Q ue signifient l'écologie et la durabilité? Comment économiser de l'énergie et les ressources? Comment réduire davantage les déchets? Telles sont les questions du quotidien d'une entreprise respectueuse de l'environnement. Peu perceptible aux yeux du grand public, l'environnement est pourtant dans l'ADN de tout imprimeur et papetier qui se respectent.
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Q ue signifient l'écologie et la durabilité? Comment économiser de l'énergie et les ressources? Comment réduire davantage les déchets? Telles sont les questions du quotidien d'une entreprise respectueuse de l'environnement. Peu perceptible aux yeux du grand public, l'environnement est pourtant dans l'ADN de tout imprimeur et papetier qui se respectent. En matière de transition écologique, chaque entreprise avance à son rythme et en fonction de ses moyens. Il n'est pas question de changer du jour au lendemain son entreprise, mais d'intégrer progressivement des changements réalisables. En témoignent artoos group (Kampenhout), AZ Print (Grâce-Hollogne), POP Solutions (Nivelles) et Van der Poorten (Louvain), toutes engagées à des degrés différents et à leur manière dans l'environnement. Filip Van Wezemael, administrateur de Van der Poorten: "Il faut changer progressivement et non d'un coup sinon ce n'est pas écologique. À chaque étape ou investissement, on met ses lunettes écologiques pour choisir la solution la plus efficace et environnementale possible." John Morent, administrateur délégué de POP Solutions, spécialisé dans la PLV, parle lui de "politique des petits pas". Depuis 2017, l'environnement est au coeur de la stratégie de l'entreprise publicitaire. Après le bronze en 2020, POP Solution a obtenu l'année suivante la médaille d'argent d'EcoVadis pour la division carton POP Factory. EcoVadis est un organisme qui évalue la responsabilité sociétale des entreprises (RSE). En Belgique, cette reconnaissance est assez unique dans le secteur de la PLV, et de l'impression en général. La reconnaissance EcoVadis signifie que POP Solutions fait partie du Top 7% mondial des 590 entreprises évaluées dans le secteur des meubles. La particularité de POP Solutions est d'avoir développé un modèle d'affaires pour promouvoir des solutions de PLV à faible impact environnemental et circulaires. La groupe artoos dispose lui aussi d'une reconnaissance EcoVadis, la médaille d'or (Top 5%) et est certifié climatiquement neutre. Depuis 2010, Artoos s'efforce de réduire toujours plus son empreinte écologique et offre des imprimés neutres en CO2. Devenue ambassadrice du climat en 2020, l'imprimerie Van der Poorten fait aussi figure de modèle dans le secteur des imprimeries. Elle aussi propose des imprimés neutres en CO2 depuis 2015 et se soumet chaque année à un audit environnemental. La neutralité carbone implique de réduire au maximum son empreinte environnementale et de compenser ensuite l'empreinte résiduelle en finançant un projet durable de réduction ou de séquestration carbone. AZ Print n'a pas franchi le pas de la compensation carbone, mais le respect environnemental fait aussi partie du quotidien de l'imprimerie. Imprimer vert, recycler et utiliser de l'énergie renouvelable restent au coeur de l'entreprise. Rentrer dans la danse du développement durable, de l'économie circulaire, de la protection environnementale n'est plus un choix, mais un impératif. Que ce soit pour répondre à la demande croissante de services et produits respectueux de l'environnement que pour se préparer à la loi européenne pour une Europe climatiquement neutre. À la fois préoccupation réelle et enjeu de communication, les entreprises ont aujourd'hui tout à gagner à prendre en compte l'environnement. Pour la première fois, le discours des entreprises graphiques interrogées commence à changer vis-à-vis de l'intérêt des clients pour des produits écologiques. Alors qu'auparavant la notion de prix était encore citée comme un frein pour vendre des applications imprimées écoresponsables, il semblerait aujourd'hui que cela soit moins le cas. "Il y a trois ans, nous avions 0% de clients demandeurs de solutions écoresponsables, aujourd'hui nous en avons 20%", dit John Morent. "Chaque marque prend conscience de l'enjeu environnemental à des degrés différents", poursuit-il. Avec une centaine de grandes marques parmi ses clients et 40% de part de marché dans la PLV, POP Solutions est bien placé pour sentir l'évolution du marché. Du côté de Van der Poorten: "Dans un premier temps, devenir une imprimerie écologique nous fait gagner au niveau de la baisse de la consommation énergétique. Maintenant, on commence à gagner de plus en plus de nouveaux clients grâce à notre approche environnementale. Des clients comme Delhaize, par exemple, cherchent à travailler uniquement avec des fournisseurs écoresponsables. On va arriver à un système où toute la chaîne devra être écoresponsable sinon le contrat sera perdu", confie Filip Van Wezemael. "Les clients nous parlent différemment. Avant, seul le prix comptait. À présent, le facteur environnement pèse dans la balance des décisions. L'environnement fait aussi partie des valeurs des jeunes et cela joue au niveau du recrutement. Ils cherchent à travailler dans des entreprises soucieuses de l'environnement. De plus, c'est la génération qui aura demain le pouvoir de décision", poursuit l'administrateur de Van der Poorten. Peter Bundervoet, CEO d'Artoos, abonde dans le même sens: "Jos Artoos (Le défunt fondateur à l'origine de la stratégie environnementale de l'entreprise, NDLR) a toujours dit "je n'ai jamais gagné un euro à être climat neutre", mais cela a fort changé depuis quelques années. Les clients demandent de plus en plus des critères de durabilité. Même si notre engagement environnemental part d'une conviction personnelle, c'est désormais devenu un atout commercial." Christophe Jablonski d'AZ Print se montre plus nuancé: "La recherche de prestataires écoresponsables se ressent principalement dans les cahiers des charges qui demandent de pouvoir justifier l'utilisation de papier issu de forêts gérées durablement ou d'encres végétales. Mais il y a toujours la notion de prix qui pèse sur la décision d'achat. On ne pourra de toute façon bientôt plus faire l'impasse sur l'écologie. Il ne faut pas attendre des autorités publiques qu'elles nous tiennent par la main, c'est à nous de créer notre chemin". Ce qui suit peut servir de guide ou de check-list à tout imprimeur désireux d'améliorer sa gestion au niveau de l'environnement. Avant de se lancer en tant qu'entreprise dans une transition écologique, il est nécessaire d'embarquer l'humain dans l'aventure. Chez POP Solutions, la première étape fut d'engager une personne comme porte-drapeau de l'environnement en interne . Il s'agit de Thierry Pauwels qui aide aussi, en tant que freelance, d'autres entreprises à se transformer. Pour ce faire, un poste de Sustainability, People et R&D Manager a été créé. Artoos a aussi fait de même. Chez Van der Poorten, c'est Filip Van Wezemael qui porte la casquette environnementale. En tant qu'entreprise, la réduction de l'impact environnemental commence par une meilleure gestion énergétique. Ce qui passe par des mesures afin de réduire sa consommation énergétique et en prime faire des économies. Éclairage LED, panneaux photovoltaïques, récupération d'eau de pluie, fournisseurs d'énergie verte sont les étapes les plus courantes. Chez AZ Print, par exemple, 99% de l'éclairage a été remplacé par des LEDs et la toiture de l'imprimerie a été recouverte de 500 panneaux photovoltaïques. Selon AZ Print, ceux-ci permettent de couvrir 50% de la consommation électrique du site. L'imprimerie Van der Poorten dispose également de tels panneaux qui couvrent un tiers de sa consommation électrique. "Le reste est fourni pas un fournisseur d'énergie verte", dit Filip Van Wezemael. Et puis il y a les imprimeries de plus grande envergure qui vont jusqu'à s'offrir une éolienne comme Coldset Printing Partners (CPP) et, plus récemment, Rossel. En service depuis fin 2020, Rossel a fait construire en partenariat avec Luminus une éolienne à côté de son imprimerie rotative nivelloise. L'éolienne permet à l'imprimerie Rossel de couvrir 60% de ses besoins en électricité avec du courant renouvelable. Ce qui représente une économie de 140000 euros et permet d'éviter l'émission de 1400 tonnes de CO2 par an. Chez CPP, l'éolienne couvre 50% des besoins d'électricité de l'imprimerie. Gestion des plaques offset. Dans une imprimerie offset, le CTP est incontournable, mais pas dénué d'impact sur l'environnement. C'est en effet un procédé qui nécessite un développement à base de produits chimiques (développeur, fixateur, révélateur) nocifs pour l'environnement. De plus, c'est un processus qui consomme aussi de l'eau. Les produits chimiques et les plaques en aluminium doivent donc faire l'objet d'un recyclage via une filière adéquate. Agfa par exemple récupère les plaques d'aluminium pour les recycler. Le fabricant propose aussi à travers son programme ECO3 des solutions de prépresse qui permettent de faire des économies sur l'encre, le papier, les déchets et l'eau. AZ Print prévoit par exemple de passer des plaques thermiques au CTP sans chimie et sans eau. Le développement des plaques se fait alors dans la presse offset. En phase d'expérimentation, Christophe Jablonski témoigne: "Nous testons le développement de plaques offset sans chimie et les tests sont concluants. Cela demande maintenant un changement d'organisation de travail au niveau des plannings, car une plaque offset sans chimie ne tient qu'une journée. Nous prévoyons d'effectuer la conversion dans le courant de l'année 2022". Selon Agfa, l'utilisation de plaques d'impression sans chimie génère moins de production de déchets, réduit les coûts d'élimination et rend l'environnement de travail plus sûr. Impression offset sans alcool. L'alcool isopropylique (IPA) est utilisé en imprimerie offset pour réduire la tension superficielle de la solution de mouillage et augmenter sa viscosité. Inflammable et odorant, il n'est pas sans danger au niveau sanitaire et environnemental. Certaines imprimeries font le choix de diminuer la dose d'IPA en le remplaçant par des additifs moins nocifs. Selon l'administrateur Christophe Jablonski, AZ Print est l'une des premières imprimeries en Belgique à avoir adopté l'impression sans alcool isopropylique (IPA). C'était en 2005. "Cela demande à l'imprimeur d'être plus minutieux et attentif. À l'époque, tout le monde disait que c'était impossible d'imprimer sans alcool, mais nous avons prouvé le contraire", dit Christophe Jablonski. Depuis 2010, Artoos a aussi réduit sa consommation d'IPA de 8% à 3%. "On en utilise très peu par souci de qualité offset. L'alcool est utilisé à une température très basse dans un circuit fermé et refroidi, ce qui empêche l'alcool de s'évaporer dans l'environnement. C'est donc sans danger pour la santé de l'imprimeur et la qualité de l'air", explique Peggy Pedus, coordinatrice durabilité chez Artoos. Faire le choix d'imprimer sans alcool est non seulement plus sain pour l'environnement, mais aussi plus économique. D'autant plus dans le contexte inflationniste actuel qui a entraîné une hausse spectaculaire du prix de l'IPA. À ce propos, Heidelberg offre une solution alternative à l'IPA qui permet de réduire la consommation d'alcool de 8% à 3% ou de 4% à 2%. Consommables. "Nous privilégions systématiquement les substances à impact moindre sur l'environnement", mentionne AZ Print. Les encres végétales, mais aussi alimentaires en font partie. Autre astuce: un système de distribution automatique de l'encre en machine via des fûts d'encre de 200 litres. Cela génère ainsi moins de perte de produit et de déchets d'emballage. Du côté de la finition de documents en dos carré collé, la colle utilisée peut aussi faire l'objet de réflexion pour limiter l'impact environnemental de la production. Deux types de colle sont couramment utilisés: hotmelt et PUR. Cette dernière est reconnue pour offrir une haute résistance. Mais pour Van der Poorten, "ce n'est pas très écologique". "En raison de l'odeur d'une part, et du nettoyage de la machine avec des produits solvants pour retirer la colle, d'autre part", explique Filip Van Wezemael. Van der Poorten a alors opté pour la colle hotmelt et dispose d'une alternative lorsqu'un client recherche du PUR. "On utilise des plieuses capables de coudre en même temps par cahier afin de renforcer la résistance de la colle", explique l'administrateur de Van der Poorten. Impression numérique. Choisir une technologie d'impression numérique au regard de la performance environnementale demande réflexion. La solution parfaite n'existant pas, il y aura toujours un critère à sacrifier. Van der Poorten a opté pour l'imprimante AccurioPress C6100 de Konica Minolta qui fonctionne avec un toner écologique. Pour Filip van Wezemael, ce système d'impression s'est révélé être la solution d'impression numérique idéale pour garantir un bon niveau de désencrage lors du processus de recyclage du papier. Pour Artoos, la meilleure solution d'impression numérique s'est révélée être celle de HP Indigo. Peggy Pedus: "C'est pour moi une machine écologique, car HP récupère les consommables et recycle ses matériaux (Konica Minolta le fait aussi, NDLR). En ce qui concerne le recyclage du papier imprimé avec la technologie HP Indigo, nous n'avons jusqu'à présent pas reçu de réclamation lors des audits. Cela dit, nous avons exclu la technologie d'impression UV, car il y a encore des situations où le papier n'est pas bien recyclé. Lorsque des étapes et équipements spécifiques ne sont pas ajoutés au processus de recyclage, qui généreraient par ailleurs une consommation énergétique accrue, l'encre UV laisse des traces dans le papier recyclé." Dans le domaine des technologies d'impression grand format, POP Solutions a investi en 2020 dans le système Jeti Tauro H3300 LED d'Agfa pour la fabrication de tout type de matériel de PLV. "C'est une solution qui nous a semblé la plus écoresponsable, car elle utilise moins d'encre et est moins énergivore par rapport à d'autres technologies. De plus, utiliser moins d'encre, c'est aussi moins de coûts", dit John Morent. Abandon de l'emballage plastique. En Région wallonne, la distribution d'imprimés publicitaires sous film plastique fait l'objet d'une interdiction progressive. Des imprimeries, dont Roularta, se préparent déjà à l'interdiction nationale du plastique en optant pour une machine de mise sous papier. L'imprimerie Van der Poorten a récemment fait l'acquisition d'une telle machine, la Buhrs 4000, pour emballer les magazines en prévision du remplacement obligatoire du film par du papier. Ce qui ouvre aussi la voie à de nouvelles opportunités et applications: "Cela offre par exemple la possibilité de personnaliser l'emballage comme le fait déjà Colruyt", dit Filip Van Wezemael. Selon Filip Van Wezemael, la plus grande empreinte carbone d'une imprimerie vient du papier. "Or ce n'est pas notre propre empreinte, mais celle de l'usine de production. Cependant, nous en tenons compte dans notre bilan environnemental et nous la compensons". En 2021, Van der Poorten a de plus commencé à émettre des certificats de neutralité carbone à ses clients désireux d'en bénéficier pour leur communication. "Ce certificat garantit que la production est neutre en carbone grâce à nos actions pour diminuer notre empreinte environnementale et à la compensation carbone", explique Filip Van Wezemael. "Les clients sont contents de pouvoir utiliser le logo CO2 neutre sur leurs imprimés", poursuit-il. Les labels FSC et PEFC sont incontournables dans une imprimerie pour garantir aux clients que le papier est issu de forêts gérées durablement. D'autres labels existent encore comme le label européen Ecolabel, le label allemand Blue Angel, etc. FSC reste la référence la plus répandue: "Nous avons opté pour le label FSC qui est le plus demandé par nos clients et où il y a le plus de variétés de papier disponibles", dit Christophe Jablonski d'AZ Print. Tandis que Van der Poorten préfère utiliser le label CO2Neutral. "Nous sommes certifiés FSC et PEFC, mais nous ne communiquons pas dessus", dit Filip Van Wezemael. Chez POP Solutions, John Morent a aussi adopté la certification FSC CoC (Chaîne de contrôle) pour la PLV en carton. "Tout ce qui entre et sort de la production est FSC. C'est un avantage concurrentiel qui garantit aux clients que le mobilier en carton est totalement recyclable, car il n'y a pas d'autres composants." De nombreuses imprimeries font la promotion du papier recyclé. Récemment, une imprimerie en Flandre a fait le choix de ne proposer à ses clients que du papier recyclé pour réduire l'impact de ses activités sur l'environnement. Cependant, le recyclage des papiers a ses limites. La consommation de papier à fibre vierge reste donc indispensable pour maintenir la qualité du papier recyclé. D'où l'importance des labels. "Il faut aussi faire comprendre au public et aux éditeurs que c'est grâce aux forêts gérées durablement qu'on arrive à capter plus de CO2. Une forêt qui n'est pas entretenue empêche les arbres cachés par les plus grands de capter la lumière, ce qui génère moins de photosynthèse. Au contraire, une forêt gérée durablement fait en sorte que tous les arbres soient exposés à la lumière. Notre secteur contribue à cela", expose Filip Van Wezemael. La réduction des déchets et du gaspillage à la source doit faire partie des préoccupations constantes. Valoriser les déchets via des filières spécialisées est incontournable. Artoos dit faire appel à 26 filières de recyclage pour tous les types de déchet. En finition, on retrouve par exemple chez AZ Print un compacteur à l'extérieur de l'atelier qui compacte tous les déchets papier qui sortent d'une soudeuse dos-carré collé et d'une encarteuse-piqueuse. Une société agréée vient ensuite récupérer ces déchets papier pour les recycler. POP Solutions fait de même pour tous ses déchets carton, métal, plastique, etc. Il reste encore une multitude de petites actions qui permettent d'optimiser les ressources. Exemples: utiliser des fûts d'encre et des chiffons lavables pour le nettoyage des machines, diminuer la gâche de papier et la production de déchets dangereux ou spéciaux, etc. AZ Print pense par exemple à la récupération des palettes en bois comme source de chaleur pour chauffer l'atelier. Exemple d'économie circulaire chez Coldset Printing Partners: les gobelets en carton des distributeurs automatiques de boissons chaudes sont recyclés par Stora Enso pour produire de nouveau des gobelets et du papier journal. Pour réduire le gaspillage et les transports entre différents fournisseurs, Artoos a mis en place un système d'impression à la demande et de stockage "Pick and Pack". Ce dernier consiste à gérer les stocks des clients dans l'entrepôt de l'imprimerie. On y retrouve toutes sortes d'imprimés et d'objets publicitaires. Artoos reçoit ainsi automatiquement les nouvelles commandes de ses clients via une plateforme en ligne (mooose) et l'équipe Pick & Pack assure l'expédition. "C'est très difficile pour un client de prévoir le tirage nécessaire. Ce système évite de passer des commandes de gros tirages en vrac. L'analyse de stock permet d'optimiser les quantités produites et d'éviter d'être confronté à un important surplus ou à une pénurie de matériel. C'est devenu un atout commercial", explique Peter Bundervoet. Le déplacement du personnel fait aussi partie des grands postes d'émissions carbone d'une entreprise. Actuellement, la gestion de la flotte automobile est peut-être la bête noire de tout entrepreneur qui adopte une démarche écoresponsable. Faute de meilleure alternative, les entreprises emboîtent le pas de la voiture électrique ou hybride dans le cadre d'une stratégie de développement durable. La législation pousse aussi en ce sens. On peut ainsi voir chez Artoos, Van der Poorten ou encore chez AZ Print l'installation d'une ou plusieurs bornes de rechargement de véhicules électriques. AZ Print et Artoos prévoient en outre d'intensifier prochainement le déploiement de stations de recharge. Voiture neuve ou d'occasion? Pour Filip Van Wezemael, c'est toujours mieux d'acheter des voitures neuves quand c'est nécessaire, car elles sont moins polluantes. Faut-il continuer à utiliser les voitures actuelles ou les remplacer par des voitures électriques ou hybrides? Pour Filip Van Wesemaeil, il vaut mieux utiliser jusqu'au bout les voitures à moteur thermique déjà acquises. "La production des voitures représente une empreinte carbone tellement grande qu'il n'y aurait pas de sens à remplacer d'un coup toute sa flotte automobile. Cependant, je ne suis toujours pas convaincu par les voitures électriques ou hybrides", avoue-t-il. Le vélo électrique est aussi couramment proposé au personnel dans le cadre d'une stratégie écologique globale. Le covoiturage est aussi une piste. Il reste encore à optimiser la logistique: partir avec des camions remplis, éviter le suremballage, transporter à plat les PLV volumineuses (montage sur les points de vente)... Certaines imprimeries optent aussi pour l'envoi de mailing neutre en C02 via bpost, qui collabore avec CO2logic. Détenir une certification environnementale permet d'éviter l'écueil du greenwashing et de prouver aux clients ses efforts environnementaux sur base d'une démarche objective. En fonction des certifications, un rapport environnemental annuel peut être obligatoire. Celui-ci permet de rendre compte de l'impact environnemental de l'activité de l'entreprise et de ses produits et services. Les consommations énergétiques, l'utilisation des matières premières, la mobilité... entrent en ligne de compte. Le label français Imprim'Vert fait figure de référence pour l'imprimerie écologique. Une charte est signée par les entreprises et des audits permettent de vérifier le respect des engagements pris par les imprimeurs ayant obtenu cette certification. Imprim'Vert répertorie 1716 imprimeries certifiées, dont 16 en Belgique comme AZ Print. En Allemagne, Onlineprinters et Saxoprint bénéficient aussi de cette certification. "Pour nous pousser à nous améliorer, nous avons voulu nous soumettre à un audit et nous avons opté pour Imprim'Vert. L'accent est principalement mis sur la gestion des déchets et le recyclage des matériaux", dit Christophe Jablonski. EcoVadis, EMAS et ISO 140001 sont d'autres certifications environnementales que l'on peut rencontrer dans le secteur. EMAS est un système européen d'audit et de management environnemental de l'Union européenne. EMAS et ISO 140001 ont des exigences similaires. En Belgique, 73 organisations sont enregistrées EMAS via Vinçotte, dont une dans le secteur de l'impression grand format: Schmitz Digital Printing. L'imprimerie Van de Poorten, qui a manifesté son intérêt pour cette certification, pourrait être la prochaine entreprise du secteur sur la liste EMAS. Faire le choix de la neutralité carbone est l'ultime étape d'un engagement écoresponsable. Les imprimeries qui ont franchi cette étape se comptent sur les doigts d'une main. En Belgique, il existe pour cela la certification CO2Neutral de CO2logic. Le calculateur de CO2 des entreprises compte 204 entreprises belges CO2 neutres, dont deux imprimeries: Van der Poorten et Bulckens. Tandis qu'Artoos passe par l'organisme allemand ClimatePartner. "Tout le site est climatiquement neutre. Pour les imprimés, c'est au client de faire le choix de la compensation carbone. Nous calculons l'empreinte carbone de la commande sur base des choix du client comme le nombre d'exemplaires, la quantité d'encre nécessaire, le type de papier (très spécial ou durable), le choix du transport. Le client a ensuite la possibilité de compenser son empreinte en finançant un projet environnemental. Chez nous, il s'agit d'un programme de lutte contre la déforestation au Kenya. Le projet est audité à l'aide de plusieurs normes et on reçoit des preuves que l'argent que nous donnons est utilisé à bon escient", explique Peggy Pedus. Lorsqu'il s'agit d'investir dans de nouveaux équipements, il convient de faire la balance entre les performances de production et environnementales de la machine. "Même s'il y a des machines de production qui sont plus efficaces, on regarde toujours l'impact environnemental des machines quitte à ce que ce soit plus cher", dit Peter Bundervoet d'Artoos. Dans le cadre d'une réduction continue de l'empreinte carbone, Van der Poorten va un pas plus loin en considérant désormais le marché de l'occasion dans ses investissements. "Nous sommes actuellement à la recherche d'une presse d'occasion. C'est parfois mieux de trouver des machines de deuxième main, car l'empreinte carbone de sa production est alors sur le compte du premier acheteur. Cela fait deux ou trois ans que nous tenons compte des machines d'occasion comme alternative. Auparavant, nous voulions acheter que du neuf alors qu'il y a parfois des machines qui n'ont pas fonctionné très longtemps et donc parfaitement en bon état de marche. Cela évite aussi de construire une toute nouvelle machine dont les matériaux nécessaires arrivent de différents endroits du monde et parcourent énormément de kilomètres. Tandis que la livraison d'une machine d'occasion génèrera moins de kilomètres parcourus. C'est un impact sur l'environnement qu'on ne peut maîtriser, mais on en tient compte." L'écoconception vise à intégrer les aspects environnementaux dans la conception et le développement de produits. C'est une démarche créative qui prend en amont tout le cycle de vie d'un produit en considération de sorte qu'il dure le plus longtemps possible et soit le plus facilement recyclable. Dans une optique d'impression durable, l'écoconception d'un projet passera par diverses réflexions. Choisir des supports durables et des formats standards, imprimer avec moins d'encre, optimiser la mise en page, limiter la quantité de couleurs et d'aplats... Sur le site Printypro.be, on retrouve comme conseil: "Tenez compte que la charge totale d'encre pour les quatre couleurs ne peut dépasser 300% (280% pour les couchés. À proscrire, un noir 100% N + 100% J + 100% M + 100% C. Le 100% noir est suffisant et si vous souhaitez soutenir l'intensité, ajoutez-y seulement 30% J + 30% M + 30% C." L'écoconception peut aussi intervenir au niveau de la finition. Il existe par exemple des colles végétales, recyclables et biodégradables pour la reliure. Il faut aussi être conscient de l'impact négatif sur le recyclage de certaines reliures et finitions comme le pelliculage, les spirales et les agrafes. Dans la PLV, il faut aussi penser à la fin de vie du produit. Le recyclage de cet outil de communication publicitaire reste aujourd'hui une des principales problématiques d'écoconception. Pour y faire face, POP Solutions a créé un pôle de recherche et développement. En plus de la PLV éphémère en carton, POP Solutions a mis au point une solution de présentoir modulable et durable. Il s'agit d'un système qui est réutilisable au fil des actions promotionnelles. Il suffit pour cela de renouveler l'habillage de la structure en métal avec des supports imprimés recyclables. "Cela génère moins de déchets et moins de transports", dit John Morent. Chez POP Solutions, l'écoconception c'est aussi repenser des produits déjà existants pour utiliser le moins de matière possible. Par exemple, en réduisant l'épaisseur d'un matériau. "Il ne faut pas tout réinventer. Quand on reçoit un briefing, si nous devons faire un meuble en métal qui pèse 20 kg, on va essayer de concevoir le même qui pèse 17 kg. Gagner de la matière sur un display, c'est gagner de la matière circulaire, puisqu'elle n'est pas utilisée, et faire des économies sur les coûts", dit John Morent. Comme le dit Christophe Jablonski, le respect environnemental est une histoire sans fin et on peut toujours aller plus loin et s'améliorer. Quand le plus gros du travail a été fait, il reste toujours des petites actions pour continuer à faire la différence. Chez AZ Print, il est question de sensibiliser davantage le grand public au greenwashing et à la pollution numérique. Chez Artoos, Peggy Pesus pense quant à elle à l'aménagement d'un jardin pour favoriser la biodiversité. Tandis que POP Solutions travaille sur une mesure de l'empreinte carbone des PLV comme outil d'aide à la vente. Anticiper les réglementations, innover sa stratégie, repenser le produit pour être en rupture, stimuler la créativité et sensibiliser sa chaîne de valeur sont d'autres ingrédients pour rester dans une dynamique d'amélioration continue. Concluons avec une sage réflexion de John Morent: "C'est le début de la fin du greenwashing. La durabilité est une vraie révolution industrielle qui va générer une nouvelle croissance, avec des gagnants et des perdants. C'est une formidable opportunité de se diversifier et de faire quelque chose bien."