Dans sa présentation, la packaging designer allemande Susanne Lippitsch a osé l'expression "Eierlegendewollmilchsau" - littéralement, un cochon qui pond des oeufs et fournit en même temps du lait et de la laine - tant sont nombreux les souhaits et obligations auxquels les emballages sont censés répondre. En plus de protéger le produit emballé, ils doivent être fonctionnels et écoresponsables, et aussi déclencher des émotions positives." Lippitsch s'est attardée sur ce dernier aspect: "Les emballages sont des 'vendeurs silencieux'. Ils agissent sur les sens du consommateur, non seulement la vue, mais aussi le toucher et l'ouïe. Ils incitent à l'achat et doivent en outre offrir une 'expérience de déballage' agréable. Un aspect qui prend toujours plus d'importance compte tenu de l'omniprésence de l'e-commerce, les consommateurs n'entrant effectivement en contact avec le produit qu'une fois celui-ci parvenu à domicile. Mieux encore: un bon emballage, estime Lippitsch, a 50% de chances en plus de faire l'objet d'une "vidéo d'unboxing" partagée sur les médias sociaux - et donc de bénéficier ainsi d'une publicité supplémentaire.
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Dans sa présentation, la packaging designer allemande Susanne Lippitsch a osé l'expression "Eierlegendewollmilchsau" - littéralement, un cochon qui pond des oeufs et fournit en même temps du lait et de la laine - tant sont nombreux les souhaits et obligations auxquels les emballages sont censés répondre. En plus de protéger le produit emballé, ils doivent être fonctionnels et écoresponsables, et aussi déclencher des émotions positives." Lippitsch s'est attardée sur ce dernier aspect: "Les emballages sont des 'vendeurs silencieux'. Ils agissent sur les sens du consommateur, non seulement la vue, mais aussi le toucher et l'ouïe. Ils incitent à l'achat et doivent en outre offrir une 'expérience de déballage' agréable. Un aspect qui prend toujours plus d'importance compte tenu de l'omniprésence de l'e-commerce, les consommateurs n'entrant effectivement en contact avec le produit qu'une fois celui-ci parvenu à domicile. Mieux encore: un bon emballage, estime Lippitsch, a 50% de chances en plus de faire l'objet d'une "vidéo d'unboxing" partagée sur les médias sociaux - et donc de bénéficier ainsi d'une publicité supplémentaire. La conférence "Shaping the Future with Packaging", à Bruxelles, s'intéressait d'ailleurs surtout aux aspects fonctionnels et durables des emballages. Cette combinaison de fonctionnalité et de soutenabilité place parfois l'industrie de l'emballage face à de grands défis, les deux étant encore souvent antagonistes. Ainsi, le désir sociétal de bannir le plus possible le plastique se heurte régulièrement à la réalité sur les plans, par exemple, de la protection du produit, de la durée de conservation et du confort d'utilisation. Et pendant que l'industrie innove tous azimuts dans le domaine, les consommateurs et les autorités semblent souvent manquer des connaissances nécessaires pour apprécier ces efforts à leur juste valeur. "Les consommateurs identifient les marques à leurs emballages", a fait remarquer Susanne Lippitsch. Et cela vaut certainement aussi pour l'aspect développement durable. Coca-Cola en sait quelque chose. Francisco Nogueira a expliqué comment, en tant que Packaging Innovation Manager du géant des sodas, il entend faire partie de la solution au problème des déchets d'emballages avec le programme "world without waste". Coca-Cola s'est fixé d'ambitieux objectifs: 100% de tous ses emballages dans le monde doivent être recyclables en 2025 et sa consommation de plastique neuf doit être réduite de trois millions de tonnes d'ici là. Ses emballages devront être constitués à 50% de matériaux recyclés en 2030. Pour stimuler le réemploi et le recyclage, Coca-Cola soutient le développement et le perfectionnement des systèmes de collecte: pour chaque canette ou bouteille vendue en 2030, une autre sera collectée et recyclée. Coca-Cola atteindra ses objectifs, dit Nogueira, notamment en concevant de nouveaux emballages. Si l'on utilise, par exemple, les mêmes bouteilles pour toutes les marques (comme Coca-Cola, Fanta et Sprite) - en changeant donc uniquement les étiquettes - elles pourront être réemployées plus souvent et plus facilement. Une autre possibilité pour lutter contre les déchets consiste à concevoir une bouteille sans étiquette, mais éminemment reconnaissable, pour certaines marques spécifiques: "Une étiquette imprimée est-elle toujours nécessaire?". D'autres choix de matériaux peuvent aussi faire la différence. Fabriquer désormais les bouteilles en PET transparent augmenterait le taux de recyclabilité. Des expérimentations sont en cours autour du recyclage des déchets plastiques marins: 300 bouteilles ont pu être produites, mais la montée en échelle de la méthode semble encore problématique. La bouteille en papier fait également partie des possibilités, même si Nogueira voit surtout la version actuelle (qui contient encore pas mal de plastique en plus du carton) comme un "tremplin vers de nouvelles évolutions". Nogueira a précisé que "personnellement en tant que technologue", il trouvait bon que la législation et la réglementation incitent le marché à passer à l'action. Mais, a-t-il dit: "Cela ne va pas assez vite. Et la multiplication des restrictions complexifie les choses. Peut-être faudrait-il une approche spécifique des différents marchés et segments." S'il n'en tenait qu'à Maja Desgrées du Loû, l'accélération serait pour demain et davantage de clarté serait également faite pour l'industrie de l'emballage. Policy Officer à la Commission européenne dans le domaine de la durabilité, elle est aussi coresponsable du développement du nouveau Règlement sur les emballages et déchets d'emballages (PPWR). Ledit "règlement" remplace la "directive" de 1994 - et la nuance est de taille: "Cette réglementation obtient ainsi une base juridique qui lui donne directement force légale dès le moment de sa mise en oeuvre." Le PPWR a été adopté par la Commission et est à présent soumis au Parlement européen. Il devrait entrer en vigueur fin 2024 et vise, pour résumer, la réduction de la quantité d'emballages et de déchets d'emballages. Ce qui est nécessaire: "Si nous ne faisons rien, le flot des déchets d'emballages va encore grossir de 40% jusqu'en 2030, à environ 210 kilos par tête d'habitant." Ce qui est mauvais pour l'environnement, mais n'est pas non plus sans conséquences économiques: "Il faut faire un meilleur usage des précieuses ressources." Le PPWR fixe des objectifs que les États membres de l'UE sont tenus d'avoir atteints à l'échéance fixée: par rapport à 2018, le volume de déchets d'emballages doit être réduit de 5% en 2030, de 10% en 2035 et 15% en 2040. Le PPWR prévoit un certain nombre de mesures - souvent spécifiques au marché et assorties de toutes sortes d'exceptions - pour parvenir aux taux de réduction escomptés. La première consiste à éviter tous les emballages inutiles et superflus. Maja Desgrées du Loû a notamment cité l'exemple des emballages trompeurs à double paroi ou espaces intérieurs vides. Pour les emballages de vente en ligne, une limite maximale de 40% de volume vide sera introduite. On mise en outre plus résolument sur les emballages réutilisables et rechargeables, mais aussi compostables pour certains segments (café, thé, étiquettes de fruits). Le PPWR fixe également des exigences en termes de proportion minimale de matières recyclées dans les emballages en plastique. Pour les bouteilles à boisson, par exemple, celle-ci devra déjà être de 30% en 2030, et même de 65% en 2040. Un système harmonisé à base de pictogrammes est introduit dans l'UE pour simplifier la collecte et la séparation des matériaux d'emballage et ainsi assurer la disponibilité des quantités nécessaires de matières premières recyclées. Des objectifs contraignants sont également associés à ces collectes. La présentation de Maja Desgrées du Loû sur le PPWR a déclenché des réactions en sens divers. Peter Ragaert, professeur en technologie des emballages alimentaires à l'Université de Gand, a insisté sur les avantages fonctionnels inhérents aux emballages plastiques. Non emballés, pas moins de 30% des aliments sont perdus et finissent en déchets, et pour les fruits et légumes, c'est même 50%, a-t-il rappelé. Un juste choix d'emballage permet de lutter contre ce gaspillage. Olga Munroe (du Retail Institute de la Leeds Becket University) a abondé dans le sens de Ragaert: "Le problème des déchets alimentaires est beaucoup plus sérieux que celui des plastiques." Ragaert, qui est aussi le directeur de Pack4Food (un consortium d'entreprises actives dans l'alimentaire et le secteur de l'emballage et de leurs fournisseurs), est convaincu que l'industrie peut parvenir à des solutions durables en misant sur l'innovation permanente. Il a notamment plaidé pour une meilleure information des consommateurs: "Ils voient trop souvent les emballages comme de purs déchets. Mais ils sont bien plus que cela. Les commerçants devraient mieux expliquer à leurs clients pourquoi leur concombre est emballé dans un film plastique: il se conserve ainsi beaucoup plus longtemps." Le projet européen "HolyGrail 2.0" constitue un bel exemple de la force d'innovation de l'industrie de l'emballage. Un groupe de 160 parties prenantes de l'industrie de l'emballage, dont de grands noms tels que Mondelez, Unilever et L'Oréal, travaille en commun à l'élaboration d'un "système de tri intelligent", destiné à permettre la mise en place d'une économie circulaire. Selon le chef de projet Jan 't Hart, de l'Association des Industries de Marque (AIM), les objectifs pour 2030 ne pourront être atteints que si les déchets d'emballages sont mieux collectés pour être ensuite aussi mieux séparés, afin de permettre la réutilisation des différents matériaux - comme le PP (polypropylène), le PE (polyéthylène) et le PET (polytéréphtalate d'éthylène). C'est pour concrétiser cette meilleure séparation des flux matières que le projet HolyGrail 2.0 a été lancé en 2020. Son but est de démontrer qu'un "filigrane numérique" peut constituer une solution également à l'échelle industrielle. Une telle marque doit être apposée sur chaque emballage et être liée à une base de données centrale contenant des informations sur la composition du matériau. Les centres de traitement des déchets sont équipés de caméras spéciales, capables de détecter les filigranes et d'opérer ainsi un tri automatique des emballages. Jan 't Hart a expliqué que ces filigranes numériques sont invisibles à l'oeil nu. Ils sont directement incorporés au matériel graphique du carton ou de l'étiquette dans la phase de prépresse, par le biais de légères modifications apportées au niveau du pixel, dans la sélection jaune par exemple. Le filigrane est répété sur l'ensemble de l'emballage afin que le système de caméras puisse toujours le reconnaître dès lors qu'il aurait été abîmé. De tels filigranes peuvent en outre aussi être incorporés dans le plastique de l'emballage proprement dit. Après des tests sur prototypes en 2021, une deuxième phase a commencé début 2022 avec une méthode d'essai "semi-industrielle". La troisième phase doit se clôturer à la fin de cette année, avec des tests à l'échelle industrielle. Et les résultats sont manifestement positifs, car la technologie HolyGrail 2.0 sera déployée l'an prochain dans toute la France, a dit 't Hart. Le reste de l'Europe devrait suivre à terme - juste à temps, espère-t-on, pour pouvoir répondre au durcissement des exigences dans le cadre du nouveau Règlement sur les emballages et déchets d'emballages.