Encore peu nombreuses, il existe des publications consacrées au graphisme soutenable depuis la fin des années 2000, principalement des États-Unis. Pourtant, malgré l'enjeu environnemental incontournable, la communication visuelle tarde à s'ouvrir largement à de nouvelles perspectives fondées sur l'impératif de soutenabilité. Dans le livre "Green graphic design", l'auteur Brian Dougherty présente la méthode inspiratrice du designing backwarts, c'est-à-dire concevoir ou designer à rebours. Cela consiste à considérer d'abord la fin du cycle de vie d'un projet, pour remonter progressivement jusqu'au studio de desi...

Encore peu nombreuses, il existe des publications consacrées au graphisme soutenable depuis la fin des années 2000, principalement des États-Unis. Pourtant, malgré l'enjeu environnemental incontournable, la communication visuelle tarde à s'ouvrir largement à de nouvelles perspectives fondées sur l'impératif de soutenabilité. Dans le livre "Green graphic design", l'auteur Brian Dougherty présente la méthode inspiratrice du designing backwarts, c'est-à-dire concevoir ou designer à rebours. Cela consiste à considérer d'abord la fin du cycle de vie d'un projet, pour remonter progressivement jusqu'au studio de design - complété d'un processus décrit en six phases: déchet, utilisateur, livraison, entrepôt, reliure, impression. Un autre ouvrage paru en 2017, Design to renourish, contient un entretien avec le studio de graphisme barcelonais La Page Original, qui explique avoir "développé un système pour mesurer l'impact environnemental de ses projets, basé sur une analyse du cycle de vie". Dans le champ de la communication visuelle et du design graphique, la perspective d'intégrer la dimension écologique pourrait se révéler exceptionnellement stimulante. Elle questionne à la fois les supports, les messages, la lecture, les médiums, les technologies, le numérique, le papier, les encres, les certifications, les labels, les normes, la production, la perception, etc. Les termes "eco- design", "ecoconception", "design durable" ou "design écologique" fleurissent déjà dans de nombreux secteurs comme les objets de décoration ou la mode. Pour pouvoir s'inscrire dans ce changement de paradigme et y contribuer, la communication visuelle et graphique doit aller au-delà de la reproduction ou de la déclinaison des codes établis et des formes instituées. Elle doit composer aussi bien avec son milieu qu'avec l'état du monde. L'écoconception graphique se trouve concernée par des sujets aussi divers que la saturation du champ visuel, la surcharge informationnelle, la captation et la fragmentation de l'attention, la surproduction, l'emprise de l'obsolescence, la gestion des forêts, les flux mondiaux de papier et de pâte à papier, la toxicité matérielle, le rejet des déchets, y compris technologiques. La communication visuelle et la production graphique peuvent jouer un rôle dans l'avenir du monde à l'aune des défis environnementaux. Une communication visuelle et graphique soutenable c'est aussi agir sur la surabondance de sollicitations visuelles (publicité, bannières, bâches géantes, panneaux, écrans, logo, etc.). C'est oeuvrer pour un "bien-être visuel". Quelques ouvrages de références:- Green graphic design (Dougherty, 2008) - Sustainable graphic design (Jedlicka, 2010) - Sustainable graphic design: principles and practices (Fine, 2016) - Design to renourish: sustainable graphic design in practice (Benson et Perullo, 2017) Source: "La communication visuelle et graphique à l'aune des défis environnementaux: des priorités à redéfinir" de Roxane Jubert, graphiste, auteure et enseignante-chercheuse à l'École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs, Paris.