Après les péripéties de l'année écoulée, 2023 promet certainement de nombreuses surprises, tantôt agréables, tantôt moins. Et votre serviteur parle d'expérience. Je pensais comme beaucoup que la pandémie de coronavirus était derrière nous. Jusqu'à ce que des nouvelles alarmantes nous parviennent, une fois de plus, de Chine - et aux alentours de la nouvelle année tout comme il y a trois ans. Et le 1er janvier, ma "grippette" tenace s'est révélée plus sérieuse que prévu, ce dont a attesté la deuxième barre clairement affichée sur l'autotest. C'est donc en quarantaine stricte que je rédige cet article.
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Après les péripéties de l'année écoulée, 2023 promet certainement de nombreuses surprises, tantôt agréables, tantôt moins. Et votre serviteur parle d'expérience. Je pensais comme beaucoup que la pandémie de coronavirus était derrière nous. Jusqu'à ce que des nouvelles alarmantes nous parviennent, une fois de plus, de Chine - et aux alentours de la nouvelle année tout comme il y a trois ans. Et le 1er janvier, ma "grippette" tenace s'est révélée plus sérieuse que prévu, ce dont a attesté la deuxième barre clairement affichée sur l'autotest. C'est donc en quarantaine stricte que je rédige cet article. Juste avant la Noël, la Banque Nationale avait conclu l'année sur une note positive: "La confiance des chefs d'entreprise se redresse". Après les replis successifs enregistrés depuis mai dernier, le baromètre de conjoncture s'était légèrement rétabli durant le dernier mois de 2022. La nette embellie, surtout dans le commerce, était attribuée à "l'affermissement des perspectives de demande et à des attentes plus positives quant aux commandes auprès des fournisseurs". Ce qui constitue naturellement une bonne nouvelle pour l'industrie graphique. La BNB voit aussi des signes avant-coureurs encourageants dans l'industrie manufacturière: "Les chefs d'entreprise portent un regard plus favorable sur le niveau de leurs stocks et se montrent plus optimistes concernant le niveau actuel de leur carnet de commandes total. Les perspectives d'emploi se sont elles aussi inscrites en hausse." Pour autant, l'inflation et la menace de récession n'ont pas disparu du paysage. Pour la FEB, nous nous dirigeons cette année vers un ralentissement économique qui sera probablement plus aigu que prévu actuellement par la plupart des instituts de conjoncture. La fédération patronale craint une récession qui ne touchera le fond qu'à la mi-2023. "C'est seulement à la fin de 2023 qu'une timide reprise conjoncturelle pourrait se profiler", lit-on. La contraction annuelle moyenne de l'économie belge devrait se situer entre -0,5 et -1% en 2023, selon la Fédération des entreprises de Belgique. C'est donc le moment de prendre de bonnes résolutions. Et nous vous en proposons trois. 2022 s'est terminée comme elle avait commencé pour l'industrie papetière: sur fond de pénuries. Une enquête de la fédération allemande BVDM a montré que les coûts de l'énergie plongeaient les papeteries dans d'inextricables difficultés. Des fermetures étaient à craindre. La fédération professionnelle Die Papierindustrie craignait que plus de la moitié des usines de papier ne doivent recourir à terme à la réduction du temps de travail. L'Italien Fedrigoni avait d'ailleurs mis plusieurs sites de production à l'arrêt peu avant, la demande de papier s'étant infléchie après une période de croissance régulière. Stora Enso a de son côté annoncé ne plus considérer le papier comme un segment de croissance stratégique. Le groupe finlandais souhaite se défaire de cinq usines, même si Langerbrugge serait conservée (et potentiellement transformée). Ces évolutions sont difficilement dissociables des énormes perturbations du marché causées par la pandémie qui a pris le monde entier à la gorge. L'appel de la fédération faîtière Intergraf à suspendre les exportations de papier voici un an a montré à quel point le monde a changé. La guerre en Ukraine, qui a éclaté alors que la crise du coronavirus touchait à peine à sa fin, a de nouveau joué les trouble-fêtes, et ce pour une durée indéterminée. L'actualité n'est pas encore à un marché stable et un développement économique prévisible. On peut néanmoins considérer dans l'absolu que la capacité de production de papier graphique continuera globalement de diminuer. L'industrie graphique traditionnelle est à un tournant. Le papier se manifeste de plus en plus comme une marchandise rare, et les prestataires graphiques doivent répercuter mieux et plus souvent leur valeur ajoutée dans leur politique de prix. Le papier n'est d'ailleurs pas le seul bien en pénurie pour les imprimeurs. La disponibilité de pratiquement tout a diminué l'an dernier. On peut, par exemple, se demander pourquoi Fujifilm a fermé son usine de plaques offset à Tilbourg (Pays-Bas), et Agfa cédé sa division offset. Sans compter que l'UE se montre de plus en plus critique concernant l'importation de toutes sortes de produits de pays moins regardants que nous sur les critères environnementaux. Tous ces signes sont révélateurs d'une industrie en pleine mutation. Jusqu'ici, les entrepreneurs graphiques avaient accueilli la nouvelle situation avec pragmatisme, faisant bon usage des possibilités compensatoires offertes par le gouvernement. L'expérience accumulée en 2022 viendra bien à point cette année. Il redevient opportun de reconstituer son stock de papier à l'occasion et de prendre de bons arrangements avec ses fournisseurs. Les contrats énergétiques constituent désormais un élément important du budget et de la stratégie d'une entreprise - de même que le verdissement des installations et des équipements de production. La répartition du risque et la recherche de modèles économiques innovants constituent une étape logique pour se préparer aux rebondissements inattendus du marché. La planification à long terme est de retour dans l'imprimerie. Vous lisez en ce moment une revue professionnelle ; c'est donc que vous suivez activement l'actualité du secteur. Il est certainement judicieux de continuer à regarder vers l'extérieur, de se tenir au fait de la littérature spécialisée et de se rendre à des évènements. En ce qui me concerne, j'ose espérer que mon combat actuel contre le coronavirus touche à sa fin, car il y a tellement à voir en 2023. La prochaine Drupa est encore très loin, mais gageons que le salon allemand fera de plus en plus parler de lui dans le courant de l'année. Ce qui traditionnellement veut dire un intérêt croissant pour le jet d'encre. Ce thème sera déjà mis grandement à l'honneur dès le 27 février, dans le cadre des Hunkeler Innovation Days de Lucerne, en Suisse. L'organisateur attend quelque 6 000 visiteurs et quasi tous les grands noms figurent parmi la centaine d'exposants annoncée. De grosses machines jet d'encre et des équipements de finition lourds y sont exposés dans un hall. S'il est parfois difficile de s'y retrouver dans l'offre pléthorique de la Drupa, les Journées de l'innovation d'Hunkeler intéresseront les entrepreneurs qui envisagent un investissement ciblé dans une capacité d'impression numérique. Le jet d'encre pour gros volumes est depuis des années le grand espoir de l'industrie graphique, qui est de plus en plus demandeuse. Le porte-parole d'Hunkeler avait déjà fait savoir l'an dernier que l'entreprise peinait à répondre à la demande de matériel de façonnage numérique - en partie aussi par manque de pièces. Force est toutefois de constater qu'en dépit de toutes les grandes déclarations des constructeurs sur leurs "technologies disruptives", l'industrie graphique n'a pas encore adopté massivement le jet d'encre. Beaucoup voient encore la technique davantage comme un substitut à l'offset pour les petits tirages que comme un nouveau modèle économique. Mais si nous additionnons toutes les évolutions au-delà des déclarations d'intention, le jet d'encre devient tout de suite nettement plus intéressant. L'envolée des prix des matériaux et de l'énergie, la pénurie de papier et le besoin de conférer davantage de valeur ajoutée au produit final vont inévitablement conduire à une hausse de l'offre d'imprimés uniques et distinctifs. Si les petits tirages et les produits à l'unité génèrent peut-être moins de chiffre d'affaires par commande, ils sont potentiellement porteurs de meilleures marges. La guerre des prix sur les (très) gros tirages semble lentement s'apaiser. Une évolution encore accentuée du fait que les petites imprimeries se font racheter par de grands groupes et investisseurs, qui renforcent ainsi leur capacité à influencer les prix du marché. Celui qui espère se lancer juste en achetant une machine jet d'encre à prix d'or s'expose inévitablement à des déconvenues. La structure des coûts est différente, tout comme le flux de production, le modèle de vente (en ligne) et même la qualité. Et sur ce dernier point, par exemple, l'imprimeur doit faire un choix: soit imiter la qualité de l'offset, soit exploiter l'espace chromatique plus large du numérique. Apple, soit dit en passant, n'a pas demandé la permission préalable de ses clients pour augmenter la résolution de ses écrans. Et pendant ce temps, il existe un monde où jet d'encre, produits uniques et fabrication en petites quantités constituent plutôt la règle que l'exception. J'ai nommé le Sign & Display. Le 14 mars débuteront les trois jours de la Sign & Print Expo de Gorinchem, aux Pays-Bas. L'organisateur compte sur un stand séparé pour réveiller l'intérêt pour le produit graphique, mais, tout comme l'an dernier, c'est l'impression grand format qui tiendra le haut du pavé. L'intégration à l'expo du BOPE, l'évènement du VIGC consacré aux modèles économiques de l'imprimé en ligne, constitue certainement une précieuse valeur ajoutée. Pour la Fespa, qui se tiendra à partir du 23 mai au complexe des expositions de Munich, la position adoptée est plus claire. Le monde du grand format a su merveilleusement manoeuvrer pour traverser la crise du coronavirus et FESPA envisage l'avenir avec beaucoup de confiance. À l'automne, nous aurons Labelexpo, du 11 au 14 septembre à Brussels Expo, où l'on peut surtout s'attendre à des échos positifs et beaucoup de battage autour du numérique. L'industrie de l'étiquette et de l'emballage fait face elle aussi à une demande croissante de plus courts tirages et il sera très intéressant de voir comment elle y répond. Du dimanche 8 au mardi 10 octobre, Kortrijk Xpo accueillera une nouvelle édition du salon bisannuel SIGN2COM, seul et unique rendez-vous dédié à la signalétique et à la communication visuelle dans notre pays. Les tendances internationales y trouvent une traduction locale, à la fois dans les stands et dans le programme de séminaires. Mais il n'y a pas que le jet d'encre. Sur l'autoroute numérique, la circulation se fait à toute vitesse et sans tabou. D'où la bonne résolution suivante. Adobe a pris ses distances d'avec Pantone début 2022. Les célébrissimes bibliothèques de couleurs ne sont plus préchargées dans ses logiciels de PAO tels que Photoshop, InDesign et Illustrator. En cause, la nouvelle politique de tarification de Pantone, qui a exigé d'être rémunérée pour l'utilisation de ses catalogues dans ces programmes. Au début, on a pu penser que les graphistes allaient s'arracher les cheveux, se demandant comment livrer leurs créations aux marques utilisant des tons directs bien spécifiques. Mais il n'y a pas eu de tollé. Avec un minimum de maîtrise des logiciels de conception, ce ne sont pas les manières détournées qui manquent de définir des couleurs répondant aux attentes des clients. Dans les imprimeries aussi, ce fut "business as usual", même si le nuancier Pantone - obsolète ou non - se retrouve encore dans l'espace de production de plus d'une entreprise, ainsi que dans la mallette du commercial. Un accès plus libre au phénomène couleur ne peut pas faire de mal dans l'industrie graphique. Traduire les tons Pantone en CMJN était dans certains cas pratiquement infaisable, du fait des faibles pourcentages et des Delta E minimums que l'entreprise parvient à peine à reproduire dans son propre nuancier. Avec la baisse des tirages, il devient même intéressant pour les imprimeurs d'emballages de chercher des alternatives pour les couleurs d'appoint habituelles. Imprimer avec davantage que les quatre couleurs standard rend le processus plus efficient et cohérent tout en préservant la qualité. Mais il y a mieux. Les "standards" tels que Photoshop, InDesign et Illustrator ne sont pas non plus à l'abri. Les énormes avancées rendues possibles par l'intelligence artificielle (IA) mettent le monde du graphisme sens dessus dessous. L'application la plus évocatrice à cet égard est Dall-E 2, de la startup américaine OpenAI. Partant d'une description (ex. "un iPhone à la manière de Pieter Brueghel") le programme génère l'image souhaitée - avec le résultat étonnant illustré ci-contre. Le développement en est encore à ses balbutiements, mais les performances sont souvent bluffantes. Abstraction faite du débat (déjà animé) sur les questions de droits d'auteur, il est clair que cette évolution va influencer le travail des designers de toutes sortes de façons. Il est en principe possible de générer automatiquement des variantes, ce qui ouvre la porte à l'impression d'exemplaires uniques, par exemple. Réaliser des illustrations et des mises en page est désormais d'une simplicité enfantine. De plus en plus souvent, les PDF sont fournis par quelqu'un du marketing, du service communication ou du secrétariat. Bref, des gens assez peu au fait des subtilités des tons directs, de la transparence ou des techniques d'impression. Les programmes (en ligne) qu'ils utilisent ne sont d'ailleurs pas non plus conçus pour ça. À l'imprimeur d'adapter ses processus en conséquence pour répondre le plus efficacement possible aux attentes du client. Les sentiers battus s'y prêtent de moins en moins. J'ai entre-temps demandé à ChatGPT, le désormais très populaire chatbot à base d'IA, ce que je devais faire pour me remettre rapidement sur pied. Bien s'hydrater et beaucoup de repos, fut la réponse. Un avis que je suis au pied de la lettre, dans l'espoir d'un prompt rétablissement. Il est temps de se remettre au boulot avec 2023. (Petit conseil en prime: actualisez d'ores et déjà vos protocoles anticorona, au cas où).