La crise Covid en 2021

C'est un fait, la crise du Covid-19 a durement frappé l'économie belge, et ce d'une façon inédite au regard des crises passées. Cependant, il y a eu un effet rebond indéniable qui permettait de démarrer une nouvelle année avec plus ou moins d'optimisme. "Si la récession de 2020 a été brutale, la reprise qui a suivi a été tout aussi rapide et substantielle, grâce aux mesures publiques de soutien, mais aussi en raison de la nature même du choc", analyse la Banque nationale de Belgique. C'est bien avec plus de sérénité que l'année 2021 se profilait, quoi que... En cette fin d'année, le télétravail obligatoire a fait son retour et de nouvelles mesures restrictives du gouvernement ont été annoncées. "On avait de meilleures perspectives en début d'année. Maintenant, nous n'avons pas de vue sur la suite", confie Nicolas Verplancke, directeur de l'imprimerie numérique Labelpages à Tournai. Quant à Roland Soubras, administrateur délégué de l'imprimerie offset et numérique Snel à Herstal: "Je m'attendais à une année plus compliquée que l'année passée. Ce fut une année en dents de scie avec des sursauts de la demande par période. Heureusement, les aides publiques ont été utiles, surtout en début d'année."
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C'est un fait, la crise du Covid-19 a durement frappé l'économie belge, et ce d'une façon inédite au regard des crises passées. Cependant, il y a eu un effet rebond indéniable qui permettait de démarrer une nouvelle année avec plus ou moins d'optimisme. "Si la récession de 2020 a été brutale, la reprise qui a suivi a été tout aussi rapide et substantielle, grâce aux mesures publiques de soutien, mais aussi en raison de la nature même du choc", analyse la Banque nationale de Belgique. C'est bien avec plus de sérénité que l'année 2021 se profilait, quoi que... En cette fin d'année, le télétravail obligatoire a fait son retour et de nouvelles mesures restrictives du gouvernement ont été annoncées. "On avait de meilleures perspectives en début d'année. Maintenant, nous n'avons pas de vue sur la suite", confie Nicolas Verplancke, directeur de l'imprimerie numérique Labelpages à Tournai. Quant à Roland Soubras, administrateur délégué de l'imprimerie offset et numérique Snel à Herstal: "Je m'attendais à une année plus compliquée que l'année passée. Ce fut une année en dents de scie avec des sursauts de la demande par période. Heureusement, les aides publiques ont été utiles, surtout en début d'année." Pour la plupart des imprimeurs, le début d'année a démarré dans le calme. Ce qui est plutôt habituel, mais pour certains imprimeurs plus encore qu'à l'ordinaire. C'est notamment le cas pour Snel: "Les quatre premiers mois ont été compliqués. Le chiffre d'affaires n'était pas là. Beaucoup de personnes ont reporté leurs catalogues. Un client qui en avait commandé 10.000 est passé à 500 exemplaires, par exemple. La digitalisation s'est terriblement accélérée. Il y a des imprimés qui ont disparu et qui ne reviendront pas", dit Roland Soubras. Eric Guillaume, administrateur délégué de l'imprimerie offset Bietlot à Charleroi, partage le même constat: "On a subi les effets du confinement surtout au niveau de l'événementiel et du tourisme qui n'ont pas repris. D'habitude, on imprime beaucoup de publications pour le tourisme belge et français durant le premier trimestre. Or il y en a eu beaucoup moins à cause du Covid. Finalement, c'est une année 2021 moins bonne que 2020, année Covid." À Evere, l'imprimerie Drifosett fait aussi part d'une perte de clients du secteur événementiel depuis le début de l'année. "Cela dit, nous constatons un beau redressement depuis mai comme s'il y avait un effet de rattrapage. Comme l'activité de pratiquement tous les secteurs est repartie, le besoin de communication papier est aussi revenu. Actuellement, on travaille beaucoup, mais il y a clairement des parts de marché qui sont perdues à cause du Covid", dit Jean Janssens, administrateur délégué de Drifosett. On le sait, la crise sanitaire a accéléré la digitalisation et la communication est aussi concernée. Ce qui explique les pertes de Drifosett: "Certains clients sont passés à la communication digitale et ils ne reviendront plus au papier. C'est un phénomène qui s'est accentué pendant la crise sanitaire. Je parle par exemple de journaux d'entreprise qui ne sont plus imprimés au profit du format digital. Si les travailleurs ne sont plus au bureau, cela ne sert à rien de faire du papier pour les entreprises", explique Jean Janssens. Et puis, il y a des imprimeries qui sont moins impactées comme la jeune entreprise B2B de web-to-print Print.com, en pleine croissance. Même si des traces de la crise sanitaire sont perceptibles: "Depuis la fin de l'été, il y a eu une augmentation assez forte de la demande dans pratiquement toutes les catégories de produits. Mais nous avons senti chez nos clients qu'il y avait moins de demandes pour certains produits comme les produits offset et les demandes du secteur événementiel. Les imprimés en grand volume sont en déclin puisqu'il y a eu moins de communication papier à grande échelle en raison du télétravail", explique Bruno Mossay, manager de Print.com en Belgique. Même tendance du côté d'Onlineprinters: "La Covid nous a tenus occupés et alertes. Mais nous assistons à une reprise substantielle de nos marchés et avons des volumes de commande élevés", dit le CEO Roland Keppler. Beatrice Klose, secrétaire générale d'Intergraf, remarque aussi que la crise sanitaire continue d'affecter l'activité des imprimeurs. Elle pointe les secteurs culturel et événementiel, avec des événements qui n'ont toujours pas eu lieu, et des entreprises d'impression qui ne sont pas revenues à leur pleine capacité. Christophe Jablonski, administrateur d'AZ Print à Grâce-Hollogne, le confirme: "On a récupéré, mais on n'est pas revenu à notre meilleur niveau. On est à 90% de notre capacité." Chez Snel, l'imprimerie offset et numérique dit être à environ 80%. Cela dit, pour Beatrice Klose, la préoccupation actuelle est plutôt de l'ordre de la disponibilité du papier que de l'impact économique de la crise sanitaire. Parlons-en du papier. À l'heure d'écrire ces lignes, la pénurie de papier se fait réellement sentir, en particulier les qualités offset. À l'approche du rush des impressions de fin d'année et à l'aube de 2022, de nombreux imprimeurs peinent à recevoir leurs commandes ou à trouver des stocks de papier. Il y a bien eu des imprimeurs qui ont anticipé et qui ont pu renflouer leur stock pour toute l'année au premier semestre, mais à présent l'inquiétude liée aux difficultés d'approvisionnement est vive. Roland Soubras de Snel en témoigne: "Nous avons stocké cette année 50% de papier en plus par rapport à ce que nous faisons d'habitude. Mais comme nous produisons beaucoup de travaux de luxe, avec des papiers spéciaux, nous ne pouvons pas faire des stocks de tout. C'est une galère de trouver du papier." Avant d'en arriver au point critique, les imprimeurs parvenaient à sauver les commandes en achetant les stocks en magasin ou en proposant des alternatives aux clients: un grammage, un format ou un niveau de blancheur différent. "L'enjeu n'est pas d'avoir un bon prix, mais d'avoir du papier tout court", dit Christophe Jablonski d'AZ Print. "Nous avons maintenant des quotas de commande à respecter. C'est inédit. On essaie alors de diversifier les canaux de distribution. Ce qui est regrettable, c'est la disparité entre les imprimeries. Certaines de plus grande capacité peuvent se fournir directement à la source, en usine, d'autres non. Ce n'est pas très loyal entre concurrents et cela se ressent davantage dans ce contexte de pénurie", poursuit l'administrateur. L'imprimerie offset Bietlot fait part de son inquiétude: "On ne trouve plus assez de papier pour assumer nos commandes de décembre. On a trouvé un certain tonnage, mais il manque encore le double. J'ai donc dû annuler ou postposer des commandes", confie l'administrateur délégué Eric Guillaume. "C'est une catastrophe et le pire c'est que nous n'avons aucune vision. On nous annonce du papier pour février 2022 avec prix ouvert. Donc, si on veut commander, c'est sans connaître le prix. Que dire à nos clients? Nous sommes en période de négociations de contrat et on est incapable de leur répondre sur les prix. Le secteur de l'imprimerie est déjà en difficulté depuis de nombreuses années. À présent, il est vraiment mis en péril", poursuit-il. Tout comme les imprimeurs se démènent à trouver du papier, les fournisseurs aussi. Erik De Vos, Business Director Benelux d'Antalis, en témoigne: "Les collaborateurs d'Antalis fournissent un énorme effort pour réussir à livrer le meilleur service dans cette circonstance. Les sources d'approvisionnement sont devenues très complexes à gérer, comme dans la plupart des industries. Nous faisons le maximum pour servir nos clients. L'objectif aujourd'hui c'est la disponibilité du papier et la capacité à livrer les clients." Pour Erik De Vos, cette situation de pénurie est entre autres la résultante d'un pic de demande post-Covid, alors que l'industrie papetière est en sous-capacité, couplé à une accumulation de facteurs externes. "La demande de papier étant en baisse depuis des années, des usines ont soit fermé soit été converties pour la production de carton pour le marché croissant de l'emballage. Maintenant, il y a un pic de demande post-Covid qui n'était pas prévue et qui dépasse la capacité de production actuelle. Cela a donc un impact sur la disponibilité du papier. En plus de ce pic de demande, il y a aussi eu une accumulation de facteurs externes qui entraînent des hausses de prix. Le Brexit a impacté le marché des transporteurs en réduisant la capacité de transport. Le prix d'un conteneur est passé de 2000 euros en 2020 à environ 15 k - 18 k euros cette année. Le surcoût énergétique et les difficultés d'approvisionnement des matières premières sont d'autres facteurs, explique Erik De Vos. Beatrice Klose d'Intergraf fait part de la même analyse et elle ajoute: "À cause du Covid en 2020, il y a aussi eu beaucoup moins de papier graphique pour le recyclage. Le carton était abondant en raison de l'e-commerce et des livraisons à domicile, mais on ne peut pas fabriquer du papier recyclé de qualité à partir de carton. De nombreuses sources de fibres recyclées n'étaient donc plus disponibles. Elles reviennent lentement, mais combien de temps cela aura-t-il un effet sur le prix du papier? Je ne sais pas. Par ailleurs, il y a eu un effet rebond de la demande publicitaire cette année par rapport à 2020. Les entreprises veulent faire de la publicité papier, mais elles sont bloquées par le manque de disponibilité et la hausse des prix. C'est très frustrant pour l'industrie." Pour Nicolas Verplancke de l'imprimerie numérique Labelpages, la hausse des prix ne va pas en faveur du papier: "Cela n'encourage pas les clients finaux à opter pour le papier quand ils comparent par exemple avec une campagne de mailing digitale. Même s'ils sont conscients que c'est moins efficace que le papier." Pour expliquer le déséquilibre entre l'offre et la demande, ajoutons encore la transition du plastique vers le papier dans le cadre du pacte vert européen. Beatrice Klose: "Les entreprises sont de plus en plus nombreuses à opter pour des alternatives en papier-carton. Ce sont de nouveaux clients qui arrivent sur le marché et qui n'ont pas été anticipés par l'industrie dans les prévisions de production." La pénurie de papier a été largement médiatisée, ce qui a relativement permis de contribuer à une meilleure compréhension des clients finaux. Fin octobre, Febelgra et Intergraf ont lancé conjointement une lettre ouverte aux fournisseurs, appelant à une plus grande transparence sur les hausses de prix et la répercussion des coûts énergétiques. Pareilles initiatives ont également eu lieu ailleurs en Europe. Près d'un mois plus tard après l'appel, Beatrice Klose confie ne pas avoir entendu de nouveau son de cloche de la part des producteurs de papier. "Ce qui est important c'est d'avoir un dialogue ouvert et de faire preuve de transparence afin de mieux comprendre ce qui cause les augmentations de prix et comment ils voient le futur", dit-elle. Beatrice Klose: "Je crois que les prix vont finir par se stabiliser à la hausse et les donneurs d'ordre devront suivre et accepter de payer le prix juste. Ce qui d'une certaine façon peut être une bonne chose pour l'industrie de l'impression, car l'industrie apporte de plus en plus de valeur ajoutée". Un avis aussi partagé par Erik De Vos d'Antalis qui se dit surpris que les discussions se réduisent uniquement au prix: "Il y a un focus sur le prix, mais tout augmente aujourd'hui. C'est structurel. Pendant des années, nous étions dans un marché du papier en déclin. En raison de cette décroissance, il y a eu une course au prix le plus bas. A présent nous avons l'opportunité de faire comprendre au marché que l'imprimé a de la valeur. Prenons ce pic de demande comme un signal positif et une opportunité de rééquilibrer la valeur de notre industrie et de notre produit. Avant, les gens considéraient le papier comme acquis. Maintenant, ils se rendent compte que le papier a une valeur. La qualité, la garantie de livraison, la disponibilité font partie des aspects qui valorisent le produit imprimé. D'une certaine façon, c'est une opportunité de montrer la valeur ajoutée du produit imprimé et de ce que nous apportons." En attendant, la hausse effrénée du prix du papier impacte forcément les marges des imprimeurs. Roland Soubras remarque une augmentation du prix du papier de l'ordre de 30% en 2021. "Une telle augmentation du produit imprimé est difficile à faire passer aux clients. Ils vont alors voir la concurrence, puis ils se rendent compte que c'est pareil partout. Cela pénalise excessivement l'administration des ventes et ralentit tous les processus", dit-il. Pour Nicolas Verplancke de Labelpages: "La hausse du prix du papier érode fortement les marges qui ne sont déjà pas énormes en raison de la concurrence, qui n'est pas toujours loyale. Les fournisseurs nous informent qu'il y aura des hausses de prix, mais on ne sait pas quand. On ne peut pas les répercuter automatiquement aux clients dans la mesure de la hausse. Le manque de perspective sur 2022 est très embêtant. Puisque le prix du papier ne cesse de fluctuer, le délai de validité des offres est réduit à trois jours au lieu de 31 jours ordinairement." Jean Janssens de Drifosett plaide quant à lui pour une revalorisation de l'imprimé: "La crise étant là et les volumes diminuant, on s'est tirés l'un l'autre à boulets rouges sur les prix. Je n'ai jamais connu une telle dégringolade des marges, c'est effrayant. Le problème majeur c'est que nous avons du travail, mais la remontée des prix n'est pas évidente à faire comprendre aux clients. De plus, nous subissons aussi les augmentations de prix des matières premières. Il y a donc une partie que nous sommes obligés d'amortir nous-mêmes et une partie que nous sommes obligés de répercuter sur le client final. Ce qui peut freiner l'élan de certains clients." Et puis, il n'y a pas que le papier, principale matière première des imprimeurs, qui augmente. Mais aussi les encres, les laques, les vernis, les plaques offset, l'énergie, etc. Pour Roland Soubras, l'année 2022 sera encore "compliquée". Qu'en est-il des imprimeries en ligne, réputées pour offrir les prix les plus bas? Sont-elles aussi impactées autant que les imprimeries traditionnelles par les hausses de prix? Et comment font-elles? Plusieurs spécialistes du web-to-print disent avoir eux aussi dû revoir leurs tarifs à la hausse. Bruno Mossay de Print.Com: "On ne peut pas prendre pour nous toutes ces augmentations. On répercute de manière minimale et on essaie d'être plus efficace au niveau de la production pour réduire les coûts grâce aux volumes qui augmentent. Cela permet de compenser les augmentations des matières premières." Du côté de l'imprimerie en ligne Onlineprinters, le CEO Roland Keppler explique: "Nous bénéficions d'accords-cadres bien établis et de partenariats de confiance à long terme avec nos partenaires d'approvisionnement. Pour résumer, nous restons un partenaire de confiance et fiable tant pour nos clients que pour nos collaborateurs. Nous sommes confrontés aux mêmes défis que l'ensemble de l'industrie, mais comme nous avons un approvisionnement constant en papier qui n'est pas lié à des commandes spécifiques, nous sommes tout le temps prêts à produire. En conséquence des diverses augmentations des coûts du papier, de l'énergie et autre, nous avons également dû augmenter nos prix. Néanmoins, nos prix sont encore bas, car nous produisons à grande échelle avec une productivité élevée." Malgré une année compliquée, il y a quand même eu du positif et l'avenir offre encore des perspectives encourageantes. Beatrice Klose: "Dans le contexte de pénurie, on voit que les éditeurs cherchent maintenant à imprimer de nouveau en Europe plutôt qu'en Chine, bien qu'il faille du papier. Par ailleurs, ce qui continue de bien performer en cette période de crise ce sont les emballages, les étiquettes ainsi que les livres (Ndlr: pour preuve, lire le phénomène "BookTok" en page X). C'est très positif de savoir que les gens continuent de lire. On a eu tendance à croire que le livre n'était plus tendance et qu'il était remplacé par les appareils mobiles, mais ce n'est pas le cas. À l'avenir, le volume va encore diminuer, mais la valeur va augmenter. Les tirages courts seront associés à plus de personnalisation et à plus de produits à forte valeur ajoutée." Autres nouvelles positives du secteur, les investissements et les rachats ont continué d'avoir lieu en 2021. En voici quelques exemples. Au Luxembourg, Exepro (Troisvierges) a fait l'acquisition d'une imprimante numérique Xerox Iridesse et d'une machine à coller pour emballages. Exepro est née à l'automne 2020 de la fusion entre les imprimeries belge Pro D&P (Saint-Vith) et Luxembourgeoise Exe. Quant à Labelpages (Tournai), elle a récemment fait deux acquisitions: une table de découpe numérique JWEI pour la production d'étiquettes, d'autocollants, de cartons pliants en petite série ainsi qu'une machine à découper, rainurer et perforer Duplo Docucutter. Les installations sont programmées en janvier 2022. À Grâce-Hollogne, l'imprimerie offset AZ Print a racheté un bâtiment voisin en début d'année, apportant 2000 m2 d'espace supplémentaire. Ce qui a permis à AZ Print de stocker suffisamment de papier pour l'année. À Evere, Drifosett a racheté l'imprimerie numérique voisine Gillis qui employait neuf personnes. "Cela nous permet de nous diversifier dans l'impression numérique, dont les panneaux grand format." Quant à l'imprimerie en ligne Print.com, les besoins en recrutement sont croissants, que ce soit pour l'application web-to-print, qui fait travailler plus de 100 personnes, ou l'administration. Petit bémol: les candidats potentiels ne courent pas les rues. La production d'impression a également été centralisée à Oss aux Pays-Bas et la gamme de produits se développe dans le textile, le promotionnel et l'emballage.