Les stratèges d'entreprise et les experts du marché le martèlent déjà depuis longtemps : qui entend rester prospère dans les années à venir doit investir dans la production massive de produits uniques. Dans notre partie du monde, la production anonyme appartient au passé. Parmi les conférenciers invités à Het Congres, l'évènement du VIGC qui s'est tenu à Malines en octobre, Paul Adriaans est celui qui a le mieux décortiqué les conséquences des choix stratégiques pour l'environnement de production. Le directeur de RPI a ainsi brossé le tableau d'une organisation qui diverge à plus d'un titre de l'entreprise graphique traditionnelle.
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Les stratèges d'entreprise et les experts du marché le martèlent déjà depuis longtemps : qui entend rester prospère dans les années à venir doit investir dans la production massive de produits uniques. Dans notre partie du monde, la production anonyme appartient au passé. Parmi les conférenciers invités à Het Congres, l'évènement du VIGC qui s'est tenu à Malines en octobre, Paul Adriaans est celui qui a le mieux décortiqué les conséquences des choix stratégiques pour l'environnement de production. Le directeur de RPI a ainsi brossé le tableau d'une organisation qui diverge à plus d'un titre de l'entreprise graphique traditionnelle.Nous avons rencontré Adriaans sur le site néerlandais de la société américaine à Eindhoven. L'entreprise sort tout juste du pic de la période des fêtes et la production dans l'atelier reprend un cours normal. " Cette usine est aménagée comme une 'white-box'. Nous savons exactement ce qu'il s'y passe. Le taux d'interaction est minimum et c'est le système qui pilote le processus. L'input est un PDF et une fiche de travail (jobticket) détaillant le moment de la livraison et les autres caractéristiques techniques. Les travailleurs commencent ainsi le matin avec les commandes qui doivent sortir en premier. "Tout dans l'espace de production est axé sur une exécution efficace et sur l'amélioration des processus. Le poste de travail de chaque collaborateur, ainsi que l'espace de production proprement dit, sont aménagés pour éviter tout geste inutile. Certaines opérations manuelles subsistent en dépit de toute l'automatisation, mais elles s'effectuent à grande vitesse grâce un système de codes-barres et de codages couleurs et à une logistique sans faille. Différentes zones de consultation ont été mises en place afin de contribuer à une gestion optimale et lean du processus. Les indicateurs clés de performances y font l'objet d'un suivi minutieux sur des tableaux, ce qui permet un pilotage fondé sur les résultats et les prévisions.Adriaans explique pourquoi il a opté pour des imprimantes numériques de format A3. " Un format plus grand peut sembler intéressant, mais au prix de manipulations supplémentaires qui nuisent à l'efficacité. Notre but n'est pas d'avoir la plus belle machine ou la dernière nouveauté. Nous voulons des équipements qui s'intègrent dans le flux. À quoi bon une presse capable de cracher 20 000 feuilles à l'heure si la lenteur des processus en aval la force à l'inactivité la majeure partie de la journée ? Le but est d'éviter les goulets d'étranglement afin de permettre un écoulement optimal de la production au moindre coût. Les collaborateurs peuvent être affectés à plusieurs postes, poursuit-il. " Personne n'a une fonction spécifique. Dans le secteur graphique traditionnel, le conducteur offset n'accomplit pas la besogne du relieur. Chez nous, le critère 'polyvalent' apparaît dans chaque contrat de travail. "À l'instar de l'entreprise, Adriaans ne correspond pas au profil de l'entrepreneur graphique traditionnel. Avant d'entamer des études en administration des affaires, il fut professeur d'éducation physique. Après cela, il a travaillé dans l'industrie de la métallurgie-plasturgie et même pour une brasserie. Lorsqu'il est rentré chez Paro Printing à Geldrop en 2008, il avait accumulé une solide expérience, notamment dans le domaine de la vente et de la logistique, mais son bagage graphique était inexistant. " J'adore travailler avec les gens dans l'entreprise pour construire une équipe bien rodée et engranger des résultats. En particulier, oeuvrer dans un environnement ambitieux et stimulant, avec une vision sobre et orientée client sur le produit ou le service. C'est précisément notre approche non typiquement graphique qui nous a aidés à faire de l'entreprise un succès. "Adriaans a fait son entrée dans l'industrie graphique par le truchement de Jan-Paul van der Hurk, responsable depuis les années nonante de Paro Printing, encore une classique imprimerie offset à l'époque. " Van der Hurk tenait sa force de sa vision et de sa capacité à jeter des ponts et à créer des liens entre les gens. Prenant acte du recul de son chiffre d'affaires, il a arrêté l'offset et s'est lancé dans l'impression numérique associée à des logiciels. Il s'est tourné vers le print-on-demand. "À côté de l'imprimerie, Van der Hurk a créé plusieurs autres sociétés axées sur le développement d'applications spécifiques pour le PoD, les logiciels de marketing et de communication et le fulfilment. Adriaans fut alors chargé de donner forme à la production des livres à la demande.Les critères d'une entreprise de book-on-demand ont ainsi été définis. Adriaans : " Nous nous sommes dit : ne serait-il pas merveilleux de pouvoir fabriquer les livres à la pièce - petits, grands, minces ou épais, avec différents papiers et couvertures - sans être en permanence ralentis par des machines à régler ? L'entreprise traditionnelle produit un petit flux pour les livres du client A, et un autre petit flux pour le client B. Elle passe son temps à traiter de petits flux, devant à chaque fois effectuer de nouveaux réglages pour les machines. Ce que nous voulions éviter en mettant en place un flux de production unique. "Les débuts furent difficiles, concède Adriaans. Les ambitions étaient trop élevées. " En 2008, les fabricants d'équipements de finition graphique ne raisonnaient pas en termes de production à l'unité. La gâche n'a pas sa place dans le book-on-demand : le produit doit être commercialisable d'emblée. Ce pour quoi aucune solution n'existait encore, si bien que nous avons dû développer les machines nous-mêmes. "La solution est venue via Blurb, fournisseur en ligne de produits livresques et l'un des plus gros donneurs d'ordres de l'imprimerie. Blurb, qui était engagée dans un partenariat avec RPI aux États-Unis, a proposé un rachat devant permettre à Van der Hurk et Adriaans de concrétiser leurs ambitions. Mais le décès inopiné de Van der Hurk en 2012 allait en décider autrement. " Cette période fut très difficile pour nous. Outre le drame personnel, il était notre visage vers l'extérieur : celui qui détenait le réseau. Comme le dit le petit monument commémoratif ici dans nos locaux : 'Il nous a appris à lire le livre de l'avenir'. La vision de l'entreprise venait de lui. L'union avec RPI fut des plus simples dans la mesure où les méthodes et la manière de penser étaient identiques. "Pour relever les défis qui se présentent dans la production, Adriaans a un principe qui peut se résumer en trois mots : keep it simple. Les premières esquisses de l'environnement de production ont été réalisées avec un crayon et du papier, et le personnel a d'emblée été encouragé à collaborer le plus possible. " Le développeur du logiciel a son bureau dans le même local que le chef de la fabrication. Idem pour les responsables des achats et du service clientèle. Pour le reste, il suffit de réfléchir ensemble : quels sont nos plus gros problèmes ? Comment faire pour améliorer la productivité et exploiter les moyens de production existants de manière optimale ? "Certains au sein de l'organisation accordaient beaucoup d'importance aux préceptes du lean management, mais Adriaans a vite découvert que la théorie ne collait pas toujours à la pratique. " Si l'on suit la théorie, on travaille avec une chaîne fermée. Parler de 'tampons' relève du blasphème. Nous en avons pourtant créé. Je suis pragmatique : si une presse numérique fonctionne bien, n'y touchons surtout pas. Les machines sont sensibles aux changements de papier, aussi est-il préférable de repousser ceux-ci le plus longtemps possible. Et pour en limiter le nombre, il faut mettre en place des tampons. L'idée de base était de fabriquer la couverture et de lui associer directement le bloc-livre correspondant. Ce qui ne peut toutefois fonctionner que dans une situation idéale : jamais de panne ou alors pouvoir compter sur le fournisseur pour une réparation immédiate. Dans la pratique, il en va autrement. Voilà pourquoi nous produisons les couvertures et les blocs-livres séparément et constituons des tampons. Les couvertures et les corps d'ouvrage sont ensuite réunis dans un processus ultérieur par nos collaborateurs, naturellement soutenus par des contrôles intelligents pilotés par les données. En fait, ce n'est jamais qu'une question de bon sens et d'une attention constante portée aux coûts. "Outre Blurb, RPI Eindhoven dessert une fort nombreuse clientèle. RPI la répartit par groupes de clients : Retail Specialties (revendeurs en ligne de produits centrés sur la photo), Retail Corporate (articles photo, mais pas comme coeur de produit) et Retail General (boutiques en ligne généralistes où tout un chacun peut commander notamment des cartes de visite, des brochures et des prospectus). Adriaans : " Nos clients accordent beaucoup d'importance à la rapidité du service et aux prestations complémentaires. Ce qui nous a amenés, par exemple, à introduire le packaging personnalisé. L'imprimé combiné avec l'exécution et la livraison des commandes est également important pour un certain nombre d'entre eux. Nous assortissons aussi, par exemple, la verrerie aux cartes de menu. Pour RPI, l'accent repose sur l'imprimé ; le fulfilment est vu comme un service annexe.Les clients sont des entreprises avec lesquelles RPI a un lien direct, poursuit Adriaans. " Si quelqu'un nous contacte une fois pour une centaine de livres, nous ne pouvons pas l'aider. Nous sommes davantage intéressés par l'exploitant d'un webshop qui en a besoin chaque jour d'un certain nombre. Ces clients peuvent se connecter à nous. "Et le choix du terme " connecter " n'est pas anodin. Il s'agit bien d'établir une liaison numérique, par lesquelles les commandes arrivent et sont traitées automatiquement. " Les commandes qui nous parviennent par téléphone, e-mail ou via les liens de téléchargement ne sont pas intéressantes pour nous. Elles ne concernent que des transactions souvent uniques qui ne cadrent pas avec notre production en flux typique. Nous n'avons pas non plus de gestionnaires de commandes traditionnels. Si c'était le cas, notre résultat s'en ressentirait directement.Les clients de RPI sont en général suffisamment versés dans les TIC pour établir des connexions par API (A pplication Programming Interface) avec l'environnement de production. Par exemple, une entreprise ayant mis sur le marché une appli que les consommateurs peuvent utiliser pour composer et commander leurs propres albums photo. De cette manière, les ordres de fabrication sont directement transférés à RPI. " Ce qui suppose toutefois au préalable d'avoir investi beaucoup de temps et d'argent dans la relation. Et il faut bien le récupérer quelque part. D'où l'importance pour nous que le client ait un plan bien étayé derrière son projet. " Un développeur qui souhaite introduire son appli chez nous doit bien réfléchir au marketing de son produit. S'il ne possède pas le budget suffisant, son appli ne marchera jamais. Les clients ne la trouveront d'ailleurs tout simplement pas. "Adriaans montre un cube-photo dans la vitrine. " Nous en fabriquons des milliers tous les jours. Aux États-Unis, c'est cinq fois plus. Presque tous nos clients souhaitent écouler leurs produits dans le monde entier. RPI a des implantations aux États-Unis et aux Pays-Bas, plus divers partenaires. L'un de nos objectifs est de continuer à étendre notre réseau. Avec des partenaires qui optent délibérément pour une spécialité, par exemple, l'impression sur textile. Et aussi qui sont présents sur d'autres continents, afin que nous puissions plus aisément produire et expédier local. De quoi nous rendre à la fois plus complets, plus flexibles et plus rapides. Et nous permettre aussi de mieux réagir face à des défis comme le Brexit et les évolutions technologiques ", dit Adriaans. " C'est qu'on ne peut pas tout faire tout seul ; il faut surtout se concentrer sur ce qu'on fait le mieux. C'est pourquoi nous croyons dur comme fer aux partenariats. "