FM Future a publié en début d'année un rapport intitulé " The Future of Inkjet 2020". L'optimisme régnait alors parmi les acteurs du marché du jet d'encre: plus 90% se disaient très, voire extrêmement, confiants en l'avenir de cette technologie. Avant la pandémie, naturellement. Avec la drupa dans le collimateur, les fournisseurs de l'industrie graphique, et certainement les fabricants de systèmes à jet d'encre, anticipaient aussi un beau deuxième trimestre 2020. Mais il leur a fallu déchanter.
...

FM Future a publié en début d'année un rapport intitulé " The Future of Inkjet 2020". L'optimisme régnait alors parmi les acteurs du marché du jet d'encre: plus 90% se disaient très, voire extrêmement, confiants en l'avenir de cette technologie. Avant la pandémie, naturellement. Avec la drupa dans le collimateur, les fournisseurs de l'industrie graphique, et certainement les fabricants de systèmes à jet d'encre, anticipaient aussi un beau deuxième trimestre 2020. Mais il leur a fallu déchanter. Alors que la Drupa était reportée d'un an, les chiffres d'affaires dégringolèrent. Les publications T2 des entreprises cotées ne laissèrent planer aucun doute: les indicateurs étaient au rouge. La comparaison avec la même période de 2019 fut sans appel: l'impact de la pandémie sur les résultats d'un certain nombre de grands constructeurs de machines d'imprimerie et de papeterie entre le 1er avril et le 30 juin 2020 - soit le trimestre où la crise du coronavirus avait frappé le plus fort - avait été violent. Ainsi la division "Printing" d'HP, par exemple, avait accusé une baisse de chiffre d'affaires de 20%, tandis que Ricoh notait un recul de 35% pour ses entités Commercial Printing et Industrial Printing. Dans ses résultats trimestriels, Xerox faisait état d'une diminution de 58% du nombre d'installations, "surtout des machines Versant et des systèmes de production Iridesse." Les entreprises hésitaient à faire des projections prévisionnelles tant l'incertitude était grande. Les mois qui ont suivi n'ont guère inversé la tendance ; de plus en plus d'acteurs ont ainsi annulé leur participation à la Drupa à cause de la menace persistante du coronavirus. L'optimisme est-il encore de mise en ces temps de coronavirus, se sont demandé les consultants du cabinet britannique FM Future. D'où le webcast " Covid-19 and the Future of Inkjet" organisé fin avril en partenariat avec Ricoh. Le monde des entreprises est en "mode survie", ont constaté les participants, qui ont malgré tout vu s'esquisser des tendances susceptibles de déboucher sur des opportunités pour le jet d'encre. Ainsi beaucoup d'entreprises ont-elles dû reconnaître l'extrême fragilité des chaînes d'approvisionnement longues. Ce qui va les pousser à faire fabriquer ou acheter plus souvent leurs produits plus près de chez elles - et cela vaut aussi pour les imprimés traditionnels ou les articles comme les tee-shirts, par exemple. Le secteur de l'emballage aussi a saisi l'importance de pouvoir réagir mieux et autrement aux changements rapides du marché. Une des possibilités est la production à flux tendu, consistant à fabriquer les emballages ou étiquettes le plus tard possible dans le processus logistique, dans la quantité exactement nécessaire et au moment requis. Cette production sera de préférence décentralisée et située à proximité du lieu de transformation. Les participants au webcast voient la crise du coronavirus comme un possible catalyseur, qui va accélérer des changements en gestation depuis un certain temps - comme la percée de la technologie jet d'encre dans l'industrie graphique. L'un des fabricants qui souscrit à cette accélération est Landa. Benny Landa disait dans un webcast en septembre que la crise du coronavirus avait non seulement fait fortement progresser la digitalisation de la communication, mais aussi accru le besoin de techniques d'impression, notamment en matière d'emballages. "Nos imprimeurs d'emballages observent une forte hausse de la demande d'imprimés just in time. Ce qui est principalement dû, je pense, aux achats en ligne et aux ventes très florissantes des supermarchés et des centres commerciaux. Pour l'impression commerciale, nous observons effectivement un déclin. Mais tout indique que ce marché rebondira une fois que l'économie aura repris son cours normal. Après quoi nous nous attendons à voir la demande d'imprimés numériques vraiment augmenter." Les plans restent ambitieux: on planche sur une rotative Landa pour emballages souples, avec l'intention affirmée de conquérir de nombreux autres marchés à l'avenir: carton ondulé, étiquettes, métaux et textiles. 15 machines Landa ont été installées dans le monde à ce jour, et quelques exemplaires devraient encore suivre cette année. Peu a filtré sur les résultats pratiques de ces expériences, mais l'imprimerie en ligne de Simian aux Pays-Bas se dit convaincue des possibilités. Wouter Haan, directeur-fondateur de Reclameland (filiale de Simian), confirme être le premier à installer une presse nanographique Landa S10P au Benelux. Depuis lors, on lui pose régulièrement deux questions: "La presse est-elle déjà en service?" et "À quoi les imprimés ressemblent-ils?" Nouvelles Graphiques a eu la chance de se rendre fin septembre à Westerbroek, en Groningue, Province du nord des Pays-Bas, pour se forger une opinion de visu. Réponse à la première question: oui, la presse fonctionne. Mais hélas pas au moment de notre visite, même si le compteur affiché sur l'écran au-dessus de la recette indiquait obstinément "6 500 SPH" (feuilles par heure). Le blanchet-convoyeur, composante cruciale qui transfère l'image jet d'encre au papier, devait justement être remplacé. Le type-même d'intervention chronophage qui risque de peser sur le taux de disponibilité de la machine lorsque celle-ci aura à faire ses preuves dans la pratique quotidienne - un paramètre important dans les feuilles de calcul que Haan tient minutieusement à jour. Haan se fait beaucoup moins de souci pour la qualité d'impression: "La question ne se pose même plus selon moi. La qualité est bonne." Avant notre arrivée, il a fait imprimer la même charte-test ISO 126472-2 sur l'une des deux presses offset Komori Lithrone G840P H-UV, ainsi que sur une des HP Indigo et la Landa S10P. À côté de la nouvelle presse se trouvent également des palettes de petites piles de formes ATP (Acceptance Test Procedures) de Landa, imprimées sur différents grammages, avec et sans vernis. Dries Eefting, COO de Simian depuis le début de l'année (il a accumulé une longue expérience chez Cimpress et Drukwerkdeal), vante d'emblée l'homogénéité de résultats de la machine. La difficulté, pense Haan, consiste surtout à faire coïncider le gamut élargi promis par Landa avec l'espace chromatique de l'offset conventionnel, afin de pouvoir répartir les commandes sur plusieurs presses sans que le client ne remarque une différence. Présent à la Drupa de 2012, Haan a assisté à la présentation de Benny Landa. Sans toutefois se joindre à ceux qui ont signé sur place (en versant une avance). À l'époque, Reclameland, société créée en 2007, est encore établie à Roden (Drenthe) et dispose d'une capacité de production propre depuis deux ans. En 2013, les machines HP Indigo reçoivent la compagnie d'une Heidelberg Speedmaster SX 52 Anicolor, elle-même renforcée en 2014 par une Speedmaster XL 72 Anicolor. Les choses s'accélèrent en 2016 pour l'entreprise, qui rachète les boutiques en ligne Flyerzone et Drukland. Reclameland emménage aussi dans un nouveau bâtiment à Westerbroek sous la bannière de la maison mère Simian. Les presses Heidelberg sont directement remplacées dans le même mouvement par une Komori Lithrone G840P H-UV. Le hall est énorme ; il offre suffisamment de place pour accueillir toute une armada d'imprimantes à rouleau Mutoh, et à plat Océ. Un deuxième exemplaire de la même presse Komori arrive début 2018. Celle-ci est, elle aussi, dotée de toutes les options d'automatisation possibles, ce à quoi Haan attache beaucoup d'importance: la production doit en effet être toujours plus rapide et organisée de manière plus intelligente pour suivre le rythme de croissance de l'entreprise. Voici un an et demi, Wouter Haan fait le voyage jusqu'en Israël. Il se rend chez HP Indigo - avec qui il collabore depuis 2010 - pour s'informer sur les développements en cours. Et comme ce n'est pas loin, il en profite aussi pour passer chez Landa ; les gens de HP Indigo poussent l'obligeance jusqu'à le déposer devant la porte. "L'accueil chez HP Indigo avait été impeccable et réglé comme du papier à musique. Quel contraste avec Landa, où tout était très informel et empreint de passion et de dynamisme. Nous avons pu parler avec les techniciens. On ne nous a pas caché qu'il restait des problèmes, mais surtout, on nous a aussi exposé les plans ambitieux." Par acquis de conscience, Haan discute aussi avec Komori et de ses intentions autour de la presse nanographique: le constructeur japonais fournit en effet le châssis des presses Landa, dont il souhaite lancer sa propre version sur le marché. Il préfère toutefois concentrer ses efforts sur une version 4/0, le recto verso n'étant pas prévu pour toute suite. Haan n'a pas le temps d'attendre. Haan nourrit lui aussi des plans ambitieux: en 2019, une superficie de 16 000 m2 est venue s'ajouter aux 10 000 m2 existants. De quoi optimiser la logistique interne, faire plus d'espace aux productions grand format et à la finition, mais aussi commencer l'impression sur textile, comme des tee-shirts, par exemple. L'empaquetage individuel des commandes est aussi organisé de manière totalement nouvelle et bien plus efficace. Haan s'est entre-temps penché sur la masse des données qu'il collecte en permanence autour des commandes par Internet et de leur production: il identifie un "fossé" de rentabilité entre les machines HP Indigo et les presses Komori. Et la presse Landa pourrait bien venir le combler, calcule Haan: "J'aime bien réaliser mes propres spreadsheets." Haan prévoit de réorienter une bonne partie des commandes d'impression numérique vers la Landa. Les petits tirages, par exemple de cartes de visite sur support spécial, resteront sur la HP Indigo, de même que la production à quelques exemplaires d'un magazine, vu les possibilités de finition en ligne intégrale. Haan s'attend aussi à terme à ce que les commandes offset jusqu'à 500 feuilles migrent des presses Komori vers la Landa - ce qui représente quelque 50% de l'ensemble du carnet de commandes: "Le gain en termes de plaques et de chimies serait énorme." À condition bien sûr que Landa tienne effectivement sa promesse d'élever la cadence de 6 500 à 13 000 feuilles/heure. Ce qui devrait être le cas d'ici un an, pense Haan. Wouter Haan entend mettre cette année à profit pour tester la presse Landa - un investissement de 3,5 millions d'euros - dans la pratique et en cartographier les performances réelles. La machine a été installée dans "l'ancien" hall de l'imprimerie, au voisinage direct de deux presses offset - à la grande surprise des conducteurs, la presse Landa émet la même "mélodie" caractéristique que les Komori. Celles-ci font chacune une vingtaine de mètres, mais la presse Landa est juste un peu plus longue à cause de la sortie double pile choisie par Reclameland: de quoi réceptionner les commandes directement sur des piles différentes pour pouvoir passer rapidement à la suite du traitement. Une fois les capots ouverts, le caractère "hybride" de la presse est bien visible. La moitié inférieure laisse clairement apparaître l'acier Komori, du margeur jusqu'aux cylindres de transport, de retournement et de contrepression. Au-dessus à gauche, les sept stations jet d'encre (Reclameland n'en utilise quatre) sont équipées de têtes Samba de Fujifilm. Entre les deux, à l'horizontale, défile le blanchet chauffé: lorsque l'image y est projetée par les têtes jet d'encre, l'eau qu'elle contient s'évapore instantanément. Sept images polychromes de format B1 peuvent ainsi être alignées sur la longueur ; le recto et le verso sont imprimés en alternance de manière à pouvoir être transférés ensuite à l'avant et au dos de chaque feuille (qui aura été rapidement retournée entre-temps). La presse dispose encore d'un groupe vernisseur, pouvant au besoin appliquer un vernis mat ou brillant sur les feuilles imprimées. Les performances (chiffrées) de la presse Landa ne sont pas les seules à faire l'objet d'un suivi minutieux. La crise du coronavirus a en effet faussé tous les pronostics. Reclameland avait annoncé plus tôt dans l'année avoir réalisé près de 23 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2019 ("en croissance de 164% par rapport à 2015"), pour un million d'euros de bénéfice. Le tour d'investissement pour une valeur de 20 millions dont fait partie la presse Landa, était censé encore accélérer la cadence. "J'avais vu 2020 comme une année de transition et je voulais faire 25% de plus", déclare Haan aujourd'hui. Mais la pandémie de coronavirus a fait chuter son chiffre d'affaires de 50% début mars. La production de bâches imprimées a ainsi pratiquement été réduite à néant. Il est question à présent d'une légère reprise, notamment avec l'augmentation de la demande de vêtements imprimés et de panneaux. La situation reste malgré tout incertaine, dit Haan: "Je peux encore m'estimer heureux d'afficher 0% de croissance - pas de croissance, mais pas de pertes. J'ai peur des nouvelles annonces du gouvernement néerlandais, qui pourraient me faire basculer dans le rouge. Je m'attends certainement à faire -15% au cours de la période à venir. Mais cette estimation change aussi vite que les positions de l'exécutif par rapport au virus."