront à faire appel à des prestataires graphiques étrangers, dans les cas où l'expédition par avion ou l'impression conventionnelle délocalisée s'avèrent non rentables, ou encore pour produire des éditions très ciblées en petits tirages. Des propos de ces éditeurs, il ressort que le coût de l'impression numérique leur apparaît toujours comme un obstacle. Nous ne les voyons pas encore réexaminer leur modèle d'affaires, comme l'ont déjà fait certains éditeurs de livres ou entreprises de mailing. Le potentiel de la personnalisation et les liens à établir avec les médias électroniques pour générer des publicités ciblées, ou encore des textes rédactionnels liés à des contenus blogués pour produire des sections micro-zonées, restent à explorer. Peut-être cela se produira-t-il si davantage de prestataires graphiques valorisent leur capacité de nuit pour produire des journaux à distance. Je m'attends à ce que des journaux financiers spécialisés, tel que l'Investors Business Daily de Los Angeles, distribué uniquement par abonnement et qui reste imprimé à l'étranger par des moyens conventionnels, puissent tirer profit de la technologie de jet d'encre pour développer un nouveau type de journaux. Par ailleurs, je pense que la conversion des éditeurs de journaux à cette technologie prendra encore de longues années. Le jet d'encre reste pour le moment cantonné aux petits tirage sde journaux internationaux dans certains lieux d'affaires ou régions de vacances.