Revenons brièvement sur cette interruption inhabituellement longue de huit années. 2020: crise du coronavirus. Même la Drupa n'y aura pas échappé. Il en aurait été autrement si l'organisateur s'en était tenu à son intention initiale de suivre désormais un rythme trisannuel. La Drupa aurait ainsi pu se maintenir à l'agenda en se déroulant à la fin du printemps 2019. Cette bonne résolution s'était toutefois heurtée à la résistance des exposants - et rien ne dit d'ailleurs que l'édition de 2022, soit trois ans plus tard, aurait pu avoir lieu.
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Revenons brièvement sur cette interruption inhabituellement longue de huit années. 2020: crise du coronavirus. Même la Drupa n'y aura pas échappé. Il en aurait été autrement si l'organisateur s'en était tenu à son intention initiale de suivre désormais un rythme trisannuel. La Drupa aurait ainsi pu se maintenir à l'agenda en se déroulant à la fin du printemps 2019. Cette bonne résolution s'était toutefois heurtée à la résistance des exposants - et rien ne dit d'ailleurs que l'édition de 2022, soit trois ans plus tard, aurait pu avoir lieu. Dans un premier temps, la Drupa 2020 avait été reportée à 2021. Pour finalement être remplacée par un évènement virtuel de quatre jours, mettant exposants et visiteurs en contact à la faveur de présentations en ligne. Sabine Geldermann, directrice de la Drupa, avait à l'époque déclaré que les salons de l'avenir seraient une combinaison de virtuel et de contacts physiques. En 2024, rien de tout cela. Des rencontres pré-drupa se sont de nouveau tenues en toutes sortes d'endroits à l'approche du salon pour donner à une audience triée sur le volet un avant-goût de ce qui attend le grand public. Et même pendant la Drupa, rares sont les contenus virtuels inscrits au programme. Lors des trois jours consacrés à des rencontres avec les journalistes de la presse spécialisée fin mars à Düsseldorf, Geldermann se bornait à constater laconiquement: "Les exposants ne semblent plus intéressés par cette formule." La "Messe" aussi prend acte du retour des salons. Erhard Wienkamp, directeur de Messe Düsseldorf, se souvient: "En 2016, tout de suite après la Drupa, nous avions entamé la démolition des anciennes salles 1 et 2 afin de faire place à un tout nouveau Hall 1. L'objectif était que tout soit prêt pour la Drupa 2020. Ce qui fut effectivement le cas, mais la pandémie a changé la donne et nous n'avons pu organiser qu'une seule grande foire en 2020 et 2021, à savoir le 'Caravan Salon'. Nous ne sommes revenus prudemment dans le vert qu'en 2022. 2023 a de nouveau été une année presque normale, avec la 'K' (pour l'industrie du plastique et du caoutchouc, ndlr) et 'Interpack'. Les affaires reprennent, donc." Retour aux affaires certes, mais quelles affaires? Le monde a naturellement changé depuis 2016, observe Andreas Plesske, président du comité Drupa (et aussi CEO de Koenig & Bauer dans la vie de tous les jours). Il a aligné fin mars les principales tendances du moment: "En numéro un - évidemment - la durabilité", disait alors Plesske. "Et c'est bon pour notre secteur. Parce que dans l'industrie graphique plus que partout ailleurs, le développement durable se traduit directement par une diminution de la consommation d'énergie et de matériaux et une réduction des déchets - bref, des coûts en moins. La durabilité est tout simplement une nécessité. La réglementation et la législation dans ce domaine ne cessent d'ailleurs de se durcir. Les clients et les marques en font une condition. Et les jeunes générations évoquent en permanence le sujet, par exemple dans les réseaux sociaux." Plesske a par ailleurs évoqué "la digitalisation" comme une tendance toujours actuelle ("Comment passer le plus efficacement possible du PDF au produit imprimé"), dont l'urgence est encore renforcée par une nouvelle évolution: le manque de personnel qualifié et d'expertise. Il voit par ailleurs des différences émerger selon les régions du monde. "En Inde et en Chine, par exemple, la classe moyenne se développe fortement, ce qui crée énormément de potentiel pour les imprimés", notamment sur le marché de l'emballage. En même temps, les entreprises graphiques d'Europe doivent "surtout chercher le bon créneau où une croissance reste possible." Geldermann reconnaît ces tendances: "Une comparaison des catégories de produits en 2016 et 2024 montre qu'il y a beaucoup plus à voir aujourd'hui dans le domaine des emballages." Le besoin et l'intérêt grandissants en Asie seront concrètement visibles: les exposants venus, par exemple, de Chine sont de nouveau plus nombreux au point de former le plus gros contingent étranger en nombre et en superficie. Le développement durable prend une place centrale au salon où il bénéficie de son propre pavillon thématique, le "Touchpoint Sustainability". Et, a souligné Erhard Wienkamp, la Messe elle-même s'écologise de plus en plus. Depuis 2016, son empreinte carbone a déjà été réduite de 40%, surtout par un recours accru à l'énergie verte. (Et on ne parle pas de petits chiffres: Drupa avait par exemple calculé en 2012 qu'il lui fallait 65 mégawatts pour faire tourner, deux semaines durant, "la plus grande imprimerie du monde", soit la consommation d'une ville de 160 000 habitants.) Les exposants aussi ont fait bouger les balises depuis 2016. Xerox, par exemple, qui revendiquait il y a huit ans "le plus vaste portefeuille jet d'encre du marché", brille par son absence. Et voyez Kodak, qui annonçait en 2016 vouloir se défaire de son activité inkjet tout en dévoilant une nouvelle génération de la Nexpress à toner - à commercialiser en 2017. Cette "Nexfinity" est bel et bien sortie, mais rien ne s'est déroulé comme prévu: Kodak a arrêté les machines à toner pour se recentrer sur le jet d'encre continu à grand volume. On a ainsi pu voir la rotative Prosper Ultra 520 à têtes Ultrastream aux Hunkeler Innovationdays début 2023. Sans oublier la presse Trillium de Xeikon, qui entendait démontrer en 2016 que le toner liquide pouvait constituer une superbe alternative face au toner sec et au jet d'encre. Un an plus tard, ce rêve en polychromie s'évanouissait, l'entreprise cherchant de nouveau son salut dans le jet d'encre pour des applications spécifiques - les étiquettes, mais aussi le carton ondulé. Xeikon, qui a subi une réorganisation au cours de la période écoulée, se présentera avec un nouvel élan à la Drupa. Et que penser d'Heidelberg? Le constructeur de presses avait semblé vouloir faire le grand saut lors de la Drupa 2016, avec une presse jet d'encre numérique de format B1 destinée au marché de l'emballage. Ce fut une erreur, concède aujourd'hui le CEO Ludwin Monz: le prix par feuille était beaucoup trop élevé. Tant et si bien que la Primefire a été rayée de la gamme, Heidelberg opérant un recentrage sur l'offset pour la Drupa 2024. Avec en point d'orgue absolu la première mondiale de l'édition "peak performance" de la Speedmaster XL 106, surtout destinée aux imprimeurs d'emballages et pouvant produire pas moins de 21 000 feuilles par heure. La Drupa 2016 avait aussi été le salon où Landa était censée concrétiser ses promesses nanographiques de 2012. Le lancement sur le marché de ses presses jet d'encre révolutionnaires avait été reporté à plusieurs reprises: de 2013 à 2014, puis 2016, mais l'année 2017 devait être la bonne. Que reste-t-il en 2024 des centaines de déclarations d'intention signées et de l'engagement, par exemple, que Cimpress allait installer 20 presses Landa? De l'aveu même de Landa, 55 machines ont été vendues à ce jour, dont la moitié l'année dernière. Les clients en semblent en général satisfaits: un sur cinq décide d'en acquérir une deuxième, voire une troisième, dit le constructeur. La Drupa 2024 salue l'arrivée d'une nouvelle génération de presses nano: les presses S11 (recto) et S11P (recto verso) de format B1 peuvent atteindre une cadence de 11 200 feuilles par heure (avec le module en option). Ce qui est sensiblement plus que les 6 500 feuilles par heure des versions actuelles, mais pas encore au niveau des 13 000 promises - une simple question de temps, assure Benny Landa: "Nous y arriverons." Landa n'est pas la seule à perfectionner ses capacités jet d'encre ; la quasi-totalité des ténors du marché s'y emploie également. Canon, par exemple, a pratiquement réservé la moitié du Hall 8A pour étaler toute sa flotte de presses numériques. Et parmi elles, un certain nombre de nouveautés intéressantes: la presse jet d'encre feuille VarioPrint iX1700 de format B3 fait ses débuts européens, tout comme l'imprimante jet d'encre à étiquettes LabelStream LS2000. Les deux machines seront disponibles en 2025. Ricoh a choisi la Drupa pour le lancement officiel de sa presse feuille à jet d'encre de format B2: la Z75. Cette machine a entre-temps été mise en service dans trois entreprises et le fabricant nourrit de grandes ambitions pour le marché du B2. Un potentiel qui n'a d'ailleurs pas échappé à d'autres constructeurs: Canon promet de dévoiler "de plus amples informations" sur ses projets dans ce domaine à la Drupa. Konica Minolta expose trente machines en pleine action à la Drupa et promet 20 premières européennes. Parmi celles-ci figure l'AccurioJet 60000, presse à jet d'encre de format B2 pouvant imprimer jusqu'à 6 000 feuilles par heure. Contrairement à la KM-1 jet d'encre de format B2, celle-ci n'a pas été codéveloppée avec Komori. Komori qui annonce à son tour sa propre presse jet d'encre B2: la J-throne 29, qui atteint, elle aussi, les 6 000 feuilles par heure. Fujifilm, qui est aussi est active dans le format B2 (et annonce avoir vendu plus de 300 exemplaires de la presse feuille numérique Jet Press 750S), surprend à la Drupa avec des démonstrations de "la première presse feuille B2 polychrome à toner sec au monde": la Revoria Press GC1250. HP poursuit sur la lancée de ses succès passés dans le format B2, et vient à la Drupa avec des machines nouvelles et améliorées: les HP Indigo 120K et HP Indigo 18K. Face à cette avalanche de nouveaux systèmes d'impression numérique faisant leurs débuts à la Drupa, quelle place reste-t-il dans les stands pour les presses conventionnelles? Les constructeurs ne sont naturellement pas restés les bras croisés pendant les huit dernières années. Nous avons déjà évoqué plus haut la nouvelle édition "peak performance" de la Speedmaster XL 106, présentée en deux versions à la Drupa. Komori aussi met à l'honneur les évolutions de sa technologie offset. Lors de sa Journée Portes ouvertes du 17 avril à Utrecht (Pays-Bas), il est apparu clairement qu'une grande attention sera accordée à rendre la production des emballages la plus efficace possible. Le constructeur a ainsi dévoilé à Utrecht la nouvelle Lithrone GX740+CC Advance, une machine de 25 m de long pouvant débiter 18 000 feuilles par heure. Chez Koenig & Bauer aussi, on est convaincu que le segment de l'emballage constitue le principal marché de croissance. Ce constructeur a de quoi répondre à tous les besoins de ce marché: des presses offset jusqu'au format 1 205 x 1 640 mm, des presses flexo de 800 à 1 800 mm de laize et aussi un large éventail d'équipements de façonnage et de finition. Et Koenig & Bauer y ajoute un nouveau développement pour la Drupa: la VariJet 106. Cette machine intègre la technologie jet d'encre de Durst dans la plate-forme modulaire de la presse offset Rapida 106 de Koenig & Bauer. Cette machine hybride offset/jet d'encre au format B1, qui embarque sept couleurs de jet d'encre et peut être complétée de groupes offset, est spécialement destinée au marché du carton pliant. La VariJet 106 avait été annoncée pendant la Drupa 2016 (d'ailleurs encore à l'époque en partenariat avec Xerox) et deux entreprises s'en sont équipées depuis ; plus une troisième en avril, ce qui rendra la presse officiellement prête pour le marché. Andreas Plesske, CEO de Koenig & Bauer, se dit convaincu que l'impression numérique a de l'avenir, aussi pour les grands volumes à terme. Non sans lancer une pique à son concurrent allemand, il déclare: "Chez nous en tout cas, il n'y a aucun doute là-dessus."