Le "Rapport de tendances mondiales" Drupa publié à la fin de l'année contenait une demi-surprise: "En 2014, 25% de toutes les imprimeries déclaraient disposer d'une installation web-to-print. Et elles n'étaient toujours que 25% en 2023." Certes, concède le rapport, l'appétit pour le commerce électronique peut être moins prononcé dans certaines régions pour des raisons culturelles, techniques ou autres. Il n'empêche: "Le chiffre reste inchangé presque partout." En revanche: "Les entreprises qui proposent le web-to-print ont vu la demande de ces services fortement augmenter pendant la crise du coronavirus - même si celle-ci est revenue presqu'au niveau pré-pandémie en 2023. Le marché de l'emballage constitue une exception: les chiffres de croissance de 2022 y ont été largement maintenus."
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Le "Rapport de tendances mondiales" Drupa publié à la fin de l'année contenait une demi-surprise: "En 2014, 25% de toutes les imprimeries déclaraient disposer d'une installation web-to-print. Et elles n'étaient toujours que 25% en 2023." Certes, concède le rapport, l'appétit pour le commerce électronique peut être moins prononcé dans certaines régions pour des raisons culturelles, techniques ou autres. Il n'empêche: "Le chiffre reste inchangé presque partout." En revanche: "Les entreprises qui proposent le web-to-print ont vu la demande de ces services fortement augmenter pendant la crise du coronavirus - même si celle-ci est revenue presqu'au niveau pré-pandémie en 2023. Le marché de l'emballage constitue une exception: les chiffres de croissance de 2022 y ont été largement maintenus." Nonobstant l'optimisme du rapport Drupa concernant la volonté d'investir des entreprises, l'e-commerce ne figure pas, cette année non plus, en tête de leurs priorités: "Les technologies d'impression et équipements de finition occupent de nouveau le haut de la liste." Au grand dam de Geert Coolman, CEO de Lab9 Group, qui dit poursuivre une mission depuis les débuts de l'entreprise en 1993, à savoir: la digitalisation du secteur graphique. Et celle-ci est toujours d'actualité: "car force est hélas de constater que beaucoup n'ont pas encore franchi le pas de l'e-commerce." Si Lab9 a élargi son périmètre en 2012 en se diversifiant - avec notamment les Lab9 Stores, mais aussi des activités dans l'enseignement et le secteur public - son attention reste focalisée sur l'industrie graphique, dit Coolman: "Nous pouvons nous appuyer sur notre vaste expérience dans ce domaine. Le flux de production graphique est relativeWWment complexe, ce qui le rend moins accessible pour la concurrence extérieure." Lab9 poursuit ses efforts pour élever le niveau d'automatisation des entreprises graphiques de production. "Le '4.0' est la seule manière d'assurer un bel avenir aux entreprises du secteur. L'artisanat, c'est, hélas, fini. Désormais, efficacité et rentabilité doivent être des motifs de fierté." L'automatisation, observe Coolman, est un sujet épineux pour beaucoup d'entreprises de production: "On y investissait beaucoup plus avant l'arrivée d'Internet. Il est vrai qu'à l'époque, il y avait plus de budget. Par exemple, la transition du montage des films vers l'exposition directe des plaques s'est déroulée sans heurt." Mais jusqu'en 2005 ou 2006, la réaction de l'industrie graphique aux évolutions autour d'Internet a été totalement inadaptée, poursuit Coolman: "On était plutôt sur le mode: 'Ça va passer'. Je me souviens très bien des conversations que j'ai eues à l'époque: personne n'était intéressé ; beaucoup de ceux qui étaient aux manettes n'avaient pas la bonne vision de l'avenir du numérique. On a pris acte, mais on fut lent à réagir. Ce n'est pas faute d'avoir fait la promotion des possibilités du digital à l'époque, mais nous prêchions dans le désert. Tant et si bien qu'après la percée du CtP, l'automatisation du secteur a connu un coup d'arrêt." Il va pourtant falloir radicalement changer son fusil d'épaule si l'on veut continuer d'être rentable, pense Coolman. "La transformation numérique implique toute la chaîne. Tout est lié. Partout apparaissent de nouveaux modèles économiques, avec toujours plus de personnalisation dans les produits. Ce flux, de la commande par le client jusqu'à la livraison chez lui, doit être automatisé le plus possible. Beaucoup d'entreprises belges n'ont malheureusement pas la foi dans l'e-commerce, de sorte que ce marché est capté par les imprimeurs en ligne au détriment de ceux qui opèrent toujours 'à l'ancienne'." Coolman sent toutefois que nous sommes à un tournant: "Notre message est de nouveau entendu. Nous sommes donc en mesure d'aider les entreprises qui croient en un avenir durable à aller de l'avant. Ce pour quoi nous avons développé, en collaboration avec notre partenaire Igepa, un programme intitulé 'The Smart Journey of Print'. L'idée est de déterminer par un scan où l'entreprise en est aujourd'hui dans son trajet d'évolution vers 'l'Industrie 4.0'. Dans un premier temps, il s'agit de savoir comment les nouveaux leads sont générés, et une fois le client acquis, comment on lui livre les produits. Ces scans, nous allons les réaliser en collaboration avec le VIGC, et nous discuterons des résultats avec l'imprimerie concernée: où des gains efficacités peuvent-ils être dégagés et où un volume d'affaires supplémentaire peut-il être généré?" Techniquement, lancer une boutique en ligne n'a rien de sorcier, dit Coolman. "Mais souvent, la bonne mentalité fait défaut. L'encadrement dans les entreprises est souvent âgé et il n'est pas prêt à franchir rapidement le pas. Mais je vois heureusement des exceptions. Surtout dans les entreprises où la jeune génération reprend le flambeau et se montre plus enthousiaste quant aux nouvelles possibilités. Il faut veiller à être bien visible sur l'autoroute du numérique et faire son autopromotion en communiquant avec ses clients sur le Web en mode omnicanal. Il ne suffit pas de quelques photos de machines sur un site Web ; les clients veulent voir les produits tels qu'ils sont fabriqués pour pouvoir les commander le plus simplement possible." "Les imprimeries doivent faire du développement de produits, en être fières et les promouvoir activement à la vente. Je le répète: il n'y a aucune limitation technique. L'investissement ne doit pas non plus être insurmontable: une nouvelle presse coûte beaucoup plus cher. C'est surtout une question de vision et de stratégie. Visez un degré élevé d'automatisation. Impliquez vos collaborateurs dans le processus - eux aussi vont devoir travailler autrement. Créez un portail Web pour vos clients existants, mais mettez-vous aussi plus largement en quête d'une nouvelle clientèle: ne vous limitez pas au B2B, mais explorez aussi les marchés B2C." Ce marché "business-to-consumer" devrait connaître une formidable impulsion avec l'essor de l'intelligence artificielle (IA), explique Coolman: "L'IA fait de chaque consommateur un 'artiste'. Qui voudra partager ses créations, ce qui devrait alimenter une demande croissante d'imprimés. Encore faut-il que nous lui en offrions la possibilité, et ce en toute convivialité. Ce qui nécessite donc une application web-to-print à la hauteur. Le secteur est face à une énorme opportunité - j'y crois vraiment." Celui qui ne voit encore dans l'IA qu'une mode passagère se fourvoie lourdement. Le Français Ludovic Martin, consultant en e-commerce (qui a un penchant revendiqué pour le web-to-print), voit dans l'intelligence artificielle rien de moins que le déclencheur d'une nouvelle révolution industrielle. L'IA va radicalement modifier notre manière de travailler - dans l'industrie graphique également. Certaines tâches et professions vont disparaître, et de nouveaux services et modèles économiques vont émerger. Martin a publié l'an dernier un intéressant livre blanc consacré au sujet. Tout comme Geert Coolman, Ludovic Martin prévoit que l'IA offrira une multitude de possibilités créatives - et que les clients eux aussi s'approprieront la technologie. Les designers graphiques disposent désormais de toute une série de nouveaux outils qui simplifient et accélèrent le processus créatif. Ils peuvent générer leurs propres images à vitesse grand V et modifier en un tournemain un design pour différents modes d'expression et formats. Mais attention, prévient Martin: certaines tâches de PAO typiquement manuelles, comme le détourage et la retouche de photos, pourraient être totalement annexées par l'IA - privant les entreprises de la possibilité de sortir du lot en proposant de tels services. L'IA va changer la vente, la planification et la production des tirages, prédit Martin. Les systèmes MIS et ERP pourront générer plus intelligemment les devis, en tenant compte, par exemple, des stocks disponibles, du taux d'occupation des machines et de leur capacité. Mieux même: l'IA est en mesure d'analyser les comportements d'achat des clients pour anticiper les pics de commandes et adapter en conséquence les achats de matériaux sans risquer une rupture ou un excédent de stock. Et l'IA peut faire beaucoup plus encore dans cette phase du flux de production, comme calculer avec précision l'empreinte carbone de chaque commande. Une donnée de plus en plus importante pour les donneurs d'ordres, mais toujours plus compliquée à calculer, observe Martin. L'IA s'avère ainsi bien utile pour cartographier toutes les informations fournies par les fabricants de papiers et les fournisseurs de machines. Grâce à toutes ces données disponibles, l'IA sera en mesure de mieux amalgamer les commandes ou de les distribuer sur différentes machines ou sur plusieurs sites. La production décentralisée des imprimés s'en trouvera grandement simplifiée, ce qui constitue un élément favorable pour les plates-formes de vente en ligne qui font fabriquer leurs produits à la demande dans la région. Pour que tout cela puisse fonctionner harmonieusement, il faut un réseau étroitement interconnecté d'échange de l'information en temps réel. Martin observe que les constructeurs configurent leurs presses et équipements pour qu'ils puissent communiquer entre eux, revendiquant ainsi un nouveau (premier) rôle de pourvoyeur de données. "Un sujet sur lequel les imprimeries vont devoir développer une réflexion stratégique pour éviter de devenir trop dépendantes de l'extérieur." L'IA va avoir des implications majeures sur les modes de fonctionnement de l'e-commerce, de la façon dont les clients procèdent pour trouver le bon prestataire en ligne à l'affichage des résultats par les moteurs de recherche et la manière dont les achats sont effectués. Pour Martin, le web-to-print ne peut pas se soustraire à ces développements. Démarrer une activité d'imprimeur sur internet est de plus en plus facile et accessible. Jusqu'à aujourd'hui, trois options seulement se présentaient à l'imprimeur: faire programmer son propre site par des développeurs informatiques ; utiliser un logiciel spécifique (comme Shopify ou Magento) pour permettre la vente en ligne ; ou acquérir ou louer une plate-forme web-to-print existante et l'adapter à ses propres besoins. Martin pressent que ces trois options vont devenir obsolètes à terme à cause de l'IA, qui permet de créer en un clin d'oeil une plate-forme d'e-commerce et le site Web associé. L'aspect d'un tel portail peut par ailleurs être très différent de ce que l'on connaît aujourd'hui. Les utilisateurs bénéficient de possibilités beaucoup plus interactives que les classiques menus déroulants. Une nouvelle génération de moteurs de recherche intelligents (qui ne se préoccupent pas des traditionnels référencements SEO et SEA) permet déjà beaucoup plus facilement d'acquérir et de fidéliser une audience en ligne. Résolu à en faire l'expérience, Martin a demandé à Google Bard: "Où puis-je acheter des flyers 10x21 cm personnalisables en ligne au meilleur prix et avec les meilleurs avis, en étant sûr que ce soit produit en France?" Les résultats présentés se limitaient aux seuls prestataires web-to-print qui répondaient à tous les critères. "Contrairement au moteur de recherche Google, pas de pages 2, 3, 4 ou 5 de résultats. En dehors des sites conseillés par Bard, rien d'autre n'existe", écrit Martin. "C'est un véritable défi aux marketers des sites de web-to-print, d'autant que ces IA sont de véritables boîtes noires: personne ne sait vraiment sur quoi sont basés les choix des résultats, quels critères ont une influence ni comment faire remonter son site dans la liste des réponses. On peut craindre que pour apparaître dans les résultats, il faille payer d'une manière ou d'une autre." La concurrence sur le marché du web-to-print va en outre sensiblement s'intensifier, pense Martin, aussi à cause de portails de conception qui vont rendre superflu le recours à des modèles standard (templates) et simplement ajouter l'option de commander l'imprimé à leur offre de services. Geert Coolman, de Lab9, l'avait déjà laissé sous-entendre: la digitalisation du secteur graphique demande aussi un changement de mentalité et de manière de fonctionner de la part des collaborateurs. Des fonctions et métiers reçoivent un autre contenu, ou disparaissent purement et simplement sous l'influence de l'IA. Le gouvernement néerlandais a récemment averti dans un rapport que l'IA menaçait un certain nombre d'emplois. Hans Scheffer, fondateur et CEO du portail en ligne européen HelloPrint, a réagi à ce message sur LinkedIn: "C'est vrai. Mais c'est le progrès. Car, heureusement, nous devenons chaque jour collectivement plus intelligents." Tous les département au sein d'HelloPrint exploitent les possibilités offertes par l'IA, dit Scheffer: "Tout le monde a accès aux outils qui aident à devenir plus productifs, meilleurs et plus astucieux, mais aussi et surtout à rendre le travail plus agréable et moins répétitif." Et de prendre l'exemple du service clientèle, qui est désormais automatisé à outrance: "Nous avons créé des Customer Service Agents dotés d'une intelligence émotionnelle par la technique d'Engaige. Ils sont pratiquement aussi bons que nos propres agents humains. (...) 62% du contact clientèle sur nos portails internationaux est aujourd'hui automatisé. Et comme nous entraînons la technique en permanence avec des informations pertinentes, ce pourcentage augmente de jour en jour." Les agents intelligents de l'IA sont capables de faire tout ce que fait un agent humain, assure Scheffer: "Ils ont accès à tous les systèmes, savent tout du processus logistique, peuvent retrouver rapidement une information et procéder directement à des manipulations, comme accélérer des commandes, en annuler, en upgrader ou donner suite à une réclamation. La technique va jusque-là." L'IA peut en outre aussi aider les collaborateurs du service clientèle: "La technique évacue les questions répétitives, suggère des réponses et laisse nos professionnels se concentrer sur les problématiques vraiment difficiles et complexes qui aident réellement nos clients." Grâce à l'IA, le service-clientèle d'HelloPrint est disponible 24 heures sur 24, tous les jours de l'année. L'entreprise reste aussi aisément accessible dans les périodes de pointe: "La technique évolue organiquement." Le fait que les clients soient bien aidés sans souvent même se rendre compte que la solution à leur problème a été trouvée par une IA est au moins aussi important. "L'IA n'est pas une menace", martèle Scheffer dans son post sur LinkedIn. "Elle est une nouvelle étape de notre évolution."