Commençons par le début. Qui est Xeikon?
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Commençons par le début. Qui est Xeikon? Filip Weymans: "Nous sommes une entreprise belge, qui a mis au point la première presse numérique couleur au monde. Lucien De Schamphelaere, le dirigeant de l'époque, avait longtemps travaillé au département R&D d'Agfa et était un authentique visionnaire. La machine qu'il a commercialisée en 1993 a véritablement révolutionné le monde de l'imprimerie. Il était tout à coup possible de rentabiliser des courts tirages de vraiment bonne qualité. Nous sommes depuis devenus un acteur mondial employant 500 salariés et disposant de deux usines en Belgique. En tant que "pilier digital" du groupe Flint, nous proposons une offre globale: une gamme complète de presses numériques, les toners et encres afférents, les logiciels pour piloter les machines et les services de maintenance, de réparation et de formation. Ce dernier point est très important, car notre coeur de métier exige une transformation numérique chez nos clients. Un pas à franchir qui impose de très nombreux changements, non seulement du point de vue des machines et de l'informatique, mais aussi sur le plan des compétences et de l'expertise au sein de l'entreprise." Cette transformation numérique suscite-t-elle de l'intérêt? "La digitalisation est la tendance numéro un sur le marché de l'impression des étiquettes et des emballages. Ce qui n'a rien d'étonnant, car elle est le seul moyen pour les imprimeries d'affronter les défis actuels. Et ils ne manquent pas. D'abord, il est devenu extrêmement difficile d'encore trouver du personnel qualifié. Ensuite, la nécessité d'économiser radicalement tant les matériaux que l'énergie rend la recherche de gains d'efficacité indispensable. À cela s'ajoute encore une demande croissante de fabrications personnalisées assorties de délais toujours plus courts. Et enfin, la forte variation des quantités demandées ainsi que les disparités et les changements rapides de législation imposent une grande flexibilité." En quoi la digitalisation répond-elle précisément à ces défis? "Déjà, la digitalisation diminue le risque d'erreurs humaines dans des processus qui doivent pouvoir être plus efficaces et plus rapides. Elle permet d'automatiser toute une série de tâches, laissant la possibilité au personnel d'affecter plus utilement ses compétences. Continuer de fonctionner de manière exclusivement conventionnelle va de toute façon devenir intenable à court terme pour les imprimeries. D'abord, à cause de la complexité croissante de la législation ; ensuite, en raison du manque de main-d'oeuvre compétente. Sans oublier l'émergence d'une nouvelle concurrence, liée au fait que de plus en plus de fabricants de marques investissent eux-mêmes dans une presse numérique. Ces entreprises sont en effet actives dans des secteurs où les étiquettes doivent se conformer à des réglementations différentes selon les pays, avec des tailles de lots pouvant varier fortement. Comme elles ne souhaitent plus constituer des stocks importants d'emballages ou d'étiquettes, elles attendent une flexibilité énorme de la part de leurs imprimeurs. Si ceux-ci ne veulent ou ne peuvent pas se plier à cette exigence, leur plan B est logiquement d'investir dans une presse numérique. L'industrie pharmaceutique en offre un bel exemple. Certains médicaments sont vendus moins cher dans le sud de l'Europe. Ce qui donne fréquemment lieu à des réimportations de produits exportés destinées à augmenter la marge bénéficiaire. Ceux-ci doivent évidemment être réemballés conformément à la réglementation du pays importateur. L'option la plus rentable - qui permet de s'adapter rapidement et en souplesse à une offre très variable - consiste alors à imprimer soi-même emballages et étiquettes. Cette forte diversification de l'offre concerne également le secteur chimique, où la fragmentation des volumes d'impression est désormais telle qu'il est devenu impossible de servir les clients de manière rentable." Rien ne fait donc obstacle à ce que les entreprises impriment elles-mêmes? "La conduite d'une presse numérique est un processus simple qui ne demande pas de préparation et est très comparable à l'utilisation d'une imprimante ordinaire: si le logiciel est au point, il suffit de sélectionner les bons paramètres et d'appuyer sur le bouton "démarrer". Avec en plus la possibilité d'employer un assortiment diversifié de "supports": carton ondulé, étiquettes autoadhésives, emballages souples à base de papier, etc. Ces derniers sont d'ailleurs promis à un bel essor, car ils sont en général considérés comme plus durables que le plastique. Et non sans raison, car le taux de recyclage du papier en Europe varie entre 70 et 80%, contre à peine 14% pour le plastique. Certains fabricants de boissons planchent ainsi actuellement sur le développement de bouteilles "en papier". L'impression numérique va en outre permettre de personnaliser celles-ci et de les fabriquer en petites quantités. L'avenir de ce type d'imprimé s'annonce particulièrement prometteur." L'imprimerie traditionnelle va-t-elle disparaître? "Pas dans l'immédiat, je pense. Les imprimeries conservent une compétence au plan des supports, des techniques d'impression, des procédés d'ennoblissement, etc. Cette expertise leur permet d'encore offrir une valeur ajoutée. Il leur faut malgré tout trouver des solutions pour répondre aux demandes du marché, comme la flexibilité en termes de volumes et de délais de livraison, etc. Elles ont aujourd'hui la possibilité d'investir dans les deux technologies - conventionnelle et numérique - se dotant ainsi des meilleurs outils pour proposer les solutions les plus rentables et les plus durables. La part de l'impression numérique va probablement augmenter, surtout si la tendance à la diversification des produits se poursuit. Elle est considérée depuis quelques années comme la manière numéro un de fidéliser la clientèle - surtout dans le monde du B2C." Et quid de la personnalisation des emballages? Filip Weymans: "La personnalisation - et donc l'impression numérique - sont très présentes dans le narratif du Web-to-Print, mais la mise en oeuvre pratique de tels concepts pose problème dans les chaînes de vente et de distribution traditionnelles. Nous restons malgré tout convaincus que la personnalisation finira par percer, mais plutôt pour des produits exclusifs et de valeur. Pour les applications où l'authentification est importante, l'étiquetage intelligent me semble promis à un bel avenir. Idem pour les imprimantes qui seront capables de les imprimer, mais ce n'est pas pour tout de suite." Vous n'avez pas encore parlé développement durable. "Cette donnée est naturellement importante dans le domaine de l'impression numérique également. J'ai déjà évoqué la question du durcissement de la législation. Ainsi les imprimeries - ou les entreprises qui impriment elles-mêmes leurs étiquettes ou leurs emballages - devront pouvoir garantir à leurs clients que les encres et toners employés satisfont aux réglementations en vigueur. Il faut s'attendre à ce que les acheteurs exigent bientôt un aperçu complet de l'empreinte écologique du procédé d'impression. C'est pourquoi nous avons récemment mis au point une 'sustainability scorecard', sorte de tableau de bord rendant compte du degré de durabilité de toutes les technologies de presse numérique, et donc aussi bien nos propres machines et encres ou toners que celles de la concurrence. Ce document renseigne clairement la consommation d'énergie et d'encre, la gâche produite, la classe écologique des encres, les émissions de CO2 et la conformité réglementaire." Xeikon travaille-t-elle sur d'autres manières d'améliorer la durabilité de son offre? "Nous avons mis au point un nouveau toner sec sûr du point de vue alimentaire et offrant en même temps une grande résistance chimique, mécanique et thermique. Nous répondons ainsi à la demande d'impressions durables en petits tirages, et ce également sur des emballages souples à base de papier pour les aliments. Notre toner permet d'obtenir un beau résultat sans vernissage, laquage ou pelliculage, des procédés qui font que les emballages ne sont pas recyclables. Par ailleurs, d'autres toners intègrent plus de 60% de contenu recyclé de haute qualité. Nous avons ainsi lancé récemment la Cheetah 3.0, qui utilise ce toner "Eco" et réduit les émissions de CO2 de 10%. Cette nouvelle presse numérique embarque en outre un nouveau module de contrôle-qualité qui diminue la gâche d'un facteur cinq. Sur nos machines jet d'encre, nous souhaitons désormais sécher les impressions avec des LED plutôt que des lampes à vapeur de mercure, ce qui doit faire baisser la consommation d'énergie de 20% et aussi éviter ce type de déchets. Enfin, nous avons mis sur pied le programme "remanufactured ecological Xeikon", qui offre une nouvelle vie aux anciennes machines rénovées."