Lorsqu'il prend la parole pour son allocution dans le cadre de l'évènement Get Smart de Nouvelles Graphiques début juin, Geers a de bonnes raisons de se montrer prudemment optimiste. Le secteur sort en effet d'une période difficile : le nombre d'entreprises graphiques a diminué de 40 % en dix ans. Il n'en reste qu'environ 800, contre encore 1 300 en 2008. L'emploi a suivi le même chemin, chutant de 14 500 à 9 500 unités, soit une baisse comparable : 37,5 %. " Mais d'un autre côté, le malaise dans notre secteur a forcé les entreprises à mieux s'organiser, si bien qu'elles ont gagné en professionnalisme et en efficacité ", dit Geers. Et il entrevoit une autre lueur d'espoir : " En 2018, l'industrie graphique a réalisé près de 2 % de chiffre d'affaires en plus avec un petit 5 % d'entreprises en moins. "
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Lorsqu'il prend la parole pour son allocution dans le cadre de l'évènement Get Smart de Nouvelles Graphiques début juin, Geers a de bonnes raisons de se montrer prudemment optimiste. Le secteur sort en effet d'une période difficile : le nombre d'entreprises graphiques a diminué de 40 % en dix ans. Il n'en reste qu'environ 800, contre encore 1 300 en 2008. L'emploi a suivi le même chemin, chutant de 14 500 à 9 500 unités, soit une baisse comparable : 37,5 %. " Mais d'un autre côté, le malaise dans notre secteur a forcé les entreprises à mieux s'organiser, si bien qu'elles ont gagné en professionnalisme et en efficacité ", dit Geers. Et il entrevoit une autre lueur d'espoir : " En 2018, l'industrie graphique a réalisé près de 2 % de chiffre d'affaires en plus avec un petit 5 % d'entreprises en moins. "Il confirmera plus tard son analyse positive dans une interview accordée au magazine Trends : " Tout ne va pas aussi mal que ce que pensent les gens " " Les entreprises qui prospéraient il y a cinq ans se portent toujours bien aujourd'hui. Les autres continuent de traîner la patte ou ne sont plus là. Beaucoup ont disparu, mais celles qui ont survécu sont plus fortes. Les entreprises graphiques dirigées par des personnes qui ont une bonne vision à moyen terme restent debout. " Et de pointer vers les segments en forte croissance, comme le marché de l'emballage et celui de l'impression grand format : " Notre secteur est très divers. On a trop tendance à tout mettre dans le même sac ".Lorsque l'on prétend développer une vision de l'avenir, il est bon de dresser un état des lieux approfondi, mais aussi de prendre en compte les évolutions du marché et les tendances en cours. Le rapport " L'évolution conjoncturelle dans l'industrie papetière et graphique (automne 2019) " publié dernièrement par le Conseil central de l'économie (CCE) livre à cet effet une mine d'information. Fort de son " analyse chiffrée détaillée ", le CCE conclut : " Les technologies disruptives et la mondialisation ont redessiné fondamentalement l'écosystème du secteur. Le pilier papier est soumis à de fortes pressions, tandis que le développement du pilier numérique se met lentement en marche. Les entreprises graphiques vont devoir essayer de se réinventer pour parvenir à un rétablissement structurel. "Les analystes du CCE commencent par cartographier le contexte macroéconomique à la lumière des projections des grands instituts internationaux, comme la Commission européenne (CE), le Fonds monétaire international (FMI) et l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Ceux-ci conviennent à l'unanimité que la croissance économique prévue à l'automne 2018 connaît un ralentissement. Dans la prospective revue à la baisse publiée en juillet 2019 par la Commission, les taux de croissance du PIB de la zone euro et de l'UE en 2018 s'établissent encore à 1,9 % et 2,0 %, respectivement, contre 1,2 % et 1,4 % pour 2019. Le CCE écrit encore : " Pour 2020, la Commission européenne s'attend à ce que la croissance économique de l'Allemagne, ainsi que celle de la zone euro, augmentent de nouveau. En moyenne, la croissance économique reste cependant faible dans la zone euro. " Les taux de croissance prévus pour 2020 sont de 1,4 % en zone euro et de 1,6 % pour l'UE.Selon les dernières perspectives à moyen terme du Bureau fédéral du Plan (BFP), lesquelles datent de juillet 2019, la Belgique va connaître une croissance économique de 1,3 % en 2019 et 2020 (la Commission européenne s'en tenant toutefois à 1,2 %). Les statistiques montrent aussi que la croissance du BIP réel belge suit une courbe ascendante depuis déjà le deuxième trimestre 2013 : " À la fin du deuxième trimestre de 2019, le PIB surpasse de 11 % le niveau maximum noté juste avant la crise, c'est-à-dire au deuxième trimestre de 2008. " La prudence reste toutefois de mise, poursuit l'analyse du CCE : " En Belgique, la croissance économique devrait ralentir en 2019 et 2020, l'augmentation de la demande intérieure ne suffisant pas à compenser l'affaiblissement du commerce mondial et la baisse des investissements. La hausse de la demande intérieure résulte de l'augmentation de la consommation des ménages soutenue par un marché du travail sain. La CE table sur une baisse du chômage en Belgique jusqu'à près de 5 % en 2020. La confiance des chefs d'entreprise se dégradant, les investissements des entreprises diminueront toutefois, malgré un taux d'utilisation élevé des capacités. Les investissements publics se replieraient également. Globalement, il y aura donc nettement moins d'investissements en Belgique. "Quels sont les effets de ces évolutions et prévisions sur l'industrie papetière et le secteur graphique ? Le CCE passe de nouveau en revue le contexte européen, pour ensuite zoomer sur le marché belge - et note d'emblée : " L'industrie papetière et graphique souffre de problèmes structurels, ce qui ajoute une dimension supplémentaire à la complexité de la problématique à laquelle le secteur est confronté. "" Le marché européen du papier d'emballage a longtemps pu bénéficier d'une reprise de la demande, en partie grâce au succès du commerce électronique. Anticipant des augmentations futures de la demande, les producteurs de papier ont commencé à produire de plus en plus cette variante. Une offre excédentaire a ainsi commencé à apparaître fin 2018, exacerbée par une demande plus faible. Le marché du papier graphique se réduit et se heurte encore et toujours à des difficultés pour attirer une demande suffisante dans le contexte de la numérisation croissante. Les utilisateurs de papier graphique ont de plus en plus de mal à absorber les hausses de prix en raison de leurs marges bénéficiaires serrées. "La situation de l'industrie papetière belge peut s'observer notamment à la lecture du baromètre de la conjoncture de la Banque nationale de Belgique (BNB). " La conjoncture du secteur du papier et du carton connaît une reprise depuis la mi-2016. Elle atteint même début 2018 un nouveau pic depuis 2010. Tant la fabrication que la transformation contribuent à cette tendance positive ", lit-on dans l'analyse de la BNB " L'optimisme est toutefois tempéré par les perspectives moins favorables sur le plan des prix et de l'emploi. Cela se traduit dans la seconde moitié de 2018 et la première moitié de 2019 par un ralentissement conjoncturel dans l'industrie du papier et du carton. Bien que la demande intérieure et le rythme de production reprennent (temporairement) en août 2019, le pessimisme règne quant à la demande future, ce qui tempère les prévisions en matière de prix. "Le rapport du CCE laisse d'ailleurs aussi entendre à quel point les chiffres et indicateurs sont parfois difficiles à cerner. Ainsi, il ressort de l'analyse des chiffres d'affaires de l'industrie papetière que la reprise conjoncturelle de 2016 ne s'est pas traduite directement par une hausse de chiffre d'affaires : celui-ci a baissé de 3,3 % par rapport à l'année antérieure. 2017 montre bien une augmentation de 4,6 % de CA, mais la production de pâte, papier et carton a justement baissé cette année-là. L'explication de la hausse, pensent les analystes du CCE, est à chercher dans l'augmentation des prix du papier.Et le fait que le chiffre d'affaires de l'industrie de la pâte et du papier soit pratiquement resté stable en 2018 (avec un petit plus de 0,4 %) est dû surtout au secteur de la transformation du papier et du carton. Le chiffre d'affaires brut de ce pan de l'industrie a progressé de 1,8 % (à plus de 3,9 milliards d'euros), tandis que celui des entreprises actives dans la fabrication de pâte à papier, de papier et de carton a diminué de 2,8 % (à 1,7 milliard d'euros).Dans l'industrie graphique, les principaux indicateurs de conjoncture de l'enquête de la BNB pour août 2019 prévoient une tendance négative, indique le rapport du CCE. Il apparaît toutefois que la situation peut parfois rapidement changer sous l'effet de facteurs externes, comme des élections : " Traditionnellement, le secteur graphique reçoit davantage de demandes d'imprimés au deuxième semestre en vue de la préparation des nouvelles collections et des catalogues. Dans ce contexte, les élections communales du 14 octobre 2018 ont dynamisé la demande intérieure. La conjoncture s'est ainsi redressée au second semestre de 2018, après avoir atteint un niveau plancher au milieu de l'année. Grâce au scrutin du 26 mai 2019, le recul traditionnel de l'activité économique du secteur graphique au premier semestre de l'année a été moins prononcé. "Concernant l'évolution des chiffres d'affaires dans l'industrie graphique globalement, les analyste du CCE relèvent une courbe descendante depuis déjà 2015. Avec toutefois une distinction importante : alors que le secteur de l'édition a vu son chiffre d'affaires se contracter de 9,8% en 2016, d'encore 6,6 % en 2017 et même d'un bon 10 % en 2018, celui des imprimeries a progressé : +2,3 % en 2017 et +1,5 % en 2018. À propos de cette dernière performance, on lit dans le rapport : " Vu que les baisses de prix et le rétrécissement des marges bénéficiaires restent toutefois des réalités dans le secteur, la hausse du chiffre d'affaires peut sans doute s'expliquer par une plus grande production d'imprimés. Et ce en réponse à une augmentation de la demande intérieure (attestée par l'enquête de conjoncture de la BNB, ndlr).Le rapport note encore en complément à ces évolutions : " Les marges bénéficiaires réduites n'empêchent pas les éditeurs d'investir davantage en 2018. De leur côté, les imprimeurs réduisent leurs investissements. "Si la conjoncture évolue selon des schémas propres dans les industries papetière et graphique, les deux secteurs n'en sont pas moins indissociablement liés : " Les entreprises graphiques sont des acheteurs de papier graphique, ce qui en fait des clients de poids pour le secteur papetier. L'évolution des activités graphiques a par conséquent une influence effective sur les performances économiques du secteur papetier. "En même temps, divers courants se dessinent au sein des deux secteurs, qui suivent leur propre voies. Le rapport du CCE distingue d'un côté la chaîne de valeur de la production et de l'impression de papier et de carton d'emballage ainsi que de papier technique et à usage ménager : " Cette chaîne de valeur profite de l'essor du commerce en ligne, qui connaît actuellement une forte percée. " Elle bénéficie dès lors d'une " croissance structurelle " : " La percée du commerce en ligne en Belgique et l'augmentation des livraisons à domicile n'y sont pas étrangères. Toutefois, il existe actuellement une offre excédentaire sur le marché européen, ce qui exerce une pression à la baisse sur le prix du papier. "L'autre chaîne de valeur est celle de la production et de l'impression de papier de bureau et graphique : " Elle concerne les producteurs de papier graphique et les imprimeries et éditeurs de livres, périodiques, journaux et imprimés publicitaires. Cette chaîne subit la concurrence des supports numériques et éprouve des difficultés à défendre sa position. "La chaîne du " papier graphique ", en particulier, est très sensible à la conjoncture : " De ce fait, une amélioration conjoncturelle aura rapidement des effets positifs sur les performances du sous-secteur. " Pour les analystes du CCE, " il reste que le secteur graphique en particulier a besoin d'une amélioration structurelle qui ne pourra pas être portée par les seuls effets à court terme d'un rétablissement général de la conjoncture. Cela exige une adaptation des modèles actuels de génération de revenus à la réalité numérique. De nouveaux modèles qui parviennent à renforcer la complémentarité entre supports papiers et supports numériques peuvent constituer une issue. Ils nécessitent cependant des investissements informatiques et des partenariats avec des experts dans ce domaine. "Une reprise conjoncturelle globale continue de dépendre d'un très grand nombre de facteurs, pose le CCE. Il appartient aux entrepreneurs du secteur non seulement de réagir aux tendances qui se dessinent, mais aussi de les anticiper. Les décideurs et les autorités ont toutefois aussi un rôle important à jouer, dit le CCE : " Les décisions politiques, dans ce contexte, exercent un impact important sur le devenir du secteur. " Aussi demande-t-il depuis longtemps des mesures de soutien par le truchement de la Commission consultative spéciale (CCS) pour le secteur papetier, graphique et de l'édition.Les avis formulés par la CCS ont une fois encore été portés à l'attention en mai dernier, à l'approche des élections. Consultable sur le site Web, elle résume brièvement comme suit son mémorandum " Lignes de force pour un avenir durable pour le secteur de l'édition (et le secteur papetier et graphique) " : " Le maintien du pluralisme de l'information est la première recommandation importante, la CCS s'étant explicitement prononcée en faveur d'une prolongation de 2 ans des concessions pour la livraison à domicile de journaux et périodiques reconnus. Par ailleurs, le secteur vise à assurer un " level playing field " et demande par conséquent aux pouvoirs publics de garantir des négociations équitables avec les grandes plateformes internationales et une protection adéquate des droits de propriété intellectuelle. "" À travers différentes stratégies d'innovation, le secteur tente également de répondre aux défis posés par la réalité numérique. Des mesures (para)fiscales ciblées et une aide aux formations " on-the-job " et aux stages en entreprise constitueraient une impulsion supplémentaire dans ce domaine. Enfin, les membres de la CCS tiennent à souligner que, bien que le secteur attache une grande importance aux applications respectueuses de l'environnement, cela ne se reflète pas dans l'image environnementale que d'aucuns se font de la chaîne de valeur du secteur. Les pouvoirs publics peuvent également jouer un rôle dans la promotion d'une image environnementale positive du secteur et des alternatives papier durables. "" Les conditions de marché peuvent être favorables ou défavorables. Mais pouvez en fin de compte faire la différence avec votre esprit d'entreprise positif ", a déclaré Geers pendant Get Smart. Les analyste du Conseil central de l'économie ne disent pas autre chose : " Il s'agira de remettre l'imprimé sur la carte à côté des autres canaux de communication, tout en osant miser sur le numérique. "