Les résultats du secteur graphique belge pour 2022 ne sont pas une surprise. "Nous nous attendions à une certaine relance, si ce n'est que nous l'espérions un peu plus forte", dit Marc Vandenbroucke, directeur général de la fédération sectorielle Febelgra. "Il est évident que les prix des matières premières et l'inflation ont structurellement laissé des traces." Le chiffre d'affaires total du secteur graphique a progressé de 5,57%, à 2,38 milliards d'euros, par rapport à 2021. "Un beau résultat, mais il faut naturellement voir d'où nous venons. Comparé à 2019, le secteur essuie globalement encore une perte de près de 12%", tempère Vandenbroucke.
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Les résultats du secteur graphique belge pour 2022 ne sont pas une surprise. "Nous nous attendions à une certaine relance, si ce n'est que nous l'espérions un peu plus forte", dit Marc Vandenbroucke, directeur général de la fédération sectorielle Febelgra. "Il est évident que les prix des matières premières et l'inflation ont structurellement laissé des traces." Le chiffre d'affaires total du secteur graphique a progressé de 5,57%, à 2,38 milliards d'euros, par rapport à 2021. "Un beau résultat, mais il faut naturellement voir d'où nous venons. Comparé à 2019, le secteur essuie globalement encore une perte de près de 12%", tempère Vandenbroucke. La plus forte hausse de chiffre d'affaires est le fait des entreprises de prépresse, qui ont progressé de près de 14%, à 433 millions d'euros. Le résultat des imprimeurs de journaux de notre pays s'est amélioré de 13,58%, à 39,3 millions d'euros. De quoi remettre le chiffre d'affaires du journal imprimé au niveau de 2019. Les imprimeries (+3,54%, à 1,87 milliard d'euros) et les spécialistes de la finition (+3,17%, à 38,71 millions d'euros) rapportent également une croissance. Par rapport à 2019 toutefois, les imprimeries s'affichent en perte de 14,67% et les entreprises de postpresse suivent la même tendance, avec -9,81%. Seul le sous-secteur des services prépresse et prémédias échappe à cette morosité, avec un chiffre d'affaires en hausse d'un peu plus de 2% par rapport à 2019. Marc Vandenbroucke voit deux facteurs expliquant cette croissance: le dynamisme du secteur de l'emballage et les exportations. Le nombre d'employeurs du secteur graphique continue de baisser. En 2022, ils étaient encore 657, soit 466 imprimeries (-5,86%), 152 entreprises de prépresse (-4,40%) et 27 de postpresse (-12,90%), plus douze imprimeurs de journaux. On en dénombrait encore plus d'un millier il y a dix ans d'ici. "Les explications sont multiples: différentes cessations d'activité de (petites) entreprises, quelques faillites et surtout le mouvement de consolidation qui se poursuit au sein du secteur", explique Febelgra. Marc Vandenbroucke observe deux phénomènes particuliers sur ce plan: "L'emploi dans notre secteur n'a baissé que de 1% en 2022, alors qu'on était plutôt dans les -5% les autres années. Et pour la première fois en dix ans, nous observons une hausse modeste de l'emploi en Flandre, avec +0,36%." Le secteur (hors imprimeries de journaux) comptait 8 075 salariés l'an dernier, soit 89 postes de travail en moins que l'année précédente. Les imprimeries emploient 6 534 personnes (-2,61%) et on recense 254 postes de travail (-11,19%) auprès des prestataires de postpresse. Du côté du prépresse, l'emploi progresse de 10,10%, à 1 287 travailleurs. En regardant les chiffres par Région, on voit que la perte globale d'emplois de -1,09% est localisée à Bruxelles et en Wallonie. L'emploi en Région bruxelloise a baissé de 16%, à 320 travailleurs. En Wallonie, le secteur graphique occupe encore 1 353 personnes (-3,63%). "Bruxelles n'existe plus sur la carte de la production d'imprimés", reconnaît Vandenbroucke. "En 2012, nous avions encore un chiffre d'emplois de 1 262 personnes en Région Bruxelles-Capitale ; aujourd'hui, il est réduit au quart." Mais dans le même temps que l'emploi global diminue dans le secteur, le nombre d'indépendants actifs dans la branche graphique augmente d'année en année. Les dernières données disponibles (2021) montrent une hausse de 11,48% par rapport à 2020, avec 3 621 indépendants en activité principale. La croissance est encore plus notable pour les indépendants en activité complémentaire: ils sont 2 222, soit une hausse de 24,41%. Les indépendants actifs après l'âge de la pension sont aussi plus nombreux: + 6,16% (793). L'année 2022 a été plutôt anodine en termes d'investissement. "Dire que les entreprises sont prudentes est un euphémisme", dit Marc Vandenbroucke. Les investissements ont progressé de 4,44%, à 88,09 millions d'euros. Du côté des imprimeries, ils se sont établis en hausse de 15%, à 62,37 millions d'euros. Les entreprises de postpresse ont investi quelque 2 millions d'euros. Les investissements ont diminué chez les entreprises prépresse (-20%) et les imprimeurs de journaux (-4,6%). Le patron de Febelgra se dit positivement surpris par la balance commerciale. En 2021, on le sait, le secteur avait été confronté pour la première fois à une balance commerciale déficitaire (-89,64 millions d'euros). "Pour 2022, nous observons une hausse de près de 10% des exportations, à 734,78 millions d'euros. Les importations ont quant à elles légèrement fléchi: -0,83%, à 752,91 millions d'euros. D'où un déficit commercial de 18,13 millions d'euros." Marc Vandenbroucke n'attend pas un retour à court terme à une balance commerciale positive. "Nos trois principaux partenaires commerciaux sont les Pays-Bas, la France et l'Allemagne. La différence au niveau des charges salariales constitue un handicap concurrentiel." Les exportations représentent 30,85% du total du chiffre d'affaires sectoriel. 2022 fait donc mieux que 2019, quand la part de l'export était de 28,34%. La France reste notre principal pays d'exportation ; elle en capte 55,4% avec les Pays-Bas. Il est intéressant de voir que les Pays-Bas ont dépassé la France au classement de nos principaux pays importateurs. La Chine vient se hisser dans le top 4 des pays importateurs, après l'Allemagne et avant le Royaume-Uni. Un constat assez remarquable alors que les échanges avec l'Extrême-Orient sont de plus en plus remis en question. "La succession de conditions de marché difficiles fait que de nombreux produits d'impression se trouvent poussés dans le segment du luxe. Les volumes diminuent, mais le consommateur aura toujours besoin d'imprimés dans le monde hybride", conclut Marc Vandenbroucke. "La politique du gouvernement joue un rôle important. Notre secteur n'est pas particulièrement aidé par les intentions actuelles sur les plans de la publicité non adressée, de la fiscalité et des perceptions (erronées) en matière d'écologie." Vandenbroucke pointe notamment le nouveau Plan local pour les matériaux validé à la fin du mois dernier par l'exécutif flamand. Le plan de la ministre flamande de l'Environnement Zuhal Demir (N-VA) établit le cadre de la politique en matière de déchets jusqu'en 2030. En vertu de celui-ci, les imprimés non adressés ne pourront plus être distribués que dans les boîtes aux lettres sur lesquelles un autocollant OUI/OUI (à la publicité non nominative et à la presse gratuite) aura été expressément apposé. "On lit noir sur blanc dans le plan qu'il a été élaboré en concertation avec toutes les parties prenantes. Ce n'est pas exact. Cette mesure porte le coup de grâce à l'imprimé de retail", déplore Vandenbroucke. Les projets de réforme fiscale de Vincent Van Peteghem (CD&V) tombent également mal. "Le ministre des Finances souhaite notamment faire passer la TVA de 6 à 9%, ce qui aura un impact sur de nombreux produits graphiques, comme les livres. Pour faire court, ces produits seront bientôt 3% plus chers pour le consommateur. Tout cela n'aide pas", regrette Marc Vandenbroucke.