Où en sont les imprimeries traditionnelles face à l'e-commerce en Belgique? Pour en avoir une idée, nous avons jeté un oeil au Top 200 des entreprises graphiques de 2023. Sur les 138 imprimeries répertoriées, 16% proposent leurs services en ligne via une solution web-to-print. 6% sont des boutiques en ligne grand public et 10% sont des plateformes professionnelles avec accès privé. Premier constat: la plupart des imprimeries physiques se basent encore uniquement sur un chemin de vente classique (devis, formulaire de contact...). Second constat, les imprimeries traditionnelles qui font le choix d'ajouter un flux de commande automatisé optent principalement pour une solution W2P liée à un compte utilisateur pour les clients B2B.
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Où en sont les imprimeries traditionnelles face à l'e-commerce en Belgique? Pour en avoir une idée, nous avons jeté un oeil au Top 200 des entreprises graphiques de 2023. Sur les 138 imprimeries répertoriées, 16% proposent leurs services en ligne via une solution web-to-print. 6% sont des boutiques en ligne grand public et 10% sont des plateformes professionnelles avec accès privé. Premier constat: la plupart des imprimeries physiques se basent encore uniquement sur un chemin de vente classique (devis, formulaire de contact...). Second constat, les imprimeries traditionnelles qui font le choix d'ajouter un flux de commande automatisé optent principalement pour une solution W2P liée à un compte utilisateur pour les clients B2B. Il existe aussi différentes voies pour se lancer dans le web-to-print quand on est une imprimerie physique. Tout dépend du budget et des besoins. Relevons principalement la conception sur mesure d'une propre plateforme e-commerce, la location d'un logiciel web-to-print personnalisable ou encore devenir revendeur d'une imprimerie en ligne. Avec la boutique en ligne Belprinto, lancée en 2020, le groupe Graphius basé à Gand a opté pour la première voie. La plateforme jouit d'un design sophistiqué qui rivalise avec celle des pure players, avec une stratégie d'inbound marketing. " Pour créer notre application web Belprinto, nous sommes partis de zéro avec deux partenaires spécialisés dans la conception de logiciel e-commerce. Cela coûte cher et on dépasse souvent le budget initial, mais le grand avantage est que nous avons la main sur notre webshop. Nous sommes totalement propriétaires du code et nous pouvons faire évoluer le webshop comme nous le souhaitons ", confie le PDG de Graphius, Denis Geers. Au départ, le webshop était uniquement réservé aux clients du groupe d'imprimeries afin d'y apporter les améliorations nécessaires. " Après deux ans et demi, le webshop fonctionne comme nous l'espérions et nous travaillons sur une version pour la France (PPO Graphic) et le Royaume-Uni (Park Communications)." En plus de Belprinto, à présent ouvert au grand public, Graphius offre aussi aux clients professionnels la possibilité de commander leurs imprimés selon leur propre identité d'entreprise via un module web-to-print avec accès privé. Les brochures et les catalogues sont les produits les plus populaires sur Belprinto. " Nous ne voulions pas devenir le prochain Vistaprint ou drukwerkdeal. Sur Belprinto, nous offrons un vaste catalogue de produits avec une large gamme de papier et de finition. Il est possible de commander un livre cartonné relié cousu avec jaquette, une tranche colorée. Cela va très loin et tout est produit en interne. Nous pouvons ainsi garantir la qualité et le service qui font la réputation de Graphius. " Pour l'heure, Belprinto représente deux à trois pour cent du chiffre d'affaires du groupe Graphius, qui compte environ 380 employés. L'objectif est d'arriver à long terme à 30% du chiffre d'affaires. À Tournai, l'imprimerie numérique familiale Labelpages, qui emploie neuf personnes, dispose également d'un webshop. Celui-ci a démarré en période Covid. Labelpages est aussi une agence de publicité et de communication. Elle est par exemple à l'origine du concept visuel de la Cuvée des Trolls de la Brasserie Dubuisson. Aujourd'hui, la boutique en ligne de Labelpages se décline en deux versions: une boutique en ligne tout public et un printshop privé pour les clients professionnels. L'imprimerie a aussi bien des particuliers que des entreprises comme clients." Les clients B2B disposent d'un espace privé personnalisé où ils peuvent centraliser leurs fichiers et commander les impressions en ligne ", explique Nicolas Verplancken, le gérant de Labelpages. " Nous mettons à disposition de nos clients des templates qui correspondent à leur charte graphique et qu'ils peuvent personnaliser eux-mêmes au niveau du texte et de l'image. C'est assez complexe à mettre en place ", explique à son tour le fils Louis Verplancken, en charge du développement du webshop. " Notre spécialité est de répondre à des demandes hors standard. Nos clients nous connaissent pour les solutions sur mesure que nous leur offrons. Les livres que nous faisons, par exemple, n'ont pas des formats standards et on utilise toute sorte de papier ", explique Nicolas Verplancken. Le défi pour cette imprimerie numérique était donc de transposer cette spécificité en web-to-print. " Nous ne voulions pas perdre notre âme avec le webshop. De plus, offrir des produits standardisés revient à rivaliser avec les plateformes qui ne font que de l'impression en ligne. Ils ont une force de frappe énorme, nous ne pouvons pas rivaliser ", explique Nicolas Verplancken. Pour Labelpages, concevoir une plateforme W2P sur mesure ou opter pour une solution logicielle W2P d'un fournisseur du secteur graphique n'était pas envisageable. " L'investissement était pour nous trop risqué ", dit Nicolas Verplancken. " Nous avons opté pour la solution web-to-print Darius, qui est à la fois basée sur Wordpress et l'e-commerce. Nous étions déjà familiarisés avec le fonctionnement de base puisque nous créons aussi des sites web pour nos clients. Cette solution relativement simple à utiliser nous a permis de commencer sans prendre le risque de perdre trop d'argent au cas où la plateforme e-commerce ne fonctionnerait pas. Aujourd'hui, on se rend compte qu'au contraire ça marche. " À Melsbroek, une imprimerie d'un autre genre, spécialisée dans l'impression grand format, le textile et la communication visuelle, a également opté pour une solution similaire pour son webshop. Il s'agit d'Expo Etcetera, qui compte cinq collaborateurs. L'entreprise travaille principalement pour le retail, la décoration d'intérieur, les showrooms, les expositions et les événements. " La standardisation des produits pour la vente en ligne est une des principales difficultés pour une imprimerie grand format. Le sur mesure est encore plus poussé que dans le petit format et on produit davantage à l'unité ", dit Guy Roelants. La plateforme e-commerce open source Magento, qui offre une extension pour le web-to-print, a été la solution toute trouvée pour la boutique en ligne d'Expo Etcetera, qui existe depuis 2016. " Nous avons créé la base et nous avons fait appel à des développeurs freelances ", dit Guy Roelants. " Avant de nous lancer, nous avons fait une petite étude de marché. Le budget pour concevoir une application sur mesure était d'environ 100.000 euros. C'est impayable pour une petite entreprise et ce n'est pas forcément nécessaire d'avoir une plateforme intégralement sur mesure ". En ce qui concerne la revente d'imprimés en ligne, l'imprimerie Snel à Liège en a fait l'expérience. Plutôt mauvaise. L'imprimerie offset et numérique s'est lancée dans le web-to-print en 2018 avec la plateforme eSnel et a clôturé l'aventure en 2020. " Nous avions conclu un accord avec un imprimeur en ligne expérimenté, mais la collaboration n'a pas été fructueuse. Maintenant, nous sommes en train de mettre au point un service web-to-print privé pour les comptes professionnels ", confie l'administrateur délégué Roland Soubras. Sous la bannière de Snel, le webshop servait à vendre des imprimés standardisés tels que des affiches, des dépliants, des cartes de visite... L'objectif était in fine de proposer aux clients du web-to-print des produits adaptés aux outils de production de l'imprimerie Snel, notamment les produits reliés. " Mais le projet n'a jamais abouti. Le développement informatique était fait à l'étranger, nous n'avions aucune prise ", dit Roland Soubras. " À présent, nous préférons nous concentrer sur le développement en interne d'un webshop B2B pour nos clients. Il y a déjà assez d'offres sur le marché pour la demande de produits imprimés standardisés. Notre stratégie est d'accompagner les clients sur des produits non standard avec de la valeur ajoutée et un service personnalisé ". À l'heure actuelle, toutes les imprimeries interrogées le reconnaissent, le web-to-print à lui seul n'est pas rentable. Mais l'intérêt premier d'un service W2P pour une imprimerie traditionnelle se trouve ailleurs. Il s'agit plutôt de tirer avantage de l'automatisation des commandes de produits imprimés standardisés. Cela évite de parcourir le chemin chronophage de la demande de devis, de la commande, du contrôle des épreuves... et de libérer du temps pour des tâches à plus forte valeur ajoutée. " L'idée de départ était de soulager les gestionnaires de commande de tout ce qui peut être commandé en ligne pour qu'ils puissent consacrer plus de temps aux demandes particulières. Comme nous produisons des produits complexes, nos clients ont besoin d'un assistant tout au long du parcours client, de la production à la livraison. Avec Belprinto, aussi bien les clients que notre production gagnent du temps ", dit Denis Geers. Autre intérêt du web-to-print: répondre aux attentes des clients pour les conserver. Ils sont nombreux à exprimer le besoin d'avoir un site web pour faciliter le passage de la commande. " Certains clients veulent commander en ligne, d'autres pas. Il faut donc les deux systèmes, mais cela demande plus d'attention. Il faut pouvoir synchroniser au bon moment les deux flux de commandes dans le système de production ", dit Guy Roelants d'Expo Etcetera. Du côté de Labelpages, la possibilité de commander des imprimés en ligne tire d'ailleurs son origine de la demande d'un client du secteur bancaire. " Il souhaitait ne pas dépendre de nous pour faire des petites mises à jour dans les documents et avoir un oeil sur les dernières versions. Auparavant, il y avait un échange constant d'e-mails et des PDF à renvoyer pour de petites corrections ", raconte Nicolas Verplancken. " Avec le webshop, le but n'est pas de faire du chiffre d'affaires, mais d'avoir un flux de commandes automatisé pour nous dégager plus de temps pour les travaux complexes. Nous avons voulu recentrer notre personnel sur son coeur de métier et ce n'est pas faire des échanges d'e-mails ou des mises à jour d'une carte de visite". Même son de cloche pour Expo Etcetera. " Sur le webshop, le client peut commander des produits de base courants en ligne ou nous contacter pour une commande particulière. Dans le premier cas, il n'est plus nécessaire de faire des offres et des devis ", dit Guy Roelants. Pour lui, le webshop permet aussi d'être transparent sur les prix, les délais de livraison et l'offre de produits. Autant d'information qu'il n'est plus nécessaire de répéter. " Beaucoup de nos clients vont d'abord sur le webshop et puis ils nous contactent, mais ils sont déjà bien informés ", dit Guy Roelants. Pour une imprimerie traditionnelle, un autre atout du web-to-print est aussi d'attirer de nouveaux clients via internet en espérant vendre des services plus complexes en direct et ainsi générer des ventes additionnelles. " Chaque jour, Belprinto attire de nouveaux clients qui n'ont rien à voir avec Graphius. Ce qui crée du cross selling. De nouveaux clients viennent sur Belprinto pour une carte de visite. Puis, on les retrouve chez Graphius quand ils ont besoin de quelque chose de plus complexe. Et vice-versa ", affirme Denis Geers. " Nous enregistrons quotidiennement 120 nouveaux clients, dont 6,4% passent une commande. En e-commerce, c'est pas mal. " Donner la liberté au client de commander lui-même ses impressions pour gagner du temps peut aussi parfois avoir un effet pervers quand les fichiers envoyés ne sont pas corrects. Sur la boutique en ligne de Labelpages, par exemple, le client peut commander des cartes de visite ou des affiches en important son propre fichier graphique. " Les clients particuliers veulent pouvoir faire eux-mêmes le design graphique, mais parfois le fichier n'est pas exploitable. Nous devons alors contacter le client pour lui expliquer la situation. Ils ne se rendent pas toujours compte que la conception graphique a aussi un prix. L'enjeu est alors de pouvoir monétiser le service de conception graphique qu'on propose ", dit Nicolas Verplancken. " C'est pour cette raison que pour l'instant nous nous focalisons sur la finalisation de la solution B2B pour les clients professionnels. Le service web-to-print est plus performant pour le secteur B2B qu'avec les particuliers", dit Louis Verplancken. " Le fichier du client peut parfois être trop volumineux pour l'impression grand format ou pas adapté au niveau du format ou de la résolution. Il y a toujours un suivi client à assurer. C'est un des éléments qui entravent l'automatisation de la commande en ligne ", dit de son côté Guy Roelants. Denis Geers le constate aussi avec Belprinto, les fichiers envoyés par les clients ont parfois des erreurs: " Cela génère pas mal d'interaction avec les clients ". Pour offrir un suivi humain et de proximité, belprinto dispose d'un chatbot et des conseillers joignables par téléphone. Par rapport aux imprimeries en ligne, les imprimeries physiques se distinguent par leur service de proximité, l'orientation client, le sur mesure et la qualité. " On ne peut pas concurrencer les imprimeurs en ligne, il faut donc trouver d'autres manières de faire ", dit Guy Roelants. " Chez nous, le client est central. Pour transposer cela au commerce en ligne, il faut user du chatbot et des conseillers en ligne. De cette manière, on peut essayer de rivaliser avec les plus grands. Par ailleurs, le fait de produire localement est aussi un atout pour les clients belges ". " Avec Belprinto, on appuie sur le fait que les clients retrouveront le même service et la même qualité que chez Graphius. Nos clients savent à quoi s'attendre en termes de qualité. La production se fait en interne et le contrôle sur la qualité est maximal. Si un client nous appelle le soir pour un travail urgent, on peut y répondre. On offre un service de proximité flexible et rapide que les imprimeurs en ligne ne peuvent pas faire ", dit Denis Geers. La proximité est un atout et le groupe d'impression en ligne néerlandais Simian l'a bien compris. En 2021, Simian a ouvert une boutique physique à Bruges afin de conquérir le marché belge et doubler les ventes de Drukland.be d'ici 2024. " Les clients peuvent venir pour obtenir des informations sur les imprimés, voir des échantillons, se rendre compte de la couleur réelle d'un produit ou bien pour passer commande. Certains clients belges apprécient et ont une meilleure image sur Drukland.be ", explique Wouter Haan, fondateur de Simian, la maison-mère de Drukland, Reclameland et Flyerzone. " Je constate par ailleurs que de plus en plus d'articles de signalétiques sont commandés. Les clients sont aussi toujours plus nombreux à opter pour une livraison plus rapide de leur commande, malgré que cela coûte plus cher ". Malgré les contraintes et le manque de rendement au départ, à la question de savoir si avoir un webshop en vaut la peine en tant qu'imprimerie, les avis oscillent entre le préférable et l'indispensable. Nicolas Verplancken: "Ce n'est pas indispensable aujourd'hui, mais c'est un atout pour le futur ". " Cela nous permet de ne pas rater le train et d'être prêts quand le web-to-print deviendra indispensable ", ajoute son fils Louis. Guy Roelants: " Aujourd'hui, tout le monde achète en ligne et surtout la GenZ. Il est nécessaire d'avoir un webshop et je dirais même plus que c'est important d'avoir une solution mobile. Le smartphone est le premier contact avec le client". " C'est un service supplémentaire offert à nos clients existants pour faciliter la commande et qui permet d'attirer aussi de nouveaux clients ", dit Denis Geers. La vente de produits imprimés en ligne à destination de professionnels ou de particuliers peut être un relai de croissance pour les imprimeurs physiques. Ils ont ainsi la possibilité d'élargir leur zone commerciale et d'adresser de nouveaux marchés. À destination du B2B, c'est une démarche qui nécessite une stratégie commerciale tournée vers le service avec une force de vente dédiée au commerce en ligne. Pour un site grand public, il faudra penser à une réelle stratégie marketing, dont le budget peut être conséquent. Cette dernière option semble moins séduire les imprimeurs traditionnels en raison de la force concurrentielle des imprimeurs en ligne. Leurs tarifs ne peuvent concurrencer les prix ultra-compétitifs des imprimeries en ligne, mais les imprimeries physique misent sur d'autres atouts pour se démarquer: qualité irréprochable, conseil, réactivité tout en gardant l'accueil physique.