"L'internet des objets (IoT), c'est maintenant", avait déjà averti Peter Kouwen (IBM) l'an dernier lors de la cinquième édition du Congrès. Il avait exhorté les participants à surtout développer une vision: "Quelles sont les implications pour mon modèle d'entreprise? Quelles sont les possibilités de travailler autrement et de manière davantage pilotée par les données?" Car seulement alors, on sera en mesure de se doter des bonnes ressources et compétences en interne, en formant le personnel, en engageant des spécialistes et en cherchant des partenariats: "Commencez petit, mais veillez à pouvoir monter rapidement d'échelle."
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"L'internet des objets (IoT), c'est maintenant", avait déjà averti Peter Kouwen (IBM) l'an dernier lors de la cinquième édition du Congrès. Il avait exhorté les participants à surtout développer une vision: "Quelles sont les implications pour mon modèle d'entreprise? Quelles sont les possibilités de travailler autrement et de manière davantage pilotée par les données?" Car seulement alors, on sera en mesure de se doter des bonnes ressources et compétences en interne, en formant le personnel, en engageant des spécialistes et en cherchant des partenariats: "Commencez petit, mais veillez à pouvoir monter rapidement d'échelle." L'urgence n'a fait que s'accentuer depuis, a témoigné Jo Caudron, auteur et entrepreneur dans le domaine des médias et technologies, dans son exposé d'ouverture de "Het Congres 2020". La pandémie de coronavirus a encore aggravé "the perfect storm", cette conjonction du pire aujourd'hui traversée par la société. Notre façon de voyager, d'habiter, de travailler s'en trouve bouleversée à un rythme accéléré. La transformation digitale de l'industrie graphique est de ce fait vraiment devenue inéluctable. Ce qui ne doit pas nécessairement être vu comme une menace: la situation, dit Caudron, crée justement les conditions d'oeuvrer à un avenir meilleur. Pendant Het Congres, Jan De Roeck, Marketing Manager chez Esko, a dit s'attendre à ce que la crise du coronavirus agisse comme un levier sur le développement 4.0 de l'industrie. La "transformation numérique" n'est certes pas un phénomène nouveau pour lui: "L'appellation '4.0' a été introduite dès 2011. Nous avons déjà accompli tout un cheminement sur ces neuf dernières années." L'automatisation est un processus permanent, a dit De Roeck, mais l'accélération qui s'annonce va rendre la situation plus urgente que jamais: "Ceux qui n'en seront pas risquent de rester à quai." Une entreprise doit aussi avoir la "maturité numérique" requise pour pouvoir affronter les défis de l'industrie: "La grande question est alors: où en suis-je en ce moment dans cette trajectoire?". Différents modèles sont appliqués, notamment par le gouvernement et le VIGC ( lire l'encadré) pour permettre aux entreprises graphiques d'identifier leur niveau de maturité numérique. Mais les fournisseurs de l'industrie se tiennent prêts eux aussi pour les aider à aller de l'avant. Pendant Het Congres, des sociétés comme Esko, Enfocus et Dataline, par exemple, ont montré de quelle manière elles aident les entrepreneurs à comprendre leur situation actuelle et quelles perspectives elles leur offrent pour progresser sur la voie de l'automatisation. Esko a mis au point un "modèle de maturité numérique" grâce auquel les entreprises peuvent déterminer en vue hélicoptère dans laquelle des cinq phases elles se trouvent actuellement - "Reactive" (réagissant surtout aux impulsions extérieures), "Organized", "Digitized", "Connected", jusqu'à "Intelligent" (les early adopters déjà rompus à la mise en oeuvre de l'automatisation et de la robotique). "Rien qu'en partant de cet instantané, il est possible par la suite de déterminer une stratégie de management visant à passer à l'étape suivante de cette évolution vers la maturité numérique." La présentation de Toon Van Rossum, Product Manager Switch chez Enfocus, souligné l'importance de commencer par identifier le statut actuel de l'entreprise avant de commencer à travailler de manière ciblée sur son automatisation. Les données sont incontournables, a dit Van Rossum. Il a expliqué comment le processus de production tout entier - de l'e-mail entrant jusqu'à la livraison de l'imprimé - est cartographié par "process mapping". Partant de là, on élabore un schéma destiné à identifier les endroits où une automatisation permettrait de dégager directement un bénéfice simple, pour ensuite parvenir à un plan d'avenir intégral. "Se tenir au fait de l'évolution en matière d'organisation, de technologie, de management, de vision et de stratégie est devenu un défi en soi - et pourtant, les dirigeants d'entreprise doivent faire des choix." Dirk Deroo, de Dataline Solutions, mise lui aussi sur une analyse approfondie des méthodes existantes pour ouvrir de nouvelles perspectives: "Chaque entreprise est différente." Il a développé à cet effet le "MAS Auditor", un outil logiciel destiné à rendre le retour sur investissement de l'automatisation directement tangible. Les entrepreneurs graphiques bénéficient d'un aperçu synthétique des économies qu'ils peuvent espérer en termes de temps, d'argent et de matériaux "Ils peuvent ainsi mieux justifier leurs choix: vis-à-vis d'eux-mêmes mais aussi face aux actionnaires et aux banques." Deroo a planché deux ans sur le logiciel, qui comporte plus de 130 000 formules de calcul. Un audit dure entre trois heures et trois jours - selon le niveau de détail souhaité. Pendant Het Congres, Deroo a fait connaître son intention de rendre le code du logiciel d'audit disponible en "open source", afin que d'autres entreprises, organismes et, par exemple, consultants puissent y avoir recours eux aussi. L'ajout d'une intelligence artificielle au système doit lui permettre de dispenser des conseils proactifs afin d'encore optimiser les processus. Pour ceux pour qui le "Print 4.0" restait malgré tout une lointaine perspective, une démonstration pratique en a été proposée, une semaine à peine après Het Congres. Pendant l' Innovation Week du constructeur de presses Heidelberg, on a pu voir l'automatisation du processus de production graphique se déployer du prépresse jusqu'à la finition, sans plus aucune intervention manuelle. Les plaques CtP ont été acheminées de la photogravure jusqu'à chacune des tours d'impression avec le système Plate-to-Unit. La presse Speedmaster XL 106 s'est réglée de manière entièrement automatique pour la commande suivante. Au niveau de la sortie, les feuilles de passe produites au démarrage ont été directement évacuées et déchiquetées. Et une fois la commande prête, la pile de feuilles a été amenée à la plieuse Stahlfolder par un système de transport robotisé. Les différents cahiers ont été reconnus d'après leur codes-barres après quoi le pliage a commencé. L'environnement de production "lights out" longtemps promis à l'industrie est tout à coup devenu beaucoup plus proche - les autres fabricants ne sont d'ailleurs pas en reste sur ce terrain. Le coronavirus agit comme un catalyseur sur la transformation numérique. La technologie est prête. Il est donc grand temps pour les entrepreneurs graphiques de prendre clairement position et de se retrousser les manches. Jan De Roeck a malgré tout mis en garde contre les décisions hâtives et précipitées: les études montrent en effet que 30% des initiatives autour de la transformation numérique sont des échecs. Et à peine 16% débouchent sur une amélioration à long terme, a encore tempéré De Roeck. Pour augmenter les chances de succès, une implémentation "top-down" est souhaitable, disent encore les études. En même temps, l'acceptation par l'utilisateur final, c'est-à-dire les gens qui doivent employer l'outil au quotidien, reste une condition sine qua non de la réussite d'une transformation numérique.