Des tirages plus courts pris en charge par l'impression numérique ou par des machines toujours plus vite prêtes à rouler, des matériaux plus respectueux de l'environnement, à base de papier mais aussi de plastiques monomatériaux, et des produits d'avantage embellis par des procédés d'ennoblissement de plus en plus automatisés. Telles sont les grandes tendances selon les constructeurs de presses. Nous avons approfondi le sujet avec eux.
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Des tirages plus courts pris en charge par l'impression numérique ou par des machines toujours plus vite prêtes à rouler, des matériaux plus respectueux de l'environnement, à base de papier mais aussi de plastiques monomatériaux, et des produits d'avantage embellis par des procédés d'ennoblissement de plus en plus automatisés. Telles sont les grandes tendances selon les constructeurs de presses. Nous avons approfondi le sujet avec eux. Comment décririez-vous la situation économique des imprimeurs d'emballages et d'étiquettes? Filip Weymans (Corporate Communications Manager Digital Solutions, Xeikon): "L'industrie de l'emballage va bien en général. Les tendances sur le marché de la consommation induisent bien quelques changements. Le souci du durable fait qu'on utilise moins d'emballages souples au profit du carton ou de contenants rigides (verre, métal, etc.). La plupart des emballages souples ne sont pas imprimés, mais les imprimeurs d'emballages souples enregistrent néanmoins une baisse, selon le type. Par exemple, la demande de poches souples (pouches) est en hausse." Carl Vandermeersch (Sales Manager, Manroland Benelux): "Contrairement au marché de l'impression commerciale, ce secteur a connu un bon climat d'investissement. Les ventes de consommables y sont restées stables, ce qui constitue un bon indicateur de l'occupation des presses." Steve Debloem (Senior Sales Manager, Heidelberg Benelux): "Les imprimeurs d'emballages et d'étiquettes se portent bien en général. Il reste de la croissance organique sur ce marché, de sorte que l'avenir de ces entreprises se présente bien." Peter Minis (Marketing Manager, Komori Europe): "Sur le plan économique, le marché de l'emballage et de l'étiquette a peu souffert du contre-coup de la pandémie. Les FMCG (produits de grande consommation) ont fortement régressé en volume. On pense aux produits To-Go des chaînes établies dans les gares, les aéroports et autres espaces publics." Quelle a été l'influence de la crise du coronavirus? Weymans: "Il y a eu une croissance du volume d'étiquettes, notamment en numérique, parce que les étiquettes permettent d'embrayer plus facilement en cas de changement de type d'emballage. Par exemple du fait qu'il a fallu remplacer les grands cartons ou gros emballages souples, livrés à l'horeca, par des conditionnements plus petits, distribués dans le retail. Sur le marché de l'étiquette, on a aussi observé une augmentation du nombre de références de stock (SKU), du fait que les brasseries se sont mises à fabriquer des désinfectants pour avoir un produit de remplacement et/ou combler des pénuries temporaires. Même Flint Group l'a fait au Royaume-Uni. Le nombre d'emballages et d'étiquettes a aussi augmenté dans le secteur médical. À noter que beaucoup d'imprimeries graphiques se lancent aussi dans les étiquettes. Nombre d'entre elles ont vu leurs volumes d'impression sensiblement diminuer, et d'autre part, elles ont déjà un certain nombre de commandes d'étiquettes qu'elles sous-traitent. Elles ont à présent franchi le pas pour les produire en interne." Vandermeersch: "La plupart des imprimeurs d'emballages et d'étiquettes ont bien performé sur l'année. Certains secteurs, comme celui des emballages de luxe pour boissons et des articles destinés à l'horeca et à l'événementiel, ont fortement régressé. Les imprimeurs d'emballages pharma et de notices de médicaments s'en sont en général très bien tirés." Debloem: "Le fait que les gens consomment beaucoup plus à domicile (y compris les commandes sur Internet) s'est traduit par une croissance légèrement supérieure aux prévisions, pour les emballages comme pour les étiquettes. Beaucoup d'imprimeries commerciales ont dû s'arrêter brutalement à cause de la pandémie et certaines se sont reconverties dans l'impression d'étiquettes ou d'emballages." Minis: "Les consommateurs passant plus de temps à la maison, leurs dépenses pour la culture, le tourisme et l'horeca ont baissé, ce qui a libéré des moyens ou des budgets supplémentaires à consacrer à des produits de luxe." Quelles tendances observez-vous dans le domaine de l'impression des emballages et/ou des étiquettes? Weymans: "Différents fonds d'investissement ont jeté leur dévolu sur les imprimeurs d'étiquettes, ce qui a accéléré la consolidation. Par exemple, Optimum et Asteria en Belgique/Pays-Bas. Cette consolidation libère de l'espace pour lancer de nouvelles imprimeries d'étiquettes mais uniquement équipées en numérique. Pour ce qui est de la consommation de matériaux, la croissance de supports clear-on-clear reste forte par rapport aux autres substrats, par exemple pour les bières premium. L'impression d'informations variables a toutefois encore progressé en nombre de mètres carrés du fait de la croissance du marché de l'e-commerce. Celui-ci pèse désormais autant que celui des emballages primaires." Vandermeersch: "La pression toujours plus forte sur les emballages moins respectueux de l'environnement pousse de plus en plus les fabricants alimentaires et les autres producteurs à chercher des alternatives durables. Cette tendance devrait se poursuive, selon nous. Les étiquettes n'y échappent pas non plus. La percée des alternatives vertes est imminente du côté des emballages de boissons et de liquides. Ce qui va indubitablement se répercuter sur la demande d'étiquettes en papier et de boîtes en carton. Les machines destinées aux imprimeurs d'emballages et d'étiquettes sont toujours plus complexes. Alors qu'une presse 6 couleurs avec vernis faisait l'affaire la plupart du temps, on voit une hausse de la demande de configurations 7 couleurs et Ultima avec plusieurs groupes vernis et applications spéciales." Debloem: "Les entreprises s'efforcent encore et toujours de produire le plus efficacement possible. Ce qui se traduit, par exemple, par une forte demande de renseignements sur Prinect Multicolor (le système qui permet de remplacer les tons directs en ajoutant des couleurs spéciales (orange/vert/violet) au procédé CMJN)." Minis: "Sur la dernière décennie, nous avons observé une tendance à la réduction de la contenance des emballages dans toute l'industrie. Ce qui fait diminuer les tirages dans certains cas, mais les fait en général augmenter, l'important étant que la contenance soit exploitée au maximum pour occuper le moins de volume possible. Ce n'est donc pas uniquement une question de coûts d'impression, mais aussi de frais d'entreposage, de production et de logistique." Existe-t-il une tendance au verdissement du processus d'impression et d'emballage? Weymans: "L'impact de la durabilité percole lentement mais sûrement dans les imprimeries. Leurs clients - retailers et marques - attendent d'elles un 'sustainability statement' concernant leur empreinte CO2, leurs émissions de COV, etc. Les exigences se durcissent également sur le plan de la sécurité alimentaire." Debloem: "La tendance à la recherche d'emballages 'plus verts' est à l'oeuvre depuis déjà un petit temps. Avec naturellement en plus, le fait que de plus en plus de restrictions (imposées par les autorités) sont mises à l'utilisation des plastiques." Minis: "En 2020 et 2021, le climat est au coeur de l'économie mondiale et le marché de l'emballage observe une tendance ascendante à la réduction de la taille des emballages et de la consommation de matériaux. Les notices explicatives disparaissent pour beaucoup de produits et la taille des emballages se réduit ; pensez aux emballages de smartphones, qui sont depuis peu fournis sans chargeur. On assiste à une réduction du plastique pour les aliments et autres marchandises. La demande ne vient pas uniquement du consommateur, mais les imprimeurs d'emballages sont eux aussi souvent partisans de solutions plus respectueuses de l'environnement, avec des alternatives en papier recyclé et en carton." Observez-vous une hausse de la demande d'emballages de produits de luxe, avec davantage d'ennoblissement? Weymans: "Outre la technologie d'impression, les entreprises investissent aussi dans l'ennoblissement numérique, sous forme de vernis sélectif et en relief et de dorure." Vandermeersch: "Les emballages et étiquettes de luxe restent un marché lucratif parce que l'accent est davantage mis sur le standing du produit que sur le prix. Une haute qualité d'impression est devenue un must absolu dans le secteur des emballages et des étiquettes. Les systèmes d'inspection, de colorimétrie et de comparaison de PDF en ligne sont désormais des constituants essentiels de la presse." Debloem: "La demande d'emballages vraiment de luxe a un peu stagné ces derniers temps, ce qui tient aussi au fait que le shopping 'plaisir' a été totalement déconseillé. Les commerces non essentiels ont même dû fermer à un moment donné. Or c'est précisément dans ce segment qu'on trouve des produits de luxe." Quel rôle jouent les petits tirages dans les productions promotionnelles? Vandermeersch: "La réduction des tirages liée à toutes sortes d'actions momentanées et ciblées a effectivement mis en exergue toute l'importance d'une automatisation poussée. Les changements de travaux et de vernis ultrarapides sont devenus un critère déterminant dans le choix des presses." Debloem: "La tendance à la réduction des tirages et à la diversification est en cours depuis des années. Mais on est encore ici dans la 'personnalisation de masse'. La campagne marketing très réussie de Coca-Cola, avec les prénoms sur les étiquettes, en est un bel exemple. Les délais laissés aux entreprises sont eux aussi toujours plus serrés parce que les clients entendent pouvoir être davantage réactifs." Minis: "Au sein des FMCG, nous voyons une demande croissante de personnalisation du marketing, les produits 'build-to-order' étant fabriqués en plus petites quantités. Dans le segment du luxe, on a des tirages toujours longs, qui doivent être réalisés à des coûts (d'impression) relativement faibles." Les courts tirages ont-ils entraîné un glissement dans les techniques d'impression? Weymans: "Le volume d'impression en numérique a poursuivi sa croissance à deux chiffres l'an dernier et nous nous attendons à ce qu'il en aille encore de même cette année. Nous observons que le niveau d'investissements reste élevé. En matière d'investissements, le rapport 35/65% se maintient entre le jet d'encre UV et le toner. Le moteur de croissance du jet d'encre UV reste centré sur les applications. Par exemple, pour éviter le vernissage et le pelliculage (économie) sur le marché des utilisateurs finaux et pour le look & feel dans les produits cosmétiques, de santé et de soins, et les bières premium. Par ailleurs, ces nouveaux systèmes remplacent d'anciennes presses flexo." Vandermeersch: "Le numérique en couvre bien entendu une large part. En particulier parce qu'il excelle dans les courts tirages et les solutions personnalisées. Les techniques d'imprimerie classiques se réservent toutefois toujours la part du lion des plus longs tirages. Le seuil minimum de tirage continue lui aussi de baisser étant donné que les temps de calage et les coûts de démarrage et de production ont énormément diminué." Debloem: "Pour ce qui est de l'impression des étiquettes, on observe certainement un décalage vers une production davantage numérique, et dans le même temps, un glissement du toner vers le jet d'encre. Cette évolution est moins sensible dans l'impression des emballages car le produit est plus complexe. Souvent un 'emballage de base' est produit en masse, après quoi une touche de personnalisation est ajoutée en numérique." Minis: "En tant que fournisseur de solutions intégrales aussi bien en offset qu'en numérique, nous pouvons constater qu'il n'y a pas de préférence directe pour une technique d'impression spécifique. Le choix entre l'une ou l'autre dépend de la demande du client et de son domaine d'activité. Un arbitrage est alors à faire entre notamment la qualité, les types de papier, la quantité, les couleurs, le délai et le taux d'occupation des machines, le tout dans le but de dégager la meilleure solution." Voyez-vous d'autres glissements dans la technique de production? Weymans: "Nous observons aussi des investissements dans les services logiciels destinés à augmenter le taux de rendement global des presses numériques existantes. Par exemple, dans le domaine de la gestion des couleurs et de l'intégration avec les systèmes ERP-/MIS. Mais nous voyons aussi des investissements dans les systèmes cloud destinés à améliorer les performances des presses à travers la digitalisation de l'imprimerie et de ses procédés." Vandermeersch: "À côté des investissements dans des systèmes d'impression plus complexes et plus rapides, nous voyons une attention croissante portée aux possibilités de finition. La ligne de coupe classique appartient presque au passé. Elle a fait place à des solutions totalement automatisées et robotisées." Minis: "Une tendance venue du marché de l'emballage est la demande accrue d'une production plus efficace sur un format feuille plus grand, avec une attention portée à un gamut étendu et aux couleurs PMS, la qualité devant rester garantie." Debloem: "Dans le segment des emballages de luxe en petits tirages, nous voyons certainement une évolution vers une finition davantage numérique (dorure, vernis en relief)." Quels rôles seront dévolus demain à l'offset, à la flexo, au toner et au jet d'encre? Vandermeersch: "Nous n'observons pas de baisse des investissements en offset qui serait imputable à l'essor d'autres techniques. Les procédés numériques ont en revanche donné naissance à de nouveaux produits et à des commandes différentes. Certaines commandes ne se prêtent d'ailleurs pas à cette méthode de production. On peut plutôt parler de techniques complémentaires, chacune avec ses avantages, mais aussi ses limites. La nature de l'investissement est plutôt déterminée par la structure du tirage et le domaine d'application. Ce qui n'empêche pas les techniques numériques d'être vouées à jouer un rôle de plus en plus éminent sur le marché au fur et à mesure qu'elles évolueront." Debloem: "Toutes ces techniques resteront utilisées à moyen terme. Quant à savoir laquelle sera privilégiée pour quelle application, cela continuera de dépendre du type de produit, du chiffre de tirage et des besoins de finition." Quelles tendances voyez-vous pour l'avenir proche? Weymans: "Le nombre d'impressions par commande continuera de baisser et les commandes seront aussi plus nombreuses. Le coronavirus a encore renforcé cette évolution parce que le retail et les marques souhaitent davantage de flexibilité dans leurs processus. Elles veulent éviter d'avoir trop de stocks et entendent avoir la possibilité de changer leurs designs tout au long de l'année, soit comme cela leur chante soit par obligation légale, comme dans le cas du Nutri-Score sur les emballages alimentaires." Vandermeersch: "Il y a une tendance générale au regroupement. Les imprimeurs d'emballages ou d'étiquettes de différents segments unissent leurs forces ou fusionnent de manière à devenir des fournisseurs intégraux. Ils peuvent ainsi proposer un éventail de produits élargi à leurs clients. Je suis persuadé que l'utilisation d'emballages ou étiquettes plus écoresponsables va s'imposer de plus en plus. Les entreprises y trouvent un moyen facile de renforcer leur image. Le rush vers les alternatives plus respectueuses de l'environnement est en cours. Si des ténors comme Coca-Cola s'engagent dans cette direction, c'est que le mouvement est lancé. Les autres grands acteurs vont immanquablement vouloir ou devoir suivre." Debloem: "Je pense que nous allons assister à un boom des emballages de luxe à court terme. Beaucoup de gens sont restés tout un temps confinés chez eux et, dès que ce sera possible, ils auront besoin de relâcher la pression en se laissant aller à des achats de luxe. Le fait est que le boom des achats en ligne conduit à une forte hausse de la demande d'emballages, et par extension, d'étiquettes. Sur les articles vendus en magasin, vous avez généralement un emballage primaire et un secondaire. Pour les achats en ligne, un emballage tertiaire vient souvent s'y ajouter. Les emballages primaires et éventuellement secondaires restent identiques à ce que nous connaissons, tandis que les tertiaires (la première chose qu'on voit en réceptionnant la commande) sont personnalisés au maximum. Enfin, l'aspect sécurité de l'emballage d'articles de valeur va prendre de plus en plus d'importance, de même que l'intégration de radio-étiquettes RFID ou d'électronique imprimée, afin qu'ils soient traçables partout en permanence."