La crise du coronavirus connaît ses gagnants. Les courtiers, les assureurs et les technologiques (nous y reviendrons) tirent profit des situations de panique. La prévisibilité est une condition de succès pour la plupart des entrepreneurs. Pour les prestataires graphiques, la situation est encore un cran plus compliquée car le modèle "vos désirs sont des ordres" est sous pression. Les relations durables avec les clients ont toujours été la base du fonctionnement des imprimeries. Et elles sont nécessaires car une imprimerie est une entreprise à forte intensité de capital, qui doit rentabiliser ses investissements. Plus d'un entrepreneur s'interroge aujourd'hui: comment retrouver cette prévisibilité et sur quoi faut-il se concentrer? Des défis, et quelques solutions.
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La crise du coronavirus connaît ses gagnants. Les courtiers, les assureurs et les technologiques (nous y reviendrons) tirent profit des situations de panique. La prévisibilité est une condition de succès pour la plupart des entrepreneurs. Pour les prestataires graphiques, la situation est encore un cran plus compliquée car le modèle "vos désirs sont des ordres" est sous pression. Les relations durables avec les clients ont toujours été la base du fonctionnement des imprimeries. Et elles sont nécessaires car une imprimerie est une entreprise à forte intensité de capital, qui doit rentabiliser ses investissements. Plus d'un entrepreneur s'interroge aujourd'hui: comment retrouver cette prévisibilité et sur quoi faut-il se concentrer? Des défis, et quelques solutions. En dépit de toutes les belles prévisions sur l'imprimé variable, l'essor du jet d'encre et la production pilotée par les données, le XXIe siècle reste placé sous le signe de l'imprimé conventionnel. Le changement a résidé dans la manière dont l'imprimé s'est vendu, à savoir les sites marchands. La vente active de l'imprimé sur Internet a fait émerger de nouveaux modèles économiques fondés sur d'anciens produits. Même avec des cartes de visite et des prospectus à prix écrasés, il restait possible d'amasser des fortunes. Lancer une boutique en ligne florissante n'était pas à la portée de tous les imprimeurs. Bon nombre d'entre eux se sont donc mués en fournisseurs de webshops existants. Un sacré pas à franchir car le donneur d'ordre (le webshop) est très exigeant. Délais de livraisons extrêmement courts, petits tirages et marges minuscules constituent la normalité dans le monde online. La plupart des webshops fixent les prix que leur fournisseur est autorisé à leur facturer et non l'inverse. Sans une automatisation poussée et une capacité à combiner intelligemment les commandes, l'imprimeur ne gagne plus rien. Celui qui se spécialise, en revanche, peut faire des affaires en or. Trop de boutiques en ligne proposent des produits similaires. Les clients potentiels sont peut-être des millions, mais ils n'ont pas besoin de milliers de fournisseurs. Comme pour les grands retailers en ligne et les plates-formes de médias sociaux, la loi du plus fort et du plus rapide prévaut. Les webshops qui ont su être les premiers à conquérir une position prééminente sur le marché la conservent ou continuent de grandir. Les nouveaux-venus sont réduits à une existence marginale. Lorsque le commerce électronique a fait son apparition, il n'y en avait que pour le "SEO" (optimisation des moteurs de recherche). Il suffisait pour être riche de faire en sorte que son nom apparaisse tout en haut des résultats des recherches Google. Les imprimeurs en ligne y ont consacré le temps nécessaire, ce qui leur a valu leur prospérité d'alors et d'aujourd'hui. Mais avec la croissance explosive des sites Web en général et des sites marchands en particulier, le fournisseur d'imprimés en ligne n'est plus une goutte d'eau dans une piscine, mais une molécule dans l'océan. Un bon référencement n'est plus la garantie d'être trouvé en premier. La solution de Google pour résoudre le problème: Google Adwords. Pour figurer tout en haut des résultats de recherche, il suffit de payer. Chaque mot-clé est ainsi facturé. Google propose des suggestions - contre paiement - mais des entreprises spécialisées peuvent aussi vous aider à obtenir de bons résultats avec Google Adwords. Il y a aussi les annonces qui surgissent sur les médias sociaux quand le comportement en ligne de l'internaute révèle son intérêt pour un certain produit. Les résultats des publicités en ligne sont prévisibles. Autrement dit, on peut savoir d'avance combien de clients une campagne va générer et combien ceux-ci vont dépenser. Les webshops consacrent des millions chaque année à leurs annonces en ligne. À titre d'illustration: malgré un creux au deuxième trimestre dû à la crise du coronavirus, les revenus des annonces chez Google ont encore augmenté l'an dernier, de 33,8 à 37,1 milliards de dollars. Bref, le combat est perdu d'avance. Les boutiques en ligne sont totalement dépendante du online advertising et les investissements sont trop lourds pour que le webshop qui se lance puisse espérer conquérir une part de marché. Il devient de moins en moins intéressant de réfléchir à un avenir fait d'encore plus de flyers, cartes de visite, folders, brochures et papier à en-tête proposés à des prix encore plus bas. Quelle serait dès lors la solution? Retour en octobre sur le hackathon du VIGC, le centre d'innovation flamand pour la communication graphique. Les équipes participantes avaient 48 heures pour imaginer une solution d'impression innovante. Les étudiants de la Luca School of Arts l'ont emporté avec le projet 'Smiles. Pour résumer brièvement le concept: le smartphone sélectionne des photos, images et textes s'il détecte (par reconnaissance faciale) que l'utilisateur sourit. Au bout d'une période préalablement définie, les documents partent automatiquement chez l'imprimeur, qui réalise un livret et le renvoie à l'utilisateur. Ou comment réunir ressenti, online et print au sein d'un nouveau modèle économique. Les jeunes ont bien compris que le smartphone est un terme obligé de l'équation. Ils peuvent oublier leur petit-déjeuner le matin, mais jamais leur smartphone. 'Smiles est réaliste et n'est en rien tiré par les cheveux. Sa mise en oeuvre demande un minimum d'expertise IT et de compréhension de la culture des jeunes générations. "L'idée est de rendre les gens accrocs à l'imprimé et pas uniquement à leur GSM", dit l'un des membres de la team Luca School of Arts. Tout un programme pour un produit graphique. Si l'on veut comprendre à quoi le futur de l'imprimé (ou de n'importe quel marché par ailleurs) pourrait ressembler, il faut regarder du côté de la jeunesse. Il n'est donc pas absurde d'engager davantage de jeunes dans l'entreprise, ne fût-ce que pour observer ce qui les (pré)occupe. Pour originale que soit l'intention du projet 'Smiles, l'idée que le smartphone envoie automatiquement des documents à l'imprimeur n'est pas neuve. Certaines applis proposent déjà des services comparables aux utilisateurs par abonnement. Par exemple, pour recevoir une fois par mois des tirages des photos placées sur le compte Instagram. Outre les albums photo, il existe aussi des applis pour des calendriers personnalisés, des cartes-vues, des cartes à jouer, des posters, des agendas, des cartes géographiques (avec les endroits favoris), des emballages, etc. Dans la plupart des cas, l'entreprise derrière l'appli a un accord avec les imprimeries, qui reçoivent automatiquement les documents et toutes les métadonnées nécessaires par le biais d'une API (Application Programming Interface). Une firme comme Cloudprinter.com s'est spécialisée dans la mise en place de ce type de connexions entre imprimeurs et éditeurs d'applis. De tels modèles économiques peuvent déboucher sur des contrats à long terme avec les clients. Pour peu qu'ils soient rédigés de manière appropriée - conventions de niveau de service (SLA) - ils peuvent générer un afflux de commandes constant. Autre chose à ne pas perdre de vue: les développeurs d'applis et d'API appartiennent en général aux jeunes générations. Ils ne sont pas prêts ou habitués à contacter les imprimeurs et n'ont, peu ou prou, aucune connaissance du processus graphique. Il en va de même de leurs abonnés. Le consommateur moderne entend pouvoir passer commande chez l'imprimeur aussi simplement qu'il envoie un document à son imprimante. Sans concertation préalable et sans avoir à répondre à toutes sortes de questions. Une appli qui ferait tout ça à sa place est donc la solution idéale. Ce qui suppose au préalable que le donneur d'ordre (l'éditeur de l'appli) et l'imprimeur se soient mis longuement autour de la table. Il s'agit la plupart du temps d'un développement commun où les deux parties prenantes investissent dans une relation de longue durée. L'imprimeur qui est prêt à se plonger dans les arcanes des API et de l'automatisation s'aventure dans un marché complexe mais intéressant, où seul un petit nombre de ses collèges évoluent. En tout état de cause, le développement d'API et d'autres modes de connexions logicielles avec les clients ne peut que constituer une expérience enrichissante. Et celle-ci pourra être mise à profit pour poursuivre l'automatisation interne de l'entreprise. Chaque forme de transfert numérique de données dans la chaîne de production peut contribuer à éviter les manipulations et les erreurs inutiles. Et il est grand temps. Car quand les commandes sont placées à partir d'un système automatisé, plus besoin de perdre son temps à parcourir l'entreprise un dossier de travail sous le bras. L'interconnexion des systèmes est en outre un gage de visibilité et de prévisibilité et elle permet de générer des rapports d'exploitation détaillés - tout fournisseur de systèmes d'information de gestion vous le dira. La collaboration avec les développeurs d'appli et les informaticiens, et la mise au point d'API, apportent leur lot de nouveaux défis. Mais elles conduisent aussi à de nouvelles idées et possibilités. Avec un environnement de production automatisé, vous pouvez approvisionner les webshops en imprimés conventionnels à prix serrés. Mais par les temps qui courent, ce marché a cessé d'être intéressant pour vous.