Record de recyclage

72,3 % de la consommation totale de papier a été recyclée en 2017 en Europe, un record selon CEPI (1). En 2016, le taux s'élevait à 72 % et en 2015 à 71 %. D'ici 2020, la Confédération européenne de l'industrie papetière (CEPI) souhaite voir ce taux atteindre les 74 %. Le score européen du recyclage papier est plus élevé que la moyenne mondiale qui atteint 57,9 %, selon le rapport 2018 de l'ONG Environmental Paper Network (EPN) (2). Certains pays font figure de bons élèves avec un score de plus de 80 % de recyclage comme le Japon et l'Australie. En Belgique, selon les données statistiques d'Indufed (3), le taux de recyclage de papier-carton a été de 65 % en 2017, contre 54 % en 2016. Cela dit, garder un taux de recyclage papier élevé en Europe représente un défi en raison de la baisse des volumes de papier, notamment dans la presse où le journal est le papier le plus recyclé. Aussi, depuis la décision de la Chine de réduire ses importations de déchets, dont les mauvais lots de papiers, les papetiers s'inquiètent pour la qualité de leur approvisionnement en matière première.
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72,3 % de la consommation totale de papier a été recyclée en 2017 en Europe, un record selon CEPI (1). En 2016, le taux s'élevait à 72 % et en 2015 à 71 %. D'ici 2020, la Confédération européenne de l'industrie papetière (CEPI) souhaite voir ce taux atteindre les 74 %. Le score européen du recyclage papier est plus élevé que la moyenne mondiale qui atteint 57,9 %, selon le rapport 2018 de l'ONG Environmental Paper Network (EPN) (2). Certains pays font figure de bons élèves avec un score de plus de 80 % de recyclage comme le Japon et l'Australie. En Belgique, selon les données statistiques d'Indufed (3), le taux de recyclage de papier-carton a été de 65 % en 2017, contre 54 % en 2016. Cela dit, garder un taux de recyclage papier élevé en Europe représente un défi en raison de la baisse des volumes de papier, notamment dans la presse où le journal est le papier le plus recyclé. Aussi, depuis la décision de la Chine de réduire ses importations de déchets, dont les mauvais lots de papiers, les papetiers s'inquiètent pour la qualité de leur approvisionnement en matière première.Quant à la collecte de papier, étape essentielle au recyclage, elle a aussi tendance à augmenter. CEPI parle de 59,6 millions de tonnes en 2017 en Europe, soit 0,8 % de plus par rapport à 2016. En Belgique, la collecte s'élève à 18 % de plus sur la même période avec 1 886 000 tonnes, selon Indufed. Par ailleurs, les papetiers belges utilisent 59 % des papiers recyclés dans la production de papier neuf, soit 1 % de plus par rapport aux trois années précédentes. Toujours en Belgique, le taux moyen de fibres recyclées dans le papier journal s'élevait à 94 % en 2017 et à 13 % dans les papiers d'impression (Indufed). L'Agence française de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) révèle une tendance similaire : "Le taux d'incorporation moyen de fibres recyclées dans les papiers d'impression-écriture se situe entre 8 et 12 % alors qu'il est proche de 95 % dans le papier journal."Par papier recyclé, on entend tout papier contenant au moins 50 % de fibres de cellulose de récupération provenant de déchets de papier imprimé (post-consommation). Trois grands types de papier recyclé se distinguent : le papier recyclé à 100 % non désencré, le papier recyclé à 100 % blanc et le papier hybride qui combine fibre recyclée et fibre vierge. Dans les gammes de papier recyclé de haute qualité pour le secteur graphique, on retrouve des papiers contenant 60 à 100 % de fibres recyclées. "L'apport en fibres recyclées est différent pour chaque grande catégorie de papiers. Les papiers graphiques de haute qualité nécessitent davantage de fibres vierges que le papier journal ou les papiers et cartons d'emballages", explique Cobelpa (4).Le papier est considéré comme une excellente illustration de l'économie circulaire : le produit final est également la matière première qui sera utilisée pour être recyclée en une nouvelle génération de produit. Mais le cycle de valorisation du papier n'est pas infini et a ses limites. Pour CEPI, environ 20 % des papiers mis sur le marché européen ne peuvent être récupérés pour le recyclage. Sont visés les papiers domestiques et sanitaires, considérés comme impropres, tels que les papiers peints, les mouchoirs, etc. D'autres papiers ne sont pas non plus récupérables, car conservés depuis longtemps comme les livres et archives.La fibre ne se recycle pas indéfiniment : les fibres récupérées s'altèrent au fil des opérations de recyclage et deviennent trop courtes pour pouvoir créer de nouveaux papiers. Il est ainsi admis que les fibres peuvent être réutilisées de deux à cinq fois, voire sept, selon leur qualité et les types de papier à fabriquer. En Europe, CEPI indique que le papier est recyclé environ 3,6 fois par an. "Les fibres devenues trop fines et usées sont récupérées pour servir de combustible pour la production d'énergie. Ce principe de cogénération d'électricité-chaleur est le système le plus performant d'un point de vue environnemental pour produire de l'énergie ", dit Daniel Bozonnet, Quality & Environmental Manager d'UPM. Pour maintenir le cycle en vie, les fibres vierges des arbres sont donc indispensables et l'industrie papetière ne peut s'en passer comme matière première. "Fibres vierges et fibres recyclées sont indissociables et complémentaires dans le cycle global de la production papetière. Les deux doivent être optimisés. On va utiliser les fibres vierges sur les plus belles qualités de papier où on a besoin de résistance comme les papiers d'impression et pour des sacs de shopping. Mais il faut aussi maximiser sur la réutilisation depuis la fibre jusqu'à la production d'énergie", dit Daniel Bozonnet.En Europe, l'industrie papetière s'attache à utiliser et valoriser de préférence les sous-produits de la forêt et des scieries (coupes d'éclaircies, chutes de sciage). De plus, ces produits viennent essentiellement des forêts gérées durablement et certifiées FSC ou PEFC. Des arbres sont aussi replantés pour compenser les coupes d'arbres. Une pratique qui, même si elle provient d'une démarche écoresponsable, n'est pas complètement idéale pour Greenpeace. "La plantation d'arbres pose des problèmes de préservation de la biodiversité. En Suède et en Finlande, par exemple, les arbres replantés ne sont pas des arbres indigènes. Cette pratique change tout l'écosystème et des habitats animaliers sont détruits. Par ailleurs, l'utilisation des chutes de bois est une contre-vérité. Cela représente peut-être 50 % du bois utilisé. La production de papier est tellement importante que ce n'est pas suffisant. Il y a des forêts qui sont rasées pour produire exclusivement du papier", exprime Jeroen Verhoeven, chargé de campagne chez Greenpeace.Au niveau mondial, les pertes nettes annuelles de forêts s'expriment en millions d'hectares. En 2018, c'est cinq fois la surface de la Belgique qui a disparu, estime PEFC. En Europe, la surface forestière croît au contraire chaque année. Entre 2005 et 2015, les forêts européennes ont grandi de plus de 44000 km2, soit une superficie plus grande que la Suisse. Pour CEPI, c'est 30 % de plus qu'en 1950. Le continent européen compte près de 175 millions d'hectares de forêts. 45 % sont certifiées PEFC et 22 % FSC, à savoir que certaines forêts sont doublement certifiées. Aussi bien PEFC que FSC s'attachent à promouvoir une gestion responsable des forêts qui soit écologiquement appropriée, socialement bénéfique et économiquement viable. Concernant l'utilisation de pâte à papier, CEPI rapporte que 82,2 % de la pâte à papier achetée par l'industrie papetière européenne est certifiée et que plus de 90 % de la pâte à papier utilisée provient de l'Union européenne. Pour le WWF, l'un des enjeux d'une économie durable du papier est "de développer une production et une consommation responsables, capables de limiter l'impact sur les forêts. Cela passe par la réduction des gaspillages ou surconsommations inutiles, la maximisation de l'efficacité de la collecte et du recyclage et, enfin, l'encouragement des achats de papier responsable", mentionne Béatrice Wedeux, chargée des politiques forêts.Il y a les papetiers qui produisent leurs papiers en fabriquant leur propre pâte et ceux qui ont besoin de s'approvisionner de cette même matière première pour produire leurs propres papiers. Le principal fournisseur européen en pâte à papier recyclé destiné à l'édition, la publicité et la communication imprimée était il y a encore peu de temps Arjowiggins Graphic du groupe français Sequana. Le fabricant se définissait lui-même comme leader européen de papiers recyclés couchés et non couchés, écoresponsables et innovants avec une gamme de finition complète (offset, couché mat, satiné, brillant). Les fibres issues de la collecte et de la transformation des vieux papiers représentaient 56 % des approvisionnements fibreux d'Arjowiggins Graphic.Mais depuis l'annonce en ce début d'année d'une mise en redressement judiciaire des trois filiales françaises d'Arjowiggins, dont Arjowiggins Graphic, rien ne va plus. La plus grosse production de pâte à papier recyclé pour le secteur graphique s'est arrêtée, ce qui a temporairement ébranlé le marché. En Belgique, les grands distributeurs belges Antalis, Igepa et Papyrus ont dû trouver de nouveaux fournisseurs aussi bien pour remplacer les marques d'Arjowiggins que pour continuer à produire leur propre marque de papier recyclé. Les imprimeurs aussi ont dû composer avec leur stock restant et proposer temporairement à leurs clients des papiers certifiés comme alternatives. " Le souci a été que les autres fabricants de papier ne sont plus parvenus à se réapprovisionner en pâte à papier recyclé puisqu'Arjowiggins était le principal fournisseur. Et les clients finaux n'ont pas compris pourquoi les délais étaient devenus si longs. Il y a 14 semaines d'attente pour livrer les nouvelles productions ", expliquait en mai Karin Humbeeck, Product Manager chez Igepa.Pour combler la perte suite à la fermeture d'Arjowiggins, Antalis collabore désormais avec Mondi Neusiedler (Autriche) et Igepa avec Clairefontaine (France), Lenzing AG (Autriche) et Burgo (Italie). Les deux derniers fabricants fournissent également Payrus pour remplacer les produits d'Arjowiggins.Lenzing AG, basé à Lenzing en Autriche, est un spécialiste du recyclage papier très investi dans le développement durable. Avec une capacité annuelle de 100000 tonnes, les fibres de cellulose utilisées par Lenzing proviennent aussi bien des papiers de récupération (post-consommation), principalement des déchets de bureau, que des forêts. Lenzing collabore avec un réseau de 40 collecteurs de déchets papier. Les papiers de récupération viennent d'Autriche, d'Allemagne, des Pays-Bas, de la Suisse, de la République tchèque, de Hongrie et de Bosnie. Les papiers recyclés sont conçus principalement pour les applications offset, mais aussi pour l'impression jet d'encre, laser et les copieurs. Ces papiers -- blancs ou colorés -- sont 100 % à base de fibres recyclées et représentent 50 % des ventes de Lenzing. Les produits d'emballage et enveloppes à base de fibres vierges complètent l'offre du papetier autrichien. Du côté de Mondi Neusiedler, la filiale autrichienne du groupe Mondi est spécialisée dans les qualités de papier non couché premium et a une capacité annuelle de 325.000 tonnes. Quant au fabricant italien Burgo, il produit Respecta, le papier recyclé à 100 % ou 60 % de haute qualité, en utilisant de la pâte recyclée achetée ou du papier collecté et trié. Depuis 2017, Burgo convertit certaines de ses machines à papier graphique pour la production de carton ondulé recyclé destiné au secteur de l'emballage. Le papetier français Clairefontaine ne produit pas sa propre pâte, mais se fournit sur le marché mondial. Il utilise pour autant des pâtes issues uniquement de forêts gérées durablement afin de produire des papiers non couchés sans bois avec une capacité annuelle de 165.000 tonnes. Depuis l'usine Everbal, Clairefontaine produit 37.000 tonnes de papiers recyclés par an. Elle recycle sans désencrage ni blanchiment grâce à une sélection drastique de papiers récupérés.Il y a encore UPM Paper, qui se présente comme le premier utilisateur mondial de papiers de récupération. Celui-ci recycle chaque année quatre millions de tonnes de papiers et assure qu'un tiers des fibres utilisées pour la fabrication de papiers graphiques provient des papiers de récupération. "La répartition des fibres recyclées est très variable selon les produits. On en retrouve majoritairement dans la production de papier journal, puis dans le papier magazine qui est mélangé avec de la fibre vierge." L'usine française UPM Chapelle Darblay (Rouen) est spécialisée dans la fabrication de papier journal à partir de fibres 100 % recyclées. Les papiers de récupération (journaux, revues et magazines) qui arrivent à l'usine sont issus de la collecte sélective des ménages et sont désencrés avant d'être transformés en pâte à papier. Trois types de produits sont fabriqués sur le site : du papier journal standard 100 % recyclé, du papier journal amélioré -- avec 80 niveaux de blancheur -- et du papier journal couleur. UPM propose également d'autres qualités pour les magazines, brochures et publicités, qui sont fabriquées sur d'autres sites.Chez nous, un fabricant majeur de papier recyclé est Stora Enso Langerbrugge avec une capacité annuelle de production de 540000 tonnes. Exclusivement basée sur le papier pour le recyclage, l'usine de Langerbrugge est spécialisée dans la production de papier journal et de papier magazine supercalandré non couché. Elle utilise du papier usagé collecté auprès des ménages qui parvient à la papeterie par les municipalités.Le bois, l'énergie, le CO2, l'eau et les déchets sont les premières ressources que la production de papier impacte. Cependant, l'industrie papetière européenne adopte diverses méthodes de production pour limiter toujours plus son impact environnemental sur tous les fronts. Dans sa feuille de route à l'horizon 2050, l'industrie papetière européenne compte investir 40 % de plus en équipements pour mener une bioéconomie à faibles émissions de carbone. Objectif poursuivi : réduire l'empreinte carbone de 80 % d'ici 2050. Depuis 1999, ce taux a déjà diminué de 43 % par tonne de produits, indique CEPI. À titre d'exemple, UPM y travaille de trois façons : application des dernières techniques pour une consommation énergétique minimale, utilisation minimale de combustibles fossiles pour la production, utilisation optimisée d'énergies renouvelables et gestion durable de ses propres forêts.La filière papier, les experts environnementaux et les ONG environnementales s'accordent à dire que les papiers recyclés sont bien plus écologiques que les papiers à base de fibres vierges. Et ce quelle que soit la qualité du papier recyclé. "Le papier recyclé reste le choix le plus durable, car il ne requiert pas d'abattre des arbres et incite à une utilisation circulaire des ressources", dit Béatrice Wedeux du WWF. À titre de comparaison, selon l'ONG EPN, une tonne de papier recyclé par rapport à une tonne de papier de fibres vierges permet d'économiser 26 arbres.Concrètement, la production de papier recyclé nécessite moins de bois, d'eau et d'énergie que la production de pâte à base de fibres vierges. "Les usines qui travaillent avec 100 % de fibres recyclées sont celles qui obtiennent un meilleur bilan carbone", affirme Daniel Bozonnet. Aurélie Soly, ex-directrice de la communication d'Arjowiggins Graphic, détaille : "Recycler les vieux papiers permet de retarder le plus longtemps possible l'incinération qui génère du CO2 ou la mise en décharge, qui dégage du méthane, un gaz 25 fois plus nocif pour l'effet de serre que le CO2. La production de papier recyclé, par rapport à celle d'un papier de fibres vierges, nécessite jusqu'à 2,5 fois moins d'énergie et d'eau et émet jusqu'à 38 % de CO2 en moins. Au lieu d'utiliser des copeaux de bois pour produire de la pâte à papier, on utilise de vieux papiers qui sont plus faciles à transformer ".Pour autant, certains papiers recyclés sont plus écologiques que d'autres. Tout dépendra du taux de fibres recyclées incorporé dans le papier (50 à 100 %) et des traitements subis pendant le recyclage (désencrage, blanchiment). Ainsi, le papier 100 % recyclé, non blanchi et non désencré sera le plus écologique. Pour blanchir le papier recyclé, l'usage de produits chimiques oxydants est nécessaire. Le risque est alors de contaminer les eaux. En Europe, les normes obligent les papetiers à limiter leurs rejets. À l'époque où Arjowiggins Graphic fonctionnait encore, le fabricant expliquait le processus : "Les eaux sortantes de nos usines sont traitées en station d'épuration avant d'être rendues aux rivières, aussi propres voire plus que lors de leur prélèvement. " Selon CEPI, 93 % de l'eau utilisée est retournée dans de bonnes conditions dans l'environnement. La consommation d'eau semble aussi être mieux gérée : "Pour fabriquer une tonne de papier il y a 40 ans, il fallait 40-50 m3 d'eau. Maintenant, nous sommes en moyenne entre 8 et 10 m3 d'eau par tonne de papier", révèle Daniel Bozonnet d'UPM. Par ailleurs, la valeur écoresponsable des papiers recyclés peut être appréciée grâce à différents outils d'évaluation et de comparaison qui existent sur internet (voir encadré). Quoi qu'il en soit, le bilan écologique reste toujours en faveur du papier recyclé.Tri et collecte sont les premières étapes du recyclage du papier. La collecte s'effectue auprès des ménages, des bureaux, des industries et des commerces. Les déchets d'imprimerie et journaux invendus sont aussi collectés pour être recyclés. Triés et mis éventuellement en balle, les papiers destinés au recyclage peuvent ensuite être utilisés par les papetiers. En tant que papetier, la position à proximité des grandes métropoles, où la densité de population est importante, est primordiale pour s'approvisionner en fibres recyclées comme matière première. Les fabricants de papier peuvent définir les qualités de papier dont ils ont besoin en fonction du type de papier à produire, d'où l'importance de la qualité du tri. "Pour les papiers 100 % recyclés blancs de haute qualité, les papetiers voudront des papiers de récupération qui sont déjà majoritairement blancs avec un faible taux d'encrage", dit Daniel Bozonnet, Quality & Environment Manager d'UPM. "En ce qui nous concerne, nous récupérons du papier journal, magazine et d'écriture. Nous ne voulons pas les cartons."Pour transformer les vieux papiers en nouvelle pâte à papier, les papiers usagés sont mélangés avec de l'eau dans un pulpeur. Cette étape consiste à mettre en suspension les fibres dans l'eau afin d'obtenir une pâte grisâtre qui devra être débarrassée de ses impuretés (agrafes, colle, vernis, plastique, etc.). Il peut parfois être nécessaire de séparer les fibres longues des fibres courtes par un processus de lavages successifs ou de fractionnement. Pour certains papiers, comme les papiers graphiques, les particules d'encre sont ensuite retirées pour ne pas influencer la couleur et l'homogénéité du produit fini. C'est ce qu'on appelle le désencrage. Au cours de cette étape, le but est de séparer les éléments gras, soit l'encre, de l'eau. "On envoie dans le fond du tank un flot de bulles d'air qui remontent à la surface sous forme de mousse grisâtre emportant les savons qui se sont agrégés aux encres. Une écumoire géante récupère cette mousse pour l'éliminer", explique Daniel Bozonnet. "La séparation de l'encre et de l'eau se base sur des propriétés physiques où il n'y a quasiment pas de chimie dans le désencrage. Cela marche très bien, car actuellement nous n'avons quasiment pas d'encre à l'eau dans les papiers que nous collectons." La désencrabilité d'un produit imprimé varie en effet en fonction de la technologie d'impression utilisée. Ce qui peut influencer la recyclabilité du papier. Le problème se pose avec la technologie jet d'encre, où les encres sont généralement non hydrophobes. "Les encres à l'eau vont se diluer dans la pâte rendant la séparation impossible", poursuit Daniel Bozonnet. L'héliogravure, l'offset, l'électrophotographie sont par exemple des technologies facilement désencrables. Le vernis UV peut aussi entraver la qualité de la pâte pour les applications graphiques.Après le désencrage, la fibre peut être éventuellement blanchie. Une fois épurée, la pâte part en séchage. Elle est alors aspirée et pressée mécaniquement avant de passer par des cylindres chauffés par de la vapeur afin d'éliminer toute trace d'eau restante. À l'issue de ce processus, la pâte peut alors être transformée en papier. Selon la qualité du papier à produire, des quantités de pâte vierge, issue de sources durables, peuvent être ajoutées.FSC et PEFC sont les deux systèmes de certification forestière les plus répandus au niveau mondial. Toutes deux visent à garantir qu'un produit issu du bois provient de forêts gérées durablement et remplissent les critères de durabilité reconnus légalement en Belgique. Trois types de labels FSC coexistent : FSC 100 %, FSC-mixte et FSC-recycled. Dans le premier cas, le label signifie que l'entièreté du produit provient de forêts certifiées FSC. Le label FSC-mixte indique que le produit est fabriqué à partir d'un taux minimum (70 %) de fibres de bois issues de forêts certifiées FSC, de matières recyclées et/ou de bois contrôlés FSC. Enfin, le label FSC-recycled signifie que 100 % du produit est fabriqué à partir de matières recyclées (dont un minimum de 85 % est issu de la post-consommation). Aussi bien Greenpeace que le WWF préconisent l'utilisation de papiers certifiés FSC (à savoir que le WWF fait partie des fondateurs de ce label créé en 1995). "Cette certification est la plus stricte et garantit les critères environnementaux, économiques et sociaux les plus élevés. Elle met davantage l'accent sur la population autochtone. C'est aussi le meilleur système en place pour vérifier que les critères sont contrôlés à travers les audits fiables pour la plantation et la gestion des forêts", explique Béatrice Wedeux du WWF. Greenpeace partage le même avis tout en se montrant plus nuancée : "Dans la certification FSC, même avec de bonnes valeurs écologiques, nous constatons que des forêts sont quand même rasées. Le label FSC-mixte est moins strict : le papier peut contenir des fibres qui proviennent d'autres sources de forêts non protégées ", confie Jeroen Verhoeven de Greenpeace. PEFC dispose aussi de deux types de labels : PEFC-Certifié (au moins 70 % de fibres PEFC) et PEFC-Recyclé (au moins 70 % de fibres recyclées et contrôlées). Deux enquêtes uniques en leur genre menées pour les gouvernements hollandais et britannique mettent grosso modo les deux certifications sur le même pied d'égalité. Le rapport britannique CPET de 2015 (le Centre d'expertise sur le bois d'oeuvre) a estimé que FSC respectait 94 % des critères du bois légal et durable adoptés par le gouvernement britannique. PEFC était conforme à 96 %. Aux Pays-Bas, le TPAC, comité d'évaluation des achats de bois, teste divers systèmes de certification pour la gestion durable des forêts selon les critères d'achats du gouvernement néerlandais. Ayant obtenu des scores similaires, le TPAC reconnait les deux certifications forestières comme étant équivalentes.D'autres labels existent encore pour le papier. L'EU Écolabel fait office de référence et tient compte du cycle de vie complet d'un produit pour certifier que celui-ci est respectueux de l'environnement. Depuis le 11 janvier dernier, les normes se sont durcies pour accéder à l'écolabel européen des papiers. Désormais, il faut au moins 70 % (contre 50 % auparavant) de matières fibreuses provenant de forêts gérées durablement. Pour afficher l'écolabel européen, le papier doit aussi être exempt de toute une série de produits chimiques. Les nouvelles consignes pour le papier graphique visent en bref la baisse des émissions nocives dans l'air et dans l'eau, de la consommation d'électricité et de combustible, lors du processus de production. Les fabricants ont jusqu'au 31 décembre 2019 pour se conformer aux nouvelles règles.Il y a encore le label environnemental allemand Ange Bleu (Der Blaue Engel) ainsi que le label des pays scandinaves Cygne blanc. L'Ange Bleu, réputé pour sa rigueur et son cahier des charges exigeant, indique que le papier provient à 100 % de vieux papiers et que le processus de fabrication exclut certaines substances dangereuses (comme l'azurant optique). Le Cygne blanc (Nordic Swan) garantit que les produits labellisés exercent des impacts limités sur l'environnement, depuis les matières premières jusqu'à son potentiel de recyclage. Moins répandus, les labels APUR et NAPM sont spécifiques aux papiers recyclés. L'APUR (Association des Producteurs et des Utilisateurs de papiers-cartons Recyclés) indique le taux de fibre de récupération utilisée pour la fabrication du papier (50 à 100 %). Le logo est assorti d'un numéro d'agrément. Tandis que le label britannique NAPM garantit des papiers recyclés contenant au moins 75 % de fibres de récupération post-consommation.Alors qu'il était autrefois essentiellement utilisé pour l'impression de journaux ou de prospectus, le papier recyclé se décline aujourd'hui pour chaque type d'usage. "Les papiers recyclés grisâtres d'autrefois ont laissé place à de plus en plus de papiers graphiques de haute qualité et sont devenus plus acceptés", dit Joyce Beumer, Marketing Manager Benelux de Papyrus. Grâce aux avancées technologiques des papetiers, les papiers recyclés rivalisent de blancheur avec les fibres vierges et peuvent se retrouver dans les applications à valeur ajoutée. Les papetiers et distributeurs proposent d'ailleurs souvent une déclinaison recyclée dans leurs gammes. On y retrouve des papiers offset, mais aussi des papiers couchés brillants ou mats, dans des grammages allant de 70 à 350 g/m2. Cyclus, la gamme de papiers recyclés anciennement produite par Arjowiggins Graphic et distribuée aussi bien par Antalis, Igepa que Papyrus, a été pendant longtemps la marque de référence.Aujourd'hui, de nouvelles alternatives viennent remplacer la célèbre référence de papier haut de gamme 100% recyclé, mais aussi assurer la production des marques de distributeur. Pour sa marque Circle, Igepa fait à présent appel à Clairefontaine et Lenzing pour les papiers recyclés offset, tandis que Burgo produit intégralement les papiers recyclés couchés. La gamme de papiers non couchés produite par Clairefontaine comprend Circle Offset White (indice de blancheur CIE 95) et Circle offset Premium White (CIE 145). Afin de renforcer son réapprovisionnement, Igepa ajoute encore une nouvelle référence produite par Lenzing : Circle Offset White (CIE 110).Chez Antalis, le papier Nautilus Classic (CIE 112, Blue Angel, 100% recyclé) remplace le Cyclus Offset et l'assortiment Preprint et le Nautilus SuperWhite (CIE 150, FSC recycled, EU Ecolabel) remplace le Cocoon offset et l'assortiment Preprint. En ce qui concerne les papiers couchés Cyclus et Cocoon, Antalis recherche encore de nouvelles alternatives. Quant à Papyrus Belgique, le distributeur profite de son vaste réseau paneuropéen et utilise l'assortiment de papiers recyclés de la filiale allemande. Les alternatives au Cyclus Offset proviennent désormais de Lenzing sous les références Recystar Nature (CIE 90, FSC, Cygne blanc, EU Ecolabel, Ange Bleu) et Recystar Polar, d'une blancheur plus élevée. Papyrus précise que d'autres indices de blancheur produites par Lenzing peuvent être livrées du CIE 90 au CIE 160. Pour sa propre marque Balance, Papyrus propose désormais le papier recyclé BalancePure BA (CIE 150) via Lenzing au lieu du BalancePure produit par Arjowiggins et le RecySatin 100% recyclé (FSC recycled) remplace pour l'instant le BalanceSilk qui était auparavant recyclé à 60%. Burgo est le nouveau producteur du BalanceSilk qui sera disponible dès juillet en 100% recyclé. Quant au papetier UPM, celui-ci propose des papiers recyclés destinés aux journaux, magazines, brochures et publicités tels que News, EcoPrime, ReCat, etc.À blancheur égale, le prix du papier recyclé se révèle être supérieur à celui de la fibre vierge. "Le procédé de collecte de la matière première et les processus de sélection et de nettoyage influencent le coût du papier recyclé", justifient aussi bien Antalis que Papyrus, qui précise : "Cela dit, les qualités moins blanches sont moins chères." Est-ce pour autant un obstacle à l'utilisation du papier recyclé? "Pour un projet de communication, le papier recyclé entraînera en moyenne un coût supplémentaire de 2 à 3 %. Mais les clients et donneurs d'ordre qui optent pour des papiers recyclés font un choix conscient. Ils se positionnent comme acteurs responsables dans l'économie circulaire. Les utilisateurs peuvent calculer la réduction de l'impact environnemental grâce à l'utilisation de papier recyclé en indiquant les économies de bois, de déchets, de litres d'eau, de kWh de dioxyde de carbone et de gaz à effet de serre", explique Ron Blesgraaf, Market manager print d'Antalis. Lionel Darimont, responsable des achats à l'imprimerie Snel Grafics, témoigne : "La demande de papier recyclé ne représente que 2 % de nos achats papier, ce qui fait néanmoins une quantité non négligeable de 50 tonnes de papiers recyclés par an. Le prix plus élevé du papier recyclé est sans aucun doute un frein à son utilisation. Par exemple, un papier couché recyclé coûte 50 % plus cher que son équivalent en fibre vierge."Le papier recyclé a longtemps souffert de sa mauvaise réputation pour l'impression, mais les critiques semblent désormais bien derrière. Aujourd'hui, les améliorations sont telles que l'imprimabilité du papier recyclé est comparable aux papiers de fibres vierges. Pour Ron Blesgraaf d'Antalis, le taux de fibres recyclées n'impacte pas le processus d'impression : "Les résultats exceptionnels sont dus à la sélection rigoureuse de vieux papiers contenant un faible taux d'encrage". Joyce Beumer de Papyrus abonde dans le même sens : "La qualité dépend fortement de la qualité du papier recyclé. Les papiers recyclés se distinguent à peine de ceux produits avec des fibres vierges. On peut cependant voir plus de souillure sur la surface du papier recyclé : moins le papier est blanc moins le papier a été trié." Le responsable impression (offset) Jérôme Pasquiers de l'imprimerie liégeoise Snel Grafics confirme ces dires. Pour lui, il n'y a pas de différence de qualité d'impression entre un papier de fibre vierge et recyclé. "Par contre, le papier recyclé est un peu moins beau et des impuretés restent visibles comme les taches noires. Il n'est jamais aussi blanc qu'un papier de fibre vierge et laisse aussi un peu plus de poussière, mais ce n'est pas contraignant à imprimer. Avec le papier recyclé, nous imprimons principalement des revues ou des brochures publicitaires et des petits journaux communaux."Chez UPM, même si la qualité d'impression des papiers recyclés s'est beaucoup améliorée, un spécialiste pointe néanmoins quelques aléas techniques qui peuvent survenir dans les imprimeries. Kevin Van Damme, Manager Technical Customer Service d'UPM, fait état des différents types de papier auxquels il a affaire dans les imprimeries qu'il visite. Le papier journal 100 % recyclé est le mieux évalué : "On obtient une meilleure qualité d'impression qu'avec le papier de fibre vierge. La raison est qu'UPM introduit des pigments dans le papier recyclé du journal qui améliorent l'absorption de l'encre et qui augmentent la qualité d'impression." L'impression se complexifie avec le papier couché et non couché. Kevin Van Damme : "Pour le papier non couché, tout dépend du système d'impression utilisé, de l'encre et du type de tirage. L'encre et la machine d'impression utilisées peuvent influencer le résultat. Un tirage avec beaucoup de photos et d'aplats de couleur n'est pas très bon pour un papier non couché 100 % recyclé. Les fibres qui ont été recyclées plusieurs fois se comportent différemment des fibres vierges qui ont une meilleure capacité d'absorption d'encre. Ensuite, l'expérience de l'imprimeur et son affinité avec le papier a aussi son importance. Certains imprimeurs vont adorer imprimer avec du papier non couché recyclé et d'autres pas du tout. Il faut faire de nombreux tests avec la machine pour trouver la bonne configuration." Autre type de papier : "Les papiers couchés 100 % recyclés ont tendance à laisser plus de poussière sur le blanchet, car la fibre recyclée est moins résistante que la fibre vierge. C'est le souci que l'on rencontre le plus souvent avec ce type de papier. Il suffit pour l'imprimeur d'opérer des changements dans la machine comme mettre plus d'eau ou d'encre, régler la température. La façon de paramétrer la machine est importante", termine d'expliquer Kevin Van Damme.De plus en plus d'entreprises se montrent sensibles à l'environnement et souhaitent apporter leur contribution ou en témoigner. "Le papier est une contribution responsable à l'environnement", dit Ron Blesgraaf. "En tant que distributeur papier, nous voyons de plus en plus de demandes pour des papiers respectueux de l'environnement. Le papier recyclé est utilisé par les clients finaux et les fournisseurs contractuels qui choisissent consciemment de confirmer et souligner leur dévouement et leur engagement envers l'environnement. On retrouve les papiers recyclés dans la communication de base, mais aussi dans la communication créative et l'image de marque comme le papier à lettres, les enveloppes, cartes de visite et matériel promotionnel".Lionel Darimont de l'imprimerie Snel confirme : "Les clients qui font le choix du papier recyclé veulent volontairement véhiculer une image respectueuse de l'environnement." On peut aussi imaginer que les organisations environnementales sont les premières cibles faciles quant à l'utilisation de papier recyclé. En témoigne le WWF qui certifie utiliser dans sa communication, comme le rapport annuel et le magazine WWF, du papier certifié FSC 100 % recyclé et EU Écolabel. Au niveau fédéral belge, il existe une circulaire qui vise une politique d'achats de bois et papiers provenant de forêts exploitées durablement. Le même type d'initiative se retrouve au niveau des régions. Des communes adoptent également une politique pour des achats publics en papier responsable, recyclé ou certifié FSC/PEFC. Une étude a été menée en juin 2018 par FSC Belgique et le WWF auprès des villes et communes belges. Le taux de participation a été de 19 %, soit 110 communes des 589 qui ont répondu. Selon cette étude, 61 % des communes participantes affirment avoir une politique d'achats durables pour des produits dérivés du bois ou du papier. Cependant, cette politique ne se traduit pas systématiquement par des pratiques durables dans la réalité : seulement 23 % des communes affirment opter pour des produits certifiés. La divergence entre théorie et pratique peut s'expliquer par certaines difficultés que peuvent éprouver les communes. Exemples parmi d'autres : trouver des entreprises auprès desquelles solliciter des remises de prix, offre limitée en papier 100 % recyclé, manque d'information à propos des fournisseurs détenteurs d'un certificat Chain of Custody, le coût, etc. Bref, même si de nombreuses communes marquent leur sensibilité au respect de l'environnement, certaines ont besoin d'être accompagnées dans la mise en pratique.(1) La CEPI est l'association paneuropéenne représentant l'industrie de la fibre de bois et du papier. Au travers des 18 associations nationales, la CEPI regroupe 495 entreprises et donc plus de 900 usines de pâte à papier à travers l'Europe.(2) L'Environmental Paper Network (EPN) regroupe 140 organisations à but non lucratif qui oeuvrent pour la production et la consommation durables de pâtes, papiers et emballages.(3) Indufed regroupe Cobelpa(4) (l'association belge des producteurs de pâtes, papiers et cartons), la Fetra (fédération des transformateurs de papiers et cartons) et la FIV (fédération des producteurs et transformateurs de verre). La plateforme belge oeuvre pour le développement durable des industries qu'elle représente.