Les effets d'entraînement de la pandémie de Covid-19 laissaient encore leur marque lorsqu'une autre crise - la guerre en Ukraine - a éclaté et a fait obstacle à une reprise du marché. C'est ce qu'a déclaré la CEPI lors de la présentation des statistiques de l'industrie pour 2022. Les prix record de l'énergie et des matières premières ont mis une forte pression sur les papeteries. L'économie était également en difficulté, surtout depuis l'automne, et la demande dans de nombreux domaines a donc diminué. La consommation de papier et carton en Europe a ainsi baissé de 3,5% en 2022 (72,5 millions de tonnes), avec une baisse plus prononcée que prévu à la fin de l'année. "Nous continuons à avoir des conditions extraordinaires. La nouvelle normalité n'est pas encore là", a fait remarquer Jori Ringman, directeur général de la CEPI. Pour lui, cette nouvelle normalité surviendra à travers la transition écologique de l'économie européenne. "Le Pacte vert européen entraîne un changement structurel", dit Jori Ringman. La réduction des émissions de gaz à effet de serre reste d'ailleurs un enjeu majeur pour la filière du papier.
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Les effets d'entraînement de la pandémie de Covid-19 laissaient encore leur marque lorsqu'une autre crise - la guerre en Ukraine - a éclaté et a fait obstacle à une reprise du marché. C'est ce qu'a déclaré la CEPI lors de la présentation des statistiques de l'industrie pour 2022. Les prix record de l'énergie et des matières premières ont mis une forte pression sur les papeteries. L'économie était également en difficulté, surtout depuis l'automne, et la demande dans de nombreux domaines a donc diminué. La consommation de papier et carton en Europe a ainsi baissé de 3,5% en 2022 (72,5 millions de tonnes), avec une baisse plus prononcée que prévu à la fin de l'année. "Nous continuons à avoir des conditions extraordinaires. La nouvelle normalité n'est pas encore là", a fait remarquer Jori Ringman, directeur général de la CEPI. Pour lui, cette nouvelle normalité surviendra à travers la transition écologique de l'économie européenne. "Le Pacte vert européen entraîne un changement structurel", dit Jori Ringman. La réduction des émissions de gaz à effet de serre reste d'ailleurs un enjeu majeur pour la filière du papier. En ce qui concerne la production de papier et de carton en 2022, le rapport final de la CEPI montre une baisse de 6,1% par rapport à 2021. Cette baisse de la production est plus prononcée que celle enregistrée au cours de la crise de la Covid-19 (-4,7% en 2020). Les prix records de l'énergie ont notamment conduit à des arrêts temporaires de machines au second trimestre. La plus forte baisse concerne le papier mécanique non couché, avec une production en baisse de 19,5% à 3,57 millions de tonnes et une consommation en baisse de 17,4% à 2,65 millions de tonnes. Et la baisse de la production se poursuit en 2023. Sur les quatre premiers mois de l'année, la CEPI a enregistré un recul de 16,8% par rapport à la même période en 2022. Outre la dégradation de la conjoncture, un fort phénomène de déstockage est aussi en cause. Les papiers graphiques et les couchés sans bois sont les plus impactés. Pour 2022, la CEPI a également pointé une baisse "exceptionnelle" de 4,6% de la production de papier et carton d'emballage. Le groupe Mayr-Melnhof (MM) a d'ailleurs fait part en juin dernier d'une baisse de volume historiquement inhabituelle sur le marché européen au cours du premier semestre 2023, à cause des niveaux de stocks élevés des clients. Le spécialiste de l'emballage basé à Vienne s'attend d'ailleurs à un résultat opérationnel de l'ordre de 90 à 110 millions d'euros, contre 285 millions d'euros au premier semestre 2022. Néanmoins, "les papiers et cartons d'emballage, en tant que substituts durables aux alternatives fossiles, restent l'un des principaux moteurs de croissance du secteur", indique la CEPI. "Les tendances pluriannuelles des fabricants de pâtes et papiers demeurent positives", ajoute l'organisation européenne. Le papier destiné au recyclage a également diminué de 4,6% en 2022. Outre la baisse de la production d'emballages, la CEPI explique cette évolution par les prix records de l'électricité, du gaz et du CO2 qui ont touché de manière disproportionnée les usines de recyclage de papier. La balance commerciale du secteur reste positive, mais est en déclin. "Une baisse tant à l'intérieur qu'à l'extérieur des marchés européens reflète la forte contraction de la production et peut indiquer un affaiblissement de la compétitivité du secteur au niveau mondial", estime la CEPI. Et ce "dans une période d'incertitude réglementaire pour l'industrie européenne dans son ensemble, et les producteurs d'emballages en papier et en carton en particulier." En raison de la forte baisse du marché des papiers graphiques, la consolidation se poursuit dans l'industrie papetière. Soit les papetiers convertissent les machines à papier en machine à carton, ce qui pourrait aussi entraîner une surcapacité dans l'emballage, soit ils cèdent leurs usines pour se désinvestir du papier graphique, à l'instar de Stora Enso. Soit les machines à papetier sont tout simplement arrêtées. Cet été, plusieurs annonces ont été faites en ce sens, notamment de Lecta en juin. Le papier a l'intention de céder l'activité de la ligne 4 de son usine de Condat en France, qui produit du papier couché deux faces. Lecta prévoit de concentrer le savoir-faire et les ressources de l'usine de Condat sur la ligne 8 dédiée à la production de papiers spéciaux, glassine et papier couché une face. Pour s'adapter à la demande, UPM a également fermé deux machines à papier en Allemagne et en Autriche. Il s'agit d'une machine à papier couché sur le site UPM Schongau (Allemagne) et d'une machine à papier journal de l'usine de Steyremühl (Autriche). Ce qui réduit la capacité de production de papier graphique de 485.000 tonnes en Europe. UPM a d'ailleurs revendu l'usine autrichienne au groupe Heinzel, dont l'opération devrait être finalisée début 2024. Sappi a de son côté annoncé une éventuelle fermeture de son usine de Stockstadt en Allemagne, après l'échec d'une vente prévue du site plus tôt cette année au groupe Aurelius. L'usine de Stockstadt produit 145 000 tpa de pâte et 220 000 tpa de papier sans bois couché et non couché. Dans un communiqué publié en juillet dernier, Sappi a déclaré qu'après avoir exploré toutes les options pour l'usine, y compris des discussions avec d'autres acheteurs potentiels, il est devenu évident que "la vente de l'usine en tant qu'entreprise en activité n'était pas possible". Des consultations ont donc été engagées sur l'avenir de l'usine avec les parties prenantes, qui comprendront la fermeture potentielle de l'usine et la vente du site. Sappi assure que les clients seront servis à partir d'autres usines européennes du groupe. De son côté, Mondi est en passe d'acquérir l'usine de pâte kraft non blanchie Hinton Pulp de West Fraser, dans la province canadienne d'Alberta. Mondi a l'intention d'y installer une nouvelle machine à papier kraft de 200 000 tpa, qui serait opérationnelle en 2027. L'acquisition devrait être finalisée vers la fin de 2023. Les producteurs de pâte à papier et de papier en Europe ont déjà investi des milliards d'euros au cours des dernières décennies pour décarboner l'industrie. L'année dernière, les investissements européens dans l'industrie papetière ont augmenté de 11,1% pour atteindre 5 milliards d'euros (+71,6% par rapport à 2010). Et les efforts se poursuivent encore aujourd'hui. Les émissions directes de dioxyde de carbone ont d'ailleurs diminué de 28,6% depuis 2010. Mais, pour la CEPI, il y a encore du pain sur la planche: "Des investissements verts encore plus importants seront nécessaires dans les années à venir pour répondre aux ambitions climatiques de l'UE". Le directeur général Jori Ringman commente: "Les conditions économiques actuelles signifient que le coût des projets dans lesquels les entreprises de pâtes et papiers sont déjà engagées a augmenté, tandis que la prévisibilité réglementaire a diminué. Notre ambition en tant qu'industrie ne tarit pas, et nous continuerons à proposer des solutions abordables et évolutives pour la transition de l'UE vers une bioéconomie circulaire". On voit ainsi de plus en plus d'usines convertir leurs installations aux énergies renouvelables. Parmi les initiatives environnementales annoncées ces derniers mois au sein de la filière papier en Europe, notons celles de Lecta et de Sappi Gratkorn. Lecta investit actuellement dans une chaudière biomasse (CSR) afin de réduire considérablement les coûts énergétiques ainsi que l'empreinte carbone de l'usine grâce à une réduction des émissions de CO2. En France, Exacompta Clairefontaine investit 30 millions d'euros dans son usine vosgienne afin d'abandonner le gaz au profit de la biomasse. La chaudière biomasse CSR sera opérationnelle d'ici mi-204. Suite à une récente modernisation de sa chaudière, Sappi Gratkorn (Autriche) augmente la part de la biomasse comme source d'énergie en combinaison au gaz naturel. À court terme, la feuille de route de décarbonation de Sappi, qui possède dix usines en Europe, comprend près de 80 projets en cours dans ses usines européennes d'ici 2025. L'objectif est de réduire les émissions de gaz à effet de serre spécifiques (scopes 1 et 2) de 25% et d'augmenter la part des énergies renouvelables en Europe à 50% d'ici 2025 par rapport à 2019. Basé en Afrique du Sud, Sappi est un fournisseur mondial de produits en fibre de bois, dans les domaines de la pâte à dissoudre, des papiers d'impression, des papiers d'emballage et spéciaux, des papiers de moulage et de démoulage, des biomatériaux et de la bioénergie.