À l'approche de Labelexpo, un article était paru le site Web du salon pour expliquer en quoi celui-ci représentait "un jalon important dans l'évolution de l'impression numérique". Andy Thomas-Emans, directeur de Tarsus Label Group (qui organise l'évènement), y écrivait notamment: "Lorsque les premières presses numériques petite laize sont sorties sur le marché à la fin des années 1990, le digital n'était pas perçu comme une menace pour la flexo, mais plutôt comme une technologie complémentaire convenant surtout pour la production de petits tirages. Ceux-ci étaient en effet relativement compliqués à l'époque, car un changement de travail sur une presse flexo 8 couleurs pouvait facilement prendre le gros de la matinée."
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À l'approche de Labelexpo, un article était paru le site Web du salon pour expliquer en quoi celui-ci représentait "un jalon important dans l'évolution de l'impression numérique". Andy Thomas-Emans, directeur de Tarsus Label Group (qui organise l'évènement), y écrivait notamment: "Lorsque les premières presses numériques petite laize sont sorties sur le marché à la fin des années 1990, le digital n'était pas perçu comme une menace pour la flexo, mais plutôt comme une technologie complémentaire convenant surtout pour la production de petits tirages. Ceux-ci étaient en effet relativement compliqués à l'époque, car un changement de travail sur une presse flexo 8 couleurs pouvait facilement prendre le gros de la matinée." "Avance rapide jusqu'en 2022", poursuivait Thomas-Emans, "et voici le paysage complètement transformé. Les presses numériques ont gagné en rapidité et en largeur, et elles peuvent rivaliser avec la flexo en termes de résolutions et de gamme chromatique." L'article donnait aussi la parole à des fournisseurs, dont Martin Leitner, de Durst: "Le numérique n'a plus rien à envier à la flexo sur le plan qualitatif - notre qualité d'impression jet d'encre UV est aussi bonne si pas meilleure que celle de la flexo." Et Filip Weymans, de Xeikon, ajoutait un peu plus loin: "Nous nous approchons du procédé flexographique aussi en productivité." La flexo aurait-elle fait son temps? Martin Leitner (Durst) tempérait: "Je ne dis pas que le jet d'encre UV peut totalement remplacer la flexo. Chaque technologie a sa place et ses avantages. Mais nous progressons énormément." Pour l'instant, la flexographie conserve un potentiel de croissance considérable, observent les analystes de Smithers dans leur dernier rapport: The Future of Flexographic Printing to 2027. La demande d'emballages et d'étiquettes augmente, et la flexo constitue une alternative rentable à l'héliogravure et à l'offset sur ces marchés. Avec 36,8% du volume total en 2022, l'impression sur carton ondulé est le principal segment de marché pour la flexo - et elle semble devoir le rester. Le segment des emballages souples gagne par ailleurs de plus en plus en importance: cette application devrait signer la plus forte croissance, selon les prévisions. Une croissance est également attendue pour les cinq prochaines années du côté des mouchoirs en papier imprimés en flexo - conséquence notamment des mesures anticoronavirus. L'impression de couverts en carton (comme des assiettes) offre aussi des possibilités à présent que la législation interdit les plastiques à usage unique. En même temps, une autre partie du marché disparaît: avec la contraction des tirages des journaux, le recours à la flexo continue de se raréfier dans ce domaine. Les analystes de Smithers concluent que la demande mondiale d'imprimés flexographiques dépassera les 157 milliards d'euros en valeur en 2022, soit une production équivalente à 6,8 billions d'A4. Compte tenu d'un pourcentage de croissance annuelle de 1,9%, cette demande devrait représenter plus de 172 milliards d'euros en 2027. (D'où il ressort que cette progression est encore supérieure aux prévisions antérieures de Smithers: dans une précédente édition de l'enquête (2020), l'institut tablait encore sur une croissance annuelle de 1,6%.) La hausse de volume s'annonce plus forte encore, avec un taux annuel de 2,5%, jusqu'à l'équivalent de 7,68 billions d'A4 en 2027. Il est bon de comparer ces données avec les chiffres d'une enquête comparable, publiée l'an dernier par Smithers et portant sur l'avenir de "l'impression numérique pour les emballages et les étiquettes". La valeur totale du marché en 2021 y était estimée à 19,3 milliards d'euros, après une hausse de volume de pas moins de 20,8% due à la situation sanitaire mondiale (coronavirus). Avec l'avancée de la technologie jet d'encre, la part de l'impression numérique sur le marché de l'étiquette et de l'emballage va passer de 4,4% en valeur en 2020 (environ 16,9 milliards d'euros) à 7,2% en 2026 (32,8 milliards d'euros). Le gros de la valeur commerciale en 2021 a été généré par la production numérique des étiquettes: près de 10,8 milliards d'euros. Les analystes de Smithers s'attendent toutefois à une hausse rapide du segment du carton ondulé (près de 5,3 milliards d'euros en 2021), suivi par le carton plat pour boîtes pliantes (2,1 milliards d'euros): "Dans ces deux segments, l'utilisation de la technologie d'impression numérique va presque doubler en cinq ans et leur valeur cumulée va dépasser celle du segment de l'étiquette numérique en 2026." La croissance de l'impression numérique est nourrie par les évolutions technologiques. Le jet d'encre en particulier progresse à la fois sur le plan de la qualité (vers 2 400 dpi) et de la rapidité (vers 300 m/min). Des tirages de plus en plus longs sur carton ondulé, carton plat et emballages souples deviennent également rentables. Les encres sont compatibles avec un nombre croissant de matériaux, et la hausse des volumes devrait contribuer à faire baisser les prix au litre. L'essor des presses jet d'encre feuilles va leur permettre de capter davantage de commandes d'impression d'emballages. Smithers voit un avenir pour les systèmes d'impression à toner également. Par exemple avec des évolutions telles que la nouvelle technologie LEPx d'HP Indigo: "Les systèmes à toner auront leur place surtout dans des marchés de niche pour des étiquettes premium, ainsi que des étuis et des emballages souples haut de gamme." Si le numérique poursuit son avancée, la flexo est toujours le procédé dominant. Le nombre d'installations de nouvelles machines en Europe sera limité dans les prochaines années, prédit Smithers: "En Europe occidentale, la croissance s'est tarie. Elle se trouve essentiellement en Asie, en particulier en Chine et en Inde, potentiellement les deux plus gros marchés au monde pour les biens de consommation. Les investissements en presses flexo neuves sont malgré tout modestes, là aussi. Les meilleures opportunités commerciales pour les fabricants de presses flexo jusqu'en 2027 se concentreront surtout aux États-Unis et en Amérique centrale et du Sud." Entre-temps, on ne parle plus de lutte entre la flexo et l'impression numérique: les deux techniques se retrouvent aussi côte à côte dans les systèmes hybrides. Différents constructeurs rompus à l'assemblage de machines modulaires équipent leurs presses flexo de modules jet d'encre pour pouvoir aussi imprimer des données variables. Inversement, des groupes flexo sont ajoutés à des presses numériques pour, par exemple, appliquer un blanc couvrant. Les grands acteurs consolident en outre leur position. Début avril, par exemple, Canon a annoncé l'acquisition du constructeur de presses britannique Edale, spécialiste des systèmes pour l'industrie de l'étiquette et de l'emballage. Canon entend ainsi s'approprier l'expertise et l'expérience nécessaires pour se faire une place sur le marché de l'étiquette. Peu de temps après, Heidelberg a fait connaître son intention de se refocaliser sur le marché de l'étiquette et d'ajouter des presses numériques à son assortiment Gallus conventionnel. La flexo continue en outre d'évoluer - non seulement pour conserver son avance sur le numérique, mais aussi pour pouvoir relever différents défis. Smithers signale, par exemple, que les entreprises vont devoir réagir face à la forte hausse des prix des matériaux et du coût des encres et des plaques. La demande de solutions durables continue en outre de s'intensifier. L'innovation devient donc une priorité absolue. Une réponse technologique intéressante à bon nombre de ces facteurs pourrait être l'impression à gamut élargi. Ainsi ressort-il d'une étude scientifique publiée l'an dernier en Finlande. L'IGE, ou impression à gamut élargi, ou impression à gamut étendu, ou encore impression à palette (de couleurs) fixe, est une méthode permettant d'obtenir une gamme colorimétrique plus vaste avec un jeu de couleurs déterminé que ce que permet la quadrichromie standard avec les encres cyan, magenta, jaune et noire. En complétant ces CMJN avec, par exemple, de l'orange, du vert et du violet, on peut obtenir une gamme chromatique beaucoup plus large, couvrant notamment une plus grande partie du nuancier PMS. Ces couleurs PMS sont encore souvent - surtout sur les presses flexo - imprimées sur des groupes supplémentaires avec des encres prémélangées. Autrement dit, chaque changement de travail nécessite en pratique une autre couleur d'appoint, ce qui a un coût en termes de temps et de consommation de matériau et d'encre. L'impression à gamut élargi résout ce problème en opérant à partir d'un jeu d'encres fixe. Pourtant, l'IGE n'est encore utilisée qu'au compte-gouttes. "L'industrie de l'emballage a toujours eu une attitude relativement conservatrice face aux nouvelles technologies", observe Kai Lankinen. En tant qu'associé de l'agence prépresse finlandaise Marvaco, spécialisée dans l'industrie de l'emballage, il a décidé de soumettre l'IGE à une analyse scientifique. L'étude commencée en 2014 a débouché l'an dernier sur un mémoire intitulé " Evaluation of Expanded Gamut Printing in Flexography", aux conclusions on ne peut plus claires. D'après Lankinen, la méthode "heptachrome" étudiée - par opposition à la quadrichomie conventionnelle + tons directs - engendre une amélioration du taux de rendement synthétique (TRS) de 42 à 85%, économise entre 0,6 et 1,3 million d'euros par presse et réduit l'empreinte carbone de 34 à 51%. Et comme le gamut élargi englobe jusqu'à 91% du nuancier PMS, il devient aussi possible de combiner (amalgamer) les commandes, ce qui diminue la gâche et le nombre de plaques nécessaires. Lankinen est par ailleurs convaincu que l'IGE - dont le principe est déjà régulièrement appliqué dans les systèmes jet d'encre - offre la possibilité à l'industrie de la flexo d'être non seulement plus flexible et efficace mais d'avoir aussi une production davantage écoresponsable.