De la conception de campagnes marketing agiles à la multiplication des références d'articles (SKU) en passant par la rationalisation des processus en vue d'accélérer la mise sur le marché des produits, imprimer un emballage en numérique permet de répondre à toute une série de tendances et exigences du marché. Il n'en reste pas moins que tant les marques que les spécialistes de l'impression numérique disent regretter que certaines prédictions parmi les plus optimistes concernant la marche en avant triomphale du numérique tardent à se matérialiser.
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De la conception de campagnes marketing agiles à la multiplication des références d'articles (SKU) en passant par la rationalisation des processus en vue d'accélérer la mise sur le marché des produits, imprimer un emballage en numérique permet de répondre à toute une série de tendances et exigences du marché. Il n'en reste pas moins que tant les marques que les spécialistes de l'impression numérique disent regretter que certaines prédictions parmi les plus optimistes concernant la marche en avant triomphale du numérique tardent à se matérialiser. Commençons par une évidence: le gros du marché dessert encore les grands tirages d'emballages destinés aux linéaires des magasins physiques. Comme le fait remarquer Montserrat Peidro, ex-patronne de la division Impression numérique d'Heidelberg: "Les principaux avantages de l'impression numérique peuvent se quantifier en termes de coûts unitaires pour les petits et moyens tirages, de réduction des délais de production contribuant à une chaîne d'approvisionnement allégée et de capacité à produire des emballages uniques de manière rentable. On pense, par exemple, aux éléments de sécurité, aux identifiants destinés à assurer la traçabilité des marchandises ou aux codes d'emballages, connectés ou personnalisés pour des individus spécifiques." Nonobstant toutes ces revendications, la demande d'emballages génériques fabriqués en grands volumes à haute vitesse reste énorme - et les presses analogiques se montrent toujours plus efficientes à prendre en charge leur fabrication en grands tirages. Rien de nouveau sous le soleil, mais un simple rappel: quiconque serait tenté de se laisser séduire par le discours ambiant d'innovation disruptive ferait bien de d'abord faire ses calculs. Tant que tout le monde n'a pas besoin de produits personnalisés, l'impression analogique conserve toute sa pertinence. Il n'empêche qu'il existe un segment important et croissant du marché de l'emballage où la technologie numérique peut apporter une valeur ajoutée. Les marques doivent pouvoir différencier leurs références et hausser la fréquence de leurs campagnes marketing pour continuer de capter l'attention du consommateur. Dans ce contexte, la flexibilité - plutôt que le débit brut - est la clé de la productivité. "La vitesse d'impression des machines analogiques ne prend pas en compte l'ensemble des réglages liés au calibrage des couleurs, à la gâche et au calage des plaques", dit Marcelo Akierman, Marketing Manager EMEA d'HP Indigo. "L'impression numérique réduit largement le délai de mise sur le marché ; les marques peuvent vérifier les épreuves sur place et, une fois le résultat conforme aux attentes, donner le bon-à-tirer sur le support final." Souvent toutefois, l'utilisateur final ne réfléchit pas aussi vite que la technologie. Comme le faisait remarquer dernièrement le directeur d'un grand transformateur de carton ondulé, une grosse journée suffit désormais à implémenter un changement de design sur une presse traditionnelle. Mais si le feu vert du donneur d'ordre se fait attendre plusieurs jours, voire semaines, le goulet d'étranglement n'est-il pas imputable aux systèmes d'entreprise plutôt qu'à la technologie? Si les marques veulent exploiter le plein potentiel des presses numériques, elles doivent devenir aussi flexibles qu'elles - et aussi s'habituer à prendre des décisions marketing davantage décentralisées. La valeur ajoutée de l'impression numérique ne pourra s'exprimer que moyennant son intégration au sein de la chaîne de valeur tout entière. "Nous l'oublions souvent, mais la production d'un emballage ne se réduit pas à sa seule impression. Elle fait partie d'une chaîne d'approvisionnement plus longue impliquant les designers, les imprimeurs, les transformateurs et les emballeurs, jusqu'aux détaillants (en ligne ou physiques)", rappelle François Martin, conseiller en communication chez BOBST. Et il ajoute: "L'impression numérique permet de gagner quelques heures, ou même quelques jours, sur un processus qui exige plusieurs mois. C'est l'ensemble de la chaîne de production des emballages qui doit être redessinée. L'impression numérique fera partie du nouveau paysage de l'Industrie de l'emballage 4.0, mais l'élément le plus important est bien la digitalisation de l'ensemble du processus." Inversement, au fur et à mesure que les techniques d'impression analogique seront adaptées pour fonctionner au sein de cet écosystème connecté, elles deviendront elles-mêmes quasi numériques. L'impression numérique facilite un degré d'engagement plus étroit des consommateurs au moment où la transformation numérique plus large du monde les pousse à attendre une communication gratifiante de la part des marques à chaque "moment de vérité". "La customisation est indubitablement l'une des plus grandes tendances poussant à l'adoption de l'impression numérique des emballages", dit Donald Allred, VP Packaging chez Memjet. "Lorsque l'emballage est produit au stade ultime de la customisation, le recours à l'impression numérique est non seulement possible, mais il a la préférence des marques désireuses de fusionner avec leurs consommateurs en ajoutant des messages et images personnalisés à leurs packagings. Ceux-ci peuvent prendre la forme d'un soutien d'équipes sportives régionales, de messages saisonniers et/ou de références locales. Cette relation étroite avec le consommateur est à comparer avec le processus plus traditionnel où la marque se contente d'expédier des produits à des centres de distribution. Dans ce type de chaînes d'approvisionnement, les produits sont diffusés sur une large échelle géographique et démographique sans laisser beaucoup de place à une quelconque expérience personnalisée." Un retour effectif sur investissement va toutefois de plus en plus nécessiter des stratégies plus sophistiquées que la classique distribution d'un article "avec son nom dessus". Le jeu a totalement changé et les règles régissant la manière de créer une expérience signifiante à travers un emballage personnalisé sont encore en train d'être écrites. "La personnalisation, c'est bien plus que fabriquer des produits sur mesure ou leur conférer un style", dit Jose Gorbea, directeur Brands & Agencies chez HP GSB EMEA (et auparavant chez Mondelez). "Il s'agit de concevoir et modeler intelligemment l'expérience pour l'ensemble des parties prenantes de notre communauté: aussi bien les fabricants et les designers que les consommateurs. Une évolution notable dans notre secteur est le 'storytelling' personnalisé, la customisation de masse étant considérée comme le nouvel horizon des grandes marques. Avec l'impression numérique, les tirages qui se comptaient jadis en dizaines de milliers d'exemplaires identiques peuvent désormais varier à l'unité. De quoi rendre les étiquettes, étuis, matériels de PLV et mailings plus pertinents que jamais. Les entreprises peuvent cibler leurs messages directement sur des groupes de clients et adhérer à des tendances sociétales (comme on l'a vu dans la récente campagne #chooselove de Smirnoff). La rapidité de l'impression numérique offre aussi la faculté aux marques d'interagir avec les évènements du monde réel. Il est parfaitement possible, par exemple, d'imprimer l'actu du jour sur l'emballage pour souligner la fraîcheur du produit." Au milieu de possibilités aussi illimitées et d'applications réellement impressionnantes, on a aussi le sentiment que les marques ne font que commencer à découvrir ce nouveau paysage. Si l'impression numérique des emballages représente une révolution culturelle autant que technologique, ce à quoi nous assistons actuellement relève davantage d'une contre-culture influente que du courant dominant. Un autre élément à prendre en considération est que les séismes industriels ne surviennent pas du jour au lendemain. Après l'invention de la charrue mécanique, beaucoup de champs ont continué d'être labourés manuellement même dans les pays industrialisés. Nous avons tendance à n'adopter les changements que lorsque nous ne pouvons plus faire autrement - en particulier quand nous soupçonnons que l'investissement prendra un certain temps à se rentabiliser. Lorsque l'on interroge les ténors sur les facteurs déterminant la percée de l'impression numérique, ils finissent toujours par dire que le plus difficile est d'en faire percevoir l'opportunité au marché. "Les marques ont de plus en plus de références produits, pour des tirages toujours plus courts, mais elles sont trop le nez dans le guidon pour voir que la digitalisation peut aller au-delà des seuls projets spéciaux", analyse Klaus Lammersiek, Marketing Manager Labels & Packaging EMEA d'HP Indigo. "Et pendant ce temps-là, les transformateurs, s'ils n'ont pas le numérique, préfèrent continuer de produire de longs tirages sur leurs presses existantes, sans avoir à investir. La solution va être d'éduquer à la fois les transformateurs et les marques sur les potentialités du numérique - ainsi pourrons-nous voir chaque jour toujours plus de produits imprimés en numérique dans les supermarchés et les boutiques en ligne." Montserrat Peidro, ancienne directrice de la division Impression numérique d'Heidelberg, se fait l'écho de cette perspective. "Mon expérience personnelle des dernières années m'a appris que les principaux facteurs sont liés aux possibilités d'intégrer la technologie dans les processus existants (pré- et postpresse), de commercialiser de nouveaux avantages pour les clients et de traiter efficacement de grandes quantités de petits travaux sur la journée, le tout avec le moins possible d'interventions humaines", énumère-t-elle. "Les entreprises n'ont toutefois pas toujours conscience de ces facteurs ou ne les prennent pas nécessairement en compte lorsqu'elles planifient leurs investissements." J'ai évoqué plus haut le rapport entre l'impression numérique et la digitalisation plus générale de la production. Avec la vente en ligne, nous pouvons le voir dans le contexte plus large de la transformation numérique de notre culture et du commerce. Même avant que le coronavirus ne vienne tout bouleverser, l'essor de l'e-commerce semblait inévitablement s'imposer comme le catalyseur ultime de croissance pour les emballages imprimés en numérique. D'un côté, le vendeur en ligne a un contact beaucoup plus personnel avec moi qu'avec le quidam faisant ses courses dans un supermarché traditionnel. La communication s'opère en mode 1: 1. La marque sait qui je suis, où je suis. Sachant ce que j'aime, elle va me fournir directement un produit potentiellement calqué sur mes besoins. En contact direct avec les clients (mais d'une toute autre manière que les géants des FMCG), Packaging Europe s'est livrée à sa propre expérience de personnalisation en 2019. Nous avons diffusé notre magazine dans une chemise en carton ondulé imprimée sur une HP PageWide C500 avec vingt designs localisés différents. La campagne #unboxingEurope a fait un tabac auprès de nos lecteurs - ils ont aimé la manière dont nous avions tiré un parti original des données individuelles des abonnés. Comme nous savons où ils habitent, nous pouvions leur offrir à chacun non seulement une belle surprise, qui ait du sens sur le plan personnel. La même dynamique s'applique aux nouvelles chaînes d'approvisionnement, largement accélérées par le Covid, qui promeuvent une consommation personnalisée et desservie par les modèles émergents: direct-to-consumer, production à la demande ou diffusion par abonnement. Dans cet écosystème, une communication pertinente, reflétant les besoins et l'identité du consommateur, est susceptible de distinguer les marques les plus performantes. L'individualisation au stade ultime de la production va devenir la norme, certainement pour les marchandises de grande valeur. En attendant, les barrières à l'adoption de la technologie continuent de s'éroder face aux avancées successives: qualité améliorée, plus hautes vitesses, coûts réduits, points d'entrée au marché plus accessibles, intégration plus transparente, développement d'outils de conception tels que les moteurs d'itération générés par algorithme, etc.