Vers la mi-2021, Philippe Voet est devenu le nouveau président de Finat, la Fédération européenne des producteurs d'étiquettes autoadhésives et de ses fournisseurs. Au quotidien, il dirige l'imprimerie d'étiquettes Etivoet, à Deinze, avec son frère Frederik. Il croit dur comme fer à la durabilisation, aussi bien à l'échelle de l'entreprise que sur le plan personnel. Nous avons été au fond des choses avec lui pour savoir ce qu'il entend par "durabilité".
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Vers la mi-2021, Philippe Voet est devenu le nouveau président de Finat, la Fédération européenne des producteurs d'étiquettes autoadhésives et de ses fournisseurs. Au quotidien, il dirige l'imprimerie d'étiquettes Etivoet, à Deinze, avec son frère Frederik. Il croit dur comme fer à la durabilisation, aussi bien à l'échelle de l'entreprise que sur le plan personnel. Nous avons été au fond des choses avec lui pour savoir ce qu'il entend par "durabilité". Qu'implique la durabilité pour vous? "Voilà déjà des années que nous nous efforçons de développer une gestion d'entreprise durable chez Etivoet. Une entreprise familiale est déjà un bel exemple de durabilité en soi. Elle se gère et se transmet de génération en génération. La responsabilité vis-à-vis du personnel est également écrasante. Nous avons vraiment mis l'accent ces dernières années sur le bien-être au travail et sur une culture ouverte. Nous voyons dans nos collaborateurs d'authentiques ambassadeurs qui ont à coeur la qualité et la satisfaction du client." Mais ça ne se limite certainement pas à cela...? "Le développement durable concerne évidemment aussi l'écologie. Préserver la planète implique de produire de manière durable - Etivoet s'est engagée dans l'initiative Science Based Targets, ndlr - mais aussi de fabriquer des produits écoresponsables. Nous pensons, chez Etivoet, que nous devons tout mettre en oeuvre pour trouver la solution la meilleure et la plus durable avec le client. Une étiquette durable dépend donc fortement de ce dont le client a vraiment besoin. À quoi doit-elle servir? Sur quel support est-elle appelée à être collée? Quel traitement subira-t-elle après usage? Nous ne pouvons pas exclure des matériaux d'entrée de jeu au motif qu'ils ne seraient pas durables. Une étiquette en film peut s'avérer la solution la plus écoresponsable eu égard à son application et à son traitement ultérieur. D'un autre côté, on peut aussi ruiner un ensemble par ailleurs parfaitement recyclable en y ajoutant un marqueur RFID." Pouvez-vous donner des exemples d'étiquettes durables que vous fabriquez? "En tant qu'entreprise, nous nous sommes focalisés sur de véritables solutions. Les plus connues sont nos étiquettes multicouches et nos étiquettes lavables brevetées. Nos étiquettes détachables à l'eau s'inscrivent totalement dans une perspective durable: elles rendent une réutilisation possible - ce qui n'était pas le cas jusqu'ici avec les autoadhésives - et augmentent le taux de réutilisation par rapport aux étiquettes à coller. À côté de nos propres innovations, nous utilisons aussi des matériaux proposés ou non en exclusivité par nos fournisseurs. Pas uniquement les supports, mais aussi les encres, les vernis, etc. Par exemple, nous pouvons livrer des étiquettes (partiellement) composées de matières premières recyclées ou qui sont compostables." Les étiquettes durables ont-elles aussi des inconvénients? "Les matières premières plus respectueuses de l'environnement (compostables, recyclées, etc.) coûtent souvent plus cher. Ce qui explique leur pourcentage d'utilisation relativement peu élevé. La tendance que nous observons toutefois depuis quelques années est que les clients les demandent et sont prêts à payer plus parce qu'ils peuvent vraiment justifier le surcoût." Quand optez-vous pour quelle variante? "Les étiquettes durables couvrent un champ très large. En fait, la problématique des emballages doit s'aborder sous l'angle de la 'hiérarchie zéro déchet'. L'emballage le plus durable est celui qu'on n'utilise pas. Un design bien conçu permet certainement des gains à ce niveau. Plus bas dans cette hiérarchie viennent la réduction (frontaux et dorsaux plus minces, emballages plus petits, etc.) et la réutilisation (re-use). Nos étiquettes lavables, par exemple, rendent une réutilisation possible, mais elles facilitent également le recyclage de l'emballage. L'échelon suivant est celui de la recyclabilité, de la compostabilité et de la digestion anaérobie." Qu'entendez-vous exactement par recyclé à propos d'étiquettes? "La notion de recyclage couvre différentes possibilités. Il peut s'agit de matériaux recyclés - papier, PP ou PE - ou fabriqués à partir de sous-produits: par exemple, des déchets de coton, des déchets miniers, etc. Ou alors de matériaux fabriqués de telle manière qu'ils se prêtent au recyclage ou au compostage. Encore plus bas, on trouve le triage de certains matériaux en vue de la valorisation. En tant que responsable d'emballage, il est important de voir comment on peut faciliter ce tri." Que fait Finat précisément sur le plan de la durabilité?"La durabilité est depuis des années au centre de la stratégie de Finat, qui travaille surtout à relever les grands défis: par-delà les frontières et sur l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement, à moyen et long terme. Finat opère de différentes manières. Un team assure une veille permanente des législations annoncées et édictées par l'UE. Nous sommes le lien entre le secteur et l'Europe ; nous mobilisons les bonnes personnes pour évaluer les textes et nous assurons un retour d'information. En outre, nous veillons à l'information et à la formation de nos membres: il y a bien chaque mois des webinaires consacrés à la sustainability. Nous sommes par ailleurs aussi actifs dans différents projets, comme Celab, par exemple: une initiative qui fédère des entreprises de toute la chaîne d'approvisionnement avec pour objectif de mettre en place un modèle soutenable et circulaire d'ici 2025 pour 75% des dorsaux et des matrices." Comment tout cela se traduit-il dans votre propre entreprise? "Nous nous sommes concentrés, en tant qu'entreprise, sur nos propres solutions innovantes. Nous ne nous contentons pas des innovations de nos fournisseurs (que n'importe quelle imprimerie peut proposer), mais nous entendons aussi proposer nos propres solutions développées en interne. Nous sommes reconnus à l'international pour nos étiquettes multicouches. Nous sommes vraiment fiers de l'expertise atteinte à ce niveau. Nous sommes aussi fiers des prix que nous avons reçus, mais plus grande encore est notre fierté de voir les marques internationales venir chez nous pour ces étiquettes uniques." Et en termes plus stricts de durabilité?"Nos étiquettes lavables à l'eau brevetées sont notre autre grande innovation. Elles sont utilisées dans le secteur des boissons, où elles contribuent à promouvoir les bouteilles consignées, mais sont aussi très populaires dans d'autres secteurs. Notamment pour les casiers consignés dans le secteur alimentaire, ou pour faciliter un tri spécifique de différents matériaux d'emballage combinés, comme une étiquette sur un ravier alimentaire. Notre solution a été testée et certifiée par de très grandes entreprises, dont ABInbev." Quels autres types d'étiquettes fournissez-vous encore? "Nous sommes spécialisés dans les étiquettes en bobines, et ce pour différents secteurs (chimie, cosmétique, pharma, agroalimentaire, agences marketing, etc.). Il existe naturellement une multitude de possibilités en termes de matériaux, d'adhésifs, de modes d'ennoblissement... Un coup d'oeil sur notre site Web suffit à constater que nous travaillons pour énormément de grands noms de l'industrie. Mais nous fournissons la même haute qualité à des entreprises moins connues. Chaque client mérite la meilleure étiquette sur son produit." Vous proposez aussi des étiquettes compostables? Pouvez-vous en dire plus? "Concernant les matériaux, il convient de distinguer le compostage à domicile (sur le compost du jardin) de l'industriel (qui requiert de plus hautes températures). Je trouve personnellement la solution très bonne, mais elle présente aussi des inconvénients ; il ne faut pas en arriver à ce que les déchets soient jetés, car ils compostent malgré tout..." Le secteur connaît une énorme vague de consolidation ; comment appréhendez-vous ce phénomène? "Il y a beaucoup d'argent sur le marché. Les bourses sont au plus haut et constituent donc un placement à risque. Les banques ne paient plus d'intérêts depuis des années. Les investisseurs (privés ou groupes de capitaux) sont donc à la recherche d'autres manières de faire fructifier leurs liquidités. Ils cherchent des entreprises intéressantes sur des marchés sains. Cette évolution ne me surprend pas. La tendance est perceptible ailleurs que dans le secteur de l'étiquette." Mais il intéresse manifestement les investisseurs? "L'industrie de l'étiquette est naturellement un très bon secteur: le marché est stable depuis des années, et il est surtout aux mains de propriétaires familiaux. Il est donc fragmenté. D'où une dichotomie, avec d'un côté les grands acteurs plus généralistes, et de l'autre des opérateurs de niche plus spécialisés. En ce qui nous concerne, nous sommes connus pour avoir la bonne étiquette pour chacun de nos clients. L'innovation, la fiabilité du service et la qualité des produits sont les pierres angulaires de cette approche. Nous voyons les grands groupes consolidés comme complémentaires de notre propre cheminement." Les grandes entreprises peuvent-elles plus en matière d'innovation? "Les grandes entreprises ont naturellement de gros budgets de R&D. Nous voyons aussi qu'elles entretiennent des liens étroits avec les grosses sociétés internationales (aussi bien en tant que client que comme fournisseur). Ce qui constitue certainement un avantage. En tant que petite entreprise belge, nous voyons que nous faisons malgré tout la différence par notre rapidité de décision et notre audace. Oser prendre le risque d'échouer pour aboutir à des solutions brillantes à la fin. Nous constatons que les entreprises internationales savent nous trouver et se détournent de leurs anciens partenaires traditionnels (du moins partiellement). Nous devons aussi être reconnaissants envers les autorités. Le gouvernement stimule les innovations et les investissements pour que les entreprises belges puissent se montrer." Où se situe Etivoet sur cette échelle de grandeur? "Nous disposons à présent d'une équipe de trente collaborateurs, que nous nous employons à étoffer fortement. Nous sommes en effet en pleine croissance et nous restons ambitieux. Les efforts des dernières années commencent à porter leurs fruits. Nous sommes convaincus qu'ils résultent de nos choix stratégiques clairs. Les clients actuels et nouveaux trouvent en nous un partenaire, qui non content de leur fournir des étiquettes classiques, les aide à résoudre leurs problèmes avec des solutions d'étiquetage. Cet excellent travail nous a apporté pas mal de nouveaux clients ces dernières années." Gardez-vous une taille suffisante dans un secteur en pleine consolidation? "Nous n'avons naturellement pas de boule de cristal. Les grands groupes ont certainement des avantages d'échelle, mais aussi des points faibles. En tant qu'entreprise familiale, nous avons tout en mains. Nous décidons nous-mêmes des machines à acheter et du moment, des prix à pratiquer, de l'utilisation des liquidités pour le stock et de la politique du personnel à mener. La filiale d'un grand groupe est également sous la pression d'une obligation de rendements élevés (afin de rembourser les emprunts et rémunérer les investisseurs). Si une perspective de collaboration ou de fusion se dégage à l'avenir, nous examinerons toujours s'il s'agit d'une situation gagnant/gagnant pour l'entreprise ET pour le personnel." Comment êtes-vous arrivé dans le secteur de l'étiquette? "Mon frère et moi-même avons eu un parcours professionnel différent. Lui, était commissaire de police et moi, directeur de production dans une entreprise pharmaceutique. Nous avons beaucoup appris chacun de notre côté et pouvons à présent utiliser nos atouts dans notre propre entreprise. Nous sommes différents, mais nous partageons des valeurs familiales essentielles. Nous avons racheté l'entreprise de notre père - Marc Voet, ndlr. Il nous laisse une totale liberté de choix en tant que nouveaux propriétaires, mais nous sommes heureux de pouvoir encore compter sur ses bons conseils. Il reste une pierre de touche importante. Ses années d'expérience dans le monde de l'étiquette, mais aussi comme chef d'entreprise, ont une valeur inestimable." Comment êtes-vous devenu ensuite président de Finat? "Une participation à l'un des évènements - le European Label Forum - m'a convaincu de la valeur ajoutée de Finat pour notre secteur. Je suis rapidement devenu actif dans le comité technique. J'ai pu constater 'sur le tas' qu'oeuvrer à l'avenir à moyen et long terme du secteur est un véritable win-win-win. On aide le secteur, on aide sa propre entreprise et on s'enrichit sur le plan personnel. Je voulais aller plus loin, et c'est ce que j'ai fait: actif dans plusieurs projets à long terme, ensuite actif au conseil d'administration, puis vice-président et, tout récemment, président. Finat, c'est important, intéressant et aussi très chouette. Mais il faut naturellement avoir du temps à y investir et être relativement actif pour profiter de tous les avantages." Avez-vous des projets chez Finat pour le proche avenir? Les pôles de Finat se répartissent sur quatre piliers: community, advocacy, collaboration et knowledge. Les membres trouvent au sein du réseau un lieu où s'interconnecter, construire des relations, lancer des collaborations ou des cocréations. Finat est aussi la voix de la communauté européenne de l'étiquette et peut ainsi faire bloc pour la défense des intérêts communs, mais aussi mettre en place un marketing commun. En tant que consortium indépendant, Finat est aussi un facilitateur pour développer certains sujets: par exemple, le recyclage, le durable, la protection des produits et les formations. Comme dernier pilier, la fédération est aussi source d'expertise. Cela va de l'acquisition à l'échange de connaissances, par le biais, par exemple, de cours en présentiel ou en ligne sur certains thèmes." Quels développements attendez-vous dans les temps à venir? "Les étiquettes ont toujours été les vendeurs silencieux des produits. Elles ont un rôle informatif mais sont aussi clairement un outil de marketing. consommateur décide souvent en fonction de l'apparence du produit. Nous pensons toutefois que les étiquettes vont jouer un rôle crucial à l'avenir pour la réutilisation et le recyclage. Les étiquettes peuvent être séparées du reste de l'emballage pendant le processus de recyclage, ce qui permet au matériau de base de rester pur et donc de pouvoir être réutilisé/transformé plus longtemps." Quel rôle joue le numérique dans cette évolution?"Les avantages du numérique actuellement sont les coûts de mise en route réduits (idéal donc pour les courts tirages), mais aussi la personnalisation, les éléments de sécurité, etc. Le coût de l'encre reste le gros inconvénient, outre certaines limites techniques. Chaque procédé présente du pour et du contre, et tant que les avantages pourront être liés à un volume suffisant d'étiquettes autoadhésives, elles continueront d'exister." Quel est l'apport de la digitalisation pour la durabilité? "L'impression numérique et la digitalisation en général ont pour avantage de réduire les déchets - le numérique produit généralement moins de gâche que l'impression conventionnelle." Labelexpo est de nouveau reportée. En cause notamment, la pénurie de matériaux et composants chez les fournisseurs du secteur. Qu'en ressentez-vous? "Les pénuries sont en effet bien présentes chez nous aussi. Concernant l'approvisionnement en matières premières, la situation est compliquée. Les délais de livraison sont passés de quelques jours à plusieurs mois. Grâce à une bonne collaboration/communication entre fournisseurs, imprimeurs et clients, et moyennant quelques décisions plus difficiles - par exemple, nous n'assurons plus des commandes couvrant les besoins d'un client pour une année entière - nous sommes malgré tout en mesure de livrer le marché. La cause des pénuries est double ; notre secteur suit les tendances macroéconomiques. Le redressement de l'économie après la pandémie entraîne une hausse des volumes d'étiquettes à livrer. La situation était de ce fait déjà tendue. Concernant nos matières premières, elle a encore été aggravée par les grèves dans certaines usines de papiers spéciaux."