Ce scénario était déjà esquissé en 2007 dans Nouvelles Graphiques par Andrew Tribute, fin connaisseur du secteur. Les grands fabricants, il l'avait compris, commençaient sérieusement à se demander si les salons professionnels avaient encore une place dans leurs plans d'avenir. Et si oui, laquelle: "Ils ont de toute façon probablement déjà des contacts avec la plupart de leurs futurs prospects."
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Ce scénario était déjà esquissé en 2007 dans Nouvelles Graphiques par Andrew Tribute, fin connaisseur du secteur. Les grands fabricants, il l'avait compris, commençaient sérieusement à se demander si les salons professionnels avaient encore une place dans leurs plans d'avenir. Et si oui, laquelle: "Ils ont de toute façon probablement déjà des contacts avec la plupart de leurs futurs prospects." Ce qui ne voulait pas dire que la Drupa de l'année suivante ne serait pas un succès. Tribute s'empressait d'ailleurs d'ajouter dans son analyse de 2007: "Il est d'ores et déjà acquis que la Drupa 2008 sera la plus grandiose de tous les temps. Les plus menacés dans la décennie à venir seront surtout les petits salons, et peut-être aussi quelques plus gros..." Et les faits lui ont donné raison: l'édition 2008 de la Drupa reste inégalée tant en termes de superficie d'exposition (plus de 175 000 m2) que du point de vue du nombre d'exposants (1 968 issus de 53 pays). La disparition de l'Ipex, après une édition ratée en 2014 et une plus locale en 2017, l'a bien montré: la menace pour la survie des salons, même les plus réputés, est réelle. La virtualisation du salon professionnel se fait encore attendre, mais elle a pris un énorme essor début 2020 avec l'effet catalyseur de la pandémie. Les fabricants se voient en effet contraints de remplacer leurs évènements "pré-drupa" par des alternatives en ligne. Les réunions Zoom et GoTo parfois un peu chaotiques font tout doucement place à des présentations de plus en plus professionnelles. Après le premier report d'un an de la Drupa, Xeikon, par exemple, a proposé début juin un talkshow diffusé en direct à partir d'un décor de studio de télévision. Fin juin, c'est-à-dire la période initialement prévue pour le salon, Koenig & Bauer a présenté une série de huit livestreams thématiques quotidiens à partir de son centre de démonstration de Radebeul. Au même moment, ce que l'organisateur de la drupa pensait impossible s'est produit: les plus grands noms ont annulé leur participation pour 2021. La "Messe" a eu beau mettre en avant ses protocoles de sécurité, Bobst, par exemple, a clairement démontré fin mai son intention de poursuivre d'autres plans. "Le nombre d'évènements et de salons pour le secteur a sensiblement augmenté ces dix dernières années. En même temps, toutes sortes de nouveaux moyens de communication permettent aujourd'hui de partager l'information", disait Bobst dans un communiqué explicatif. L'entreprise annonçait aussi vouloir ainsi réduire sensiblement son empreinte environnementale. Peu de temps après, Heidelberg donnait aussi son avis: "les salons internationaux traditionnels, avec leurs multiples stands et leurs salles bondées, sont en train de perdre leur statut de lieux de rencontre incontournables pour les fabricants et les clients." Drupa a encore opéré ensuite une nouvelle tentative pour chauffer l'ambiance à l'approche de l'édition reportée de 2021, avec ses sessions "Preview" sur Zoom. Mais il lui a malgré tout fallu jeter l'éponge début décembre: la prochaine drupa n'aura lieu qu'en 2024. Une "Virtual Drupa" de quatre jours reste promise pour avril, mais jusqu'à preuve du contraire, elle ne sera guère plus qu'une plate-forme de centralisation de vidéos d'entreprise. L'entrepreneur graphique en quête d'expériences salons se trouve-t-il livré à une masse indéchiffrable de livestreams chronophages, de sessions en ligne et de rassemblements virtuels? Organisés par une multitude de parties prenantes, bourrés d'infos promotionnelles et quasi dénués de possibilités d'interaction? Il est heureusement possible de s'y prendre autrement. La preuve par le VIGC, par exemple. Contraint et forcé de se rabattre sur une édition électronique, l'Institut flamand a fait de "Het Congres" un évènement réussi en le plaçant sous le thème de l'Industrie 4.0 et en l'associant à un programme d'exposés aussi passionnant que varié. Il étudie en outre de nouvelles possibilités: ainsi, le BOPE (Benelux Online Print Event), consacré à l'impression en ligne, fait lui aussi peau neuve, avec début février, trois jours d'émissions à visionner à la demande. Misons dès lors sur le scénario le plus optimiste: une forte amélioration de l'offre en ligne d'évènements professionnels, laissant aussi suffisamment d'espace pour permettre à de petits et nouveaux acteurs de se faire connaître. Ainsi, une fois que la menace du coronavirus se sera estompée, nous pourrons assister à une évolution vers un espace salon "hybride" optimal. Et peut-être qu'en 2024, nous pourrons recommencer à songer à une visite à la Drupa "comme avant".