Le rachat de Corelio Printing en avril 2018 fut le lancement de ce qui aurait dû devenir une success story européenne. Le rotativiste d'Erpe-Mere dégage alors plus de 50 millions d'euros de chiffre d'affaires avec près de 200 salariés. Une proie de choix pour CirclePrinters, désireuse de se renforcer au Benelux et en France. L'entreprise est ambitieuse. Et entend piloter la consolidation en cours au sein l'industrie européenne du print et des médias. Une nouvelle phase s'ouvre alors : CirclePrinters devient Circle Media Group et introduit une nouvelle structure organisationnelle.
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Le rachat de Corelio Printing en avril 2018 fut le lancement de ce qui aurait dû devenir une success story européenne. Le rotativiste d'Erpe-Mere dégage alors plus de 50 millions d'euros de chiffre d'affaires avec près de 200 salariés. Une proie de choix pour CirclePrinters, désireuse de se renforcer au Benelux et en France. L'entreprise est ambitieuse. Et entend piloter la consolidation en cours au sein l'industrie européenne du print et des médias. Une nouvelle phase s'ouvre alors : CirclePrinters devient Circle Media Group et introduit une nouvelle structure organisationnelle.Voilà dix ans que CirclePrinters oeuvre à devenir un groupe européen. Les fondations ont été jetées en 2008, quand les investisseurs néerlandais Wim de Pundert et Hendrik van den Hombergh (Hombergh/De Pun dert Group - HHBV) ont racheté les activités d'imprimerie européennes du Canadien Quebecor World. Quebecor World Europe (QWE), propriétaire d'Hélio Charleroi, avait déjà failli devenir néerlandaise un an plus tôt. Le deal annoncé par Roto Smeets De Boer (RSDB) avait toutefois capoté in extremis, faute d'accord entre les actionnaires de RSDB.HHBV avait surenchéri sur RSDB jetant en outre son dévolu sur la chaîne française Maury Imprimeur. L'ensemble était voué à devenir un " acteur pan-européen ", selon John Caris, patron de RSDB et luimême fervent partisan du plan. Objectif : 3 milliards d'euros de chiffre d'affaires et 40 % de parts du marché européen. HHBV ne put toutefois réunir le financement, et l'on en resta là. Jusqu'à ce qu'en 2017, une fusion survienne entre Circle-Printers et RSG (nouveau nom de RSDB)." Nous avons l'occasion unique de construire une locomotive du print & media ", déclare Peter Andreou, CEO & Executive Chairman de Circle-Printers Holding (CPH), le 13 février 2017 en annonçant la fusion avec Roto Smeets Group (RSG). RSG emploie à ce moment 1 000 personnes (contre 2 300 en 2007), et CPH, 1 500 (4 000 pour QWE). Andreou, ex-COO du Britannique Polestar qu'il a quitté en 2015, vise le top 3 européen, avec un chiffre d'affaires de 500 à 550 millions d'euros (contre 1,3 milliard cumulé pour RSG et QWE en 2007).À la barre de RSG depuis 2012, Joost de Haas devient Executive Director de CirclePrinters. Il voit des opportunités : " Cette fusion concrétise un souhait de consolidation de longue date au sein de notre secteur. "En 2018, Circle Media Group (CMG) met les bouchées doubles. Après Corelio Printing, CPI tombe dans son giron en juillet. Ce groupe spécialiste du livre a des implantations en France, au R.-U., et en Allemagne, Espagne et Tchéquie. Effectif total : 2 500 personnes. CMG et CPI sont complémentaires et Andreou parle d'une " étape transformationnelle ". Le groupe double de taille avec plus de 5 000 salariés. Avec CPI, son chiffre d'affaires bondit de 360 à 900 millions d'euros.Le rotativiste Körner Druck est encore absorbé fin décembre. Cette filiale de Heer Media Gruppe (200 collaborateurs, 70 millions de CA) était tombée en faillite quelques mois plus tôt. CMG pense une fois de plus consolider sa position concurrentielle, tout en oeuvrant à l'indispensable consolidation de l'industrie.Dans le communiqué de Körner, CMG dresse son bilan fin 2018 : 26 imprimeries dans 10 pays européens et une activité aux États-Unis, et un parc de 135 presses (dont 29 numériques) qui traitent un million de tonnes de papier sur l'année. " Le groupe est en excellente position pour la phase suivante de sa croissance. " Sauf que...Fin janvier, la faillite d'Hélio Charleroi, dernière imprimerie d'héliogravure de Belgique, est annoncée. CMG parle d'une décision " inéluctable " eu égard à la baisse continue des volumes d'impression : " Ce recul a mené à une surcapacité structurelle et à une concurrence meurtrière sur les prix, conduisant à des réorganisations, fermetures et faillites partout en Europe. La disponibilité réduite du papier a encore accéléré cette spirale négative en 2018, et la forte augmentation des prix du papier qui est allée de pair n'a pas pu être répercutée sur le client. " Les manifestations d'intérêt de deux candidats repreneurs ne débouchent sur rien.Aux syndicats qui critiquent la méthode, CMG dit comprendre leurs griefs et leur anxiété, tout en arguant ceci : " Hélio a été soutenue par le groupe à coup de millions afin de couvrir les pertes. Malheureusement, nous n'avons pas été en mesure de maintenir ce site en production. La législation du travail belge ne laisse d'autre choix que la faillite. "Les syndicats graphiques européens sont inquiets : si rien n'est fait pour contrer les agissements de CMG, la fermeture d'Hélio Charleroi ne sera pas la dernière. Sur TV Oost, Leen Van Lierde, du syndicat libéral, dit redouter le scénario d'une faillite provoquée à Erpe-Mere : " CMG pourrait recourir au même stratagème que pour Hélio Charleroi. " Le 25 février, une longue liste de doléances à l'encontre de CMG est publiée : salaires non versés, réduction d'effectifs, non-paiement des fournisseurs de papier et d'encre et clôture de comptes bancaires. Le surendettement pourrait en outre entraîner d'autres faillites.CMG réagit en qualifiant les arguments des syndicats " d'infondés, non étayés et néfastes pour les entreprises du groupe ". Quinze jours plus tard, CMG met en vente son imprimerie d'héliogravure finlandaise Helprint, " car elle ne dessert pas une région clé ". Des arriérés de paiement chez Helprint, CMG ne pipe mot. La patate chaude est refilée aux nouveaux propriétaires.Une délégation syndicale se réunit avec le management de CMG le 29 mars à Amsterdam. Il y est convenu notamment de tenir les représentants des travailleurs informés de la suite des développements. Ce qui n'empêche pas l'organisation faîtière UNI Europa Graphical de tomber des nues à la lecture du communiqué de CMG sur le démantèlement quasi total de l'entreprise. Le 9 avril, on apprend que le groupe CPI a été revendu, neuf mois à peine après son rachat. Peter Andreou, numéro un de CMG, explique la brièveté de cette union par le fait que CPI et les autres imprimeries de CMG progressent à des rythmes différents. CPI a besoin de se " focaliser sur des objectifs séparés ", ce pour quoi RHWO " fera un excellent partenaire stratégique et financier ".Une semaine plus tard, les trois imprimeries néerlandaises du groupe Roto Smeets sont placées en redressement judiciaire - et rapidement déclarées en faillite. Le 25 avril, CMG annonce la faillite d'Oberndorfer Druckerei en Autriche ainsi que la cession de ses imprimeries de Belgique (Corelio) et d'Allemagne (J. Fink Druckerei et Körner Druck, rachetée fin 2018). Avec toujours les mêmes arguments : la hausse des prix du papier, le recul de la demande d'imprimés et la législation qui rend les restructurations impossibles. Peter Andreou déclare : " Notre intention était de jouer les locomotives dans la nécessaire consolidation de l'industrie graphique européenne. Ces trois dernières années, nous avons créé un groupe paneuropéen d'imprimeries pouvant compter sur une clientèle fidèle. Nous devons convenir que nous ne sommes plus en mesure de concrétiser notre ambition. "Aux Pays-Bas, l'imprimerie Senefelder Misset, du groupe Roto Smeets, est reprise par Shatho Beheer. Cet investisseur, conseillé notamment par Anne Ringsma, ancienne administratrice de RSDB, récupère aussi les actifs de Roto Smeets Weert - imprimerie offset pour laquelle encore davantage de candidats repreneurs (également belges) s'étaient manifestés, selon des initiés, mais qui fermera définitivement ses portes fin mai. Le sort de l'imprimerie d'héliogravure de Deventer reste incertain.John Caris, ex-patron de RS-DB, dit ne pas être surpris : " La grandeur d'échelle n'est pas tout, il faut aussi être en mesure de réduire soi-même sa capacité. " Il prédit ce qu'il appelle un " shake-out brutal. "Le 30 avril, les représentants des syndicats européens se sont réunis à Bruxelles pour discuter de la situation de crise chez Circle Media Group. Ils sont furieux sur la tournure prise par les évènements : " Il est surprenant qu'en 2019 une grande multinationale européenne ne rémunère pas ses travailleurs pour le travail presté. " Dans une er déclaration commune du 1 mai, ils disent être toujours plus préoccupés concernant la situation financière et le manque de transparence de CMG : " Un avis juridique a de ce fait été demandé. "Le même jour, Geert Van Nieuwenborgh, directeur commercial chez Corelio Printing, écrit sur LinkedIn : " Les semaines écoulées ont été marquées par des turbulences dans le monde de l'imprimerie. Nos pensées chez Corelio Printing vont en premier lieu au personnel des entités concernées et aux clients et fournisseurs de ces entreprises. Que les choses soient claires... Corelio Printing opère dans un secteur actuellement en pleine transformation. Mais les résultats de notre imprimerie sont encore et toujours positifs. Nous avons dégagé un Ebitda positif au premier trimestre. Nous savons bien que nous devons nous adapter aux conditions de marché changeantes. Un nouvel actionnaire va arriver. La clarté va être faite. Nous sommes là aujourd'hui, et nous serons là demain. "