L'ESMA, c'est qui, c'est quoi?
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L'ESMA, c'est qui, c'est quoi? L'ESMA, abréviation de European Specialist Printing Manufacturers Association, est une fédération européenne de fournisseurs de l'industrie de l'impression jet d'encre et de la sérigraphie. Elle a été fondée en 1990. On se faisait du souci à l'époque pour l'avenir de la sérigraphie face à l'essor de l'impression numérique. L'association a rapidement compté une trentaine de membres en Europe, lesquels continuent aujourd'hui d'évoluer au premier plan. Avec l'essor du jet d'encre, des démarches ont été entreprises pour incorporer cette technologie sous l'égide de l'ESMA. La percée est survenue après que l'ESMA se fut dotée d'un directeur à plein temps en 2007 (Ndlr: le Belge Peter Buttiens), tout en ouvrant un bureau à Tielt-Winge, dans la région de Louvain. L'association emploie aujourd'hui quatre personnes sous la direction du Belge Peter Buttiens. L'ESMA compte 70 membres. Quels sont les objectifs de l'association? Vers 2010, il est devenu évident que l'ESMA allait se consacrer à l'impression industrielle. Une évolution surtout encouragée par des conférences comme GlassPrint, Computer-to-Screen (CTS) et le Membrane Switch Symposium. La sérigraphie avait dominé ce segment, mais à partir de 2015, nul ne doutait plus que le jet d'encre allait se concentrer sur les applications industrielles, fort des avancées technologiques et des nouvelles opportunités. Aujourd'hui, nous nous focalisons sur toutes les facettes de l'impression industrielle sur divers matériaux. L'électronique imprimée, les claviers à effleurement et les panneaux tactiles, pour citer les plus importantes, mais aussi les applications biomédicales. En 2020, nous avons entamé le développement d'un nouveau pilier, plus largement orienté sur le textile. Le textile est étroitement interconnecté avec la sérigraphie et le jet d'encre. Notre but premier est de mettre l'accent sur le rapport entre un flux d'impression textile et la chimie. L'impression sur textile a beaucoup à voir avec la chimie. Notre comité HSEP (Santé, Sécurité & Protection environnementale) joue un rôle important pour assurer le suivi du flux de données relatif aux changements dans la chimie des encres et le post-traitement. Le cheminement vers des solutions plus écoresponsables et écologiques constitue également un thème à part entière. Un groupe de travail suit les besoins de l'impression textile en matière de standardisation, de gestion des couleurs, de modèles économiques et de concepts technologiques tels que les micro-usines et l'automatisation sur les marchés de l'habillement, de la déco intérieure et des textiles techniques. Notre nouveau focus sur le textile n'a rien de surprenant: une analyse a montré que 80% de nos membres sont concernés de près ou de loin par l'impression de tissus. À quoi ressemble le profil des membres de l'ESMA? Nous avons un équilibre entre sérigraphie et jet d'encre. Les fournisseurs proviennent de tous les horizons: fabricants d'encre, constructeurs de grosses machines mais aussi fournisseurs de pièces et d'autres consommables nécessaires au flux de production industrielle. Les entreprises découvrent notre existence à travers des conférences spécialisées ou des formations car nous sommes la seule association centrée sur l'impression industrielle en Europe. L'impression grand format classique est moins représentée. L'impression graphique a évolué chez nous vers la décoration industrielle du verre, l'impression directe sur contenants et objets, la déco moulée et d'autres applications. De grandes entreprises sont membres, mais aussi de petits acteurs importants, et l'ESMA accueille également des Partenaires technologiques depuis quelques années. Ces membres n'ont pas de pouvoir délibératif, mais ce sont des protagonistes majeurs (imprimeurs industriels, consultants, experts et revendeurs, etc.), qui jouent aussi un rôle de premier plan dans la chaîne d'approvisionnement de l'impression industrielle. Quelle expertise spécifique l'ESMA partage-t-elle avec ses membres? Quand on travaille pour des branches de l'industrie comme l'automobile, le médical ou les produits d'hygiène, on doit répondre à d'autres critères que pour l'impression traditionnelle d'affiches ou de bâches. Les composants imprimés sont souvent utilisés pour des appareils ménagers, des verres à boisson ou des environnements médicaux qui sont soumis à d'autres normes et exigences. On parle de règles définies au niveau européen, voire mondial, dans le domaine des encres, de la migration et de la soutenabilité. Nous avons développé à cet effet le "Knowledge Hub", un point d'information central qui concentre toute l'expertise que nous avons accumulée ces dernières années. Les présentations, livres blancs, rapports, projets, mais aussi formations internes et externes qui y sont rassemblés constituent une véritable mine d'informations pour nos membres. Nous recevons aussi souvent des questions d'utilisateurs issus de l'industrie sur des sujets moins standard. L'aide de nos experts de l'ESMA est alors précieuse pour trouver des réponses collectives ou individuelles. L'ESMA existe depuis plus de trente ans. Comment l'association a-t-elle évolué? Dans les premières années, l'accent était surtout mis sur la survie de la sérigraphie. L'ESMA a clairement contribué à promouvoir les avantages du procédé sérigraphique dans certaines applications. À travers notre collaboration au lancement du magazine "Specialist Printing Worldwide" en 2008, une nouvelle plate-forme a été créée pour la diffusion d'articles techniques de haut vol permettant de faire la clarté sur les applications industrielles de la sérigraphie et du jet d'encre. Ce qui a débouché sur des conférences mais aussi des pavillons dans des salons industriels comme la Drupa, Glasstec et la K. Nous avons aussi continué de soutenir la Fespa avec un pavillon de nos membres. Nous continuons de plancher sur des formations techniques pour l'industrie. Ce pour quoi nous collaborons avec des centres de compétences comme le Fraunhofer et la Hochschule der Medien Stuttgart. Nous avons aussi un partenariat avec un certain nombre d'experts ESMA pour l'ESMA Academy for industrial inkjet. Des formations sont également développées pour la sérigraphie, un procédé important pour le monde de l'électronique imprimée. Au vu de la montée d'intérêt pour l'impression directe sur objet (Direct-to-Shape), des formations sont aussi dispensées dans ce domaine. Avec DITF, à Denkendorf, nous avons mis sur pied le cours Textile Printing au sein de l'ESMA Academy et celui-ci va évoluer dans le sens des micro-usines et d'autres spécialisations autour de l'impression textile. Nous cherchons en permanence de nouvelles manières de mieux soutenir notre industrie. Notre toute nouvelle conférence IPI (Industrial Print Integration) s'est tenu les 23 et 24 novembre 2021 à Neuss, en Allemagne. Comment définiriez-vous l'impression industrielle en 2021? Nous avons une image claire de ce qu'est l'impression industrielle. L'impression, pour nous, n'est pas uniquement l'application d'encres de couleur, mais elle concerne surtout le dépôt d'un autre matériau sur un support. Qu'est-ce que l'impression industrielle? Je dirais surtout l'impression d'un élément, ou une étape de la production, d'un tout plus important. Contrairement à l'impression d'une bâche ou d'une affiche qui constitue le produit fini. Exemples dans le monde automobile: les antennes intégrées aux coques de rétroviseur d'une voiture. Ou les incrustations moulées pour le tableau de bord, les éléments chauffants du siège mais aussi des éléments chimiques pour le catalyseur ou l'étanchéité du bloc-moteur. La liste est pratiquement infinie ; même les étanchéités des portières sont imprimées avec du PSA (Pressure Sensitive Adhesive), une colle qui s'active sous pression au moment du placement des pièces en plastique. Il s'agit donc de choses complexes - mais aussi simples - qui facilitent et améliorent certaines étapes de la production. L'impression industrielle est omniprésente sans que la plupart des gens ne la remarque. Comment s'est porté le secteur pendant la pandémie? Il était évident que certaines matières premières nécessaires à l'industrie des encres allaient manquer. Mais pas jusqu'à penser que l'ensemble de l'industrie allait souffrir de problèmes de livraison à partir de la Chine. Les secteurs utilisateurs de semi-conducteurs, surtout, se sont retrouvés à l'arrêt. Ce qui a eu des conséquences pour le secteur automobile, mais aussi pour les fabricants d'appareils ménagers, qui ont dû se croiser les bras faute de composants électroniques. En Amérique aussi, nous avons observé un net recul dans l'industrie des vêtements (impression de tee-shirts) et le reste de l'industrie textile a connu des ralentissements ensuite. Le segment de l'électronique imprimée a quant à lui prospéré et la production de panneaux photovoltaïques a bénéficié d'un énorme boost (certains éléments sont sérigraphiés). La plus forte croissance a été perçue dans les soins de santé, grâce aux capteurs et autres composants. Le développement des tests rapides pour la COVID-19 a aussi signé une percée de l'impression industrielle. Ce qui n'est pas une surprise: voilà des années que les bandelettes de test de diabète sont sérigraphiées. Ces cinq dernières années, nous avons observé une forte croissance du côté des tests rapides (kits de diagnostic) de toutes sortes de maladies: cancer, HIV, MST, etc., et celle-ci se poursuivra. À présent que l'économie se remet à tourner à plein régime, quelles sont les perspectives pour votre secteur? L'impression industrielle est directement tributaire des grands secteurs comme l'automobile et l'électroménager. L'Europe entend clairement réduire sa dépendance par rapport à la Chine, dont la mainmise sur les matières premières et les composants est devenue très forte. Ce qui rend la demande d'environnements de production flexibles d'autant plus aiguë. Le monde est en outre fortement en train d'évoluer sur le plan de la soutenabilité: moins d'émissions de CO2, fin de la surproduction. Cette dimension prendra de plus en plus d'importance dans les années qui viennent et l'impression industrielle peut certainement jouer son rôle. Les micro-usines dans l'industrie textile en sont un bel exemple: de petits environnements de production qui font tout de A à Z en interne. Elles peuvent fonctionner sur un modèle de production à la demande tout en lorgnant les commandes en ligne. L'objectif est ainsi de réduire les stocks mais aussi d'alléger l'empreinte écologique des livraisons et de la production. Ce modèle peut également se déployer pour d'autres applications plus complexes. Ainsi voit-dans le monde des produits d'hygiène corporelle que la décoration va désormais s'effectuer en interne avec l'impression directe sur objet (DTS), et même en jet d'encre au service d'une personnalisation flexible. Une impression DTS permet d'économiser le coût et le matériau d'une étiquette. Le phénomène est déjà partiellement en cours dans le monde textile, avec la sérigraphie directe des informations de l'étiquette sur la face intérieure de l'étoffe. Comment voyez-vous évoluer le marché de l'impression industrielle au cours des prochaines années? La puissance de l'impression industrielle est déjà patente si l'on compare sa consommation énergétique avec celle des procédés traditionnels. C'est surtout évident dans le monde de l'électronique imprimée. Celle-ci relève de nouveaux défis avec l'électronique souple, qui est plus mince et plus légère. Les exemples ne manquent pas dans le monde des capteurs, écrans, panneaux tactiles, électrodes PV, électronique 3D, emballages intelligents, antennes (RFID, NFC, notamment), etc. Certains processus traditionnels sont très énergivores et coûtent très cher. Pour certains produits, une bonne part des coûts peut être réduite grâce au recours à l'impression industrielle. Il relève de notre mission éducative de démontrer les avantages de l'intégration des techniques d'impression dans différents processus de production. Dans le cadre de l'Industrie 4.0, de l'automatisation et de la robotique, mais aussi pour promouvoir des alternatives durables. Quels sont les principaux défis à relever pour vos membres? Les imprimeurs industriels doivent satisfaire à des exigences très strictes pour pouvoir produire pour des secteurs comme ceux de l'emballage, des appareils ménagers et de l'automobile. Le marché de l'impression industrielle est ouvert mais les exigences dans les nouveaux secteurs comme la santé et l'électronique sont encore plus élevées, compte tenu des applications de haute technologie. Ce qui conduit l'imprimeur industriel à devoir engager du personnel plus spécialisé, comme des ingénieurs, des chimistes et d'autres experts. Les environnements de travail s'apparentent de plus en plus à des salles blanches. D'où une augmentation de la demande de machines d'impression répondant à des critères stricts. Comment les acteurs européens se distinguent-ils de la concurrence mondiale? Sur le plan de l'impression industrielle, l'Europe est à la pointe aux côtés de l'Asie (Japon) tant pour la sérigraphie que pour le jet d'encre. L'Amérique est clairement en retard dans ce domaine. Bon nombre de développements dans le domaine du jet d'encre et de la sérigraphie se passent en Europe. Souvent, une bonne base a été jetée dans le cadre de projets de développement comme Horizon Europe, CORNET (Collective Research Network) mais aussi en Belgique avec Vlaio. De tels projets sont souvent un tremplin vers d'autres évolutions prometteuses au sein de l'industrie. Quelles évolutions technologiques voyez-vous prochainement arriver dans le secteur? Il faudra tenir compte d'un degré plus élevé d'automatisation et de robotisation, mais aussi de solutions sur mesure conçues spécialement pour l'industrie. Tout comme la fabrication additive, l'impression industrielle s'intégrera le plus profondément et le plus largement possible dans de nouveaux segments d'environnements de production industrielle. L'Industrie 4.0 jouera aussi un rôle. Nous observons que beaucoup de nouveaux développements sont liés à l'électronique imprimée. Ainsi, l'essor des voitures électriques aura un impact considérable car ces véhicules seront équipés de composants imprimés comme les capteurs de température des batteries. Les applications qui seront importantes à l'avenir grâce à l'impression de pistes conductrices seront notamment les patchs électroniques, l'électronique moulée, les vêtements connectés, les emballages intelligents, etc. Un message spécifique à faire passer à nos lecteurs? L'évolution de l'impression industrielle s'inscrit dans le cadre plus large de la fabrication additive. Après le long chemin accompli avec la sérigraphie et d'autres technologies d'impression, la flexibilité du jet d'encre apporte une dimension supplémentaire. L'impression des carrelages, par exemple, a entièrement été conquise par le jet d'encre depuis quelques années. On imprime non seulement la décoration, mais aussi des structures, pour imiter le toucher de la pierre. On voit ici comment une nouvelle technologie a non seulement contribué à apporter davantage d'automatisation mais aussi créé de nouvelles possibilités. L'impression d'intérieur est un marché en pleine croissance pour toutes sortes de solutions: des stratifiés aux dalles vinyle, mais aussi les structures bois et les papiers peints. La technologie apporte des solutions durables, et, surtout, permet de laisser libre cours à la créativité. Dans le segment des textiles d'intérieur, le jet d'encre joue un rôle important pour l'individualisation. Il est évident que l'impression industrielle ne connaît pas de limites. La technologie en étonnera encore plus d'un à l'avenir.