Pourquoi avez-vous demandé l'enregistrement EMAS? Et qu'est-ce que cela change pour l'imprimerie?
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Pourquoi avez-vous demandé l'enregistrement EMAS? Et qu'est-ce que cela change pour l'imprimerie?FILIP VAN WEZEMAEL: Pour être une entreprise enregistrée EMAS, il faut avoir le certificat ISO 14001. Ce qui est notre cas depuis 2015. Il nous a donc semblé tout naturel d'aller un pas plus loin avec l'enregistrement EMAS puisqu'avec la norme ISO14001 notre agenda est d'office déjà rempli de décisions durables. Alors pourquoi ne pas l'utiliser aussi comme objet commercial? L'enregistrement EMAS implique à présent que nous devons publier chaque année un rapport environnemental qui rend compte de tous nos efforts en matière de développement durable, avec des chiffres à l'appui. Comme nous étions aussi certifiés CO2-Neutral par CO2Logic, notre empreinte environnementale était déjà calculée chaque année et nous avions donc toutes les données à disposition. Nous avons aussi intégré 10 des 17 Objectifs de développement durable des Nations Unies. Avec EMAS, nous passons à un niveau supérieur. Le bilan environnemental, qui doit être validé par EMAS, est une façon objective et transparente de montrer au public que nous sommes durables et que nous ne faisons pas de 'greenwashing'. Nos clients actuels apprécient notre démarche et les nouveaux sont assurés que tout est en ordre en matière de durabilité. C'est aussi une manière d'installer des standards pour le secteur. Pourquoi est-ce important pour vous que tout le secteur suive le même chemin?VAN WEZEMAEL: Pour améliorer l'image du secteur. Nous saluons d'ailleurs la campagne de Febelgra, Les Impressionneurs. Beaucoup de gens pensent encore qu'une imprimerie utilise toujours des produits nocifs pour l'environnement. Par ailleurs, si plus d'imprimeries se font enregistrer EMAS cela donne plus de poids et de crédibilité auprès des clients et par rapport aux appels d'offres, mais ce n'est pas encore le cas. Il faut encore et toujours détailler ce qui est fait en matière de durabilité. C'est bien d'être pionnier, mais il faudrait que d'autres imprimeries s'impliquent dans le même processus environnemental et que l'on puisse jouer le jeu tous ensemble à ce niveau-là. D'autres imprimeries devraient suivre notre démarche pour que nous puissions devenir concurrentiels à un autre niveau. L'empreinte environnementale de notre secteur est aussi toujours mal comprise. D'un côté, d'autres industries sont beaucoup plus polluantes que nous, les imprimeries, et de l'autre côté, les normes environnementales deviennent plus strictes. Je parle entre autres de CO2Logic qui impose aux entreprises de diminuer encore plus les émissions de gaz à effet de serre dans les scopes 1, 2 et 3, notamment en diminuant l'utilisation de papier. Ce qui nous impacte plus durement par rapport à d'autres industries. Notre secteur est particulier, car le bois qui est utilisé pour fabriquer du papier ne cause pas de déforestation. Le papier est issu de forêts gérées durablement qui permettent d'absorber plus de CO2 que si elles n'étaient pas entretenues. Dans un sens, nous nous retrouvons coincés: comment améliorer les résultats si nous devons utiliser moins de papier? Quelle est votre définition d'une imprimerie éco-responsable?VAN WEZEMAEL: Une imprimerie qui fait attention à ses investissements, en privilégiant les machines d'occasion plutôt que le neuf quand c'est possible. Chez Van der Poorten, nous tenons compte de notre empreinte environnementale à chaque investissement. Pour un équipement de seconde main, nous ne prenons sur nous que l'empreinte de la restauration et pas de la production de la machine. Nous récupérons par exemple des équipements issus d'une faillite. Si nous achetons du neuf, c'est pour une nouvelle technologie de pointe comme notre robot de Heidelberg qui sert à automatiser l'empilage. Avant de signer une commande, nous demandons toujours pour que la livraison soit climatiquement neutre, comme cela a été fait avec le robot. Nous mettons aussi beaucoup l'accent sur le tri des déchets et le recyclage, que ce soit pour les consommables, les plaques, le papier... Nous sensibilisons les intervenants externes (technicien, formateur...) au tri des déchets dans notre atelier de production. En ce qui concerne nos clients, nous les orientons vers des choix de papier plus durables, ce qui n'est pas forcément du recyclé. Vraiment? Quel est donc le papier le plus écologique pour vous?VAN WEZEMAEL: C'est du papier à base de fibre vierge et non recyclée. Et un papier non couché est toujours plus écologique qu'un papier couché. Les pouvoirs publics imposent du papier recyclé dans les appels d'offres, mais l'empreinte carbone est plus élevée en raison de la consommation d'eau et d'énergie, du blanchiment (désencrage), du transport, etc. Mais il est quand même bon de ne pas utiliser que de la fibre vierge, non?VAN WEZEMAEL: C'est ce qu'on dit, mais le besoin en boîte en carton pour l'e-commerce est tellement grand que pratiquement tous les déchets de papier qui sortent des imprimeries peuvent être recyclées pour faire du carton. Et là il ne faut pas faire autant d'effort pour bien trier et désencrer. D'ailleurs, le papier recyclé est bien plus cher que le papier à base de fibre vierge. Pourquoi alors ne pas l'utiliser pour autre chose comme le carton? Ce qui rend le papier recyclé moins écologique, c'est le niveau de blancheur qui est requis pour imprimer aux normes ISO. Les clients veulent du papier très blanc, mais recyclé. Cela soulage peut-être leur conscience, mais c'est moins écologique que du papier recyclé gris. Quels leviers d'impression éco-responsable proposez-vous à vos clients?VAN WEZEMAEL: Je fais le tour de l'imprimerie avec les nouveaux clients pour expliquer tout ce que nous faisons en matière de développement durable. Pour des petits tirages, nous conseillons d'imprimer les couvertures en numérique et les pages intérieures en offset afin de diminuer la gâche papier. Nous expliquons aussi que le papier que nous utilisons, certifié FSC et PEFC, est issu de forêts gérées durablement et que les plaques offset sont recyclées en de nouvelles plaques. Nous privilégions l'offset traditionnelle avec des encres végétales biodégradables plutôt que le LED UV ou l'UV. D'une part, ces technologies sont plus énergivores et, d'autre part, elles perturbent le processus de désencrage lors du recyclage. Pour l'impression numérique, nous avons opté pour la technologie toner (Konica Minolta, NDLR), qui est pour nous plus écologique que le jet d'encre. Nous favorisons aussi une mobilité plus verte. Deux tiers de nos collaborateurs (35 personnes, y compris la direction, NDLR) viennent travailler à vélo. Notre bâtiment utilise aussi de l'énergie renouvelable grâce à nos 1396 panneaux photovoltaïques. Ces quelques exemples illustrent comment nous parvenons à proposer une impression 100% climatiquement neutre qui s'applique à tous nos produits imprimés. Notre objectif est de compenser de moins en moins de CO2 tout en maintenant notre neutralité carbone. En termes de matériaux, que recommandez-vous pour le façonnage des supports?VAN WEZEMAEL: Nous proposons la finition avec des agrafes et avec dos collé. Pour la reliure des livres, par exemple, nous privilégions la colle hotmelt plutôt que PUR, car elle reste inerte une fois séchée et ne perturbe pas le recyclage. Le pelliculage ne perturbe pas non plus le recyclage. Pendant le processus de recyclage, les fibres de pelliculage sont séparées des fibres de cellulose de leur support. Les films en plastique peuvent être facilement récupérés et éliminés dans les décharges habituelles. Il est aussi possible d'opter pour du vernis aqueux en offset, mais il offre moins de brillance et de résistance. Et quels sont vos astuces pour aider vos clients à diminuer l'empreinte carbone de leurs imprimés?VAN WEZEMAEL: Il faut trouver un bon équilibre dans les tirages ; ne pas commander trop ni trop peu. Nous imprimons principalement des magazines et nous avons intégré une ligne de mise sous papier pour routage. Les clients ont désormais le choix entre des enveloppes en plastique, en bioplastique et en papier. Le plastique est le plus polluant, mais le moins cher. Nous encourageons l'utilisation du bioplastique, mais il faut veiller à bien le trier. Il doit être composté et non jeté avec les déchets en plastique. Le plus simple reste le tri du papier. Quel(s) avantage(s) tirez-vous de votre démarche environnementale? Constatez-vous une plus-value auprès de vos clients?VAN WEZEMAEL: En interne, nous avons pu économiser des ressources qui n'auraient pas été possible autrement. Grâce au contrôle minutieux de notre consommation d'eau, par exemple, nous nous sommes rendu compte que nous avions une consommation excessive due à une défaillance technique de notre système d'humidification de l'air dans l'atelier de production. Sans des mesures structurées, cela serait passé inaperçu. On fait aussi attention à rester aux normes dans nos installations. Au final, nous nous rendons compte qu'un client qui est vraiment convaincu qu'une imprimerie est écologique fait moins attention au prix. En ce sens, les certifications environnementales offrent un avantage.