Quatre ans après la dernière édition de ce qui est normalement un salon bisannuel, la question taraudait organisateurs, exposants et visiteurs: tout était-il redevenu "comme avant" la pandémie? Labelexpo Bruxelles a certainement réussi son pari, en mobilisant de nouveau plus de 600 exposants dans neuf palais et en attirant des visiteurs du monde entier - malgré la température particulièrement tropicale qui régnait les premiers jours, tant à l'extérieur que dans les salles. Des conditions dans lesquelles certains participants un brin sarcastiques se sont plu à voir un avant-goût de ce qui attend le public de la Labelexpo de Barcelone en 2025 et au-delà, même si on ose y espérer une climatisation plus à la hauteur.
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Quatre ans après la dernière édition de ce qui est normalement un salon bisannuel, la question taraudait organisateurs, exposants et visiteurs: tout était-il redevenu "comme avant" la pandémie? Labelexpo Bruxelles a certainement réussi son pari, en mobilisant de nouveau plus de 600 exposants dans neuf palais et en attirant des visiteurs du monde entier - malgré la température particulièrement tropicale qui régnait les premiers jours, tant à l'extérieur que dans les salles. Des conditions dans lesquelles certains participants un brin sarcastiques se sont plu à voir un avant-goût de ce qui attend le public de la Labelexpo de Barcelone en 2025 et au-delà, même si on ose y espérer une climatisation plus à la hauteur. Outre le plaisir des retrouvailles, Labelexpo proposait surtout un état des lieux de l'offre actuelle et une perspective sur l'avenir de l'industrie de l'étiquette. Un secteur en contraction pour la première fois depuis bien longtemps (lire également l'édition précédente d'Emballages & Étiquettes Magazine, ndlr) et qui doit donc trouver des manières de se ressaisir. Les fabricants de machines et de matériaux ont bien compris le message et s'efforcent de répondre à ces attentes. On retiendra, par exemple, l'analyse approfondie que Dario Urbinati, CEO du constructeur de presses Gallus, a livrée des développements démographiques et macro-économiques mondiaux (avant de présenter sa nouvelle machine dans la foulée). La composition de la société change, a-t-il fait remarquer. D'ici dix ans, toute une génération va partir à la retraite, privant le marché du travail d'une masse d'expérience, de savoir-faire et de compétences. Une situation encore aggravée par la baisse de la natalité. De moins en moins de bras seront disponibles pour travailler dans le secteur, alerte Urbinati. Pour peu qu'on trouve encore des candidats intéressés, car d'autres industries sont plus attrayantes: "Google sera toujours plus sexy que l'industrie manufacturière." La grande question est donc de savoir, dit Urbinati, si le modèle économique actuel des imprimeries d'étiquettes - largement tributaire d'un personnel qualifié - est encore tenable: "Nous allons devoir nous y prendre de manière radicalement différente." L'automatisation et l'interconnectivité n'ont plus pour seul objectif la réduction des coûts: "Elles deviennent indispensables à la survie de notre industrie." La transformation numérique ne se limite plus au basculement des techniques de l'analogique vers le digital, mais englobe aussi l'ensemble des logiciels et le flux de production tout autour. "Un écosystème numérique." Gallus est prête pour cette transition. Elle a ainsi présenté à Bruxelles sa nouvelle presse à étiquettes jet d'encre Gallus One, précisant en avoir déjà installé "plusieurs exemplaires" en Europe. Une avancée importante pour ce constructeur qui fabrique des presses depuis déjà plus d'un siècle, a dit Urbinati: "Il ne reste en fait plus grand-chose à améliorer à la flexographie. L'innovation est à chercher du côté du numérique." Gallus avait déjà, en son temps, coconstruit la presse jet d'encre LabelFire avec sa maison mère Heidelberg. Mais celle-ci était destinée au segment haut de gamme de l'industrie de l'étiquette, alors que la Gallus One se veut concurrentielle sur le plan du coût global de possession (TCO). Gallus a même mis au point un calculateur de TCO pour en convaincre les imprimeries. Urbinati en attend dès lors beaucoup: "Gallus vend une centaine de presses par an. Le rapport entre presses numériques et flexographiques pourrait s'équilibrer à 50/50 l'année prochaine." S'il ne tenait qu'à HP, la transformation numérique serait encore beaucoup plus rapide. Noam Zilbershtain, qui a pris la barre d'HP Indigo en 2022, vivait sa première Labelexpo à Bruxelles. Il se dit convaincu que l'industrie de l'étiquette sera l'une des premières à passer intégralement à l'impression numérique et prédit une révolution sous le slogan: "HP first, flexo second." Selon ses propres données, HP domine le marché de l'étiquette et de l'emballage avec quelque 2 200 installations de presses numériques à toner liquide. Un chiffre encore appelé à grandir avec le lancement de la nouvelle HP Indigo V12, une presse numérique petite laize embarquant 12 couleurs et pouvant rivaliser avec la flexo avec ses 120 m/min: "Nous sommes parvenus à résoudre la problématique de la vitesse, ce qui décale aussi sensiblement le seuil de rentabilité." La HP Indigo V12 a entre-temps accompli avec succès sa phase pilote auprès de quatre imprimeries, dont Eshuis, aux Pays-Bas. Elle semble suffisamment productive, dit Zilbershtain, pour remplacer trois ou quatre presses flexo. La presse est directement disponible sur le marché, même si l'on travaille encore d'arrache-pied à son couplage avec un dérouleur en continu, qui permettrait une production vraiment ininterrompue. HP Indigo poursuit en attendant l'élargissement de la gamme, multipliant de facto les possibilités pour les imprimeurs d'étiquettes - avec la HP Indigo 200K Digital Press pour la production de sachets, par exemple. Xeikon aussi repousse les limites de l'impression à toner. Un moteur important est la demande croissante de soutenabilité. Pour sa nouvelle presse numérique à étiquettes, appelée "Lion" ou plus prosaïquement LX 3000, le constructeur a remis différentes composantes du processus d'impression une fois de plus sur le métier. Il en résulte une machine sensiblement plus rapide (42 m/min en pointe), et donc une productivité accrue, mais des gains sont également engrangés autrement. La Lion a ainsi recours au nouveau toner Eco, composé de 60% de polyester recyclé, sans fluor (PFAS) et 100% végan. Et elle bénéficie du "cruise control": un degré élevé d'automatisation et de contrôle de la qualité qui assure une production plus efficiente avec moins de gâche. Pour aider à se faire une idée plus précise, Xeikon présente elle aussi un calculateur d'empreinte carbone, qui génère un rapport de durabilité permettant de mieux comparer les machines. La forte progression de l'impression numérique dans l'industrie de l'étiquette n'est plus contestable - même chez les fournisseurs qui continuent de croire (aussi) à la flexo. On a donc pu voir des presses flexo à Labelexpo, que ce soit chez Gallus que Bobst ou Mark Andy, mais aussi auprès d'un nombre croissant d'exposants asiatiques, par exemple. Ils voient la flexographie comme la solution adéquate pour les grands volumes et recourent au jet d'encre pour les courts tirages. Et ils proposent en outre des solutions hybrides, à savoir des combinaisons de modules flexo et jet d'encre censées associer le meilleur des deux procédés. La même analogie avec les "blocs Lego" était ainsi évoquée pendant les démonstrations sur les stands de Gallus, Bobst et Mark Andy: les presses hybrides peuvent être assemblées au gré des besoins, éventuellement en intégrant le façonnage et l'ennoblissement (comme de la dorure) directement après l'impression. Et ici aussi, la règle est qu'une automatisation optimale, non seulement de la presse, mais aussi de tous les processus périphériques, rend possible un fonctionnement harmonieux de tous les composants. Pour une industrie qui accorde une telle importance au phénomène de la couleur, le calme qui régnait sur le stand très sobre de Pantone avait de quoi étonner. Tant il est vrai que l'organisation oeuvrant en coulisse des célèbres nuanciers a été fort critiquée depuis la fin de sa collaboration avec le géant du logiciel Adobe. Les utilisateurs de programmes comme InDesign, Illustrator et Photoshop n'ont en effet plus accès aux bibliothèques Pantone que moyennant paiement. À partir du moment où la disponibilité des chromathèques ne va plus de soi, Pantone doit-il encore être considéré comme le standard? Cette question est de plus en plus posée dans les médias sociaux sous l'impulsion de l'expert Eddy Hagen. Les impressions du nuancier correspondaient-elles encore effectivement aux données de référence Pantone? Était-il vraiment possible d'imprimer toutes les couleurs dans la limite des tolérances des standards ISO? Les subtiles différences de couleurs sont certes visibles sous lumière normalisée, mais qu'en est-il sous une combinaison de lumière du jour et d'éclairage artificiel dans le magasin? Ne vaut-il pas mieux fonder les couleurs sur la colorimétrie? À la fin de l'année dernière, Pantone a ajouté 224 nouvelles couleurs à la palette. Certaines très proches de couleurs existantes et avec donc un écart potentiellement difficile à reproduire pour l'imprimeur. Martin Cusack, Product Manager préposé au stand tout proche de la société soeur Esko (Pantone et Esko sont deux filiales de Danaher) a bien voulu fournir une explication. Le "divorce" entre Adobe et Pantone découle, dit-il, du fait que les bibliothèques de couleurs n'étaient plus à jour dans les logiciels. Un problème résolu par le système Pantone Connect, disponible comme module externe pour les logiciels Adobe, mais moyennant des frais mensuels. Ce qui a conduit Adobe à ne pas proposer l'application par défaut. Cusack trouve logique que les utilisateurs Adobe doivent payer séparément pour Pantone Connect. Esko aussi rémunère sa société soeur Pantone pour l'utilisation du système, explique le Product Manager. Pour autant, poursuit Cusack, Pantone n'a rien perdu de sa pertinence, car son système reste une manière de communiquer à propos de la couleur. Il n'exclut pas que de nouvelles teintes soient encore introduites à l'avenir. Pantone reste en permanence à l'écoute des besoins en la matière. L'imprimeur devrait être à même de reproduire les nuances de couleur, pour autant qu'il emploie le bon logiciel et que l'encre ne soit pas contaminée, dit Cusack. L'utilisation du système Pantone n'est pas un obstacle à une évolution telle que l'impression à gamut élargi, pense encore Cusack. Ces techniques permettent d'obtenir un espace chromatique plus vaste à partir des quatre couleurs standard ou plus. Cusack prend l'exemple du système Equinox d'Esko, qui convertit les tons directs Pantone en couleurs de quadri. D'autres solutions étaient proposées pour la conversion des couleurs vers un autre système chromatique, notamment sur le stand d'Hybrid Software. L'application PACKZ avec Advanced Color y ajoute une dimension supplémentaire: la prévision des écarts de couleur. Quand l'imprimeur imprime un ton direct en quatre, six ou sept couleurs, le logiciel peut calculer le delta-E sur la base de la colorimétrie. De quoi permettre à l'imprimeur et à son client de déterminer à l'avance si l'écart est acceptable ou non. PACKZ peut ainsi aider à opérer la transition des tons directs vers la quadrichromie. Un besoin toujours plus criant dans la mesure où les marques misent résolument sur la diversification de leurs produits, ce qui diminue mécaniquement la longueur des tirages. Le nombre d'applications présentées sur le stand d'Hybrid grandit à chacune de ses participations à un salon. Depuis l'acquisition, notamment, de Global Graphics (développeur de RIP) et de Meteor (électronique de commande des têtes d'impression), le groupe a la main sur une bonne partie de la chaîne. Il a aussi racheté l'an dernier iC3D Software, qui est venu compléter sa gamme pour la partie design. La déformation de l'image est un problème connu des concepteurs de manchons rétractables. Le designer doit tenter de prévoir ce à quoi le visuel de l'étiquette va ressembler après que celle-ci aura été chauffée pour venir épouser la forme du récipient. Les imprimeurs d'emballages préfèrent parfois décliner ce type de commandes complexes et au résultat imprévisible. Le logiciel d'iC3D calcule la déformation sur la base d'enregistrements 3D du produit final et intègre la compensation dans le design de manière à obtenir la forme juste après traitement. Il aide en outre à générer automatiquement une reproduction tridimensionnelle virtuelle de plusieurs versions du même design. Cette application est utile pour la vente en ligne, car elle permet au client de visualiser le produit à l'écran sous tous les angles. Les passionnés de workflow ont pu s'en donner à coeur joie au Palais 11. Réunis dans l'Automation Arena, Cerm, Esko, Fedrigoni Self-Adhesive, Grafotronic, Kurz et Xeikon ont assuré une démonstration conjointe d'une production d'étiquettes totalement autonome. Plusieurs opérateurs s'affairaient certes autour de la ligne, mais le propos était clair: il est possible d'automatiser largement la production des étiquettes sans y perdre beaucoup en flexibilité. Même le processus de validation dans la phase de conception était entièrement digitalisé. La manière dont Esko permet à un client équipé de lunettes 3D de déambuler librement dans un supermarché virtuel n'est peut-être pas neuve, mais elle continue certainement d'impressionner. Le client prélève une bouteille de rosé dans le rayon et peut y lire l'étiquette qui sera produite pendant la démo. Les contours du reste du magasin sont visibles à travers le verre du flacon. Difficile d'imaginer représentation plus réaliste. Après ce court spectacle en 3D et la validation du design, le logiciel de prépresse d'Esko a fait son boulot. Le coup d'envoi de la production proprement dite a été donné par la Xeikon XT500, équipée du module de métallisation en ligne de Kurz. Le système d'information de gestion de Cerm a rendu compte sur grand écran de l'état d'avancement de la production, avant, pendant et après. Ce qui est aussi possible sur le smartphone pour celui qui souhaite surveiller la production d'une étiquette à distance, sans quitter le confort de son salon. L'hypermédiatisé vocable "intelligence artificielle" n'a été employé qu'avec parcimonie à Bruxelles, et l'on s'en réjouit. Cette notion donne généralement lieu à une déclinaison inflationniste dans les salons, où il a tendance à être utilisé à toutes les sauces. Grafotronic, par exemple, a parlé d'IA juste pour évoquer l'automatisation du repérage sur ses machines. Ce qui frappe surtout dans cette démo, et d'autres antérieures, est l'apparente facilité avec laquelle toutes les composantes du processus de production sont interconnectées. L'utilisateur est pris par la main tout au long du processus. L'automatisation ne relève plus de la magie et la production sans intervention humaine devient une réalité. N'importe quelle entreprise peut s'y mettre. La prévisibilité de la production était peut-être le vrai thème inavoué de Labelexpo. Nilpeter, constructeur de presses flexo, a encore élevé le principe de l'environnement de travail virtuel au niveau supérieur. En plus de ses modèles FA-26 et FA-17 exposés en vrai sur le stand, on pouvait suivre leur jumeau virtuel projeté sur écran. Cette "ombre numérique" reproduisait exactement les opérations du modèle de démonstration à l'oeuvre juste en dessous. Le mouvement des pinces au moment du changement de rouleaux, l'impression sur le support, etc., tout était restitué de manière virtuelle. Une autre partie de l'écran affichait les performances de la presse, dont la vitesse et la consommation électrique. Les avantages sont multiples. Si un problème survient avec une commande, le processus de production peut être revisionné. Le conducteur fait naturellement de son mieux pour tour retenir et tout vérifier, mais le risque est réel que quelque chose lui échappe. Une machine à remonter virtuellement le temps peut donc être utile. Il est même possible d'exécuter préalablement une production en mode virtuel pour prévoir tout ce qui est nécessaire à une commande et anticiper les interventions si la machine a besoin d'un entretien. Nilpeter peut ainsi faire tourner une presse flexo à l'essai avant même son installation dans l'atelier. L'écran affiche la machine avec, comme décor, l'espace où elle sera installée. On concédait sur le stand que cette "Digital Shadow" (appellation officielle du système) n'est pas toujours facile à expliquer, car il n'existe pas deux environnements de production exactement identiques. Les entreprises multisites peuvent toutefois tirer avantage d'un aperçu synthétique de telles représentations virtuelles. Par exemple, en pouvant comparer la production de différentes machines à distance. Le système doit encore démontrer sa valeur dans la pratique et la nature des bénéfices d'une production prévisible n'est pas toujours aisée à anticiper dans l'ensemble. Mais des avantages, il y en a. Pas besoin de boule de cristal pour le prédire.